Genre : thriller, drame
Année : 1975
Durée : 1h32
Synopsis :En visite en Normandie, Helen Wells se retrouve traquée en forêt par des chasseurs psychopathes.
La critique :
Il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant : http://cinemachoc.canalblog.com/ pour trouver le top 50 des meilleurs films de vengeance, un classement subjectif, ça va de soi. Mais les thuriféraires du genre ne manqueront pas de notifier J'Ai Rencontré le Diable (Kim Jee-Woon, 2010), Old Boy (Park Chan-Wook, 2003), Impitoyable (Clint Eastwood, 1992), Le Vieux Fusil (Roberto Enrico, 1975), La Mariée Etait En Noir (François Truffaut, 1968), La Source (Ingmar Bergman, 1960), Mad Max (George Miller, 1979), ou encore Les Chiens de Paille (Sam Peckinpah, 1971) pour ne citer que ce modeste bréviaire.
Parmi ces références incontournables, c'est probablement le film de Sam Peckinpah qui a le plus estourbi les persistances rétiniennes en son temps, s'auréolant de l'ultime réprobation (donc d'une interdiction aux moins de 18 ans) à l'époque.
Les apparences sont parfois (souvent...) trompeuses. Sam Peckinpah est taxé d'obscène, voire de fasciste par une certaine oligarchie cinéphilique pour son exposition outrageante de la violence. A contrario, le cinéaste admoneste et abhorre cette même virulence. A l'instar des autres films du metteur en scène, Les Chiens de Paille se pare d'une parabole, voire d'une hyperbole sur les turpitudes de l'âme humaine. Certes, l'interdiction du film sera minorée par la suite pour passer à une interdiction aux moins de 16 ans. Mais Straw Dogs (soit le titre original du film) marque une rupture fatidique dans une Amérique exsangue et anomique encore courroucée par des bouleversements sociologiques, culturels et sexuels. D'autres pellicules corroborent cette rhétorique en pleine mutation.
C'est par exemple le cas de L'Inspecteur Harry (Don Siegel, 1971) et d'Un Justicier dans la Ville (Michael Winner, 1974).
Pour l'anecdote, Sam Peckinpah avouera détester et honnir le vigilante movie réalisé par les soins de Michael Winner, et qui suit les pérégrinations vindicatives et meurtrières de Paul Kersey, un vulgaire quidam en guerre contre les voyous depuis l'assassinat de son épouse et le viol de sa fille. Toutes ces irascibilités ne sont pas seulement les apanages du cinéma hollywoodien. De son côté, Robert Enrico signe un vigilante movie martial et incoercible via Le Vieux Fusil (précédemment mentionné). François Truffaut s'intéresse lui aussi à cette ire version féminine avec La Mariée était en Noir (lui aussi précité). Serge Leroy réalise à son tour son "Straw Dogs"à lui avec La Traque, un autre vigilante movie sorti en 1975. Certes, depuis sa sortie, ce thriller hexagonal a largement sombré dans les affres des oubliettes. Les laudateurs préféreront notifier d'autres métrages sulfureux et scandaleux, entre autres, Dupont Lajoie (Yves Boisset, 1975) qui, à la même époque, déclenche à son tour les anathèmes et les acrimonies.
Cependant, La Traque ne passe pas non plus totalement inaperçu. Si cette production ne provoque pas spécialement les foudres de certaines associations féministes (ce qui est plutôt étrange à l'aune de la trame narrative et du prologue final), le film suscite les invectives et les quolibets de certaines factions de chasseurs. Ces derniers y voient une oeuvre racoleuse qui caricature à outrance une pratique considérée comme noble et qui date depuis des temps immémoriaux. Quant à Serge Leroy, sa carrière cinématographique démarre vers l'orée des années 1970.
Les amoureux (si j'ose dire...) du metteur en scène citeront aisément Légitime Violence (1982), L'Indic (1983), Contrainte par Corps (1988) et Taxi de Nuit (1993) parmi ses longs-métrages les plus proverbiaux.
Mais Serge Leroy est davantage connu pour la série télévisée Pause Café (1981), ainsi que pour plusieurs épisodes de Maigret. La distribution de La Traque se compose de Mimsy Farmer, Michael Lonsdale, Jean-Pierre Marielle, Philippe Léotard, Jean-Luc Bideau, Michel Constantini, Paul Crauchet, Michel Robin, Gérard Darrieu et Françoise Brion. Attention, SPOILERS ! (1) Helen Wells (Mimsy Farmer), une jeune Anglaise venue en Normandie pour louer une maison isolée en forêt, rencontre un groupe de chasseurs qui s'apprêtent à une battue au sanglier.
Ces sept hommes issus de la bonne société locale sont liés par des relations d'intérêts croisées. Lors de la chasse, les grossiers frères Danville, Albert et Paul (Jean-Pierre Marielle et Philippe Léotard), croisent à nouveau par hasard la jeune femme, et subitement la violent, en présence du timide Chamond (Michel Robin).
Helen parvient à blesser gravement Paul avant de prendre la fuite dans les bois, poursuivie par Albert qui lui propose un mutuel silence, puis lui tire dessus. Les autres acceptent non sans réticence d'étouffer cette sale affaire, tandis que la jeune femme cherche à s'enfuir à tout prix (1). A l'aune de cette exégèse, impossible de ne pas songer au film Calvaire (Fabrice du Welz, 2005), un thriller putride qui s'acheminera, bien des années plus tard, sur le même didactisme mortifère. Indiscutablement, le film de Serge Leroy a lui aussi inspiré de nombreux épigones.
Sous ses allures de drame puis de thriller à couteaux tirés, La Traque se pare d'une allégorie sur la nature humaine, un peu à la manière de Les Chiens de Paille quelques années auparavant. Seule dissimilitude et pas des moindres, le ton est beaucoup moins sarcastique.
Contrairement au film de Sam Peckinpah, La Traque ne met pas en exergue de nigaud ou de vulgaire histrion nanti de satyriasis pédophiles et subrepticement protégé par un mari désinvolte et pusillanime. En outre, La Traque repose solennellement sur ce schisme infrangible, à savoir cette césure entre l'urbanisme galopant des années 1970 (ce que préfigure ostensiblement la jeune Helen Wells) et cette société pastorale (évidemment symbolisée par les chasseurs) sur le point d'agonir, voire de dépérir ; inexorablement... Dès lors, la chasse à l'homme (enfin... à la femme...) peut s'engager sans jamais sourciller. Tout part d'une situation pourtant lapidaire.
L'arrivée inopinée de la belle Helen Wells ne laisse pas indifférent les habitants frustres d'une petite communauté.
Deux d'entre eux, Albert et Paul (je renvoie au synopsis) assaillent la jeune femme et la violent. Mais le silence d'Helen a un prix. Contre toute attente, la "belle" se mutine contre ses agresseurs et tire "accidentellement" sur Paul qu'elle blesse grièvement. A partir de là, bienvenue dans un cauchemar aus assonances rustiques et infrangibles qui débouchera sur une série de couardises, de félonies et de manigances rustres et masculines ! Certains bourgeois et édiles politiques sont de la partie et n'ont pas à intérêt àébruiter cette forfaiture, ni àéveiller les soupçons sur leurs propres personnes. La Traque s'apparente alors à un portrait particulièrement acerbe de la société"franchouillarde" de jadis. Serge Leroy n'épargne personne.
Seule la belle Mimsy Farmer échappe aux diatribes et aux acariâtretés du cinéaste éprouvé. On ressort de ce thriller étouffé, écoeuré, ébaubi et ulcéré par tant de poltronnerie, de tartufferie et de cupidité. Indubitablement, La Traque justifie son visionnage, ne serait-ce que pour son âpreté rédhibitoire. Le long-métrage de Serge Leroy n'a donc pas à rougir de la comparaison avec Les Chiens de Paille, La Dernière Maison sur la Gauche (Wes Craven, 1972) et leurs nombreux succédanés. Curieux, en l'occurrence, que le film n'ait fait l'objet d'aucune réprobation... Car le métrage de Serge Leroy cogne et estomaque là oùça fait mal.
Note :16/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Traque_(film,_1975)