Genre : Expérimental, horreur, gore (interdit aux - 16 ans)
Année : 1990
Durée : 4h32
Synopsis :
Onna Harakiri Sakuhinshû est une anthologie présentant six faux harakiris de femmes désireuses de se retrouver dans l'au-delà pour démarrer une nouvelle existence supraterrestre et, ainsi, se libérer du joug de leur propre condition humaine.
La critique :
C'est devenu, désormais, une évidence sur ce blog de flirter allègrement avec le cinéma le plus barré de la Voie Lactée à intervalles plus ou moins réguliers. Je veux bien sûr parler du cinéma japonais, comme le titre de cette chronique a sans doute dû vous mettre la puce à l'oreille. A la fois vu comme l'incarnation d'une certaine forme d'élitisme cinématographique par le biais de ses célèbres chanbaras abordés par toute une pléthore de cinéastes, dont le plus connu est sans nul doute Akira Kurosawa. Ce dernier a su se distinguer par ses drames sociaux ancrés dans le classicisme que brisera rapidement la Nouvelle Vague japonaise. Il serait somme toute stupide de déblatérer davantage sur la richesse incontestable du Septième Art du Soleil Levant. En revanche, on se voit bien forcé d'admettre que celui-ci n'aura jamais de cesse de nous surprendre tant dans son originalité que dans cette volonté d'annihiler toute règle de bienséance. Les contradictions sont pour le moins cocasses.
Alors qu'il serait apparemment mal vu de tenir sa dulcinée par la main (ce qui pourrait s'apparenter à un puritanisme record que n'auraient pas reniés les américains coincés du cul), on pourra voir à l'embranchement d'une ruelle, un distributeur de culottes usagées pour les satisfactions peu orthodoxes de certains mâles coquins.
Il faut dire que le Japon a une vision bien différente du sexe et de l'érotisme. Une certaine décomplexion des moeurs dans la conscience populaire peut être observée, comme en atteste un marché florissant de la pornographie débauchée où urophilie, coprophagie, émétophilie et tortures réelles y officient en toute impunité pour le plus grand plaisir des voyeurs. Le Japon se voit être un pays ayant une représentation bien à elle d'une violence sans retenue, pas seulement au cinéma mais aussi dans les mangas papiers et anime. Ceux résumant ce vaste univers à Naruto, One Piece et compagnie peuvent aller faire un tour car, en creusant un peu, on peut côtoyer des choses que nous serions en droit de nous poser la question de la légalité de part chez nous.
J'en reviens au cas de l'ero-guro dont j'avais disserté un peu dessus lors de ma chronique sur Rampo Noir. D'où provient cette fascination pour le sang, la déviance, ou d'une manière plus globale le tabou ? Il serait bien difficile pour moi d'avancer des hypothèses au regard de ma méconnaissance de la sociologie et de l'histoire nippones. Toujours est-il que, quand l'on croit tout connaître, une nouvelle dalle se rajoute sur le patchwork éclectique et, sans grande surprise, hétéroclite que compose le cinéma japonais. Une énième dalle que pose Yuuri Sunohara renforçant toujours plus mon degré de connaissances de l'interdit.
ATTENTION SPOILERS : Onna Harakiri Sakuhinshû est une anthologie présentant six faux harakiris de femmes désireuses de se retrouver dans l'au-delà pour démarrer une nouvelle existence supraterrestre et, ainsi, se libérer du joug de leur propre condition humaine.
Je ne vous apprendrai rien à vous, jeunes petits vicieux que vous êtes, que le Japon est créateur de toute une myriade de pratiques sexuelles délirantes. Les laudateurs des hentai penseront au célèbre shokushu que l'on peut traduire par le viol tentaculaire, à savoir de vilains monstres gluants souillant avec panache les jouvencelles qui auront le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Urotsukidoji, grand classique de l'anime au grand dam du politiquement correct, aura la chance de populariser cette pratique ma foi fort peu excitante en ce qui me concerne.
Daikichi Amano et ses terribles Genki Genki se chargeront d'apporter sa pierre à cet édifice, s'inscrivant malgré tout dans cette pure tradition nippone née sous les pinceaux de Katsushika Hokusai et son "Le Rêve de la Femme du Pêcheur" que je mettrai à la fin de la chronique dans mon infinie gentillesse d'enrichir votre culture borderline. Mais revenons à nos moutons et donc à notre sujet principal, à savoir une chrestomathie, elle aussi, axée autour de l'une des plus délirantes performances japonaises n'étant autre que les faux-harakiri (aussi appelés seppuku) féminins. Petit rappel historique : il s'agit d'une forme rituelle de suicide masculin par éventration apparue lors de la belle et glorieuse époque des samouraïs. Il était utilisé lorsqu'un guerrier considérait comme immoral l'ordre de son maître et refusait de l'exécuter. Il était aussi d'application de se repentir d'un péché impardonnable commis volontairement ou par simple accident.
Néanmoins, le harakiri était un rituel uniquement masculin, les femmes pratiquant le jigai, une forme de suicide consistant à se trancher la gorge au niveau de la carotide à l'aide d'un poignard. Mais alors pourquoi cette démocratisation d'ordre égalitariste ? Je dois bien avouer ne pas avoir d'explication tangible là-dessus, si ce n'est peut-être de cette volonté de transgresser encore l'interdit, de détruire les barrières ancestrales de jadis. Dans un but plus humaniste, elle résulterait potentiellement d'une démarche visant à hisser la femme au même plan que l'homme en lui autorisant de subir les mêmes châtiments. On pourrait alors y voir une thématique férocement féministe se forgeant dans la plus grande souffrance. Au final, l'homme et la femme sont égaux devant la mort et peuvent jouir des mêmes droits pour y parvenir, tel semble être la doxa de Sunohara mettant en scène ces nymphes face au tranchant libérateur. Ce spicilège voit l'ensemble du travail du réalisateur présenté sur 3 DVD.
Sur ses 3 DVD, 6 semblants d'histoire nous seront contés, toujours en suivant le même modus operandi. Je passerai, de fait, outre la description détaillée de chaque récit à la similaritéévidente, quand bien même certains détails varieront afin d'éviter une redondance déjà, autant le dire, assez forte mais la finalitéétant toujours la même, peut-on la reprocher ?
Enumérons très brièvement chaque segment. Female Harakiri : Glorious Death a en "star" une japonaise standard affublée d'un kimono. School Girl : Harakiri, comme son nom l'indique, voit une écolière prendre part à l'action. Un fait qui ne tiendra pas du hasard vu que les écolières ont une grande aura sur le marché du hentai, de même que les infirmières comme en atteste Female Harakiri : Celebration. Pour White Clothing : Harakiri c'est une femme en tenue blanche qui sera de la partie. Dans Paradise Lost : Riding Habit Harakiri, c'est une nymphe revêtant les oripeaux militaires.
Une hypothétique métaphore du samouraï des temps modernes. Enfin, Beautiful Swordswomen : Double Seppuku va contraster avec les 5 premiers segments vu que, outre le fait de se dérouler à l'air libre dans un champ, c'est un couple de deux femmes qui va s'atteler au rituel. Dans chaque partie, un détail troublant s'invite à notre visionnage mouvementé. Je veux bien entendu parler du rapport si particulier entre la femme et le couteau ayant trait d'un phallus d'acier à double but. Un but à la fois masturbatoire, l'actrice se confinant dans un plaisir sadomasochiste à se déchirer les chairs tout en laissant échapper des gémissements de plaisir (voir l'image de droite ci-dessus, frappante dans son ambiguïté).
C'est une emblématique relation entre Eros et Thanatos qui va se créer devant nos yeux pour le moins ébahis. Dans un maëlstrom d'une indéniable violence, douleur et plaisir s'enlacent, mettant à jour une véritable relation amoureuse entre la femme et son instrument de mort, mais aussi avec sa blessure qu'elle touche avec abondance et fascination. Les caresses sont légions, certaines allant parfois jusqu'à l'extraction des entrailles se déversant sur le sol dans une mare de sang grossissant jusqu'à emporter dans l'autre monde cette femme dont nous ne connaissons rien, ni son identité, ni le pourquoi de tout ceci. C'est dans le flou le plus total qu'Onna Harakiri nous tient en laisse durant ses 272 minutes, montre en main. Inutile de dire que la difficulté d'accès est bien-là car, même si Sunohara s'est évertuéà changer ici et là quelques trucs, une certaine rébarbativité pointe rapidement le bout de son nez. Pour couper court, au bout de 2 segments, voire 3 avec le double seppuku, on a fait le tour, trouvant inutile d'aller jusqu'au bout. Là est toute la problématique de ce florilège de tripailles dont l'intérêt cinématographique en tant que tel pour l'entièreté de l'anthologie peut prêter à débat.
Mais la difficulté d'accès dans toute sa pureté propulsant Onna Harakiri dans les strates évidentes de l'expérimental tiendra de toute la technique de base. Premier point, la lenteur extraterrestre de l'action qui pourrait vous asséner un assoupissement instantané si la nuit précédente a été mauvaise. Deuxièmement, les décors dont l'austérité est telle qu'elle est bonne à filer le bourdon à un croque-mort. Plongés dans une semi obscurité, ils sont réduits à leur plus simple expression. Ambiance malsaine garantie ! Troisièmement, la lenteur de la mise en scène ne serait rien sans l'immobilisme des plans. Chaque segment durant en moyenne 45 minutes, à l'exception de Celebration (58 min) et Paradise Lost (34 min), mieux vaut dire qu'il n'en fallait pas davantage. Pour ne rien arranger, sa quasi impossibilitéà trouver l'entièreté de l'oeuvre gratuitement sur Internet devrait se charger d'éliminer les réfractaires restants.
Passer par le support physique en deviendrait presque indispensable (le lien torrent valide ayant disparu quelques jours après mon passage), bien que les 2 moyens-métrages susmentionnés soient dispo en intégralité sur YouTube. Niveau sonore, une variation est aussi à observer dans les genres mais tous témoignent d'une étrange plénitude, pourtant en total contraste avec l'extrême violence de l'acte dont on salue la qualité des effets spéciaux. Je ne commettrai par contre pas l'impudence de m'attaquer au jeu d'acteur tout bonnement inexistant. L'héroïne se contentant de se caresser, de se toucher, de s'éventrer, de se malaxer, de lécher parfois le poignard salvateur avec envie.
Autant admettre sans encombre qu'il est, pour ainsi dire, impossible de juger une telle oeuvre aussi jusqu'au-boutiste que ce Onna Harakiri Sakuhinshû. Bousculant tous nos sens, déstructurant notre vision cinématographique une fois de plus malmenée par un réalisateur assumant entièrement son style, ne se refusant aucune excentricité, les questionnements germent en nous. Quel est le but de tout ceci ? Envie de repousser toujours plus loin la provocation ? Combler les envies porno-morbides d'un public masculin en manque de sensations fortes ?
Récolter les satisfécits d'une frange cinéphile adepte d'un art mortifère ? Témoigner de la grâce de l'instant fatidique, de la beauté de la mort, de l'élégance sacrificielle ? Sans doute un peu de tout cela. Encore une fois, le Japon nous prouve toute son ouverture d'esprit par ses liens incompréhensibles pour nous, occidentaux, avec la mort, source de stylisme et d'une porte vers un autre commencement qui nous attend tous tôt ou tard.
Comme promis, voici l'estampe "Le Rêve de la Femme du Pêcheur"
Note : Vous me posez une colle !