Genre : Western
Année : 1959
Durée : 1h17
Synopsis :
John Gant, un tueur à gages, arrive à Lordsburg. Personne ne sait qui il est venu abattre et la paranoïa s'empare de la ville.
La critique :
Le western, toute une époque qui aura apporté nombre de films cultes au monde cinématographique au point de faire de ce courant, une référence du cinéma. A l'origine, le western, apparu très tôt au cinéma, trouve ses origines dans l'histoire des Etats-Unis et se permet de retracer la naissance de cette nation via des épisodes marquants comme la guerre de Sécession, la conquête de l'Ouest et les guerres indiennes. C'est donc logiquement à ce moment que les premiers westerns voient le jour, dont le tout premier est L'attaque du Grand Rapide sorti en 1903 et d'une durée de 20 minutes, une durée courante pour les films de cette époque. Le parcours de ce genre sera jalonné d'imprévus, de haut et de bas.
Au tout début du XXème siècle, les gens ne sont pas encore habitués au cinéma et cela empêche de nombreux films de percer et de trouver les faveurs du public. La naissance du western ne parviendra pas à réellement fasciner le public et c'est au cours de la Grande Dépression qui, paradoxalement, permettra la naissance de l'âge d'or hollywoodien que l'on verra le western acquérir de plus en plus de popularité, propulsé par de nombreux réalisateurs, dont le plus emblématique est John Ford.
A ce moment-là, une importante quantité d'oeuvres deviendront de vrais piliers du cinéma tels La Chevauchée Fantastique, Le Train Sifflera Trois Fois ou encore Rio Bravo. La période classique du western identifiée entre les années 30 à 50 atteindra sa prospérité durant les "fifties" avant de perdre de la vitesse malgré des budgets de plus en plus importants et qui ne parviennent pas à enrayer le déclin. Le renouveau du western, né aux USA rappelons-le, sera relancé dans les années 60 grâce à l'Europe avec entre autres, Sergio Leone et ses films cultes tels Le Bon, la Brute et le Truand ou encore Il Etait une Fois dans l'Ouest. Le western spaghetti était né.
Fini les héros bons face aux vilains truands et place à des personnages complexes voire des antihéros sans éthique, avant de voir apparaître le western crépusculaire où la violence atteindra son apogée avec des titres comme La Horde Sauvage.
Comme vous pouvez le voir après cette petite introduction historique, ce genre est bien plus fourni qu'il n'en a l'air et reste avant tout le témoignage de l'âge d'or du cinéma. Actuellement, on peut voir que le western est complètement oublié malgré une relance initiée par Tarantino, preuve que ce genre appartient désormais au passé. Dans les 7000 western tournés, on retrouve parfois des oeuvres originales en complet décalage avec la narration d'époque et Une Balle Signée X réalisé par Jack Arnold, essentiellement spécialisé dans le cinéma d'horreur et fantastique avec des oeuvres notoires comme L'Etrange Créature du Lac Noir et L'Homme qui Rétrécit, en est la preuve.
Le scénario est pour le moins laconique. ATTENTION SPOILERS : La petite ville paisible de Lordsburg voit apparaître John Gant, un des plus féroces tueurs à gage dont on dit qu'aucune de ses cibles ne s'en sort vivante. D'apparence calme et indifférent à la population, celui-ci loue une chambre d'hôtel pour rester quelques jours en ville. Les rumeurs concernant sa venue commencent à se hisser parmi la population qui, d'abord inquiète, sombrera dans la paranoïa. FIN DES SPOILERS
Il est assez aisé de se rendre compte à la lecture du synopsis que Une Balle Signée X offre un scénario et une narration radicalement différente de ce qui était vu à cette époque avec tantôt, ces personnages héroïques cherchant à rétablir la justice et de l'autre, ces personnages sans foi ni loi s'entre-déchirant pour tenter de mettre la main sur un trésor ou encore pour défendre leur propre vie. Ici le personnage de John Gant peut se voir comme l'ange de la mort débarquant dans une petite ville sans histoire et fait intéressant, il fera sombrer, contre son gré, la population dans une spirale infernale.
Jack Arnold confère à ce personnage un rôle très particulier en brouillant les pistes entre le héros et l'antihéros. Certes, John Gant se montre tout à fait inoffensif avec les habitants de la région, parle avec eux et se liera d'amitié avec un jeune garçon au début mais au-delà de ça, son intention est claire et elle est de tuer une cible pour laquelle il a été payé et aucune déclaration, revendication, marché ou menace au cours du film ne le fera changer d'avis.
John Gant se révèle être un homme de parole et ne cherche en aucun cas à créer le chaos autour de lui. Il en est même complètement indifférent et à ce niveau, la prestation de ce cow-boy incarné par Audie Murphy fait froid dans le dos tant il se montre être antipathique et vide de toute émotion. Il est remarquable de voir que le traitement du personnage fonctionne à merveille alors que l'acteur présente un physique innocent où l'on pourrait lui donner le bon Dieu sans confession, une très bonne contradiction pour le moins déroutante. Contre toute attente, le personnage est passionnant et charismatique malgré son calme apparent. Une bien belle performance. Quand on analyse le film d'un peu plus près, on se rend compte que Jack Arnold ne présente pas Gant comme l'ennemi principal, même si encore une fois, il peut être vu comme l'ange de la mort semant la désolation là où il passe.
Non, le véritable ennemi de la population n'est autre qu'elle-même puisqu'elle se laisser entraîner dans une paranoïa qui la dépasse. On a là une véritable analyse de la psychologie des foules (cela ne m'étonnerait pas que le réalisateur ait justement lu La Psychologie des Foules de Gustave le Bon, un livre passionnant mais terrifiant et que je vous recommande) cédant à ses pulsions les plus primaires.
Ces gens qui se côtoient dans la vie de tous les jours vont se méfier les uns des autres et s'accuser d'être la cible de John Gant. On est plongé dans une situation assez effrayante de la perte de contrôle d'une foule et cela apporte une réelle tension qui occupera pleinement l'attention du spectateur pendant la courte durée de 77 minutes. La foule y est vue ici comme bête et incapable de la moindre réflexion. Le déroulement de l'action est parfaitement bien pensé avec d'abord les soupçons qui apporteront par la suite tout leur lot de tragédies avec le suicide d'une personnalité importante de la ville et un groupe de personnes s'entretuant dans une fusillade riche en intensité.
Ce qui permet au film d'obtenir une violence marquante et bien plus persistante que celle vue dans la majorité des western d'époque. Clairement, Une Balle Signée X est un film bien plus dérangeant qu'il n'en a l'air et joue largement plus la carte du western psychologique.
Le film distille une atmosphère glauque et hostile qui ne plaira pas à tout le monde et risquera de surprendre les amateurs de western qui ne l'auraient pas encore vu. Rien de chaleureux ne se dégage de ce film et on se fait vite une idée de l'issue fatale du film. Bien évidemment, le film ne possède pas que des qualités et quelques petits désagréments peuvent titiller le spectateur exigeant. Tout d'abord, le film n'est pas spécialement beau visuellement, on verra très peu de beaux plans ouverts, mais cela coïncide avec la tonalité malsaine du récit. Donc, on ne peut pas dire que cela soit vraiment dérangeant et pourtant Dieu sait que j'accorde une grande importance à l'esthétique du récit.
Ensuite, si Audie Murphy s'en sort largement avec les honneurs, on ne peut pas en dire autant des personnages secondaires qui ne parviennent pas à faire en sorte que le spectateur soit attachéà eux, et c'est un point pour le moins fâcheux car le film ne se montre pas déchirant dans sa fin, là où un personnage attachant abattu aurait conféré plus de puissance au film. C'est à mes yeux le gros défaut du film qui l'empêche de se hisser parmi les plus grands westerns.
Là où le réalisateur se rattrape est qu'il nous laisse dans le flou durant une grande partie du film car comme la population, on doute et on ne sait qui est l'innocent pris dans le collimateur du tueur à gage, un point qui relance davantage l'intérêt de ce western. Concernant l'ambiance sonore, celle-ci se montre à la fois sobre et quelque peu inquiétante. Tout est fait pour plonger le spectateur dans un film hostile et froid et il convient de saluer le réalisateur car on aurait pu vite sombrer dans du patho lamentable avec une ambiance quelconque, vide d'intérêt, à l'image de tous les western de série Z qui ont fleuri dans les années 50. De même, on peut remarquer que chaque western intègre une fille qui aura une place prépondérante dans le récit et dont, dans beaucoup de cas, le héros en tombera amoureux.
Ici et vous vous en doutez, cela ne sera pas le cas et John Gant, s'il se montrera attiré dans un premier temps, montrera au spectateur que tout cela n'était qu'une ruse pour arriver à ses fins. En conclusion, Une Balle Signée X, comme vous avez pu le voir dans cette chronique, est un western différent de celui auquel on est habitué. Jouant plus la carte de la psychologie et dénué de la moindre parcelle de grandeur héroïque, le film passionne et tient le spectateur en haleine fasciné par cet homme sorti de nulle part et déclenchant la panique par sa seule réputation.
Bien que le film comporte quelques défauts qui en agaceront plus d'un, la qualité est largement au rendez-vous et ne pourra que dépayser l'amateur de western qui y verra ici une belle étude de la psychologie des foules en situation de crise. Plus intelligent qu'il n'y paraît, on a là une oeuvre hautement recommandable malgré son relatif anonymat avec en prime, une fin satisfaisante et ouverte quant à l'avenir de notre tueur à gage. Une belle surprise.
Note :15/20