Genre : fantastique, western
Année : 1969
Durée : 1h36
Synopsis : Un groupe de cowboys capture un tyrannosaure, dans la Vallée Interdite, un site où vivent des créatures préhistoriques. Leur chef d'expédition livre l'animal à un cirque mexicain. Mais, ce dernier ne supporte pas d'être montré en public et parvient à se libérer...
La critique :
Décédé en 2013 à l'aube de ses 92 printemps, Ray Harryhausen est considéré comme l'illustre mentorat de l'animation en volume, une technique qu'il emprunte à Willis O'Brien, une autre référence prédominante du cinéma en général et de la stop motion en particulier. L'affection de Ray Harryhausen pour le noble Septième Art débute lorsque le jeune bambin découvre, ébaubi, le film King Kong (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933), un long-métrage sérénissime et proéminent qui a pour vedette une sorte de gorille titanesque. La bête, à fortiori turpide et bestiale, se tapit quelque part dans une forêt tropicale et infestée de diplodocus, de stégosaures et d'autres mastodontes.
A l'époque, le long-métrage fantastique est conçu, pensé et ratiociné comme un avatar grandiloquent de Le Monde Perdu (Harry O'Hoyt, 1925), un autre bréviaire qui exhume les dinosaures, jusqu'ici moribonds, de l'ère paléontologique.
Via la technique de la stop motion, Willis O'Brien, en technicien émérite, émerveille le jeune Ray Harryhausen. Que soit. A postériori, le jeune éphèbe va se parfaire et n'aura de cesse d'affiner et de peaufiner la stop motion (image par image) pour faire éclore et émerger des créatures à la fois gargantuesques, titanesques et de taille cyclopéenne, la plupart du temps issues de son imagination fertile. Passionné par les tyrannosaures et autres créatures préhistoriques et gargantuesques, Ray Harryhausen s'attelle à la tâche et partage ses travaux avec la complicité presque entichée de George Pal. C'est dans ce contexte que Ray Harryhausen signe plusieurs courts-métrages d'animation lyriques, féériques et fantasmagoriques.
Pour le concepteur roublard, les choses s'accélèrent vers la fin des années 1940 puisqu'il participe à la conception du gorille du film Monsieur Joe (Ernest B. Shoedsack, 1949).
Certes, ce long-métrage fantastique ne rivalise aucunement avec les effets spécieux faramineux de King Kong, mais le film permet déjà d'apprécier la rectitude, ainsi que le style affûté de Ray Harryhausen. Vétilleux, ce dernier étaye et améliore la technique de Willis O'Brien en conférant des mimiques, des expressions faciales et corporelles à ses propres créations mirifiques. Contre toute attente, Harryhausen parvient à humaniser ses montres émanant de temps antédiluviens. A raison, son producteur, George Pal, exulte.
Ray Harryhausen enchaîne alors les tournages. Il réalise les effets d'animation de Le Monstre des Temps Perdus (Eugène Lourié, 1953) et enchaîne avec plusieurs longs-métrages notables et éventuellement notoires, entre autres, Le monstre vient de la mer (Robert Gordon, 1955), Les Soucoupes Volantes Attaquent (Fred F. Sears, 1956), Le Septième Voyage de Sinbad (Nathan Juran, 1958), Les Voyages de Gulliver (Jack Sher, 1960), L'Île Mystérieuse (Cy Endfield, 1961).
Le travail minutieux et cérémonieux de Ray Harryhausen atteint son apogée lors du tournage de Jason et les Argonautes (Don Chaffey, 1963). Harryhausen conçoit un monstre de pierre à la stature étrangement retorse, mais à la complexion soyeuse. Cette réalisation chatoyante est souvent considérée comme sa plus belle pièce. Ray Harryhausen n'a jamais caché son extatisme ni son effervescence pour le film de Don Chaffey, un long-métrage somptuaire qu'il juge comme le chef d'oeuvre ultime de sa filmographie. A la rigueur, seul Le Choc des Titans (Desmond Davis, 1981) est susceptible de contrarier l'omnipotence de Jason et les Argonautes.
Corrélativement, Ray Harryhausen officie derrière les effets spéciaux et visuels de toute une pléthore de séries B, une catégorie à laquelle s'affilie aisément La Vallée de Gwangi, réalisé par la diligence de Jim O'Connolly en 1969.
En l'occurrence, ce cinéaste, producteur et scénariste britannique est réputé pour être un metteur en scène éclectique, capable de verser à la fois dans l'horreur, le fantastique et même la comédie. Les thuriféraires de Jim O'Connolly n'omettront pas de stipuler la série télévisée Le Saint (1967 - 1969), Le Cercle de Sang (1967), ou encore La Tour du Diable (1972) parmi ses productions les plus voluptuaires. Si La Vallée de Gwangi reste relativement anonyme dans la filmographie de Ray Harryhausen, cette oeuvre transie de fantastique, d'aventure et de western, apparaît comme un long-métrage dénotatif, surtout à l'aune d'une concurrence apoplectique en la matière.
La plupart du temps, les productions du même acabit ne sont que des succédanés, parfois éhontés, de Le Monde Perdu, tout en amalgamant la trame scénaristique de King Kong premier du nom.
Au moins, La Vallée de Gwangi tente de transgresser les codes habituels du genre en lutinant et en s'acoquinant avec le western, presque une première pour un film de dinosaures ! La distribution de cette série B se compose de James Franciscus, Gila Golan, Richard Carlson, Laurence Naismith, Freda Jackson et Gustavo Rojo. Attention, SPOILERS ! (1) À la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, un groupe de cowboys découvre et part explorer une mystérieuse vallée peuplée de créatures préhistoriques, notamment un Eohippus, un Styracosaurus, un ptéranodon ou un (ptérodactyle et un Ornithomimus. Après de nombreuses péripéties, les aventuriers parviennent à capturer au lasso un Allosaurus nommé Gwangi, le ramènent en ville dans une cage improvisée et l'exposent dans un cirque.
Mais le dinosaure parvient à s'échapper, se bat contre un éléphant et sème la panique jusqu'à ce que l'on parvienne à l'enfermer dans une cathédrale où il meurt au cours d'un incendie (1).
Certes, sur la forme, La Vallée de Gwangi emprunte le syllogisme homérique du western via sa litanie de cowboys et de héros affublés d'un chapeau et même d'un lasso pour happer et tirailler des monstres à l'appétit pantagruélique. A contrario, sur le fond, le film reprend sans sourciller les lignes narratives de King Kong. In fine, le western n'est qu'une habile matoiserie de Jim O'Connolly pour grimer et déguiser cette nouvelle variation de King Kong en un long-métrage à priori iconoclaste. Mais, cette fois-ci, c'est le tyrannosaure qui apparaît comme la figure prégnante et comminatoire, tortorant allègrement êtres humains et autres créatures lambdas.
Sur ce dernier point, La Vallée de Gwangi peut s'enhardir de posséder un foisonnant bestiaire, recélant de monstres imaginaires, mais évidemment inspirés et provenant de l'ère préhistorique.
Sur ce dernier point, le film n'évoque pas explicitement des dinosaures, mais plutôt des humanoïdes à caractère humain. Dommage, par ailleurs, que le long-métrage n'ait pas davantage étayé ce sujet, pour le moins spinescent. Certes, désormais, cette série B adventice a fortement pâti du poids des années et apparaît comme une production joliment obsolète. Néanmoins, les laudateurs de ce genre de bisseries seront en terrain connu et quasiment conquis. Indubitablement, Ray Harryhausen, dans son omniscience et sa promptitude habituelle, nous gratifie d'une stop motion cérémonieuse et protocolaire. La Vallée de Gwangi possède donc de solides arguties dans sa besace et Jim O'Connolly, sans être un cinéaste orfèvre, assure copieusement le spectacle.
Hélas, cette série B subalterne n'est pas exempte de tout grief. Derechef, les protagonistes humains ne présentent qu'un intérêt assez relatif. En outre, difficile de s'émouvoir ni de s'éprendre pour cet oaristys amoureux entre un cowboy monolithique, Tuck Kirby, et une jeune gourgandine, T.J. Breckenridge. A ce niveau, l'interprétation, sans être foncièrement indigente, a toutes les peines du monde à transparaître et àémerger face à l'hégémonie du tyrannosaure de service. La bête, d'une taille pélagienne, chipe la vedette au casting humain. Mais tel est le sceau, presque infrangible, de ce genre de production, aussi ingénue que munificente.
Note : 13.5/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Vall%C3%A9e_de_Gwangi