Genre : Expérimental, horreur (interdit aux - 16 ans)
Année : 2015
Durée : 1h20
Synopsis :
Six femmes mortes se réveillent dans le vide sanitaire situé en dessous de la maison de leur tueur et découvrent qu’elles sont bloquées dans leurs propres limbes représentés par un étrange purgatoire. La maison elle-même contient de nombreuses pièces révélant des notes et des indices de leur vie passée et les raisons pour lesquelles elles sont venu et ont fini dans un tel endroit.
La critique :
Il y a un bout de temps, Inthemoodforgore (ou Inthemood pour les intimes) nous gratifiait d'un top de pointe axé sur les OFNI, pellicules expérimentales et autres délires inclassables. Aussi fascinantes que difficiles à dénicher et outre le fait de vouloir se démarquer d'un formatage prégnant dans le monde cinématographique actuel, elles avaient pour objectif de nous faire atteindre des strates insolites, où notre définition du cinéma en elle-même en devenait fortement perturbée. A ce petit jeu, le collectif ICPCE est sans nul doute le plus jusqu'au-boutiste du genre. Je renvoie aux chroniques de Contre-Oeil, A Rebours, Le Cinéma des Ruines et Incarnation pour vous faire une idée de la chose.
Mais s'il ne fait, cependant, aucun doute que l'expérimental a pleinement acquis de sa puissance, voire de sa renommée pour certains artistes, au cours du temps, autant réaliser que c'est un style qui fait peur de nos jours. Peur des faibles retombées financières, d'un échec cuisant. Peu sont les producteurs à accepter de tenter le coup et peu sont les films à avoir droit à un budget tout à fait honorable. David Lynch est, à mon sens, celui qui a su le mieux se hisser au point d'avoir un culte qui lui est voué. Mais aussi génial qu'il soit, on se doit bien de dire que sa filmographie n'est rien de plus que de la roupie de sansonnet si on plonge toujours plus loin dans l'underground.
Par le passé, j'ai eu cet immense prestige de vous présenter Phil Stevens sur le blog, un obscur cinéaste sévissant dans les abîmes du Septième Art et qui peut s'enorgueillir d'une modeste réputation pas trop dégueulasse. Avec Frank Edge Jr, il revisitait à sa manière le concept de serial killer en nous plongeant dans une ambiance lourde, suffocante, davantage renforcée par le très peu de dialogues. Malheureusement, en découvrant son premier long-métrage du nom de Below Man, la douche froide fut de mise. Alors que j'en attendais un petit truc sympa, c'est à une bouse intersidérale que j'eus droit, à mon plus grand malheur. Je me retrouvais, dès lors, le cul entre deux chaises comme on dit, partagé entre le fait de dire si Stevens est un réalisateur en devenir prometteur ou un futur tâcheron.
C'est après 6 ans de pause qu'il revint sur le devant de la scène avec ce qui sera son métrage considéré comme le plus proverbial. Flowers, tel est son énigmatique nom, se fit connaître sur la Toile pour aller même jusqu'à finir par jouir d'une flatteuse réputation. Problème de taille avec Stevens, ses films sont extrêmement difficiles à dénicher sur Internet et c'est après un long périple que j'aboutis miraculeusement à un lien torrent sur le site en désuétude Kickass qui me le fit avoir à une vitesse étonnamment rapide. Après 6 ans de pause, le bonhomme a-t-il appris de ses erreurs ?
ATTENTION SPOILERS : Six femmes mortes se réveillent dans le vide sanitaire situé en dessous de la maison de leur tueur et découvrent qu’elles sont bloquées dans leurs propres limbes représentés par un étrange purgatoire. La maison elle-même contient de nombreuses pièces révélant des notes et des indices de leur vie passée et les raisons pour lesquelles elles sont venues et ont fini dans un tel endroit.
S'il y a bien quelque chose d'indiscutable chez Stevens, c'est sa propension à l'innovation permanente, ceci faisant que chacun de ses films possède une identité propre. Après l'invasion (lol) de monstres et le serial killer, c'est au tour des méandres de la perdition humaine àêtre abordées par Monsieur Stevens. De quoi être inquiet quand on réalise la difficulté de traiter une telle thématique. Une thématique qui plus est bien moins abordable que ce qu'il a fait auparavant. Mais comme l'histoire nous l'a démontré, la surprise peut être au rendez-vous et, à ce petit jeu, Flowers peut se targuer d'en être une. En lui-même, le synopsis affiche ses ambitions dans une déconcertante simplicité, et la bonne dose de fraîcheur allant avec. Une simplicité se décrivant d'abord par un seul et unique lieu, à savoir une maison poisseuse dont le propriétaire n'est autre que le tueur responsable de leur situation que l'on apercevra à plusieurs reprises sans avoir plus d'explications sur son identité et ses desseins car le film ne se polarisera que du point de vue de ces six femmes à l'identité, elle aussi, inconnue tentant de se frayer un chemin en des lieux différents de cette demeure maudite apparentée à l'antichambre de l'enfer.
Celle-ci est, cependant, malléable et semble revêtir les apparences perverties de chaque nymphe condamnée. Ce purgatoire prend la forme de leur propre temps passé pour recréer un voyage initiatique dans les entrailles sanguinolentes afin d'atteindre la vérité pour, enfin, faire la paix avec elles-mêmes. Toutes ont en point commun le vide sanitaire duquel elles émergent mais la pièce dans laquelle elles se dirigeront sera différente. Pour l'une, ça sera une salle de bain où trône un cadavre putréfié, proche de l'aspect squelettique, dans une baignoire remplie de chair décomposée et liquide. Pour une autre, une salle à manger ou un cochon est assis à une table remplie de mets de qualité certaine. Chaque parcours surnaturel est différent l'un de l'autre, les conséquences passées également. Une variété dans le cheminement scénaristique (terme à mettre vraiment entre guillemets) est aux abonnés présents pour notre plus grande satisfaction pour aboutir à un finish, certes prévisible, mais tout ce qu'il y a de plus agréable. Une certaine philosophie est évidente à cerner.
Outre le fait d'y voir une oeuvre à consonance eschatologique, on pourrait presque y voir la dimension du "Moi" selon Sartre dans le traitement de la recherche d'identité et de la mise en scène de ce périple initiatique, bien sûr nettement plus morbide que l'originel décrit dans la littérature.
Ainsi, contre toute attente pour les quelques sceptiques, Flowers réussit son pari de nous entraîner dans les limbes torturées (pléonasme, je sais...) de nos six femmes sans nom. Toutefois, à notre grand dam, il n'est pas pour autant exempt de défaut. C'est toujours ce grincement de dents caractéristique qui nous revient. Stevens est le genre de réalisateur qui a de l'idée, de l'audace et a envie de bien faire mais il ne parvient jamais à ce que l'on soit totalement conquis par l'expérience. Premier point d'importance, le film est totalement muet si l'on excepte les bruitages environnants. Aucun son ne sortira de leur clapet durant une durée de 80 minutes qui aurait franchement méritée d'être raccourcie d'un tiers quand on voit à quel point "l'histoire" s'éternise lors de certaines scènes, certes de toute beauté mais qui, compte tenu du silence pesant, risquent de rendre le temps un peu long.
Il est évident que la longueur abusive de certaines séquences couplées au rythme zéro de l'histoire pourra être un fameux coup de semonce pour un spectateur dont le risque est de décrocher de ce climat austère et cauchemardesque dépeignant Flowers comme une peinture morbide tendant nettement vers le cauchemar éveillé.
Car c'est cette définition qui pourrait le caractériser au mieux et qui le fait se hisser comme l'une des oeuvres les plus abouties de sa filmographie à ce jour. Après deux pellicules qui ne brillaient pas vraiment de par leur esthétisme assez précaire, parfois même assez moche, on sent que les moyens ont été plus conséquents. Le résultat est on ne peut plus payant. Stevens fait naître de la crasse, de la déliquescence et de la pourriture une singulière beauté macabre agréable à observer. La colorimétrie est de grande qualité, aidée aussi par des cadrages tout à fait satisfaisants. On peut le dire : Flowers est esthétiquement exemplaire. Il distille un émerveillement pour les amoureux d'art transgressif et borderline. Toutefois, il est inutile de s'attendre à une débauche de gore outrancier car, encore une fois, c'est l'atmosphère et uniquement celle-ci qui compte. Pareillement pour la discrète bande sonore amplifiant un silence oppressant, davantage renforcé par des décors exigus étouffant ses protagonistes.
L'interprétation des acteurs se passera de commentaire vu qu'il n'y en a tout simplement aucune. Elles se contentent d'avancer machinalement, les yeux scrutant le vide ténébreux les enveloppant au fur et à mesure de leur progression empreinte de damnation.
Arrivé au générique de fin, il est bien difficile d'émettre un avis définitif sur l'expérience qui s'est profilée devant nos yeux déconcertés, tout comme il est encore plus ardu de pondre une chronique que je suis fier de finaliser enfin. Là est la joie du cinéma expérimental qui ne ménage pas les neurones des aventuriers en quête de sensations fortes. Toutefois, Flowers ne prétend pas se hisser aux côtés des produits les plus perchés du système solaire. Relativement accessible pour toute personne un minimum ouverte d'esprit, elle dévoile son potentiel basé, outre sur le sensoriel, sur le visuel tenant toutes ses promesses. Il est rare que le milieu expérimental soit si jusqu'au-boutiste dans le professionnalisme de son esthétisme, mais Flowers fait clairement partie de ceux-ci.
Néanmoins, on ne pourra cacher notre désarroi sur une durée un peu abusive qui n'est pas arrangé par un vide scénaristique, une absence évidente de dynamisme et sujet trop traité en superficie et qui aurait gagnéàêtre davantage mieux exploité. Certes, ça peut sembler faire beaucoup mais on se montre malgré tout satisfait de l'expérience proposée tout à fait sympathique, à défaut d'être incontournable. Une poésie d'un lyrisme mortifère jouant un peu trop sur la forme et pas assez sur le fond. Irréprochable dans l'un, maladroit dans l'autre. Désespoir et nihilisme se chevauchant dans un maëlstrom empreint d'une maïeutique glauque et profondément mutilée. Les avis seront partagés sur le résultat final.
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