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Le Trou - 1960 (L'espoir de jours meilleurs)

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Genre : Drame, historique 

Année : 1960

Durée : 2h12

 

Synopsis :

Accusé de tentative de meurtre, Claude est enfermé en prison. Ses 4 compagnons de cellule lui font part de leur désir d'évasion et creusent un tunnel.

 

La critique :

N'ayez crainte, je vous épargnerai cette fois-ci la situation faiblarde du cinéma français actuellement, en comparaison de la grandeur de jadis où nous retrouvions la célèbre "classe à la française", même au sein du cinéma populaire. Fut un temps comme beaucoup de gens, bien avant mon entrée dans le monde du cinéma, où les petites invectives fusaient dessus, mâtinées d'un sarcasme d'ignorant. Les connaissances et renseignements acquis me mettront vite devant le fait accompli que ma pensée obtuse d'autrefois était fausse. La conversion ayant eu lieu, je passais mon temps à dénicher de nouvelles pépites d'une batterie de réalisateurs primés et renommés, alors que les visionnages s'avérèrent plus que concluants, même envers des oeuvres où je n'en attendais pas beaucoup.
Loin de là l'idée d'avoir vu l'essentiel du vieux cinéma français, une pierre manquait au modeste édifice de mes connaissances. Une très grosse pierre incarnée par Le Trou (n'y voyez aucune quelconque connotation graveleuse), film réalisé par Jacques Becker
Un cinéaste à la réputation indiscutable, passage obligé pour tout cinéphile et auteur de grands classiques français tels Antoine et Antoinette (Palme d'Or à Cannes lui créant une renommée), Casque d'Or et Touchez pas au grisbi.

Décédé des suites d'une hémochromatose en 1960, Le Trou représente son film testament dont il venait juste de finir le montage avant de mourir. Il ne faudra guère longtemps pour que la critique exulte et qu'il fut salué comme étant le meilleur film du réalisateur. Point capital à préciser, le scénario est basé sur une histoire vraie, celle d'un ancien prisonnier dont José Giovanni en a fait un roman éponyme. Il est bien évident que l'écrivain apportera sa contribution au tournage afin de restituer au mieux l'esprit de l'histoire. Un bénéfice qui, je pense, sera déterminant pour la réussite formelle du film. Néanmoins, si la critique est affirmative (François Truffaut le qualifiant de "poétique", Jean-Pierre Melville le citant comme le plus grand film français de tous les temps), Le Trou sera malencontreusement boudé du public, entraînant de suite un échec commercial.
La raison évoquée serait qu'il est accusé de prendre le parti des prisonniers, en l'occurrence de criminels condamnés à de lourdes peines d'emprisonnement. Une amputation d'une vingtaine de minutes sera faite dans la foulée, sans raison tangible. Longtemps méconnu, il a atteint aujourd'hui le club très envié des films cultes. 

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ATTENTION SPOILERS : Accusé de tentative de meurtre, Claude est enfermé en prison. Ses 4 compagnons de cellule lui font part de leur désir d'évasion et creusent un tunnel.

Il est toujours sidérant de voir à quel point certains cinéastes peuvent se montrer à ce point érudits àériger des histoires au scénario simple au statut de chef d'oeuvre indiscutable. Oui, Le Trou est une oeuvre d'une indécente simplicité car il est question d'un jeune homme de 27 ans au visage d'ange être incarcéréà la prison de la Santé. Certes, l'habit ne fait pas le moine mais, à première vue, on se dit qu'il est là pour un incident mineur. Que nenni vu qu'il est accusé de tentative de meurtre envers son épouse lors d'une violente dispute où, selon ses dires, elle l'a menacé avec un fusil de chasse. En voulant la désarmer, le coup est parti dans l'épaule de sa dulcinée, ce qui l'amène là dans une cellule avec quatre autres détenus. A première vue, c'est une cellule normale où cohabitent quatre hommes au tempérament froid, réservé, sauf un nettement plus souriant. Ceux-ci occupent leurs journées dans leurs cellules à assembler des cartons. Un boulot rébarbatif où observer le mur semble plus intéressant que de faire ça. Pour eux aussi mais ce travail ne tient pas du hasard.
D'abord, forcément ignorant de ce qu'il se trame dans la cellule, Claude va être mis au courant de leur plan secret : une évasion savamment orchestrée. La raison avancée est que chacun risque très gros en termes de gravité de peine lors du jugement final. La motivation d'un tel risque trouve son origine dans la survie à tout prix. 

Mais résumer Le Trou à une simple et bête évasion serait une erreur inacceptable car il a tant de choses à nous offrir. De fait, si ce simple trou dans le sol, représentant l'espoir de jours meilleurs, est bel et bien le point central du film, c'est tout le traitement en périphérie qui scotchera certainement le spectateur. Plus que l'évasion, Becker nous conte une formidable expérience humaine où ces cinq détenus, que rien d'antérieur ne relie entre eux, vont devoir faire preuve de courage, d'entente, de partage et de confiance pour sortir de leur cellule. Alors que les détenus sont, dans l'inconscient collectif, des gens antipathiques, impulsifs et ivres de violence, il n'en est rien.
Claude bénéficie d'une exemplaire éducation, bien plus que certains au casier judiciaire vierge. Le dénommé Monseigneur se distingue comme bon vivant, le sourire aux lèvres. Roland, l'instigateur du projet, plusieurs fois évadé, a une personnalité sympathique et plutôt souriante. Geo est le type bourru de la bande, un peu ronchon mais toujours prêt à rendre service. Enfin, Manu est le plus réservé de la bande. D'un tempérament beaucoup plus froid, il est celui qui porte le plus l'étiquette de prisonnier dangereux. Pourtant, il se montre tout aussi dévouéà la cause. En d'autres termes, cinq personnalités différentes, une force commune. 

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Pour Becker, il n'est nul besoin d'attendrir le spectateur à la cause des prisonniers, ou de faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Ils évoluent en compagnie de gardiens conciliants, bavards, entretenant des rapports polis avec les détenus. Le directeur est un homme tout à fait normal, gérant son établissement du mieux qu'il peut, excusant les maladresses de Claude. Pas de tortionnaires ou d'actes peu orthodoxes au programme, l'environnement est propice au respect des uns envers les autres. Nous sommes très loin de Guantanamo. On évite heureusement le manichéisme avec grand succès. Parallèlement, il n'y a pas non plus de volonté de verser dans le patho, le réalisateur exprime avant tout ces hommes comme des prisonniers qui se doivent de subir leur peine.
Même s'il les humanise, fait en sorte que l'on s'attache à eux, il ne les excuse à aucun moment et prend le parti du documentaire en filmant leur quotidien rythmé entre le travail, le dîner et le projet d'évasion. Une élégante prouesse que de susciter en nous cette attache envers des individus ayant semé le mal autour d'eux. Encore plus élégant que de développer une personnalité propre chez chacun.

Le documentaire anthropologique atteindra bien sûr sa plus grande intensité lors des différentes phases de l'évasion, témoignant de toute l'intelligence créative des prisonniers. Chaque détail est pensé, témoignant d'une détermination sans faille. Un bout de verre accrochéà une brosse-à-dent faisant un effet miroir réflecteur pour guetter les gardes dans le pavillon. Un ingénieux sablier artisanal pour se réapproprier le temps dans le tunnel. Autant de trouvailles géniales écartant l'insipide, prouvant que l'objectif n'a pas été pensé du jour au lendemain et exécuté en freestyle. Ils ont comme chef un véritable expert de l'évasion leur transmettant savoir, artisanat et efficacité.
Mais là oùLe Trou va véritablement s'immiscer comme une oeuvre d'art, c'est dans la mise en scène suffisamment pensée pour écarter tout suspense factice, retournements de situation invraisemblables, passages toniques artificiels. N'espérez pas de course-poursuites, de fusillades ou autres. Le rythme est calme, sans besoin d'être énergique car la priorité est au développement humain et des relations inter-individuelles. Le pire est que ça marche et que les 2h12 du film passent à vitesse grand V à notre grand étonnement.

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Sachant qu'il s'agit d'un huis-clos, il est nécessaire de revoir nos exigences à la baisse et de ne pas exiger un visuel à la Kurosawa. Dans Le Trou, pas de volonté de nous gratifier d'esthétique recherchée, de plans grandiloquents. La simplicité y trouve aussi son origine. Il n'y a pas non plus d'envie d'assombrir le domaine carcéral qui s'exprime de manière tout à fait classique. Les murs sont ternes, les cellules réduites à leur plus simple expression, il y a du soleil. Bref, tout s'imbrique dans la normalité. Pareillement pour la bande son très absente car elle n'a tout simplement aucun intérêt à s'y trouver. Et pour les acteurs, le film compte beaucoup sur leur admirable prestation.
Aucun n'est éclipsé dans l'aventure. Chacun exhibe son charisme, sa personnalité propre, a une utilité et sait s'attirer notre sympathie. Il est important de mentionner le fait que Claude ne s'exprime pas comme un réel personnage principal. Aucun détenu ne ressort des autres car ils sont tous au même niveau d'importance. Je pense à cette première séquence d'exploration dans les sous-sols de la prison où seuls Roland et Manu en sont les seuls acteurs. Un choix de mise en scène particulièrement judicieux. Finissons ce paragraphe en les citant : Marc Michel, Michel Constantin, Jean Keraudy, Philippe Leroy et Raymond Meunier. Les autres ne présentent guère d'importance. 

Vous aurez compris avec panache que Le Trou n'a en aucun cas volé sa réputation de grand classique du cinéma français, par le biais d'une histoire mettant en avant une analyse anthropologique d'un microcosme carcéral uni sous la bannière de rêves se passant au-delà de ces murs ternes. Mené tambour battant, bourré d'inventivité, le film est à prendre en exemple pour tout cinéaste désireux de se lancer dans le huis-clos, un genre très difficile à aborder pour maintenir l'intérêt du spectateur. Becker a même le culot de rendre attachant des condamnés potentiellement criminels.
Pourquoi "potentiellement" ? Car nous n'avons aucune idée de la raison pour laquelle ils sont là. Est-ce une volonté un peu grossière de faciliter l'attachement aux personnages en masquant une éventuelle psychopathie ? Je dois avouer être quelque peu embêté mais qu'ils soient vandales ou serial-killer, la sympathie aurait été la même en ce qui me concerne. J'éviterai de parler du remarquable finish qui se doit d'être vécu pleinement. Bref, si vous ne savez pas quoi regarder ce soir, vous savez ce qu'il vous reste à faire ! 

 

Note : 18/20

 

 

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