Genre : Drame (interdit aux - 12 ans à sa sortie/tout public aujourd'hui)
Année : 1978
Durée : 1h55
Synopsis :
Nicole, infirmière à Grenoble, est violée un soir par quatre hommes. Traumatisée, elle pense ne jamais pouvoir se remettre de ce choc. Sur les conseils d'une amie, elle finit tout de même par porter plainte afin que cette affaire puisse avoir une suite judiciaire.
La critique :
C'est rare mais ça arrive ! Mais voilà que Cinéma Choc offre une tribune aujourd'hui au cinéma français. Car si vous regardez dans les tags, il y a peu de films de l'Hexagone à avoir été chroniqué ici en comparaison des USA ou du Japon pour ne citer qu'eux. Certes, nous ne prétendons pas avoir déjà abordé tout le catalogue à même de figurer dans nos colonnes mais force est de dire qu'en matière de pellicules indécentes et outrecuidantes, la France fait peine à voir. L'exercice est très difficile de comprendre cette politique bien-pensante et ce dédain caractéristique. Le Septième Art français voyant son financement provenir en grande partie de la télévision n'est aucunement étranger à cela. C'est la loi du prime-time après tout. On finance des oeuvres tout publics, abordables pour tous, donc rien qui ne puisse choquer nos chérubins, car l'objectif perfide derrière cela est que ces films se retrouvent ensuite sur la TV afin que les investissements profitent aux investisseurs.
Simple règle d'économie que certains jugeront bonne ou non. Sauf que cela impacte sur l'audace, la créativité, l'ouverture d'esprit et l'innovation vu que ça doit plaire au plus grand nombre. Dans ce cas précis, le domaine des arts peut être miné par une telle vision capitaliste sans frontières définies dans l'intrusion. Pour les téméraires, cela doit passer par de longues étapes, souvent ponctuées de nouvelles peu encourageantes, qui plus est quand le moindre écart vis-à-vis de la doxa du politiquement correct est pointée du doigt par toute une série d'associations crétines et de quelques cul-bénits choqués pour un rien.
Il n'y a fréquemment comme alternative que de se tourner vers un moyen de production indépendant, parfois même jusqu'au crowdfunding ou encore de s'expatrier dans des pays plus libres d'esprit, comme les USA quoi que l'on en dise. Toutefois, il serait malhonnête de faire l'impasse sur le cinéma hexagonal récent car il fourmille de bons, voire très bons, projets qui ne peuvent toutefois pas être en accord avec les termes du blog. La seule problématique scandée ne reposant que sur un nombre faible de films pouvant susciter l'appétence de Cinéma Choc. Et c'est àL'Amour Violé d'être mis sur le devant de la scène en ce jour avec Yannick Bellonà sa réalisation. A la fois cinéaste, monteuse, scénariste, réalisatrice et productrice, la française a vu son incursion dans le monde des longs-métrages lui valoir une réputation de féministe, comme en atteste La Femme de Jean et L'Amour Nu.
Vient également s'y rajouter L'Amour Violé que certains considèrent comme son métrage le plus proverbial. Pourtant, sa conception fut difficile puisque personne ne voulait le produire tant le sujet qu'elle abordait était spinescent et visiblement abordé de manière un peu trop frontale. Après quelques déboires, c'est la lumière au bout du tunnel. Le métrage déchaîne les passions et se pare d'un grand succès public. Aurait-il pu en être de même de nos jours ? Là est la question.
ATTENTION SPOILERS : Nicole, infirmière à Grenoble, est violée un soir par quatre hommes. Traumatisée, elle pense ne jamais pouvoir se remettre de ce choc. Sur les conseils d'une amie, elle finit tout de même par porter plainte afin que cette affaire puisse avoir une suite judiciaire.
Aussi étonnant qu'il puisse paraître, il y a peu de films abordant le sujet hautement épineux du viol et de ses conséquences à dénombrer en France. Encore considéré comme tabou, ce phénomène, dont les femmes en sont les principales victimes, affiche des statistiques effarantes en termes de chiffres au point d'en devenir un triste phénomène de société. Mais résumer cet affront envers la dignité humaine à une simple pénétration avec violence aurait été bien odieux quand on songe aux conséquences et souffrances psychologiques que doit porter sur leurs frêles épaules ces "violées". A travers L'Amour Violé, Bellon décide de prendre le problème à bras le corps et d'analyser en long et en large le traumatisme de Nicole qui, en allant chez des amis en vélomoteur, est kidnappée par 4 hommes en chaleur. Ceux-ci l'emmèneront dans un endroit isolé de la vue de tous en pleine nuit pour la malmener, l'humilier et la violer chacun à leur tour sous ses cris d'effroi et ses larmes qu'elle ne peut contenir.
L'un des individus ira jusqu'à la forcer à lui faire une fellation. Un autre, si on en atteste les hurlements et la position du rapport, a dû se faire un malin plaisir à la sodomiser. Elle est ensuite relâchée sur le bord de la route au même endroit où elle a été enlevée. L'humiliation est totale et commence pour elle une longue descente aux enfers. Dans un premier temps, elle ne veut pas porter plainte contre X, arguant qu'elle tient à oublier ce qu'elle a vécu. De son côté, son homme militaire ne peut contenir sa rage et son envie de les retrouver pour les envoyer à l'hôpital.
Fort heureusement, elle finira par trouver le courage nécessaire pour se présenter à la police et faire face à une société honteuse dans sa vision des choses. Bellon ratisse alors à tous les étages et montre notre civilisation comme cruelle et sans pitié face à ces demoiselles qui ont eu un jour le malheur d'être au mauvais endroit au mauvais moment. Elle voit les conventions arriérées et la pensée de certains qu'elle juge intolérable. Et ça ne concerne pas seulement les hommes mais aussi les femmes qui ont été conditionnées par les tenanciers de la doctrine patriarcale qui veut que si une femme s'est faite violer, c'est qu'il y a possibilité qu'elle ait eu un comportement d'aguicheuse et qu'elle ait pu envoyer des signaux aux hommes. Pour faire court, la provocation ne viendrait pas de l'agresseur mais de la victime. Des propos beaucoup plus fréquents qu'on ne le pense si on s'aventure dans le salmigondis des réseaux sociaux. Bon, après, il est vrai que les allumeuses existent et que certaines jouent avec le feu mais le viol reste tout de même un délit impardonnable brisant des vies entières.
Et les propos susmentionnés ne concernent pas des petites frappes des quartiers mais bien l'inspecteur de police qui demandera à Nicole si elle a eu des gestes déplacés ou incitateurs. Et ça ne sera pas le conflit final dans les bureaux de la police entre Nicole et son avocate et les 4 délinquants disant qu'ils voulaient juste s'amuser et qu'elle les a chauffés qui dira le contraire. L'avocat des malfrats tenant lui aussi, caché sous quelques tournures de phrases, les mêmes propos.
Pire encore, Nicole subit des pressions du milieu familial des sbires pour retirer sa plainte. Tout d'abord, ceux-ci ne sont pas des désaxés, asociaux ou que sais-je, mais bien des garçons intégrés dans la société. Ils ont un boulot, sont globalement extravertis à un point qu'on ne les soupçonnerait jamais d'être capable de tels méfaits. L'un est même étudiant en comptabilité, tandis qu'un est carrément marié et a un enfant. On la considère comme orgueilleuse, voulant faire passer son petit égoïsme avant les autres. On minimise ce qu'elle a subi parce qu'elle est encore en vie et physiquement intacte en comparant avec les malheurs des autres. Néanmoins, Nicole ne peut plus supporter que son homme la touche et est toujours hantée 6 mois après par cette nuit affreuse dont elle en fut bien malgré elle l'actrice principale. D'ailleurs, son copain nous apparaîtra vite peu sympathique, égoïste et antipathique en ramenant le problème à lui seul. Qu'on se le dise, L'Amour Violé est un film énervant car il ne peut laisser indifférent face à des propos bestiaux tenus dans la plus grande normalité, et ce même dans les strates de la justice montrant assez peu d'empathie envers ces violées. La démarche de Nicole sera de protéger les futures victimes de ces abus et de les solliciter à prendre la parole au lieu de rester mutique.
Hélas tout n'est pas parfait car L'Amour Violé manque souvent de subtilité en ratiocinant un peu trop à tous les étages au point de verser parfois dans une caricature assez grossière. Les dissertations de comptoir en sont un exemple de taille mais aussi certaines scènes comme cette fille accostée dans la rue de manière mal amenée et théâtrale. On se surprend aussi de voir les quatre compères avouer directement leur acte alors qu'ils avaient tout pour se protéger (aucun témoin environnant, lieu isolé de tout donc pas de preuves). Une facilité scénaristique pour le moins grotesque qui n'est faite que pour aider la cause juste du film et d'arriver facilement au générique de fin. L'honneur d'assumer ses actes ? On ne me fera pas croire que les violeurs confessent aussi facilement leur viol donc là aussi on a un manque de naturel qui impacte sur la qualité globale. Enfin, je trouve bon de souligner mon incompréhension devant la mention "tout public" attribuée au long-métrage alors que, de base, l'histoire est pour le moins sombre mais surtout que la scène du viol n'est pas piquée des vers.
On voit quand même Nicole nue, frappée et pénétrée avec violence, le tout coupléà un réalisme saisissant dans les émotions retransmises face caméra. Une interdiction aux moins de 12 ans aurait été le minimum syndical afin que ce projet ne tombe entre de petites mains. Quelques fois, le comité de censure fascine par son illogisme...
Rien à dire maintenant sur toute la mise en scène retenant notre attention, désireux de voir l'aboutissement de la condamnation judiciaire... que nous ne verrons pas puisque cela s'arrête à une sorte de reconstitution peu intéressante. Seront-ils condamnés ? Auront-ils une sanction à la hauteur du crime commis ? Nous ne le saurons pas, en dépit d'une dernière séquence de fin très belle en second niveau de lecture. De quoi en frustrer quelques uns. N'occultons pas les beaux paysages de la campagne française et d'une caméra exemplaire. Pas de quoi sauter au plafond au niveau de la photographie mais loin d'être mauvais pour autant. Pour la bande son, ça plaira ou non car on aura le plaisir d'avoir de la variété française, en l'occurrence une chanson mélodramatique dans les oreilles. Personnellement, je ne dis rien mais je n'en pense pas moins. Pour les acteurs, un très bon point à attribuer àNathalie Nell parfaitement crédible et ne sombrant à aucun moment dans le patho déplacé pour tenter de bêtement émouvoir le public. Elle garde son calme, pleure humblement sans user d'artifices.
Làétait ma grosse appréhension au moment de lancer le visionnage. Appréhension rapidement détruite pour mon plus grand bonheur. On sera aussi amusé de voir Daniel Auteuil en petit caïd et sa tête de bébé difficile. Pour les autres, ça reste très "Nouvelle Vague" donc là aussi, ça plaira ou non. Certains seront toutefois assez insipides et peu convaincants. On peut citer au restant du casting Alain Fourès, Michèle Simonnet, Pierre Arditi, Bernard Granger, Marco Perrin, Marianne Epin, Alain Marcel et Guylène Péan.
En conclusion, en dépit de certaines tares rédhibitoires, L'Amour Violé est un film qui a le mérite d'exister en donnant la parole à des femmes frappées de la dégradation la plus déshonorante possible. Toutefois, même en outrepassant ces barrières beaucoup plus difficiles à franchir qu'on le pense de dénoncer son/ses ravisseur(s), les saillies peuvent survenir, n'arrangeant pas leur psyché valétudinaire. Pourrait-on faire un parallèle avec les enseignements du catholicisme, dont l'influence était encore très forte en 1978 ? Je ne me risquerai pas à le faire car il n'y a aucun clin d'oeil à discerner sur ce sujet. Ce que l'on sait est qu'il y a bel et bien un manque de bienveillance et d'empathie de certains acteurs de la société se plaisant inconsciemment ou non à enterrer toujours plus l'espoir de ces révoltées.
On ne le répètera jamais assez mais osez prendre la parole. Il n'y a pas de honte à avoir car vous n'êtes pas les seules mais ce n'est pas en se taisant que l'on combat le crime mais en dénonçant ceux qui le font. Certes, la justice est ce qu'elle est mais ça ne justifie pas le fait de se plonger dans un silence malsain car cela ne vous apportera aucun réconfort. Même si L'Amour Violé n'est pas parfait, il peut être un levier suffisant pour prendre à bras le corps ce que l'on a vécu et défier les yeux dans les yeux les hommes qui ont osé un jour souiller votre innocence.
Note :13/20
Taratata