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Mais ne nous délivrez pas du mal (Si mignonnes et si gentilles...)

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Genre : Drame, horreur (interdit aux - 16 ans)

Année : 1971

Durée : 1h40

 

Synopsis :

Anne et Lore sont deux jeunes adolescentes, élevées dans un pensionnat religieux. Filles de nobles, elles s'adonnent à diverses lectures perverses, contraires à la bienséance. En vouant un véritable culte à Satan, elles répandent le mal autour d'elles.

 

La critique :

La France. La douce France. Une patrie bien mal aimée des passionnés de thrillers, de films d'horreur, d'épouvante et, bien sûr, de films extrêmes. Il est un fait incontestable que le cinéma français fait souvent tiquer par son manque de diversité dans les genres cinématographiques. Certes, s'il n'a plus rien à prouver sur sa qualitéà travers les âges, il y a toujours cette petite chose qui gêne. L'horreur ou le style borderline qui ne plaît pas. Trop froid, trop violent, trop austère, ce cinéma ne plaît que peu aux yeux des producteurs et des cinéastes, et encore moins, en ce qui concerne les grosses célébrités, adeptes du recyclage à outrance. Je n'ai jamais caché ce ressenti de voir ce style dénaturé, férocement malmené par des incapables sans originalité, se basant toujours sur les mêmes codes, le même script laconique. En dépit d'une dimension passionnante, l'horreur et l'épouvante font toujours germer en mon être une appréhension non négligeable. On ne peut pourtant réfuter les nombreux chefs d'oeuvre s'étant imposés au fil des décennies mais c'est de la roupie de sansonnet à côté des immondices sorties.
Malgré tout, la France, en dépit de son hostilité, verra plusieurs pellicules se démarquer. Certaines atteignant le statut de chef d'oeuvre culte tel Les Yeux Sans Visage que beaucoup cataloguent comme le meilleur film d'horreur français de l'histoire. Chose que je partage personnellement. On citera aussi dans les grandes réussites, les cas de Martyrs ou de Horsehead. Des réalisations plus timorées comme Grave. Des films passables comme Frontière(s) et A l'Intérieur et des daubes mémorables comme Vertige et surtout le minable, pathétique et stupide La Horde.

Nous avons suffisamment démontré par le passé que le cinéma subversif fait fuir les critiques et le financement mais, heureusement, certains réalisateurs, à défaut de s'enfuir aux USA pour réaliser leurs projets, tiendront bon. Ca sera précisément le cas de Joël Seria. Un relatif inconnu si l'on ne s'intéresse pas de plus près au (vieux) cinéma français. Un bonhomme qui eut la bonne idée de péter un plomb pour la réalisation de son premier long-métrage en sortant Mais ne nous délivrez pas du mal. Un film sulfureux pour un contenu tout autant sulfureux à une époque où la religion chrétienne était encore ancrée dans les moeurs. Son scénario s'inspire du fameux fait-divers réel survenu en 1954 et connu sous le nom de L'Affaire Parker-Hulme. Le 22 juin 1954, Honorah Rieper est assassinée par sa propre fille, alors adolescente, et son amie la plus proche Juliet Hulme.
Il conviendra de dire que cette histoire inspira également le célèbre Heavenly Creatures de Peter Jackson. Bon, je vous assure que cette douloureuse histoire n'aura pas de dimension aussi extrême que le film d'aujourd'hui qui, vous vous en douterez, fera un gros scandale au moment de sa sortie. Mais ne nous délivrez pas du mal tombera sous le couperet d'une interdiction totale à cause des "ferments de destruction morale et mentale qui y sont contenus". Une interdiction qui sera partiellement levée grâce à la présentation du film l'année suivante à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes. On suppose que cette censure calmera sérieusement Joël Seria qui produira des films sages par la suite. En 2018, peut-on en attendre une onde de choc similaire à celle observée ?

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ATTENTION SPOILERS : Jusqu'où la perversité rongeant Anne et Lore les mènera-t-elle ? Élèves d'un pensionnat religieux, les deux adolescentes filles de noble famille cocufient le père Jésus en faveur de Satan, à qui elles vouent un véritable culte. Une adoration démesurée qui les pousse à répandre le mal autour d'elles par le biais de toutes sortes d'actes sévèrement condamnés par l'Église.

Du coup, je pense que vous ne serez pas étonné du scandale et de l'interdiction totale de ce film à sa sortie. Il faut dire que Seria n'y va pas de main morte en traitant, déjà, du satanisme. Un domaine qui dérange toujours l'inconscient collectif. Le genre de sujet qui parvient à créer une forme de malaise, que l'on soit croyant ou non. Secundo, quand tu remplaces les adultes par des fillettes, làça peut difficilement passer. J'en reviens de nouveau à l'inconscient collectif dans sa représentation des enfants vus comme purs et dénués de toute animosité. Bien que les exemples soient très rares, certains petits psychopathes n'ont pas rechignéà faire parler d'eux pour des affaires de meurtre.
Souvenons-nous de Jon Venables et Robert Thompson, tous deux âgés de 10 ans, qui massacrèrent un enfant de 3 ans à coup de briques et de barres de fer. Sans aller jusque dans ses travers pour le moins sordides, le cinéaste place directement en scène ces deux filles ayant voué leur âme à la gloire de Satan. Quand ont-elles décidéà vouer ce culte au démon Lucifer ? Rien ne nous le dira. Mais qui dit satanisme dit irrémédiablement méchanceté, donc mauvaises actions dont elles jouissent, pas seulement par pur plaisir personnel, mais pour honorer la gloire de leur Dieu. En faisant montre d'un tel récit, c'est l'occasion pour Seria de vilipender une Eglise ayant perdu le contrôle de ses générations futures n'étant plus imbriquées dans le moule collectif. Cette Eglise n'est pas seulement dépassée mais nécrosée par des éléments perturbateurs. Garantes de la morale et de la parole divine, deux soeurs aux penchants lesbiens seront prises en flagrant délit de concubinage par Anne et Lore. 

De plus, Anne, en se confessant à l'aumônier sur cette vision, verra en lui un homme bien plus émoustillé que choqué, versant trop dans les questions personnelles liées aux hypothétiques plaisirs qu'aurait éprouvé Anne. Ce genre de scènes interpelle par une relative absence d'intégrité chrétienne. Un simulacre de bonne conduite de vils individus se cachant sous un masque de croyance tout en ne sachant pas réfréner leurs désirs bestiaux. Bien sûr, et afin d'éviter toute diatribe de potentiels enragés pro-LGBT, autant préciser que les relations homosexuelles sont péchés dans la Foi. Le non-respect des règles déstabilise et décrédibilise ses représentants. Mais, bien au-delà de ça, c'est aussi l'absence de communication avec leurs parents qui fait qu'elles n'ont peut-être pas su être pleinement épanouies. Peut-être bien que plus d'amour et d'attention aurait pu empêcher l'irrémédiable.
Toujours est il que Anne et Lore ne pourront compter que l'une sur l'autre et chercheront à s'évader de leur monde pour se créer le leur. Un monde infernal, profondément misanthrope. A force de trop enfermer les jeunes générations dans un carcan oppressant de moralité, l'effet inverse se produit et cela passe par se délivrer des chaînes qui les retiennent. Mais ne nous délivrez pas du mal a un peu cette connotation anticléricale, dans le bon sens du terme. La critique est juste et témoigne de toute l'hypocrisie de personnalités qui enseignent aux enfants ce qu'elles ne pratiquent pas. Pas de quolibets racoleurs, ni d'insultes gratuites sur le catholicisme. Une chose qui aurait pu faire sombrer la pellicule dans une caricature outrancière.

 

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Dans une autre thématique, Seria va s'imprégner d'une dimension féministe en tançant les bas instincts de l'homme sur base de la question suivante : Un pédophile sommeille-t-il en chaque homme ? Je sens déjà vos sourcils se resserrer. Dans sa prépondérante violence morale, Mais ne nous délivrez pas du mal s'imprègne de la dimension de la faiblesse mentale masculine devant la chair, quand bien même elle ne soit pas en âge. Ceci donnera lieu à des séquences outrageantes, inouïes de par leur traitement frontal. Aguichant des hommes en apparence intègres, ceux-ci finissent par déchanter et montrer le visage du démon. Les deux scènes de viols seraient proprement impossibles à tourner à notre époque tant elles vont loin. Arrachant les sous-vêtements, léchant abondamment les seins, voire allant jusqu'au cunnilingus, le spectateur est comme abasourdi devant cette prise de risque extrême.
Si l'on se doute bien que des doublures ont remplacé les fillettes, le traitement déstabilise comme attendu. Le problème étant que non, le pédophile ne sommeille pas en chaque homme. C'est un peu ce constat qui transforme la question sociologique en piège oùSeria chute indirectement, se prenant à son propre jeu. Il aurait été plus sage et intelligent de retranscrire une scène où un homme ne tombe pas dans le panneau et garde son intégrité. Ceci aurait contrebalancé une thématique trop axée sur la pédophilie inhérente à l'âme masculine.

Mais que l'on se rassure, ce cocasse défaut ne décrédibilise pas suffisamment le métrage pour que le scepticisme prime sur un choc parfaitement attendu. Gravez-le vous au fer rouge que Mais ne nous délivrez pas du mal est un film ardu, choquant à visionner. Amis des animaux ? Eviter de rentrer votre poing dans l'écran quand vous assisterez au chaton maltraité ou aux oiseaux tués. J'ai eu du mal, je vous le rassure. La méchanceté semble sans limites devant tous les actes abjects dont elles s'enorgueilliront. Pari amplement réussi que de manifester une haine viscérale sur l'être pur par nature. Nous sommes à quelques étages au-dessus de Esther, pour ne citer que lui.
Seria ne monte (presque) pas crescendo dans l'atrocité et nous noie sous une déferlante de méchanceté gratuite, tandis que certaines visions infernales sortiront de l'imaginaire de Anne et Lore. Aucune âme ne se dégage du film et de ce fait, l'intensité est omniprésente et les 1h40 passent très vite. Le tout s'achevant dans une apothéose propice à l'Enfer dans son expression originelle. Cependant, je peux difficilement cacher mon scepticisme sur le réalisme des réactions des personnes présentes dans l'assemblée mais je n'en dirai pas plus.

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Au niveau esthétique, je ne peux que dire que le métrage est d'une grande beauté visuelle. Les décors sont ouverts, aérés. Il y a un profond affichage de la nature, un peu comme si Satan évoluait dans un simili Jardin d'Eden. La caméra est relativement posée et ne s'auto-censure pas. A ceci se rajoutera une bande sonore empreinte de mélopées inquiétantes dont la tonalité renvoie sans nul doute à l'épouvante. Enfin, on ne pourrait achever la chronique sans parler de l'excellent jeu d'acteur de Anne et Lore, respectivement incarnées par Jeanne Goupil et Catherine Wagener.
Bien que l'on puisse être exaspéré face à leurs rires trop forcés, leur insondable froideur a de quoi faire... froid dans le dos. On sentira Lore un brin plus timorée dans la cruauté originelle en voyant ses expressions faciales désarçonnées quand Anne empoisonnera un oiseau. Qu'on se le dise, Goupil est celle qui se débrouille le mieux avec son visage sans émotion mais, de son côté, Lore, avec son visage angélique et souriant, en est tout autant perturbante. Pour le reste du casting, il est malheureusement sans intérêt.

En conclusion, Mais ne nous délivrez pas du mal est un exemple de plus de ce cinéma français ayant des (grosses) couilles. Un cinéma frontal n'ayant pas froid aux yeux mais dont les pellicules sombrent souvent dans l'oubli. Heureusement, oh jour de gloire, ce n'est pas le cas de ce métrage pas trop mal connu qui transcende son sujet d'une Eglise en perdition et d'une génération abandonnée de ses ainés. Le taux d'inhumanité, de sadisme, de monstruosité atteint des sommets inattendus et rarement vus dans le cinéma global. Les scènes, toutes plus outrageantes les unes que les autres, se succèdent à une cadence savamment jaugée. Je me permettrai de laisser la surprise à ceux qui ne l'ont pas vu mais dites-vous bien que Mais ne nous délivrez pas du mal n'a pas usurpé son interdiction aux moins de 16 ans. Un véritable film choc nous bazardant de questions sociologiques.
Un constat qui n'est pas, dans une dimension plus métaphorique, si éloigné que ça du nôtre à une époque où la jeunesse semble jouir des ragots, des humiliations sur certains de leurs camarades. Le tout ayant pris de graves proportions avec l'avènement des réseaux sociaux. Au final, un enfant n'est pas aussi pur qu'on le prétend, en raison de l'environnement hostile influant sur sa psychologie comportementale. En viendra-t-on à l'aboutissement de futur(e)s Anne et Lore inscrivant avec fierté sur un papier "Pêcher est devenu notre objectif principal" ?

 

Note :15/20

 

 

lavagem-cerebral-final   Taratata

 


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