Genre : Drame, érotique, pinku eiga (interdit aux -16 ans)
Année : 1977
Durée : 1h23
Synopsis :
Peintre, dessinateur et photographe, Seiu Ito se passionne pour le bondage. Ses modèles : ses deux épouses et une prostituée, dont la ressemblance avec sa première femme l'entraîne dans une spirale sadienne.
La critique :
A défaut de la Nouvelle Vague japonaise, le pinku eiga connaît depuis quelques temps une nouvelle petite mise en lumière sur le blog qui n’a jamais caché son intérêt envers ce genre passé et vu comme cruellement désuet de nos jours. Il est vrai que face à la pornographie, ce mouvement ne peut soutenir la comparaison en termes de débauche. Grand bien lui fasse, il peut se voir comme du vrai cinéma au détriment de tout cet imbroglio de pellicules X sans âme, sans scénario et sans ambiance digne de ce nom. Quelques exceptions ressortent bien évidemment mais ça reste infinitésimal. Encore une fois, le Soleil Levant sera donc une 1643e fois à l’honneur et plus particulièrement son époque post WWII laissant le pays ressortir de là exsangue par la faute de la folie sanguinaire de Hirohito et de ces très chers Etats-Unis qui y ont mis un peu leur petite cerise sur le gâteau.
L’après-guerre verra de profonds changements dans le cinéma japonais. L’ingérence américaine s’oppose aux traditions séculaires du pays révulsé par le mode de vie capitaliste. Malgré tout, on ne peut nier son influence sur les natifs.
L’apparition du téléviseur dans les foyers en sera le plus important. Oui, encore une fois cette même sempiternelle introduction ! Mais bon tâchons de faire court, cette télévision était en quelque sorte la bête noire des maisons de production qui subissent un déclin d’audience inquiétant. Et le truc sympa avec l’humanité, c’est qu’il faut stimuler ses pulsions de voyeurisme. En créant des films volontairement racoleurs, le tout aidé par l’interdiction de la pornographie et des strip-teases pour donner une bonne image du Japon aux JO, la Nikkatsu insuffle un nouveau souffle, vite aidé par les autres maisons de production qui se lanceront plutôt dans cette Nouvelle Vague. Le pinku eiga connaît ses heures de gloire durant de longues années avant de passer le relais au Roman porno, un sous-genre qui officiera dans le paysage cinématographique dans les années 70.
Gare à ne pas extrapoler ce terme qui ne comporte aucune séquence porno, du fait de la censure japonaise encore très forte ! L’honneur reviendra àNoboru Tanaka de se voir octroyer une place dans les colonnes éparses de Cinéma Choc. Ce n’est pas une première car il y a bien bien longtemps, il fut mis à l’honneur pour La Maison des Perversités. A l’instar de certains autres, il fait partie de ces réalisateurs reconnus du milieu.
ATTENTION SPOILERS : Peintre, dessinateur et photographe, Seiu Ito se passionne pour le bondage. Ses modèles : ses deux épouses et une prostituée, dont la ressemblance avec sa première femme l'entraîne dans une spirale sadienne.
Quelle ne fut pas mon immense surprise de constater qu’après obtention de la chose, ce film fut diffusé sur Arte, l’une des dernières chaînes publiques de qualité. Au vu du nom sobre Bondage, il y avait de quoi être agréablement surpris par l’audace des décideurs de diffuser un pareil film, même si c’était très certainement en fin de soirée. L’intrigue est pour le moins bateau car il est question d’un artiste qui a depuis toujours une frénétique passion pour cette pratique sexuelle que certains jugeront morale ou non. Un homme qui dira très explicitement qu’il est excité de pouvoir jouer avec un être vivant, le dominer et notamment le sexe féminin dont il réduit les membres à des p*tes ou des secrétaires. Voilà rien que ça ! Bref, un beau salaud de service sans âme, ni éthique, se complaisant dans la polygamie, histoire de varier quelque peu les plaisirs. Il aime torturer physiquement, avoir l’ascendant sur la femme.
Comme il est de coutume dans le pinku eiga, l’Homme n’est pas à son avantage. Il est représenté comme vil et cruel, entretenant la puissance japonaise phallocrate asservissant les femmes.
Bondage n’y échappe pas. On a donc les dénonciations féministes habituelles alertant sur le patriarcat dont toutes les décisions leur reviennent sans que la femme n’ait son mot à dire. Cela sera aussi rencontré dans la Nouvelle Vague japonaise, en nettement plus pondéré graphiquement. On peut diviser le film en deux parties bien distinctes. La première prend davantage un aspect cinéma-vérité, flirtant allègrement avec la limite du documentaire. La caméra s’attarde sur le sort de femmes soumises à des humiliations parmi lesquelles le plongeon dans un bac d’eau glacé, le rapport sexuel violent rappelant le viol, la pendaison et bien sûr le saucissonnage. Les pensées de Seiu sont parfois exprimées comme personne interviewée et non plus comme acteur à part entière.
Dénué d’un réel scénario, cette partie finit par vite s’essouffler, en plus d’être empêtrée dans un rythme lancinant et ayant toutes les peines du monde à garder notre attention sur la durée. La crainte de la catastrophe n’est pas loin avant que le deuxième chapitre, beaucoup plus intéressant, n’entre en jeu, ouvrant la voie à des intentions plus importantes et osées, parmi lesquelles la démence de la femme soumise et le syndrome de Stockholm. De pinku eiga graphique, Bondage se mue en un pinku eiga où la psychologie est dominante.
Seiu ne peut exprimer sa satisfaction d’avoir su conditionner suffisamment sa proie mais se rendra vite compte de la saloperie à laquelle il s’est livré. S’ouvre alors une fin à mi-chemin entre optimisme et pessimisme. Autant le dire, si Tanaka n’avait pas opté pour cette direction scénaristique, son long-métrage aurait, au mieux, été considéré comme complètement insipide. C’est là toute la problématique d’adopter différents points de vue sur l’éprouvante pratique du bondage, menant parfois aux mêmes scènes filmées de manière différente. Cela n’aide pas à l’accroche qui n’est effectuée que par quelques fulgurances amorales de Seiu qui n’est ni plus ni moins que le reflet d’un sexe masculin malade et assujetti à ses pulsions triviales. Rien de neuf sous le soleil mais ça reste toujours aussi agréable d’avoir une pellicule qui va chercher plus loin que les séquences faciles.
Et pour le coup, Tanaka se montrera assez généreux sur la violence qu’il filme sans fioriture. Si l’on a été habituéà plus de perversion dans le genre, il s’en sort bien en malmenant ses courageuses actrices. La scène de la pendaison couplée au tirage de cheveux additionnel n’a en aucun cas usurpé sa réputation barbare.
Comme il est de coutume avec le pinku eiga, de véritables artisans officient derrière la caméra, prenant en compte les considérations artistiques. On pourra le voir ici avec le passage dans la neige que Tanaka illustrera par de larges plans. Certes, on ne tient pas un modèle du genre. La Maison des Perversités s’est d’ailleurs montrée beaucoup plus probante sur ce point mais quoi qu’il en soit, le challenge est réussi. Peu de surprise sur la bande son correcte, mais qui ne bercera pas nos tympans de par son classicisme notoire. Enfin, nous pourrons compter sur un casting plutôt solide, ce qui n’est pas si fréquent que ça dans le pinku. Hatsuo Yamaya campe à merveille une vraie ordure du genre humain. Junko Miyashita joue de manière juste et marquante grâce à son visage sur lequel coule la tragédie d’être entre les griffes de Seiu. Nous citerons aussi Hiroshi Cho, Ikunosuke Koizumi, Maya Kudo, Aoi Nakajima, Sumiko Minami et Kyoichi Mizuki.
Si je n’ai visionné jusqu’à présent que deux crus de la filmographie de Noboru Tanaka, je dois malheureusement reconnaître qu’il ne m’a pas encore frappé comme l’auraient fait un Koji Wakamatsu ou, dans un genre un peu plus contemporain, un Masaru Konuma. Après, je dois reconnaître que mes connaissances ne sont guère éloquentes et qu’il me faudra encore un peu approfondir mon exploration de ce courant singulier. Bondage, s’il n’est pas mauvais, déçoit par sa redondance et son inanité frappant toute la partie avant que le médecin ne diagnostique le trouble dont est frappé Taé. Lent, peu palpitant, deux traits qui sont les pièges dans lesquels un pinku eiga peut sombrer. C’est d’autant plus dommage que la deuxième partie est aux antipodes de la première qui, si elle avait été du même niveau, aurait donné naissance à un pinku tout simplement génial.
En vain, nous sommes passés à côté d’un beau truc assez peu sous-exploité dans sa retranscription sadienne. Une réalisation qui ne sera à recommander qu’aux indécrottables thuriféraires du pinku, si tout du moins ces derniers existent encore.
Note : 11,5/20