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Marché sexuel des filles (Enfant de putain)

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Marche_sexuel_des_filles

Genre : Drame, érotique, pinku eiga (interdit aux - 16 ans)

Année : 1974

Durée : 1h23

 

Synopsis :

La vie difficile des prostituées d'Osaka à travers l'histoire de Tome, dix-neuf ans, qui, tout comme sa mère et rivale, vend ses charmes.

 

La critique :

Quels délicieux sourire et étoiles dans les yeux je vois sur votre visage qui ne peut cacher sa satisfaction de retrouver une nouvelle chronique de pinku eiga sur le blog. (Mal)heureusement, j'ai pris la décision qui va, à n'en point douter, vous transpercer le coeur qui est de conclure cette petite épopée car j'estime tout simplement en avoir raconté assez. De plus, il est bon parfois de ne pas abuser des bonnes choses. Je vous avais promis de toute façon un passage en revue de quelques grands classiques du genre et je tins parole, mais bon la disponibilité, ce n'est pas trop ça. Ce qui est d'autant plus dommage quand on voit à quel point ce courant singulier qui n'a pas de réel équivalent occidental mérite le détour. Trop désuet dira-t-on, il est vrai que sur la question sexuelle, le pinku a été plus que dépassé mais, comme je le dis toujours, il faut, et l'on doit même, apprendre à se remettre dans le contexte de l'époque. Et ce temps-là, justement sans toute une série de facteurs, n'aurait probablement jamais vu le jour, ou tout du moins n'aurait acquis une telle notoriété. A l'instar de la Nouvelle Vague japonaise, cette satanée télévision qui a investi les foyers a entraîné une baisse considérable des recettes des sociétés de production.
Pour le coup, il ne faudra pas aller plus loin que ça en comparaison de la NV qui s'est développée avec davantage de complexités sous-jacentes. Parmi ces firmes, la Nikkatsu va s'avérer être la pionnière en cherchant à produire des films volontairement outrageants où sexe et violence en seraient les principales composantes.

L'objectif étant de jouer sur le voyeurisme et l'attrait des hommes pour celles-ci afin de se refaire une santé. Si Koji Wakamatsu est considéré chez nous comme le pilier indéfectible du pinku, c'est àTetsuji Takechi que l'on peut attribuer le statut de père fondateur avec Daydream et Neige Noire, deux pellicules d'importance cruciale qui sont inconnues et inédites dans nos contrées. Un comble au vu de leur importance historique ! Qu'à cela ne tienne, avec l'interdiction de la pornographie cinématographique et de la fermeture des clubs de strip-teases, le pinku entra dans un âge d'or jusqu'en 1971 où il se réinvente pour redonner un souffle nouveau à la Nikkatsu. Un changement de nom pour pas grand-chose au final. Le terme de Roman porno remplaçant le pinku eiga. Toutefois, ne vous méprenez pas car il n'y a pas la moindre once de porno dans des oeuvres estampillées de ce titre.
Avec d'illustres individus, le marché pourra compter sur de beaux succès à la clef que livreront des hommes comme Masaru Konuma, Tatsumi Kumashiro et justement Noboru Tanaka qui aura le privilège de clôturer tout ça. Renommé autant chez lui qu'à l'international, il s'est imposé comme un incontournable avec La Maison des Perversités ou encore La Véritable histoire d'Abe Sada. Ce film étant le premier de sa filmographie à m'avoir vraiment plu, quoiqu'un nouveau visionnage de sa Maison serait plus que nécessaire. Dans le cas présent, nous parlerons de Marché sexuel des filles.

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ATTENTION SPOILERS : La vie difficile des prostituées d'Osaka à travers l'histoire de Tome, dix-neuf ans, qui, tout comme sa mère et rivale, vend ses charmes.

Aussi appeléConfidentiel : Le marché sexuel des filles, il fait partie de ces crus méconnus au bataillon de Tanaka et c'est par un incroyable concours de circonstances que j'ai eu vent de son existence dont le concept me parlait et me rappelait surtout le très intéressant La Vie secrète de Mme Yoshino sur la question de la mère et de la fille partageant le même métier. La comparaison s'arrêtant bien évidemment là. Dans le cas présent, Tanaka nous lâche dans un quartier chaud d'une Osaka qui est toute sauf attirante. Les premiers plans nous rapportent une ville sale, vétuste et rongée par la pauvreté. Ces personnes précarisées errent dans les décombres comme des âmes en perdition noyées dans les désillusions. Il n'y a rien de beau qui se dégage de tout ça, et certainement pas les relations tumultueuses qu'entretient Tome avec sa mère. Beau brin de fille, elle a décidé de choisir le même métier que sa génitrice qui lui a donné naissance dans une ruelle sombre. Privée de tout support paternel, elle n'a pas eu la chance d'avoir une éducation digne de ce nom, elle et son jeune frère handicapé.
Larguée comme une bête, marchant dans les traces de sa mère sur un marché impitoyable où tout le monde se bat pour espérer manger le lendemain. Mais entre la mère et la fille, ce n'est pas la joie. Leurs rapports se sont construits sur fond d'animosité et de défiance.  

Nous assistons à un conflit générationnel au sein d'une même famille. La mère est frappée par la vieillesse, le coup fatal qui la fait perdre considérablement en qualité sur le marché du sexe. Ne vivant qu'à travers son unique client, celui-ci lui a fait part qu'elle ne l'excitait plus, son dévolu se jetant alors sur Tome. La dépendance qu'elle avait développée aux hommes pour éviter de perdre son moyen de subsistance est malmenée, en même temps qu'elle se voit forcée de réclamer l'aide financière de sa fille qu'elle jalouse et méprise. Son enfant est la maîtresse du jeu, celle qui tient les cartes par sa fraîcheur et son pouvoir de séduction. Mais plutôt que de se rabaisser au niveau de sa mère, elle conserve encore sa fierté. Elle n'accepte pas n'importe quoi et elle se fait entendre si un client n'est pas respectueux vis-à-vis de sa personne, au point de lui claquer un joli coup de pied dans la tronche s'il lui prend l'idée saugrenue à l'homme de s'amuser à lui renverser de l'alcool sur son dos en pleine levrette. Tanaka l'humanise, lui offre un rôle de femme forte qui défie le sexe masculin et épouse un explicite féminisme. Sa dévotion à la prostitution n'existe que parce qu'elle n'a pas le choix car l'ascenseur social n'existe finalement pas. On retrouve cette critique subtile d'un Japon post-seconde Guerre Mondiale qui n'a pas réussi à se relever totalement, laissant sur le bas-côté une troupe de miséreux.

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Dans cette ville en déshérence, seul l'argent permet à tous ces quidams de survivre, influençant leur condition de A à Z. Le coït n'y échappant évidemment pas puisqu'il est traité comme un simple objet de consommation en le pervertissant, lui ôtant sa substance charnelle pour ne laisser qu'une relation tarifée, une transaction ou à l'inverse une nécessité pour les prostituées. Dans Marché sexuel des filles, le sexe imprègne tous les lieux et tous les êtres mais il n'est jamais accompagné de douceur, de tendresse et d'innocence. La fornication est rendue triste, désenchantée, par des individus qui le sont tout autant. Prostituées battues par des macs, espoirs brisés, acceptation de la fatalité, le tout sous fond de drame social. De plus, Tanaka se permet la fulgurance scénaristique d'intégrer une relation incestueuse entre Tome et son frère attardé, la seule dans laquelle elle est épanouie, le considérant comme son enfant qu'elle chérit plus que tout. C'est la seule personne qui la comprend et lui accorde une attache avec ce monde. Aussi dérangeant soit-il, il y a une étrange beauté qui se dégage de cela. Si le tout tient bien la route, on pourra s'autoriser quelques critiques à commencer par une toute dernière partie qui tient plus de la rallonge qu'autre chose.
Enfin, on aurait aimé que soit développée un peu plus la relation du jeune couple qui prendra brutalement fin avec... une poupée gonflable mais je n'en dis pas plus compte tenu de l'originalité de la séquence.

Je sais que je ne suis pas le plus objectif du monde en disant cela mais mon extatisme de finir mon cycle du pinku avec du noir et blanc m'a apporté du baume au coeur. Et je peux même vous dire qu'un grand travail a été autant effectué sur les contrastes et les luminosités que sur les perspectives et les cadres. Nanti d'un montage audacieux, Marché sexuel des filles innove et se pare d'une identité visuelle distincte qui a le mérite de ne pas compter uniquement sur son noir et blanc. L'image nette du ciseau planté dans la poutre en bois est aussi simple qu'elle est belle. Encore une fois, le pinku eiga a toujours eu la chance d'avoir de réels artisans derrière la caméra qui ont toujours considéré les qualités artistiques comme une condition sine qua non à la réussite d'un film. Pour la bande son, on sera dans quelque chose de basique, qui n'est ni surprenant, ni mauvais.
La moyenne stricte en gros. Et puis, on peut décemment féliciter un très bon casting. Meika Seri et sa beauté angélique malmenée par les aléas de la vie offre une grande prestation à son héroïne attachante. Genshu Hanayagi est aussi impeccable dans le rôle de la mère acariâtre. On nommera aussi la très connue Junko Miyashita mais également Moeko Ezawa, Sakumi Hagiwara, Shiro Yumemura, Akira Okamoto et Ikunosuke Koizumi.

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Comme vous le savez, je ne suis pas fana de finir un travail sur une fausse note. En l'occurrence, ma faible adhésion àNoboru Tanaka s'est estompée sur ces deux derniers métrages le concernant. Marché sexuel de filles est indéniablement un bon pinku eiga qui devrait plus souvent être cité. Loin de n'offrir que de l'érotisme, pourtant en abondance, il y a toute une réflexion sur l'organisation sociale d'après-guerre et la place de la femme dans celle-ci. Comme je le disais, nous sommes à la croisée du pinku et du drame social qui ne laisse pas indifférent. Avec quelques choix narratifs borderline (la grossesse) et une volonté d'outrepasser les règles de bienséance, on tient une oeuvre osée qui flirte allègrement avec la ligne à ne pas dépasser. On songe aux "caresses" buccales que Tome fait à l'appareil génital de son frère et qui, par un jeu de caméra et ce qui ressemblerait à un morceau de tissu pour cacher le pénis, écarte la dimension pornographique, malgré les zooms.
Si on ne va pas crier au chef-d'oeuvre en raison de 2-3 erreurs de parcours, Marché sexuel de filles mérite qu'on lui accorde une chance. C'est déjà pas si mal !

 

Note : 13/20

 

orange-mecanique Taratata

  


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