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L'Auberge Rouge - 1951 (Ode à la mortification)

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auberge rouge 1951

Genre : comédie, comédie dramatique 
Année : 1951
Durée : 1h35

Synopsis : En 1833, à l'auberge de Peyrebeille, perdue en montagne, Marie et Pierre Martin, un couple d'aubergistes, assassinent leurs clients pour les voler. Les voyageurs d'une diligence descendent à l'auberge, bientôt suivis par un moine bon vivant. Or, la femme Martin éprouve le besoin de se confesser au saint homme. A sa grande horreur, elle lui avoue la bagatelle de cent trois crimes. Le moine, lié par le secret de la confession, va cependant s'employer par tous les moyens à sauver les voyageurs... 

 

La critique :

Non, vous ne rêvassez pas, vous ne divaguez pas et vous n'hallucinez pas. Fernandel vient de débarquer sur Cinéma Choc ! Une bévue de notre part ? Ou alors le blog aurait-il cédé aux désidératas et aux doxas de la bien-pensance ? Ni l'un ni l'autre. Il est vrai que la seule présence de cet artiste, à la fois acteur, réalisateur, humoriste et chanteur, sur Cinéma Choc dénote et a le mérite de poser cette question primordiale. Mais enfin, que vient foutre Fernandel sur Cinéma Choc ? Non mais franchement, ça ne va pas les gars ? Que s'est-il passé sur le site ?
Cinéma Choc se serait-il sciemment fourvoyé dans les prismes et les affres de la bienséance ? Que les thuriféraires du blog (soit trois ou quatre personnes dans le monde en comptant les auteurs du site...) se rassérènent.

Cinéma Choc n'a pas perdu la boussole ni son principal leitmotiv, à savoir les films violents, rarissimes, insolites, les séries B incongrues et les longs-métrages inclassables, ésotériques et expérimentaux. Après des débuts parisiens qui lui permettent d'accéder à un simulacre de notoriété, Fernandel triomphe au cinéma et érige peu à peu son vedettariat. C'est ainsi que le comédien devient la nouvelle égérie de Marcel Pagnol dans Le Schpountz (1938), Topaze (1951), Regain (1937), Angèle (1934) ou encore La fille du puisatier (1940). Puis, l'acteur connaît enfin l'ultime consécration à travers les tribulations de Don Camillo. Le petit monde de Don Camillo (Julien Duvivier, 1951) se solde par un succès impromptu et pharaonique. Cette comédie se transmute en une franchise interminable et de qualité erratique. Le comédien s'octroie alors le statut de comédien illustre du cinéma français et vient donc apposer son monogramme parmi les comédiens les plus sérénissimes ; entre autres Jean Gabin, Lino Ventura, Alain Delon, Bourvil et Louis de Funès.

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En outre, Fernandel a essentiellement officié dans les registres de la comédie et de la dramaturgie. A fortiori, rien ne prédestinait l'acteur à tourner dans L'Auberge Rouge, réalisé par les soins de Claude Autant-Lara en 1951. Certes, le film est répertorié parmi les comédies funambulesques. Mais L'Auberge Rouge reste avant tout une comédie nihiliste et d'un cynisme viscéral. Par ailleurs, Fernandel était peu enthousiaste à l'idée de tourner dans ce film en raison d'un script qu'il juge à la fois véhément et iconoclaste. En sus, l'acteur est un fervent catholique et donc aux antipodes de l'idéologie, en apostasie, du film. Que soit. Claude Autant-Lara et ses scénaristes joueront de finauderie pour convaincre le comédien de revêtir les oripeaux de ce prêtre engoncé par le secret de la confession.
A l'origine, Claude Autant-Lara est contacté par son producteur pour adapter l'opuscule éponyme de Balzac.

Mais, pour des raisons essentiellement pécuniaires, le cinéaste ne conserve que le titre et le décor enneigé et bucolique, à savoir un chalet isolé quelque part dans la montagne. En dehors de son intitulé, L'Auberge Rouge n'est donc pas une adaptation du célèbre roman d'Honoré de Balzac. Mutin, Claude Autant-Lara invente une toute autre histoire dans laquelle un prêtre, relié au secret de la confession, reçoit les remords expiatoires de la femme de l'aubergiste. Ensemble, les deux criminels ont dépouillé et abattu plus d'une centaine de voyageurs en déveine en seulement deux décennies.
A travers cette historiette plutôt originale et inspirée d'un fait divers authentique, Claude Autant-Lara aspire à réaliser une comédie farouchement anticléricale et sous la forme d'un huis clos, en particulier d'un conte philosophique.  

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Si L'Auberge Rouge est unanimement tancée et semoncée par les critiques, pour le moins sardoniques, le film est à contrario adoubé par les spectateurs lors de sa sortie en salles. Mieux, le film de Claude Autant-Lara devient un succès populaire et inspirera un remake homonyme mais inusité bien des décennies plus tard. La version de 2007, réalisée par Gérard Krawczyk, ne rivalise aucunement avec son auguste devancier nonobstant les présences concomitantes de Christian Clavier, Josiane Balasko, Gérard Jugnot et François-Xavier Demaison. Quant à Claude Autant- Lara, le metteur en scène a, de prime abord, officié dans les courts et les moyens métrages.
Pour le cinéaste orfèvre, il faudra faire preuve de longanimité et patienter un long moment avant de connaître les premières exhalaisons de notoriété.

Plus que L'Auberge Rouge, Claude Autant-Lara reste avant tout le réalisateur talentueux et proéminent de La Traversée de Paris (1953), un grand classique du cinéma français qui peut s'enhardir de coaliser deux grandes figures proverbiales, Bourvil et Jean Gabin. Mais ne nous égarons pas et revenons au casting de L'Auberge Rouge... Hormis Fernandel, mentionnéà maintes reprises dans cette chronique, la distribution du film se compose de Françoise Rosay, Julien Carette, Marie-Claire Olivia, Jacques Charon et Nane Germon. Attention, SPOILERS ! En 1833, à l'auberge de Peyrebeille, perdue en montagne, Marie et Pierre Martin, un couple d'aubergistes, assassinent leurs clients pour les voler. Les voyageurs d'une diligence descendent à l'auberge, bientôt suivis par un moine bon vivant.
Or, la femme Martin éprouve le besoin de se confesser au saint homme. A sa grande horreur, elle lui avoue la bagatelle de cent trois crimes. 

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Le moine, lié par le secret de la confession, va cependant s'employer par tous les moyens à sauver les voyageurs... Indubitablement, L'Auberge Rouge reste sans aucun doute le film le plus dénotatif de Fernandel. De facto, merci de phagocyter Don Camillo pour une comédie à la fois en forme de rodomontade et de diatribe au vitriol contre les dogmes et les principes pusillanimes diligentés par le catholicisme. Le plus amusant reste sans doute la composition malicieuse de Fernandel qui semble avoir parfaitement cerné, en cours de tournage, les matoiseries de Claude Autant-Lara et de ses fidèles affidés. Condamnéà errer dans une comédie dont il n'apprécie guère les facondes sulpiciennes, Fernandel oscille entre le vulgaire histrion déguisé en prêtre et le personnage "Pagnolesque" qu'il a esquissé, voire même épouséà moult reprises. Le film se polarise essentiellement sur ce personnage preux mais hélas peu téméraire et bâillonné par ses propres doctrines chrétiennes.

Dixit les propres aveux du moine, c'est Dieu lui-même qui aurait conduit ce dernier et les voyageurs vers cette auberge crépusculaire. Dès lors, Claude Autant-Lara et ses cacographes n'auront de cesse de tourmenter ce moine guignard pour définitivement l'apostropher lors d'une conclusion en apothéose. Ce dénouement, profondément contristé, résume magnifiquement la rhétorique macabre du film. Lors d'une courte homélie, l'aubergiste sociopathique boit à la santé de ses infortunés convives et lève son verre pour entonner une ode à la mortification.
Car c'est bien la mort qui reste la thématique prédominante de cette comédie ténébreuse, dont la seule luminescence repose sur la présence impromptue de Fernandel. 
Les autres personnages ne sont, in fine, que des spectres déjà condamnés à exhaler leur dernier soupir. A la fois obscène et ubuesque, L'Auberge Rouge reste sans doute la comédie la plus farouchement (bis repetita...) anticléricale de son époque, probablement àégalité avec Un Drôle de Paroissien (Jean-Pierre Mocky, 1963), à la sarcastique encore plus redoutable.

Note : 15/20

sparklehorse2 Alice In Oliver


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