Genre : Drame, comédie dramatique (interdit aux - 16 ans)
Année : 1997
Durée : 2h35
Synopsis :
En 1977, le jeune Eddie Adams est plongeur dans une boîte de nuit à la mode de San Fernando Valley, banlieue de Los Angeles. Sa vie de famille n'est pas rose entre un père muet et une mère hystérique qui lui reproche d'être un raté. C'est alors qu'il fait la connaissance de Jack Horner, qui va le propulser dans le monde du cinéma porno. A une époque où le sexe est un plaisir sans danger et le plaisir une industrie, Eddie devient une star internationale sous le nom de Dirk Diggler.
La critique :
En cette période estivale marquée par une canicule pour le moins désagréable et un mémoire de fin d'études qui n'en finit plus, je me suis dit qu'il ne serait pas inadéquat d'opter pour la chronique d'un objet tout à fait particulier en son genre. L'histoire cinématographique nous l'a prouvé plus d'une fois mais le cinéma pornographique n'est pas celui qui, sans mauvais jeux de mots, vous fera grimper aux rideaux. Trop balisé, répétant les mêmes schémas ad vitam aeternam, ne se préoccupant nullement du scénario, de l'esthétique ou du jeu d'acteur, le seul intérêt de beaucoup est de permettre au quidam de se délecter de la sacro-sainte éjaculation. Les contempteurs diront que le résultat est ordurier et ne mérite pas le statut de vrai film. En soit, je ne peux que partager leur opinion que certains considéreront comme puriste. Pourtant, cela serait malhonnête d'omettre une glorieuse époque que je n'ai pas connu au sein de laquelle les réalisateurs avaient d'autres ambitions que de sortir de banales vidéos destinées àêtre refourguées dans des night shops et puis oubliées après l'expulsion du précieux liquide.
Nous étions à l'ère du porno chic qui, comme son nom l'indique, était un courant qui avait des objectifs d'un tout autre genre prédéfinis. Ainsi, l'existence d'un réel scénario était une condition sine qua non mais pas que, vu qu'une importance toute particulière aux décors se trouvait dans le cahier des charges.
La date de l'émergence de ce mouvement ne tient pas du hasard. Le début des années 70 s'imbriquait dans un contexte de libération sexuelle, de l'envie de briser toutes les barrières morales pour permettre à tout un chacun de se vautrer dans un consumérisme naissant des relations sexuelles sous fond d'hédonisme. C'était une période marquée par l'innocence et la naïveté. La vie ne devait être que plaisir et encore plaisir jusqu'à satiété, en sachant que cette limite ne semblait pas être en mesure d'être atteinte pour certains. Ainsi, on ne peut cacher notre extatisme de se retrouver face à un cinéaste qui a décidé de se lancer dans un périple pour le moins audacieux. C'est ainsi que Boogie Nights, créé par la diligence du célèbre Paul Thomas Anderson, débarqua dans les salles. Retranscrire l'odyssée d'une star du porno dans les années folles de libération avait de quoi titiller agréablement tout un chacun.
Mais voilà que l'on ne pouvait cacher l'épineux thème à même de susciter les hostilités d'un public puritain ! Contre toute attente, Boogie Nights ne sera pas l'instigateur d'un quelconque scandale et passera même relativement inaperçu dans un premier temps. Ce n'est qu'au cours du temps qu'il parvint à gagner ses galons jusqu'à s'immiscer parmi les métrages les plus probants d'un cinéaste à controverse dans les milieux cinéphiles. En attestent les fameux The Master et Inherent Vice qui, personnellement, m'ont beaucoup plu en dépit d'un scepticisme ambiant du monde cinéphile sur leur qualité.
ATTENTION SPOILERS : En 1977, le jeune Eddie Adams est plongeur dans une boîte de nuit à la mode de San Fernando Valley, banlieue de Los Angeles. Sa vie de famille n'est pas rose entre un père muet et une mère hystérique qui lui reproche d'être un raté. C'est alors qu'il fait la connaissance de Jack Horner, qui va le propulser dans le monde du cinéma porno. A une époque où le sexe est un plaisir sans danger et le plaisir une industrie, Eddie devient une star internationale sous le nom de Dirk Diggler.
Pourtant, il convient de mentionner que Boogie Nights n'aura pas fait que des heureux. Un en particulier a exprimé son amertume après coup et il ne s'agit ni plus ni moins que de Mark Wahlberg, l'acteur principal, qui cite cette oeuvre comme le pire choix de sa carrière en tenant les propos suivants : "J'espère que Dieu aime les films et sait pardonner, parce que j'ai fait de regrettables choix par le passé. Boogie Nights est là-haut en premier dans la liste". Connaissant son palmarès pas très folichon, il y a de quoi être interpellé sur ce qu'il considère comme prestation de qualité ou non. Mais ne crachons pas dans la soupe car l'essentiel est que le film soit là, tourné comme il fallait !
Et j'ai envie de dire merci une fois de plus àPaul Thomas Anderson pour un autre dépaysement cinématographique en renvoyant 42 ans en arrière le spectateur pour une plongée dans les bas-fonds de Los Angeles à l'heure de la démocratisation de la pornographie. Les barrières morales scandées par la bourgeoisie sont devenues has-been et l'insolence, la défiance envers le pouvoir et le puritanisme ne cessent de faire de nouveaux adeptes. D'abord marginalisé, indésirable voire même interdit, le porno monte en intensité, devenant un business fructueux en mobilisant de nombreux acteurs (financiers et fournisseurs entre autres). Des cinéastes se font un nom et une vraie grammaire du porno se met en place avec ses codes, ses schémas préconçus. Et au milieu, un jeune qui se prénomme Dirk Diggler et qui va se forger une célébrité incontournable dans le milieu. C'est une plongée dans le milieu dans les règles de l'art à laquelle nous convie Anderson dans un Boogie Nights que nous pouvons scinder en deux parties bien distinctes.
La première partie s'attarde à développer tout le contexte, analysant les lieux, les espaces et les acteurs du milieu. Les personnages sont sympathiques et les principaux se montreront vite attachants mais, comme nous nous en doutions, ils évoluent dans une atmosphère de débauche et d'autodestruction. La drogue est banalisée et toutes les substances possibles sont de la partie, avec, toutefois, une nette appréciation pour la cocaïne. Bien entendu, de ce milieu, découle une mentalité basée sur la superficialité où tout se focalise sur l'apparence sans chercher à sonder la profondeur de tout un chacun. Tout n'est basé qu'autour du physique. Et, sans étonnement, la femme, pivot central de ce cinéma, est la grande perdante de ce cirque grandeur nature. Elle se crée un nom, une popularité et récolte, en moyenne, plus d'argent qu'un acteur porno mais elle n'est vue que comme une viande bonne àêtre pénétrée. Tout ce climat enjoué ne cache pour autant pas les déboires et divers problèmes.
Amber Waves est prise dans les tourments de la garde parentale à laquelle elle est privée à l'aune de sa profession et de sa toxicomanie. Dirk Diggler en personne fuira le foyer familial constitué d'un père sourd à ce qu'il se passe et une mère acariâtre ne pouvant se retenir de rabaisser son fils en permanence. Quand bien même une forme d'épanouissement dans la luxure et la drogue se font, on en vient à se questionner sur une volonté d'oublier la réalité, de fuir ses problèmes dans la consommation fallacieuse de ces deux choses. En fin de compte, sont-ils vraiment heureux ?
Anderson ne va pas non plus éluder l'évolution du marché vu que Boogie Nights se déroule sur plusieurs années. La cassette vidéo est en train de monter en puissance, au grand dam d'un Jack Horner de la vieille école. Un personnage central dont les ambitions s'inscrivent dans l'envie de faire du cinéma. Il veut faire des films dignes de ce nom, avec une histoire, une ambiance et un travail d'acteur qui irait plus loin que la simple copulation. Une vision très respectable que l'on ne peut que rapprocher du porno chic. Toute cette communauté vit au jour le jour. On croit que cette période de stabilité durera. Bien mal nous en prend car la deuxième partie arrive où tout ne sera que perversion et désespoir. Faire carrière dans la pornographie entraîne le collage d'une étiquette peu recommandable sur le front de la personne et l'un en fera les frais quand il cherchera à se reconvertir dans autre chose.
Une autre sera incapable de voir la réalité en face suite aux propos d'un ancien collègue de classe qui lui demandera si elle est fière de ce qu'elle est devenue. La justice mettra à jour un bien sombre secret que cache Le Colonel. La descente mentale touchera tout le monde et même son personnage principal qui, de par son arrogance, finira par être viré.
Pour ceux s'attendant à un happy-end, il ne faudra pas trop compter sur Anderson puisqu'il finit sur un semi happy-end qui ne concernera qu'une seule et unique personne mais je vous laisse le découvrir car j'en ai déjà trop dit. Indubitablement, Boogie Nights fascine son spectateur qu'il accompagne dans la destinée torturée de chacun de ces êtres en perdition dans une apparence faussée de l'épanouissement. Seulement, il n'est pas pour autant exempt de tout défaut. On aurait aimé avoir un approfondissement de la situation du Septième Art pornographique d'époque dans sa globalité et pas juste au travers du microcosme de Jack Horner. De plus, l'impression de voir Dirk Diggler un peu trop éclipsé (surtout dans la deuxième partie) se fera ressentir à plusieurs reprises.
N'avoir plus aucune nouvelle de ses parents ne sera pas judicieux sur le déroulement de l'histoire. Voir les réactions de sa famille sur son statut actuel aurait été plus qu'intéressant. Et juste histoire d'ergoter un peu, les facilités de son recrutement par Horner ne risqueront sans doute pas de convaincre tout le monde. Le réalisateur claquant à Diggler qu'il sent en lui un grand talent sur aucune base tangible est un peu moyen. Mais malgré tout, on se prend au jeu durant ces 2h35 passant plus vite qu'on ne le pense.
Mais là oùBoogie Nights frappera aussi très fort est sur l'image et le son. Concernant le premier cas, on ne peut réfuter la superbe esthétique où se mêlent moult couleurs, plans-séquences de toute beauté, décors chatoyants et raffinés, cadrages impeccables et jeux de lumière de haute volée. Mention toute spéciale au plan-séquence de la jeune femme se dirigeant dans la piscine qui est un excellent clin d'oeil à l'un des plus beaux films de tous les temps (à mes yeux bien sûr), j'ai nomméSoy Cuba. Maintenant, place à la bande son qui aura contribuéà la renommée de l'oeuvre en étant souvent omniprésente, multipliant les musiques populaires des années 70 pour un travail final absolument éblouissant pour nos petits tympans. A coup sûr, les cinéphiles de cette génération ne pourront que passer un bon moment auditif avec des titres comme Driver's Seat de Sniff'n The Tears ou Jessie's Girl de Rick Springfield. Enfin, les acteurs contribueront aussi à la réussite du soft.
Mark Wahlberg est très inspiré en Dick Diggler, s'inspirant de l'acteur pornographique John C. Holmes. On ne mettra pas longtemps à conclure qu'il trouve l'un de ses meilleurs rôles. Burt Reynolds peut s'enorgueillir d'avoir remporté un Golden Globes pour sa géniale interprétation de Horner. Pour la petite anecdote, il ne s'agit là que d'une récompense parmi 21 et 19 nominations. On ne pourrait oublier de mentionner Julianne Moore et Philip Seymour Hoffman qui érigent déjà tout leur talent alors qu'ils en sont encore plus ou moins à leur début de carrière. Le reste du casting se composera de Don Cheadle, Robert Ridgely, Heather Graham, Luis Guzmán, William H. Macy, Nicole Ari Parker et John C. Reilly pour les principaux.
Ainsi, Boogie Nights, que j'ai découvert du temps du prestigieux classement des films trash de Naveton Cinéma, est indiscutablement une réalisation de grande qualité qui n'aura pas usurpé sa réputation de métrage proéminent de la filmographie de Anderson, malgré un manque de reconnaissance encore tenace. Film courageux à plus d'un titre, il s'aventure sur les pentes escarpées en traitant d'une thématique qui est loin de susciter l'engouement du politiquement correct. Fort heureusement, dans la fin des années 90, il n'y avait pas encore cette envie pathologique de condamner systématiquement tout élément borderline. Hommage absolu à un temps révolu et aux balbutiements d'un porno d'après délivrance sexuelle. Oeuvre sociale exhibant l'être délivré de ses chaînes morales pour se gausser dans les plaisirs de la chair. Déclaration d'amour envers le porno chic, seul courant valable de ce cinéma. Autant d'observations qui font de Boogie Nights une comédie dramatique tapant souvent dans le mille mais qui aurait mérité de repenser un peu plus ses choix scénaristiques.
Une broutille devant un très bel instant de cinéma amorçant la carrière d'un homme suscitant irrémédiablement le débat. Nettement plus accessible que les deux films susmentionnés dans l'introduction, il ne se sera en aucun cas accaparé sa place de choix. Là où le 7ème ciel est l'Eden des sens, le phallus turgescent de Diggler sera l'instrument primordial de la liaison charnelle à ce nirvana. Moteur, action, ça tourne !
Note : 16/20