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La Main Droite du Diable (Midwest Burning)

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La_Main_droite_du_Diable

Genre : Thriller, drame

Année : 1988

Durée : 2h07

 

Synopsis :

Cathy, jeune débutante du F.B.I., est chargée d'enquêter sur l'assassinat d'un animateur de radio de Chicago connu pour ses émissions provocatrices. Ses recherches la conduisent auprès de Gary Simmons, pacifique fermier, ancien combattant du Vietnam.

 

La critique :

A tous les craintifs qui nous lisent, non je ne me suis pas embarqué dans une nouvelle rétrospective pour combler le "vide" laissé par la fin de celle qui fut axée sur la Corée du Sud. Si je vous dis ça, c'est que depuis peu, vous avez pu assister à des rendez-vous plus fréquents avec un cinéaste qui n'existe pas en deux exemplaires en ce bas-monde. Costa-Gavras doit sans doute vous dire quelque chose, prisé comme il est sur Cinéma Choc pour son style sans nul autre pareil. Pourquoi je dis ça certains se diront ? Tout simplement parce qu'il s'est spécialisé dans le film politique où il est question de filmer des événements passés, peu connus de certains, en proposant une véritable réflexion sur le pouvoir. Fermement engagé dans ses idées, il a toujours souhaité familiariser les gens avec probablement le domaine le plus austère, le plus frustrant, déchaînant le plus les passions, et ce plus que jamais à notre époque où le rejet en est devenu banalisé. Je me permettrai quand même de dire que ce n'est pas en le fuyant que l'on arrangera les choses mais que soit ! Bref, s'il semble plutôt méconnu des profanes, il jouit presque d'un culte dans les milieux cinéphiles.

Si son démarrage ne se fit pas par un immense succès, il faudra l'an de grâce 1970 pour que Z bouleverse le monde du Septième Art, permettant au réalisateur, qui eut des difficultés à y arriver jusqu'au bout, à se faire connaître et à s'attirer les plébiscites sur sa personne. Suite à son premier grand succès, tous les indicateurs sont au vert pour que Costa-Gavras se lance dans d'autres projets qui forgeront son propre style. L'Aveu suivant juste après confirme toutes les attentes, la suite marquera tout autant les esprits entre Section Spéciale, Etat de Siège et Missing. Et nous en arrivons au dernier venu qui représente le (quand même) huitième long-métrage du franco-grec sur cet humble blog qui est La Main Droite du Diable. Découvert tardivement par mes soins, il ne fait pas partie de ses pellicules les plus mises en avant. Plutôt oubliée, certains l'accusent d'être sous-estimée, d'autres soulignent ses tares et même son impersonnalité. Dans quel camp vais-je me trouver ?

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ATTENTION SPOILERS : Cathy, jeune débutante du F.B.I., est chargée d'enquêter sur l'assassinat d'un animateur de radio de Chicago connu pour ses émissions provocatrices. Ses recherches la conduisent auprès de Gary Simmons, pacifique fermier, ancien combattant du Vietnam.

Comme presque tout le temps, Costa-Gavras s'inspire de faits réels pour raconter son histoire. En l'occurrence, le film s'inspire de l'assassinat en 1984 de l'animateur radio Alan Berg perpétré par trois membres d'une organisation nationaliste blanche qui avait pour objectif de tuer des juifs éminents. Choqué par un tel déferlement de violence gratuite, le réalisateur va se jeter dans une sombre histoire démarrant avec le dit animateur anticonformiste au ton volontairement arrogant abattu de plusieurs balles dans un parking. La scène de crime sera signée ZOG, l'abréviation de Zionist Occupation Government. C'est à Catherine Weaver, portant le faux nom de Cathy, à qui est confiée cette enquête fort délicate dont les preuves la conduiront directement dans le Midwest, là où le conservatisme jouit encore d'un franc succès et où le progressisme est mal vu.
Là n'est pas l'objectif de cette chronique de jouer au gendarme de la morale surtout quand on connaît mon profond attachement à la liberté d'expression. Je laisserai volontiers la parole à certains arriérés des réseaux sociaux dire ce qui est bien et pas bien selon leur vision de la vie apparemment "meilleure" que celle des autres. Maintenant que les choses sont claires, reprenons où nous en étions. Cette Cathy ayant la couverture d'une fermière d'origine texane maniant à merveille la conduite de la moissonneuse est envoyée en mission dans ce petit village où les traces du meurtre s'y arrêtent.

Cette petite zone campagnarde semblant être perdue au beau milieu du monde est le repère cliché par excellence d'une population de culs-terreux en infériorité numérique face au nombre d'armes en circulation. De prime abord, ils ont une bonne poire et rien ne laisse présager qu'ils soient impliqués de près ou de loin dans cette sombre affaire. En faisant la connaissance d'un fermier veuf du nom de Garry Simmons, Catherine va apprendre que les apparences sont parfois trompeuses et qu'un sourire peut parfois cacher la haine et le rejet de la différence. Car cet endroit est l'épicentre d'une organisation activiste d'extrême-droite et suprémaciste blanche de surcroît voyant d'un très mauvais oeil que les blancs perdent en influence et en puissance dans leur pays.
Le racisme et l'antisémitisme en sont devenus banalisés. Le problème est que cela pourrait passer si cela se limitait à de simples paroles un peu beauf et complotistes, sauf que le cahier des charges est défini entre assassinats, braquages et actes de terrorisme. Les nuits sont le théâtre des rites du Ku Klux Klan et parfois de chasses. Je n'en dirai pas plus à ce sujet pour ne pas vous gâcher la "surprise". 

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Pire encore, un camp d'entraînement a carrément été mis en place pour que les adhérents puissent se préparer à cette fameuse lutte finale, le tout géré par les suprémacistes et des groupuscules néo-fascistes vouant une allégeance totale envers Adolf Hitler. La cohabitation n'est pas toujours au beau fixe et pas plus avec leur seul représentant politique pour qui Garry Simmons voue une véritable aversion. Ce qui rend d'autant plus intolérable la situation en cours est que les parents embrigadent leurs enfants dans leurs convictions au point qu'ils finissent par être le miroir juvénile de leurs pères et mères. On se passera, par souci de bienséance, de citer les propos tenus. Toujours est-il que Costa-Gavras filme peut-être bien la principale cause de l'intolérance chez certains qui est à rechercher dans l'éducation transmise. Peut-on blâmer ces jeunes qui sont finalement victimes ?
A mon sens, certainement pas. La Main Droite du Diable nous invite à une véritable plongée dans ce milieu ostentatoire, répudiant le pouvoir mis en place, dénigrant les grandes villes en revisitant leur nom (Chicago reconverti en Chiotte-Cago, ce qui m'a assez fait sourire). Et au milieu de tout ceci, une débutante du FBI qui va se lier d'amitié avec Garry pour finir par nouer une liaison où ils tomberont amoureux l'un de l'autre.

Comme toujours avec Costa-Gavras, la plus grande neutralité est de mise. Fuyant à tout prix toute dérive manichéiste de mise en scène, il se veut reporter ne prenant parti ni pour l'un ou l'autre camp, sans que ça ne l'empêche de pointer les défauts avec objectivité, même quand il s'agit du FBI qui va se servir un peu trop de Cathy, au point d'en attenter à ses valeurs élémentaires. Aucun camp n'est finalement parfait ! En soit, tout serait pour le mieux mais des maladresses de réalisation impactent La Main Droite du Diable. Celles-ci trouvant leur point de convergence dans une histoire d'amour qui ne parvient pas àémouvoir suffisamment, s'embarquant à de nombreuses reprises dans le drame romantique de mauvais goût digne des Feux de l'Amour. Le supérieur hiérarchique de Cathy qui est aussi son ancien amant ne pouvant s'empêcher de faire son petit caca nerveux.
Intérêt de la chose ? Zéro. On aura parfois la désagréable impression que ce n'est pas Costa-Gavras derrière le film, son identité ne ressortant pas assez. Malgré ceci, cela n'empêchera pas le long-métrage d'être prenant et de nous offrir des moments forts pour ne pas que nous regardions notre montre avec trop d'insistance.

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Il ne fait aucun doute que La Main Droite du Diable devrait logiquement induire un petit plaisir pour vos rétines. D'une part, les plans sur le Middle West font toujours leur petit effet, loin du paysage urbain parfois anxiogène. Les étendues à perte de vue où se trouvent d'immenses plantations de blé, des forêts et autres bâtisses typiques de la région vous offriront un dépaysement assuré. La manière de filmer est toujours aussi rigoureuse, précise et lisible. La partition sonore est comme à son habitude chez le cinéaste discrète et de toute façon peu marquante. Certains feront très certainement la reproche. Mais que l'on se rassure, le casting est de bonne voire même de très bonne facture.
Certes, nous n'en sommes pas au niveau du talentueux Yves Montand mais les personnages se débrouillent plus que correctement. Debra Winger est criante de vérité dans la peau de cette détective affirmée mais cachant une personnalité sensible. La bonne gueule de Tom Berenger se mêle bien à son rôle de fermier psychopathique. Pour le reste, on mentionnera John Heard, Betsy Blair, John Mahoney, Ted Levine, Jeffrey DeMunn, Albert Hall et David Clennon.

Il est vrai qu'en comparaison des grands succès de Costa-Gavras, La Main Droite du Diable fait un peu peine à voir. Si le sujet n'en demeure pas moins interpellant et plus qu'inquiétant, il n'y a plus cette précision chirurgicale et cette radicalité que nous retrouvions dans l'époque dorée de ses plus grands succès. En cela, on ne sera pas très étonné qu'il ait été relégué au rang de film mineur dans la filmographie de son auteur. Attention, cela ne veut pas dire qu'il est une mauvaise oeuvre. Bien loin de là car il décrit correctement son sujet, ne s'engonce pas dans une bien-pensance vomitive et/ou une tonalité misérabiliste à coup de patho. Ces ficelles éhontées ne sont pas de la partie, ce qui ne nous étonnera heureusement pas. Néanmoins, on imputera certaines fautes de goût comme précédemment cité.
En revanche, la fin nous lancera en pleine figure la triste réalité de ces combats acharnés contre ce qui ne sont rien de plus que des moulins à vent. Car la force des extrémismes politiques est leur grande intelligence à retourner la situation à leur avantage. Qu'on le veuille ou non, les partis dits traditionnels ont beaucoup à apprendre d'eux au lieu de les condamner bêtement sans les étudier davantage (cf L'Art de la Guerre par Sun Tzu). Un film que l'on recommandera ne fut ce que pour sa dimension éducative. En revanche, les laudateurs de Costa-Gavras ne risqueront pas d'être plus marqués que ça par un récit quelque peu maladroit.

 

Note : 13,5/20

 

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