Genre : Thriller, policier, drame (interdit aux - 12 ans)
Année : 1981
Durée : 1h47
Synopsis :
Un soir, dans un parc, Jack Terry, ingénieur du son, enregistre des ambiances pour les besoins d’un film. Il perçoit soudain le bruit d’une voiture arrivant à vive allure. Un pneu éclate. Le véhicule fou défonce le parapet et chute dans la rivière. Jack plonge et arrache à la mort une jeune femme, Sally. Mais le conducteur est déjà mort.
La critique :
Est-il encore nécessaire de présenter Brian De Palma sur ce blog et qui a pu faire l'honneur de plusieurs chroniques ? Aujourd'hui, une chronique de plus se rajoutera sur Cinéma Choc afin de compléter lentement mais sûrement son grand tableau de chasse qui démarra véritablement en 1969 avec le méconnu The Wedding Party. De fait, sans faire une biographie détaillée car là n'est pas le but, sa carrière sera pour le moins mouvementée avec une consécration définitive atteinte avec Phantom of The Paradise et une série d'échecs successifs dans les années 2000. Aux dernières nouvelles, il a accepté de mettre en scène, en 2015, Lights Out, un thriller d'action tourné et produit en Chine.
Que soit, nous allons parler du cas de Blow Out, une oeuvre chère aux yeux du réalisateur et qui fut très inspirée de deux films, également très chers aux yeux du réalisateur, qui sont donc Blow-Up et Conversation Secrète.
Prévu pour être un film assez simple, le projet est fortement modifié par le choix de l'acteur principal, John Travolta. Ainsi, le film verra son budget passer de 5 à 18 millions de dollars tout en comprenant le contexte politique de l'époque, faisant référence à l'Accident de Chappaquiddick et à l'assassinat de Kennedy. Malheureusement, au moment de sa sortie, le film est un lourd échec commercial qui marqua profondément le cinéaste. Sa fin tragique, la vision sombre présentée par ce film désappointent le public et une partie de la critique qui s'attendaient à une histoire d'amour et à une fin heureuse.
Comme quoi, ça ne date pas d'aujourd'hui l'amour qu'a le grand public pour les films tout mignons et les happy-end niais. Cependant, comme beaucoup d'oeuvres incomprises en leur temps, Blow Out atteindra peu à peu le statut de film culte. Pour Tarantino, il s'agit du meilleur de De Palma et c'est grâce à cela qu'il eut l'idée d'engager Travolta pour Pulp Fiction. Une fin heureuse pour une oeuvre à la fin malheureuse en quelque sorte. Et si nous passions à la critique...
ATTENTION SPOILERS : Jack, un preneur de son employé par une maison de production spécialisée dans les films d'horreur, est tellement passionné par l'univers des bruits qu'il passe son temps libre à capter le brouhaha du monde. Un jour où il enregistre des cris d'animaux dans un parc, il se porte au secours des occupants d'une voiture qui vient de plonger d'un pont dans le fleuve en contrebas. Il ne peut sauver qu'une jeune femme. Le conducteur, un homme politique en vue, est mort. Peu désireux de créer un scandale, Jack accepte de garder le silence sur la présence de la passagère.
En réécoutant son enregistrement, il remarque deux bruits curieux : le premier ressemble étrangement à un coup de feu et le second à l'éclatement d'un pneu.
Voilà qui a de quoi susciter la curiosité pour tout amateur ou passionné de thriller et/ou de policier. Honni et répudié en son temps, il ne fait aucun doute que Blow Out fut un exemple de plus de film incompris car il portait de fausses espérances naïves aux yeux d'un public largué dès le départ. Pourtant, résumer Blow Out au simple thriller policier serait faire preuve d'une grande erreur car il y a nombre de thématiques auxquelles De Palma est très attachée. Si je vous dis Redacted, soit le titre d'un long-métrage du réalisateur, vous allez, sans doute, directement penser à l'un des fléaux de notre époque.
Je veux bien sûr faire mention de la manipulation des images, comme nous pouvons l'observer dans la vie de tous les jours avec certains médias douteux travaillant et reconstituant certains faits, soit dans un but d'attendrir un public conquis à la cause d'un sujet, soit en faisant le buzz, ou soit pour transformer un fait en une réalité alternative. La manipulation des images ne tient pas en un seul point et nourrit divers projets, tous plus louches et crapuleux les uns que les autres. A une époque où la publicité et les médias n'ont jamais été aussi présent, il ne fait aucun doute que Blow Out peut s'inscrire entièrement dans la caste des films intemporels.
Dès le début, on peut voir cette nette allusion avec un écran scindé en deux avec d'un côté, la moitié d'un écran de TV avec le JT en cours, et de l'autre Jack Terry, le preneur de son, manipulant et modifiant des images. Il n'en fallait pas plus pour exprimer de manière subtile ce que le réalisateur dénonce. Deux entités séparées se complétant parfaitement. Néanmoins, nul besoin de voir des complots partout après avoir vu ce film et avoir lu cette modeste chronique.
Le pitch est simple : Un preneur de son travaillant dans une boîte de production miteuse enregistre par accident, un... accident de voiture. N'écoutant que son courage, il saute dans la rivière où se trouve la voiture pour sauver une gente dame et découvrir que le conducteur est mort. A l'hôpital, il apprend que l'homme décédé est le sénateur très en vogue pour se lancer dans la présidentielle. Sauf que, en analysant la bande, l'accident n'est pas qu'un simple accident. Comprenez bien que De Palma a de grandes ambitions car, comme je l'ai dit, il intègre un second niveau de lecture via la manipulation des images mais il met aussi en avant la médiocritééthique de la presse à scandale se nourrissant du malheur et piégeant des individus connus.
Mettre en scène ce type de presse douteuse est aussi une façon pour De Palma d'exposer les dérives journalistiques. D'abord métier noble dont l'objectif était d'apporter la vérité et rien que la vérité, il a sombré dans le mercantilisme, le mensonge, la corruption et l'envie du buzz. Quoi qu'on en dise, on ne ressort pas fier des médias après avoir vu Blow Out. D'abord simple enquête par pure curiosité, le récit va dériver vers un chemin que l'on n'attendait pas avec son lot de conspirations politiques à grande échelle. Le scénario gagne petit à petit en complexité en multipliant les fausses pistes en tout genre et en intégrant une relation tendancieuse entre Jack et Sally, la rescapée de l'accident.
Le scénario est rondement bien mené et se suit sans déplaisir avec ce preneur de son dans la tourmente tentant d'élucider et de mettre en lumière ce qui s'est réellement passé, quitte à mettre sa propre vie en danger. Au final, on en revient à cette définition originelle du métier de journaliste qui sera de plus en plus intégrée à la peau de Jack. On sera aussi amusé par le fait de voir Jack faire l'objet de quolibets en voulant exposer ce qui s'est réellement passé. A travers cela, le cinéaste met en évidence ces personnages voulant rétablir la vérité, tournés en ridicule par une population soumise à l'emprise des médias leur dictant comment penser.
S'il y a aussi quelque chose qui frappe dans le bon sens du terme, c'est ce cachet typiquement thriller policier 80's s'inspirant des vieux polar d'autrefois. Blow Out n'est pas sans rappeler une certaine atmosphère "Hitchcockienne", à la fois sombre, oppressante et où l'imprévu peut arriver à tout moment. Il y a un véritable travail d'ambiance effectué grâce à la présence de tout ce qui tourne autour du métier de producteur de films (salles insonorisées, chambres noires, écrans et j'en passe). On apprécie beaucoup l'atmosphère qui y règne, à la fois glaciale et séduisante.
Tout ceci est au service d'une mise en scène puissante où il faut longtemps chercher les temps morts vu que le récit est correctement agencé. Les 107 minutes passent de fait comme une lettre à la poste pour se finir en apothéose via une fin à la fois belle et à même de foutre le bourdon au spectateur.
Au niveau de l'esthétique, je l'ai dit plus haut, le tout est de très bonne facture. Les images sont belles, beauté renforcée par de somptueux jeux de lumière. De Palma aime l'audace et intègre des plongées et contre-plongées dans certains moments, ce qui est largement payant car le tout est audacieux et bien pensé. La bande sonore, signée Pino Donaggio qui avait déjà collaboré avec le réalisateur, notamment, dans Carrie au Bal du Diable, fait mouche. Le thème Sally & Jack sera d'ailleurs repris brièvement par Tarantino dans Boulevard de la Mort. Enfin, on appréciera l'excellente interprétation de John Travolta dans le rôle de ce preneur de son dans la tourmente et de Nancy Allen incarnant Sally.
Clairement, l'acteur principal trouve ici l'un de ses plus grands rôles avec Pulp Fictionà côté. Les autres personnages ne présentent malheureusement aucun intérêt notoire. Dommage !
Mais, en conclusion, Blow Out est un thriller de très grande qualité qui tiendra en haleine tout spectateur intéressé et curieux qui s'y lancera. Servi par une ambiance rendant hommage au polar et à un scénario prenant, le long-métrage sait aussi jouer la carte de l'intelligence en mettant en avant le pouvoir de l'image sur la foule. De Palma nous interroge sur la notion d'objectivité journalistique qui n'a jamais été aussi instable qu'aujourd'hui, via ces remarques acides du style "Merdias" ou autres "journalopes" que nous pouvons lire sur les réseaux sociaux.
Quoi qu'il en soit, plus qu'un thriller, Blow Out nous fait réfléchir sur la manipulation médiatique omniprésente qui règne dans une société qui n'a pas l'air de s'en rendre totalement compte et c'est suffisamment rare dans un film policier pour le souligner. Personnellement, mon tout premier De Palma et l'un des meilleurs que j'ai pu voir de lui actuellement. Sur ces bonnes paroles, je vous laisse aller lire votre journal ou visionner le JT.
Note :16,5/20