ANNEE : 1979
GENRE : DRAME PSYCHOLOGIQUE
Durée : 1h38
Synopsis : TROIS JEUNES ARRIVENT DANS UNE MAISON DE REDRESSEMENT OU LA VIE ET LES METHODES SONT LOIN D'ETRE TENDRES. UN SEUL MOT D'ORDRE DANS CET ENDROIT : SURVIVRE.
La critique :
Attention, film choc. Drame très dur et parfois révoltant à la limite du documentaire, Scum nous plonge dans un centre pour mineurs dont les règles et le quotidien sont en tout point semblable à la prison, violence omniprésente comprise. C'est là que sont envoyés Carlin, Angel et Davis. Dès leur arrivée, ils sont mis au pas par le responsable des lieux qui leur explique sa discipline quasi militaire et les règles inviolables de l'établissement. Les trois adolescents ne mettent pas longtemps à découvrir qu'ils sont arrivés en enfer. Tabassage, racket, racisme et complaisance des surveillants qui sont en fait, pour la plupart, des détenus venus faire amende honorable en s'occupant de gosses délinquants.
Dans cet endroit, aucun espoir, hormis la mort, n'est possible et la loi du plus fort règne.
Ils ne sont plus considérés comme des êtres humains et seule la survie compte. C'est ce que va découvrir Carlin, dont la réputation de dur suite à une attaque d'un gardien dans le précèdent endroit où il croupissait, va attirer la haine du "chef" et de ses trois sbires. Un soir, le chef et ses fidèles prosélytes se jettent sur Carlin. Celui-ci se vengera quelques temps plus tard en massacrant l'un des sbires à coup de boules de pétanque. Devenu le nouveau caïd, il devra s'imposer et surtout ne jamais montrer ses faiblesses au risque de perdre sa place de leader hégémonique.
Au-delà de cette trame narrative, le film nous montre la vie de ces adolescents et de l'endroit, entre le faux végétarien rebelle bien décidé à importuner les matons, le directeur aux préceptes ecclésiastiques et emphatiques, les pots de vin et autres magouilles ; aucun avenir ne semble possible pour tous ces jeunes en déliquescence.
Le film est parsemé de séquences cruelles et sordides, notamment une scène de viol collectif sur un jeune délinquant. En pleine crise d'angoisse, le gamin se tranchera le corps avec une lame de rasoir en hurlant à la nuit tombée, avant d'être découvert le lendemain matin. Un moment insoutenable qui donnera lieu par la suite à une véritable émeute, puis au déchaînement de violence des matons. Mais le film n'est pas qu'une succession de passages difficiles, car Scum est aussi un drame sur la nature humaine.
A travers ce centre d'incarcération pour mineurs, le réalisateur, Alan Clarke, dépeint un monde où les hommes sont traités comme des bêtes sauvages (ils ne sont plus appelés que par leur numéro de matricule) et de ce fait, se conduisent comme tels.
"Après tout, vous n'êtes pas différents de nous", lance un adolescent narquois à un maton soldatesque.
Oeuvre qui fit scandale à sa sortie à cause d'une violence ne cadrant pas avec les critères cinéphiliques de l'époque, le film bannit toute notion de hors champs ou de "pathos" et adopte un style froid et, encore une fois, à la limite du documentaire. Tout est montré, sans musique, ni voix off misérabiliste. Le film est une véritable plongée dans un cauchemar bien réel. Il dépeint avant tout ce qui se passait dans les maisons de redressement durant les années 1970 en Angleterre.
Porté par d'excellents acteurs, entre autres Ray Winstone (déjà incroyable de charisme dans le rôle de Carlin), ce film est vraiment une oeuvre choc qui n'a pas pris une ride et qui s'adresse à un public particulièrement averti. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si beaucoup de cinéphiles considèrent Scum comme le meilleur film sur la jeunesse des années 1970 avec le Orange Mécanique de Stanley Kubrick. Par ailleurs, Gus Van Sant avoue s'en être inspiré pour son Elephant. Bref, un film à découvrir de toute urgence.
Note : 19/20
Seconde critique :
L'univers carcéral continue toujours de passionner et de galvaniser le noble Septième Art. En outre, il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant : https://www.senscritique.com/liste/Les_30_Meilleurs_Films_sur_l_univers_carceral_la_prison_la_t/660968 pour glaner et déceler la liste des trente meilleurs films sur le monde pénitentiaire. Ce registre cinématographique côtoie tantôt la romance, tantôt la dramaturgie humaine, parfois le fantastique et même occasionnellement l'épouvante.
Les thuriféraires du genre n'omettront pas de stipuler des oeuvres telles que Les Evadés (Frank Darabont, 1994), Un Prophète (Jacques Audiard, 2009), Midnight Express (Alan Parker, 1978), L'évadé d'Alcatraz (Don Siegel, 1979), La Grande Evasion (John Sturges, 1963), ou encore Papillon (Franklin J. Schaffner, 1973) parmi les classiques somptuaires et sérénissimes.
Vient également s'additionner Scum, réalisé par la diligence d'Alan Clarke en 1979. La carrière cinématographique du metteur en scène britannique démare vers le milieu des années 1960. En l'occurrence, Alan Clarke s'est surtout forgé une réputation (assez flatteuse, par ailleurs) dans le sérail télévisuel. Half Hour History (1967 - 1968), The Gold Robbers (1969), The Edwardians (1972), Thirty Minute Theatre (1972), To Encourage the Others (1972), BBC2 Playhouse (1975), Contact (1985), ou encore Road (1987) sont autant d'essais télévisuels.
Les essais cinématographiques d'Alan Clarke sont plutôt rarissimes et se comptent sur les doigts de la main atrophiée. Paradoxalement, en dépit de toutes ses réalisations télévisuelles, Alan Clarke est unanimement reconnu par ses pairs comme un cinéaste iconoclaste et à part entière.
Cette réputation dithyrambique s'explique essentiellement par son approche sociologique de la société britannique. Le téléfilm Made In Britain (1982) lui permettra de s'ériger une certaine notoriété en abordant l'histoire de Trevor, un skinhead reclus, "paumé et incarné avec une véracité déconcertante par Tim Roth, encore méconnu"à l'époque (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alan_Clarke).
Evidemment, Scum ne déroge pas à la règle. A l'instar de Made In Britain, le long-métrage (téléfilm...) brosse le portrait d'une jeunesse en dissonance (voire en déliquescence) entre la fin des années 1970 et l'orée de la décennie 1990.
Curieusement, Scum est rarement stipulé parmi les films carcéraux les plus virulents. Pourtant, en termes d'érubescences, le téléfilm d'Alan Clarke n'a rien à envier àLes Evadés, L'évadé d'Alcatraz et autres Midnight Express.
D'ailleurs, Scum ne manquera pas d'estourbir durablement les persistances rétiniennes en écopant d'une interdiction aux moins de 16 ans. Scum n'élude pas le couperet du scandale et de la polémique en abordant - sans fard - plusieurs thématiques spinescentes (entre autres, le racisme, certaines conditions carcérales austères, presque monacales, ainsi que la violence immanente à cet univers de claustration physique et mentale). Scum sera victime de la censure de la chaîne BBC. Ce téléfilm souffrira de sa réputation sulfureuse et ne sera donc diffusé que quelques années plus tard. Certains thuriféraires évoquent carrément un chef d'oeuvre maudit.
Reste à savoir si Scum mérite - ou non - de telles courtisaneries. Réponse à venir dans les lignes éparses de cette chronique...
Un remake officieux (officiel ?), Dog Pound (Kim Shapiron, 2010), sortira quelques décennies plus tard, en réitérant peu ou prou la même trame scénaristique. La distribution du film (téléfilm...) risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Ray Winstone, Mick Ford, Julian Firth, John Blundell, Phil Daniels, John Fowler et Ray Burdis ; mais j'en doute... A la rigueur, seul le nom de Ray Winstone peut s'enhardir d'une carrière voluptuaire puisque l'on retrouvera l'acteur dans toute une pléthore de feuilletons et de séries télévisées. Mais trêve de palabres et verbigérations et passons à l'exégèse de Scum ! Attention, SPOILERS !
"Angleterre, fin des années 1970. Trois jeunes délinquants, Carlin, Davis et Angel arrivent dans un centre de détention pour mineur.
Ils vont devoir y affronter des conditions d'incarcération particulièrement éprouvantes, soumis aussi bien à la violence exercée par l'encadrement que par certains de leurs codétenus" (Source : http://www.dvdclassik.com/critique/scum-clarke). Au détour de sa filmographie (Made In Britain bien sûr, mais aussi Elephant), Alan Clarke brosse une critique au vitriol des années Thatcher. Scum s'inscrit évidemment dans ce sillage et ce continuum. Alan Clarke adopte un ton documenté et documentaire en nous plongeant directement dans l'univers carcéral, en l'occurrence une maison de correction. Evidemment, la violence est omniprésente, mais elle n'est pas seulement régentée par des garde-chiourmes revêches, mais par une voyoucratie encouragée par ce même système.
L'objectif suprême n'est pas de réhabiliter une jeunesse en résurgence, mais plutôt de la mater et de la réprimer, quitte à employer les moyens les plus retors.
Ainsi, ce milieu carcéral est conçu, pensé et ratiociné pour à la fois séparer les détentionnaires, ou mieux les coaliser ; ce qui entraîne des pugilats, de la révolte, des déprédations et autres rixes et règlements de compte. Sur ces entrefaites, Scum se polarise sur cette culture "pénitentiaire", presque concentrationnaire, de type "goulag". Dans ce milieu anxiogène, c'est la loi du plus fort qui prédomine avec les tares et excoriations habituelles (le racisme, le suicide, les matons soldatesques et le viol). Certes, la majorité des comédiens sont des artistes amateurs, mais cela n'atténue en rien l'impact de Scum. En outre, l'uppercut est à la fois frontal et rédhibitoire. C'est même le prologue final du film qui se conclut (attention, SPOILERS !) sur l'autolyse d'un jouvenceau. Scum s'agence sur cette dialectique "orwellienne". Dans cette maison de correction, il n'y a pas de passé, de présent ni d'avenir.
Chaque prisonnier est hélas condamnéàécouler sa peine dans la peur et la déréliction. Pour survivre, il faut donc se montrer encore plus farouche que les susdits oppresseurs. Indubitablement, Scum partage certaines accointances avec Orange Mécanique (Stanley Kubrick, 1971), à la seule différence que ce téléfilm n'est pas une dystopie politique. Ce feuilleton s'approxime davantage à un regard acrimonieux (et sans concession) sur les années Thatcher. Scum se veut à la fois inique, nihiliste et brutal. Curieux, par ailleurs, que le film soit "seulement" (si j'ose dire...) interdit aux moins de 12 ans (avec avertissement) aujourd'hui. Scum s'adresse donc à un public particulièrement averti.
Note : 16/20