Genre : documentaire, "documenteur", shockumentary, "Mondo", érotique (interdit aux - 18 ans au moment de sa sortie, interdit aux moins de 16 ans aujourd'hui)
Année : 1986
Durée : 1h36
Synopsis : (1) Bien avant les hommes, les animaux ont connu la vie, l'amour, la mort, la nuit. Franchissons les tabous, piétinons les barrières et pénétrons dans le monde des humains, étrange, choquant et souvent cruel. Une vision des moeurs, des rites, des mythes et des pratiques sexuelles en différents points du monde : Rio, Manille, Paris, ou encore en Afrique... (1)
La critique :
Merci par avance de ne pas tonner, grommeler, ni maronner nonobstant certains apparats matois. Oui, le cycle consacré aux "Mondo", death movies et shockumentaries se poursuit. Inexorablement... Cela fait combien de temps, déjà ? Plus d'une année, n'est-ce pas ? Aujourd'hui, Cinéma Choc tient donc à se récuser auprès de ses thuriféraires (mais enfin, qui êtes-vous ?) pour cette profusion de pellicules licencieuses et indécentes qui prolifèrent sur le blog depuis un certain temps déjà. Depuis le succès pharaonique de Mondo Cane (Gualtiero Jacopetti, Francesco Prosperi et Max Cavalara, 1962), le "Mondo" s'est largement répandu et démocratisé via le support vidéo.
Pour souvenance, le "Mondo" est un sous-registre du cinéma underground et d'exploitation qui consiste à scruter les us et les coutumes de peuplades séculaires.
Tantôt virulentes, tantôt truculentes, tantôt outrecuidantes, ces saynètes érubescentes explorent toutes les turpitudes éructées par l'Humanité. Ce n'est pas aléatoire si Mondo Cane, traduit de l'italien, signifie "un monde de chiens". Sur la forme, ce shockumentary revêt alors une dimension à la fois iréniste et anthropologique. Sur le fond, le long-métrage de Gualtiero Jacopetti et ses pairs flagorne davantage notre intempérance pour l'hédonisme et cette scopophilie obsessionnelle, voire maladive. En l'état, Mondo Cane fait office de "documenteur" d'avant-garde. Toutes les séquences scabreuses sont, in fine, interprétées par des acteurs anonymes et amateurs.
Que soit. Grisés par ce succès inopiné, Gualtiero Jacopetti et Francesco Prosperi vont alors obliquer vers les tourments et la paupérisation de l'Afrique.
Africa Addio (1966) et Les Négriers (1971) franchissent une étape supplémentaire dans le barbarisme à tous crins. Ces "Mondo" dérivent vers les supplices, la pornographie et les snuffs animaliers. Bientôt, la déréliction de l'Afrique devient le nouvel apanage du "Mondo". Impression corroborée par les sorties concomitantes d'Africa Ama (Angelo et Alfredo Castiglioni, 1971), Mondo Magic (Angelo et Alfredo Castiglioni, 1975), ou encore Addio Ultimo Uomo (Angelo et Alfredo Castiglioni, 1978). Le "Mondo" tangente alors vers les directions exotiques.
Que ce soit l'Asie (Shocking Asia, Rolf Olsen, 1974), l'Oncle Sam (L'Amérique Interdite, Romano Vanderbes, 1977), les flexuosités de la savane (Savage Man Savage Beast, Antonio Climati et Mario Morra, 1975), la ville de Saint-Tropez (Saint-Tropez Interdit, Georges Bénazéraf et Georges Cachoux, 1985), ou encore notre capitale parisienne (Paris Top Secret, Pierre Roustang, 1969), tous ces territoires seront savamment explorés par le "Mondo".
Même les freaks et les personnes handicapées auront le droit à un "documenteur" via l'inénarrable Je ne suis pas un monstre (Kirby Dick, 1987). Vous l'avez donc compris. En voulant dénoncer le primitivisme de notre civilisation, le "Mondo" enjôle davantage notre tropisme pour la brutalité et la violence. Et c'est ce qu'a parfaitement compris Chantal Lasbats via Les Interdits du Monde, sorti en 1986. Dire que ce "documenteur" tient de l'opportunisme est un doux euphémisme ! Oui, Les Interdits du Monde est un "Mondo" issu de notre cinéma hexagonal !
Faut-il s'égayer, s'époumoner et s'égosiller pour autant ? Faut-il pousser un cocorico de circonstance ? Non, pas vraiment... Et même loin de là... En l'occurrence, il est difficile de trouver des sources et des informations sur Chantal Lasbats.
Manifestement, la réalisatrice s'est surtout spécialisée dans le documentaire. On lui doit notamment Lebensborn – les enfants de la honte (1994), Grèce, 17 N, le terrorisme en question (2004), Dans les entrailles de New York (2008) et Sous le soleil vert (2010), soit autant de documentaires inconnus au bataillon ! Depuis plus de dix ans maintenant, Chantal Lasbats semble avoir subrepticement disparu des écrans-radars. A ce jour, Les Interdits du Monde reste donc son long-métrage le plus proverbial ! Pour une raison qui nous échappe, ce shockumentary a écopé, au moment de sa sortie, de l'ultime animadversion, soit d'une interdiction aux moins de 18 ans.
Cette réprobation sera minorée à postériori pour passer à une simple (si j'ose dire...) interdiction aux moins de 16 ans. Dans le cas de Les Interdits du Monde, on pourrait légitimement invoquer une sorte de Mondo Caneà la française (Aïe !), ou plutôt un avatar qui se polarise, à son tour, sur tous ces rites dissonants.
Mais trêve de palabres et de verbiages et passons à l'exégèse de ce shockumentary ! Attention, SPOILERS ! (1) Bien avant les hommes, les animaux ont connu la vie, l'amour, la mort, la nuit. Franchissons les tabous, piétinons les barrières et pénétrons dans le monde des humains, étrange, choquant et souvent cruel. Une vision des moeurs, des rites, des mythes et des pratiques sexuelles en différents points du monde : Rio, Manille, Paris, ou encore en Afrique... (1) Sorti durant la décennie 1980, Les Interdits du Monde doit à la fois débattre et se colleter avec une concurrence apoplectique en la matière. En sus, le death movie (le fameux Faces of Death, John Alan Schwartz, 1978) a débarqué en vidéo et expose la mort via des autolyses, la sentence capitale et des supplices animaliers.
A l'aune de ce genre de prévarication sur pellicule, Les Interdits du Monde fait évidemment pâle figure et sort - au moins - avec deux décennies de retard.
Mondo Cane, Africa Addio et autres Shocking Asia sont déjà passés par là et peuvent dormir placidement sur les deux esgourdes ! Les adulateurs du cinéma trash pesteront et clabauderont à raison contre l'inanité du "documenteur" de Chantal Lasbats. Toutefois, en matière de "Mondo" pur et dur, Les Interdits du Monde prodigue quelques saynètes vaguement captivantes, surtout dans sa mise en scène plutôt soyeuse et dans quelques vues panoramiques chatoyantes. Hélas, c'est tout (ou presque...) ce qu'il y a à retenir de cet ixième shockumentary. Le préambule du long-métrage nous entraîne au Togo et dans des rituels où les peuplades tortorent goulûment quelques animaux encore vivants.
Puis, bien consciente de la vacuité de son "documenteur", Chantal Lasbats nous convie à scruter certaines pratiques de sadomasochisme et de bondage. Toutefois, rien de neuf à l'horizon ou qui mérite le visionnage, si ce n'est quelques coups de fouet de circonstance et quelques piercings orgueilleusement arborés par un expert chevronné. Là aussi, il est question d'exhibitionnisme, de saphisme, de transformisme et même de dysphorie de genre. Seul bémol et pas des moindres, le célèbre Shocking Asia avait déjà exploré toutes ces fariboles. Vous l'avez donc compris.
Les Interdits du Monde s'adresse exclusivement aux amateurs les plus patentés de "Mondo". Les autres n'y verront qu'une oeuvre joliment désuète, à la lisière entre le nanar et le navet. Sinon, c'est tout ? Oui, c'est tout... Chronique succincte aujourd'hui, mais sincèrement, je ne vois pas quoi dire de plus sur ce film...
Note : 06.5/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://www.unifrance.org/film/4445/les-interdits-du-monde