Genre : Thriller, horreur, trash (interdit aux - 18 ans à Hong-Kong/interdit aux - 16 ans chez nous)
Année : 1980
Durée : 1h34
Synopsis :
Déterminés à s'échapper du régime autoritaire de Chine pour gagner la liberté de Hong-Kong, trois jeunes immigrés sont capturés par Mr. Hok, un contrebandier sadique, qui les soumet aux violences, mauvais traitements et humiliations de la part de bourreaux. Il s'agit, dès lors, pour les prisonniers de devoir se battre pour survivre.
La critique :
Il y a peu, je disais que j'étais momentanément saturé de films trash après l'éprouvante épreuve que j'ai vécue, définitivement hissée parmi mon travail de chroniqueur le plus important réaliséà ce jour. Il n'y a qu'à voir les chroniques de films bien plus sages qui ont suivi. Dieu que cela faisait plaisir de renouer avec un cinéma qui ne vous faisait pas ressortir de là perturbés. Et bien, à mon grand dam, il semblerait que cette petite pause soit de nouveau révolue, un peu à mes dépens ceci dit. Toujours au détour du très spécialisé site Wipfilm.net que je farfouillais pour trouver d'éventuels métrages à venir pour toujours un peu plus pervertir le blog, mon attention se porta sur les suggestions proposées. Parmi celles-ci, un film qui fera l'objet de cette chronique.
Tous les ingrédients étaient là : film chinois, années 80 et la mention des Shaw Brothers. Effectivement, il ne fallait pas être le feu Stephen Hawking pour savoir que nous tenions là une catégorie III. Vous savez, les films les plus immoraux du cinéma hong-kongais de jadis, estampillés d'une interdiction aux moins de 18 ans, équivalent à une interdiction aux moins de 16 ans chez nous. Dans le fond, si l'ultra violence était une marque de fabrique, ce n'était pas un genre qui me rebutait durant mon semblant de sevrage.
Au retour de mon deuxième rancard (hé, hé !) et après avoir expérimenté une recette culinaire ma foi fort peu convaincante, il était un peu tard. Pas de film trop long pour être en forme demain pour du télétravail. Affiché en grand dans la section de mes téléchargements : Lost Souls. Ayant la flemme d'aller chercher mes disques durs, mon choix se porta là-dessus. C'est en glanant ici et là quelques informations que je me rendis compte que Lost Soulsétait un film peu abordé sur le Web français. A ma connaissance, aucune grosse chronique détaillée sur la chose. Les seules infos croustillantes que j'obtenais furent les mots "ignoble" et "sadique". De quoi bien me mettre en confiance avec le semblant de sevrage que je m'imposais. En lançant le métrage, le générique de début afficha "directed by Mou Toun-Fei", soit le grand malade derrière le très célèbre Camp 731 : Men Behind The Sun et Black Sun : The Nanking Massacre. Visiblement, le destin voulut que je me replonge une fois de plus dans les entrailles de l'hébéphrénie mentale. Connaissant la réputation de ces métrages assez gerbant, mon entrain de tétraplégique n'était pas au beau fixe. "Ne jamais aller à l'encontre du destin", voilà sans doute un proverbe lâché un jour par un obscur philosophe. Cependant, après avoir visionné par défi l'infâme Terrible Meal, plus rien n'était susceptible de me dégoûter.
ATTENTION SPOILERS : Déterminés à s'échapper du régime autoritaire de Chine pour gagner la liberté de Hong-Kong, trois jeunes immigrés sont capturés par Mr. Hok, un contrebandier sadique, qui les soumet aux violences, mauvais traitements et humiliations de la part de bourreaux. Il s'agit, dès lors, pour les prisonniers de devoir se battre pour survivre.
Bien que cela soit, sans surprise, mon premier film de Mou Toun-Fei, il y a quand même quelque chose qui me plaît chez cet homme. Ses réalisations les plus connues s'axent, du peu que j'ai vu, sur de grands drames humanitaires. Que ça soit l'horrible camp 731, malheureusement trop occulté, ou le tristement célèbre Massacre de Nankin, le contexte était là pour le film coup de poing. Seul A Deadly Secretétait un peu à part quoiqu'il dépeignît le portrait d'un infâme magistrat. Alors quand ce cinéaste décide de s'attaquer au sujet spinescent de l'immigration, on ne pouvait détourner le regard là-dessus. Aussi étonnant que cela puisse paraître, cette thématique n'a pas fait l'objet de réalisations d'envergure de part chez nous. Trop glissant, trop polémique, il ne faisait aucun doute que la nécrose politiquement correcte n'apprécierait pas ça ou alors il fallait un avis très très subjectif sur la chose.
Simple hypothèse mais ça paraît gros comme un éléphant. Seulement, et j'insisterai là-dessus, il faut se rendre à l'évidence que Lost Souls s'inscrit dans la catégorie III et que, pour ceux qui ne la connaisse pas particulièrement bien, cette catégorie n'a pas de velléités profondes d'intelligence cinématographique. En d'autres termes, ne vous attendez pas à des dénonciations en tout genre, de grandes réflexions et autres analyses métaphysiques. La catégorie III se prend rarement au sérieux et n'hésite pas à délivrer la barbaque avec une gratuité assez fréquente. Il est alors peu recommandé aux personnes facilement impressionnables de se lancer dans l'aventure, qui plus est quand on a un Mou Toun-Fei, pas du tout réputé pour sa bienséance, derrière la caméra.
Il ne faut de nouveau pas être Stephen Hawking pour savoir que la condition des réfugiés est un thème fascinant, à même de poser de nombreux questionnements sociaux, humanitaires, existentiels, économiques et même géopolitiques. La situation de pauvreté, la détresse de personnes ayant tout perdu, le régime politique non adaptéà l'émancipation d'une population contrainte de fuir devant les menaces de représailles, les persécutions idéologiques et autres. Indéniablement, ce ne sont pas les sujets qui manquent, à tel point que tous les représenter en un seul film avec panache tiendrait d'une érudition quasi inédite. Sauf que Mou Toun-Fei se fiche éperdument de tout ça, de vouloir rendre son oeuvre mature si ce n'est au niveau de l'interdiction. Pour lui, ce qui importe est avant tout l'irrévérence, la volonté d'annihiler toute barrière éthique. Lost Souls ou la pellicule qui serait absolument impossible à produire chez nous. Voilà comment nous pourrions la nommer en quelques mots.
Mais pour quelles raisons ? Vous le saurez très bientôt. Pour décrire en quelques mots le synopsis aussi laconique qu'intéressant, trois sans-papiers décident de fuir le régime autoritaire de la Chine extérieure à Hong-Kong mais au cours de leur traversée, ils seront capturés par des contrebandiers qui se feront un malin plaisir à les kidnapper et les séquestrer. Bientôt, ils seront rapidement rejoints par un gros groupe de clandestins tabassés jusqu'à en perdre connaissance. Le but de tout ceci n'est pas sans rappeler le très scandaleux Salo, à savoir une critique sans concession du pouvoir absolu de personnages asservissants leurs victimes.
Il n'y a pas de but derrière cela, juste ce besoin irrépressible de domination, de violence et d'humiliations en tout genre. Les sans-papiers se voient être l'exutoire des pulsions animales de leurs geôliers. Si Tun-Fei ne réitère pas l'extrême violence de ses deux oeuvres les plus proverbiales, autant dire que Lost Souls n'y va pas avec le dos de la cuillère. Ainsi, l'immoralité se situe dans un sadisme tant physique que psychologique. Enfermés dans un bâtiment vétuste et à l'hygiène repoussante, leur passe-temps se résumera àêtre malmené. Rarement, on aura pu assister à un tel déferlement de tabassages. Les bourreaux frappent les détenus pour un rien, sans raison apparente, juste pour se défouler. A ce tableau assez peu reluisant, vous ajoutez nudité forcée (l'enfant du groupe n'y échappera pas non plus), viols aussi bien sur des femmes que sur des hommes, coups de bâton, arrosage d'eau froide pour "s'amuser", badinage d'excréments. Quelques scènes retiendront notre attention entre cette femme le couteau à la gorge obliger de regarder des hommes nus sauter, une femme s'immolant ou l'enfant se faire étrangler jusqu'à ce que mort s'en suive. Et tout ça je précise pendant, à la grosse louche, 1h15 quasiment sans interruption. Du coup, nous sommes en droit de nous poser quelques questions sur une véracité historique qui n'a pas lieu d'être.
Le racolage entièrement assumé laisse transparaître avant tout une bisserie osée ne se prenant pas du tout au sérieux dans ses ambitions. Ces ambitions se résumant à rudoyer et supplicier des malheureux qui s'attendaient à une vie meilleure en quittant la leur. De Charybde, ils passèrent en Scylla. Dès lors, on reconnaît la patte des Shaw Brothers à ne pas officier dans l'intellectualisme. Compte tenu de la gravité du sujet, vous comprenez maintenant pourquoi il aurait été impensable de réaliser un tel traitement chez nous. Lost Souls s'adresse avant tout aux cinéphiles (très) ouverts d'esprit qui sauront temporairement mettre de côté leur éthique pour apprécier (façon de parler) un film oùToun-Fei se prend un malin plaisir à lyncher des immigrés sans fond derrière. Saluons l'audace d'un cinéaste qui n'a pas froid aux yeux. Ceci étant dit, les plus téméraires pourront reprocher, à force de toujours verser dans la violence gratuite, une diminution de l'impact visuel. Pourtant, on ne pourra dire le contraire que Lost Souls est un puit d'inhumanité record, du moins dans le cinéma traditionnel, nous dirons. La durée standard de 1h30 prêtera à débat sur sa rapidité en tenant compte de l'accroche.
Et tôt ou tard, même dans un film de ce genre, il faut bien s'atteler à décrire un minimum tout l'aspect technique du film. Le fait est que Lost Souls n'est pas du tout repoussant visuellement. On apprécie grandement les plans, cadrages et les décors champêtres environnants. La mise en scène est ce qu'elle est donc ça se passera de commentaires. Amusant cette dichotomie entre cette nature si calme voyant en son sein toute la barbarie du genre humain. La bande son, par contre, est tout ce qu'il y a de plus quelconque, à peine si nous y faisons attention. Un autre problème est à mentionner et un fameux pour le coup qui concerne l'interprétation des acteurs.
Alors oui, je suis conscient que nous sommes dans du pur cinéma d'exploitation bis à 200% mais il aurait été de bon ton de faire en sorte que l'on s'accroche aux personnages. Or, nous n'éprouvons aucune compassion envers l'un et l'autre. Aucun sans-papier ne parvient à s'imposer. Il n'y a pas le moindre développement des personnages. A aucun moment, on ne s'attache à eux, personnages principaux compris. Si une rancoeur tenace est prégnante concernant les tortionnaires, on les considère comme plus intéressants que les victimes. Un comble !
Pour conclure, j'aurais bien du mal à recommander ce Lost Souls, si ce n'est aux cinéphiles chevronnés qui n'ont pas peur de l'immoralité absurde créée sur un fait aussi grave. Revêtant plus les oripeaux du défouloir que de l'oeuvre dénonciatrice, c'est à un enfer que nous sommes conviés. Si le gore, les tortures et pratiques sexuelles déviantes ne sont pas du tout de la partie, tout s'axe sur l'avilissement et les mauvais traitements se succédant à cadence industrielle. Si la violence physique est très loin des sommités, sa quantité hors norme suffit à bouleverser notre équilibre mental, désappointé par un tel déferlement de haine gratuite de tourmenteurs. Le nihilisme ira jusqu'à se répercuter sur une fin aussi glaciale que les châtiments subis. Décidément, aucun répit ne sera offert à ces âmes en perdition. Comme je n'ai pas eu une mention explicite du niveau d'interdiction, et connaissant sa classification dans la catégorie III, j'ai mis l'interdiction par défaut sans avoir plus de certitude. Aucun plan explicite de pénétration n'est au programme donc il n'y a, semble-t-il, rien qui ne justifierait une interdiction aux moins de 18 ans chez nous, malgré son niveau de violence largement plus élevé que la moyenne des catégories III. Je vous laisserai seul juge sur ce point. Mais autant dire que vous ne risquez pas de sortir de la séance avec un regard enjoué sur l'humanité se plaisant toujours à baigner dans le sang et la souffrance.
Qu'on le veuille ou non, Lost Souls a le mérite de nous interroger sur la délicate question de l'immigration européenne. Bien que nous ne soyons aucunement au niveau des tortionnaires du film, une hostilité bien réelle se développe un peu partout sur le continent européen, se transmuant parfois même en haine viscérale. De cette haine pourrait-il découler quelque chose de suffisamment féroce pour que nous puissions un jour assister à des groupuscules clandestins qui transformeront l'Europe en Scylla ?
Note : 11,5/20