Genre : fantastique, épouvante
Année : 1958
Durée : 1h35
Synopsis : Le docteur John Holden, un savant américain, se rend à Londres afin de mener son enquête sur la mort de son collègue, le professeur Harrington. Ce dernier avait fait part de ses soupçons sur le Dr Karswell qu'il pensait liéà des forces démoniaques. Holden se rend vite compte que ces doutes n'étaient pas anodins.
La critique :
Bien qu'il soit de nationalité française, Jacques Tourneur s'expatrie aux Etats-Unis dès l'âge de dix ans. Il suit alors les traces de son patriarche, Maurice Tourneur, lui aussi cinéaste. Dans les années 1930, le fiston s'illustre essentiellement dans des courts-métrages, par ailleurs méconnus du grand public. Néanmoins, ses premiers essais (Master Will Shakespeare, Killer-Dog, The Rainbow Pass et Le Roi sans couronne, entre autres) lui permettent de se faire repérer par les producteurs, et notamment par la société RKO Pictures. C'est dans ce contexte qu'il réalise son premier long-métrage notable, La Féline, en 1942. Fortement influencé par le cinéma expressionniste allemand, Jacques Tourneur impose peu à peu son style, nimbé de jeux d'ombres et de lumières.
Vaudou (1943), L'Homme-Léopard (1943), Pendez-moi haut et court (1947) et Berlin Express assoient définitivement sa notoriété.
Vient également s'ajouter Rendez-Vous Avec la Peur, sorti en 1957, et souvent considéré comme le sommet de Jacques Tourneur. En outre, ce long-métrage, qui oscille entre l'épouvante, le fantastique, le thriller et l'enquête policière, va inspirer de nombreux films et plusieurs générations de cinéastes. Par exemple, Martin Scorsese ne tarit pas d'éloges envers cette pellicule ténébreuse et qu'il classe "à la 9e place parmi les films d'horreur les plus effrayants" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Rendez-vous_avec_la_peur).
Très vite, Rendez-Vous avec la Peur (Night of the Demon de son titre original) s'octroie le statut de classique du cinéma. Le film est aussi sorti sous le nom de Curse of the Demon aux Etats-Unis.
La distribution du long-métrage réunit Dana Andrews, Maurice Denham, Peggy Cummins, Nial MacGinnis, Athene Seyler et Liam Redmond. Attention, SPOILERS ! (1) Après la mort aussi atroce que mystérieuse du Professeur Harrington, le docteur Holden, éminent psychologue américain venu rendre visite à son collègue, enquête à la demande de la fille de la victime. Joanna est persuadée qu'un certain Dr Karswell, spécialiste de l'occultisme, que son père avait publiquement accusé de charlatanisme, est impliqué d'une manière ou d'une autre dans le décès de son père.
Holden se rend chez Karswell qui entend bien impressionner le visiteur et déclenche sous ses yeux une véritable tempête qui s'abat sur le pays (1). Rendez-Vous avec la Peur est également l'adaption d'une nouvelle, Casting the Runes, de Montague Rhodes James.
Pour Jacques Tourneur, ce film marque un retour vers l'épouvante et le fantastique. Jacques Tourneur reste un réalisateur éclectique. D'ailleurs, Rendez-Vous avec la Peur est un savant mélange de plusieurs styles hétéroclites. Le long-métrage marque également cet intérêt pour la démonologie, la sorcellerie, la parapsychologie et la magie noire. Toutefois, le cinéaste ne souhaite pas voir apparaître de monstres ou de créatures méphistophéliques.
L'horreur ne doit pas être montrée mais seulement suggérée. C'est le producteur du film, Hal E. Chester, qui lui impose plusieurs saynètes supplémentaires. Pour Jacques Tourneur, ces choix inopinés dénaturent l'essence même du film. Certains fans lui reprocheront par ailleurs la séquence d'introduction qui affiche en gros plan le visage démoniaque d'une créature carnassière.
A contrario, d'autres admirateurs louent les qualités esthétiques du long-métrage. En l'occurrence, Rendez-Vous avec la Peur, comme le titre l'indique, s'ingénie à jouer avec nos angoisses primitives, archaïques et reptiliennes. C'est probablement pour cette raison que Jacques Tourneur se languit de cette dichotomie entre l'ombre et la lumière. Mieux, le cinéaste nous interroge sur cette frontière ténue entre la réalité, nos propres fantasmagories et l'existence d'éventuels univers parallèles.
D'ailleurs, ce n'est pas un hasard. A juste titre, Rendez-Vous avec la Peur est souvent considéré comme un film avant-gardiste. Paradoxalement, le personnage central du film, le professeur Henry Harrington, est un homme rationnel qui abhorre les sciences occultes et les séances de spiritisme. De surcroît, un magicien grimé en clown l'avertit.
Harrington est condamnéà exhaler son dernier soupir dans les trois jours à venir. Ainsi, le film se nimbe d'une atmosphère lugubre, morbide et aux teintes vespérales. Suspicieux, Harrington se retrouve bientôt à la lisière d'une forêt et poursuivi par une brume qui se transmute subrepticement en boule de feu. Tous ces éléments paranormaux sont reliés à un mystérieux parchemin qui contient la clé de l'énigme. En l'état, difficile d'en dire davantage.
En apparence, Rendez-Vous avec la Peur propose un scénario linéaire. Néanmoins, Jacques Tourneur complexifie peu à peu son récit via plusieurs rebondissements impromptus. Plus qu'une somme de peurs et d'angoisses amoncelées, le film s'apparente surtout à une allégorie sur notre propre animalité. Une thématique déjà anônnée dans La Féline... A juste titre, certaines critiques pourront tonner et pester contre certaines saynètes un brin superflues.
Par exemple, les rares apparitions de la créature ne sont guère éloquentes. Mais ne soyons pas trop sévères. On tient là un vrai bon film. En l'occurrence, Rendez-Vous avec la Peur n'est probablement pas le chef d'oeuvre décrié par les cinéphiles avisés, en tout cas, pas le sommet de Jacques Tourneur. Personnellement, je lui préfère La Féline, un autre classique déjà précité.
Note : 15/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : http://www.dvdclassik.com/critique/rendez-vous-avec-la-peur-tourneur