Genre : documentaire, historique
Année : 2010
Durée : 1h18
Synopsis : Ce film met en scène quatre témoignages, écrits dès 1945. Ils décrivent le fonctionnement d'Auschwitz en tant que complexe concentrationnaire ainsi que l'itinéraire des victimes dans le processus de destruction mis en œuvre dans les différents sites. Un document aussi rigoureux sur le plan formel qu'historique. Les témoignages de ce film, celui du Docteur Marc Klein sur Auschwitz I et Rajsko, celui de Suzanne Birnbaum et Docteur Robert Levy sur Auschwitz II Birkenau et celui du Docteur Robert Waitz sur Auschwitz III Monowitz ont tous les quatre étéécrits dans les jours qui ont suivis leur retour de captivité. Cette immédiateté entre les événements vécus et leur rédaction donne à ces témoignages toute leur singularité et nous permet d'approcher au plus près la réalité d'Auschwitz et de ceux qui n'y ont pas survécu. Le parti pris de la réalisation est précisément celui de toute absence humaine à l'écran.
La critique :
On omet souvent de le dire et de le préciser, mais à la fin de la Seconde Guerre mondiale et la défaite de l'Allemagne d'Adolph Hitler, le monde entier ignore encore les exactions, les tortures, les meurtres et le gazage de six millions de juifs dans les camps de concentration allemands. A l'époque, le monde entier aspire à davantage de pacifisme et de sérénité. Hélas, ces aspérités seront contrariées par la Guerre Froide qui vient, de suite, se juxtaposer aux belligérances. Certes, sous l'égide des Alliés, le Procès de Nuremberg permet d'entendre, de juger et de déterminer le niveau de responsabilité (de culpabilité...) de Joseph Goebbels et ses fidèles affidés.
Interrogés, ces derniers rejettent unanimement la faute sur Hitler, mais le chancelier moustachu est décédé dans les décombres de Berlin après avoir commis le geste fatidique.
Le Führer se donnera lui-même la mort en avalant une petite capsule de cyanure. Le procès de Nuremberg met et cloue au pilori les plus grands responsables et dignitaires du régime nazi. Les principales accusations concernent, entre autres, des crimes contre la paix et complot, des crimes de guerre et, in fine, des crimes contre l'Humanité. Pour la première fois dans l'histoire de l'Humanité, le procès de Nuremberg met en exergue tout le barbarisme dont est capable l'être humain. Les Alliés découvrent, hébétés, de véritables entreprises de la mort qui gazent, mutilent, étrillent et assassinent des cargaisons de victimes. Pour ceux qui ont l'heur de survivre, ils vacillent le corps décrépit par le typhus et la famine. En outre, pour le monde entier, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'aux années 1950 pour que le noble Septième Art dénonce enfin toute l'horreur des camps de la mort.
Le documentaire Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1955) permet de scruter au plus près cette peste concentrationnaire en se focalisant sur cette industrie tristement funeste. Des milliers d'hommes, de femmes, de vieillards et d'enfants débarquent par le train, entassés et claustrés par centaines dans des wagons. Pour ceux et celles qui ne meurent pas asphyxiés durant le voyage, ils sont soit directement envoyés dans les chambres à gaz, soit condamnés à trimarder comme des forcenés dans les camps de travail. De tous les camps de concentration, celui d'Auschwitz apparaît comme le complexe concentrationnaire le plus élaboré.
C'est ce que tente de discerner le documentaire Auschwitz, premiers témoignages, réalisé par la diligence d'Emil Weiss en 2010.
Ce cinéaste s'est essentiellement spécialisé dans la réalisation de documentaires. On lui doit notamment Falkenau, vision de l'impossible (1988) et Quartier Lacan (2001). Il faut se rendre sur le site intitulé"Fondation pour la mémoire de la Shoah" (Source : http://www.fondationshoah.org/memoire/auschwitz-premiers-temoignages-un-film-demil-weiss) pour déceler des informations sur le documentaire Auschwitz, premiers témoignages. Ce site relate, entre autres, l'exégèse de ce documentaire historique. Attention, SPOILERS ! Auschwitz, premiers témoignages met en scène quatre témoignages, écrits dès 1945. Ils décrivent le fonctionnement d'Auschwitz en tant que complexe concentrationnaire, ainsi que l'itinéraire des victimes dans le processus de destruction mis en œuvre dans les différents sites. Un document aussi rigoureux sur le plan formel qu'historique.
Les témoignages de ce film, celui du docteur Marc Klein sur Auschwitz I et Rajsko, celui de Suzanne Birnbaum et du Docteur Robert Levy sur Auschwitz II Birkenau et celui du docteur Robert Waitz sur Auschwitz III Monowitz, ont tous les quatre étéécrits dans les jours qui ont suivi leur retour de captivité.
Cette immédiateté entre les événements vécus et leur rédaction donne à ces témoignages toute leur singularité et nous permet d'approcher au plus près la réalité d'Auschwitz et de ceux qui n'y ont pas survécu. Le parti pris de la réalisation est précisément celui de toute absence humaine à l'écran. Premier constat, Auschwitz, premiers témoignages s'inscrit dans le sillage et le continuum de Shoah (Claude Lanzmann, 1985). Pour souvenance, le documentaire de Claude Lanzmann s'appuyait lui aussi sur toute une série de témoignages.
Sous l'égide du metteur en scène, l'Holocauste se transmute en Shoah, soit l'extermination de six millions de juifs dans les camps de concentration nazis. Telle est, par ailleurs, l'allocution funèbre et péremptoire de Claude Lanzmann lui-même : "Et je leur donnerai un nom impérissable".
Seule dissimilitude et pas des moindres, Auschwitz, premiers témoignages s'articule, comme son intitulé l'indique, sur le camp d'Auschwitz. En l'occurrence, Auschwitz n'est pas vraiment un camp de concentration comme les autres. Le documentaire évoque, via une voix solennelle, un complexe concentrationnaire. Les divers témoignages subdivisent le camp d'Auschwitz en trois sections bien distinctes. Auschwitz I apparaît comme la section primordiale qui enferme, séquestre et assassine principalement des prisonniers de guerre, des juifs et des résistants.
Auschwitz II Birkenau est à la fois un camp de concentration et "un centre de mise à mort immédiate" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Auschwitz) qui ouvrira ses portes dès 1941. Auschwitz III Monowitz est un camp de travail dans lequel s'érige une vaste entreprise destinée à la construction du caoutchouc synthétique.
Dès lors, le camp d'Auschwitz apparaît presque comme à la fois une entreprise funeste et une sorte de ville-complexe dans lesquelles la concentration, l'enfermement, l'industrie, le commerce et surtout l'extermination de masse sont exercés à une cadence infernale. Auschwitz, premiers témoignages n'évoque pas seulement l'annihilation des juifs dans ce complexe retors et industriel, mais aussi la mise à mort de résistants soviétiques, roumains, tchécoslovaques et polonais, ainsi que la décimation des populations tziganes. Ainsi, une fois le convoi dépêché, les captifs sont segmentés en deux files bien distinctes. L'une conduit, manu militari, vers les chambres à gaz.
L'autre tangente vers les camps de travail. Paradoxalement, la "vie" (vraiment un terme à guillemeter et à minorer...) s'organise à Auschwitz avec ses laboratoires analysant principalement la parasitologie et l'histologie via des cobayes humains, des infirmeries qui pullulent de corps agonisants et de cadavres méphitiques et dans des conditions insalubres, des dortoirs qui parquent des milliers de détentionnaires, des fermes agricoles et même des bordels destinés à assouvir les pulsions satyriasiques des tortionnaires "nazillards".
Le camp d'Auschwitz apparaît à la fois comme le symbole et la quintessence morbide de la "Solution Finale". L'espérance de vie n'excède guère les deux mois de captivité. Le typhus, la gale et la dysenterie sont les maladies malignes qui prédominent. A cela, s'additionnent la neurasthénie mentale, la dépression, l'anxiété de ne pas voir le jour le lendemain, les contusions, les fractures, les excoriations, les sévices, les tortures, la malnutrition, le vol, les diverses épidémies et une mort inexpugnable. Si les divers témoignages relatent bel et bien toute la turpitude de ce complexe concentrationnaire, on peut néanmoins regretter que ce documentaire ne repose que sur les stigmates et les allocutions de quatre survivants. Or, à notre avis, la parole doit être aussi donnée à ceux qui ont régenté, de près ou de loin, cette entreprise gargantuesque pour mieux cerner et comprendre la sémiotique de l'Histoire et le travail de Mémoire. Que soit, exempt ce léger désappointement, Auschwitz, premiers témoignages apparaît comme un documentaire à la fois exhaustif, instructif, impartial et factuel sur une autre réalité ; celle qui témoigne, entre autres, des abjections et des vilenies commises par le régime nazi.
Désolé pour la note en mode interrogatif, mais face à l'horreur, mieux vaut parfois se taire et laisser parler la factualité et la véracité historique.
Note :?
Alice In Oliver