Quantcast
Channel: Cinéma Choc
Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Les Nuits de Chicago (Et le film de gangster fut créé)

$
0
0

600x800_220294

Genre : Policier

Année : 1927

Durée : 1h21

 

Synopsis :

Bull Weed, un des chefs de la pègre à Chicago, a pris sous sa protection un ancien avocat ruiné par l'alcool, véritable épave surnommée Rolls Royce. Celui-ci est amoureux de Lucy, la compagne de Bull.

 

La critique :

Certes, le cinéma muet n'a jamais été l'un des genres de prédilection de Cinéma Choc. A cette époque, nous évoluions dans des films sages où la transgression et le subversif étaient la plupart du temps soit dérisoires, soit proprement inexistants. Alors que l'expressionnisme allemand vit son lot de films glauques représentés par le parangon du nom de Le Cabinet du Docteur Caligari (chroniqué sur le blog pour les intéressés), le cinéma américain demeurait, si je puis dire, plus terre-à-terre. Les romances fleurissaient ainsi que diverses épopées dont on songe directement aux controversés longs-métrages de Griffith taxés d'ouvertement racistes (Naissance d'une Nation et Intolérance bien évidemment).
Pourtant, en l'an de grâce 1927, un long-métrage vit le jour. Un long-métrage du nom de Les Nuits de Chicago (Underworld dans sa version originale). A la lecture du synopsis, rien qui ne vaille un intérêt notoire de passionner les foules. Néanmoins, si ce film fait l'objet d'une chronique, c'est bien parce qu'il est considéré selon les spécialistes comme le point de départ du film de gangster et peut-être même du film noir.

Vous l'avez compris, on tient là une oeuvre importante du cinéma qui est quelque peu retombée dans l'oubli alors que ses apports furent inestimables pour tous les films qui en découlèrent dont le Scarface de 1932. Le réalisateur derrière ce projet est Josef Von Sternberg, réalisateur important du vieux cinéma qui est malheureusement lui aussi un peu retombé dans l'oubli, et qui accoucha d'oeuvres notoires. On lui devra, outre L'Ange Bleu considéré comme son chef d'oeuvre absolu, le passionnant The Shanghaï Gesture, Blonde Venus ou encore Crime et Châtiment dont je ne garde par contre pas grand souvenir. Soit, on se retrouve ici en présence du tout premier film du réalisateur chroniqué sur le blog. Est-ce que, avec presque 90 ans au compteur, Les Nuits de Chicago peut toujours s'enorgueillir de sa réputation ? Réponse dans la critique.

57378555

ATTENTION SPOILERS : A Chicago, le mafieux Bull Weed prend sous sa protection son ex-avocat, ruiné et alcoolique. Celui-ci, surnommé Rolls Royce, tombe amoureux de Feathers, la petite amie du criminel. Outre la menace de perdre Feathers, qui ne l'a jamais aimé, Weed doit également défendre son territoire et ses affaires contre les visées de Buck Mulligan, son grand rival. Ce gangster brutal et ambitieux n'hésite pas à déclencher une guerre sanglante entre gangs.

Je ne vais pas vous mentir en disant qu'il est toujours gratifiant de visionner une oeuvre emblématique du cinéma. Il est d'ailleurs encore plus gratifiant de visionner une oeuvre qui posa les bases d'un style entier qui accoucha par la suite de nombreux classiques du cinéma. Regarder Les Nuits de Chicago, c'est faire un bond dans le temps et être aux premières loges d'un enrichissement notoire du septième art. Von Sternberg met donc en scène un rejeté de la société ruiné et alcoolique qui aura la chance de croiser sur son chemin un ponte de la mafia locale en la personne de Bull Weed.
Ce chef de gang est loin de la racaille de service mal élevée et est représentée comme un homme élégant, exubérant avec, à ses côtés, un homme de main, la version gentille de Goebbels, et de l'autre une "poule" qui n'est avec lui que pour la protection et l'argent. Un soir, dans une petite guinguette, une rixe éclate car notre avocat ruiné refusa de s'humilier à ramasser un billet que jeta par terre Buck Mulligan. Celui-ci apparaît comme une brute épaisse, impulsive et l'incarnation même de la violence bestiale. Vous pouvez dès lors observer ici ces caractéristiques flagrantes et propres aux futurs films de gangster, Scarface de 1932 en tête pour me répéter.

Après avoir été pris sous la protection de Weed, l'avocat, surnommé Rolls Royce, tombe amoureux de Feathers, la petite amie de Weed et si celle-ci, dans un premier temps, ne fait guère attention à lui, elle finira par s'y intéresser. Une relation amoureuse et passionnelle entre le héros de l'histoire et la copine du gangster prend forme. Un point que nous retrouverons encore dans le futur du genre. Weed va, alors, se retrouver face à deux fronts. D'un côté, la peur de perdre Feathers dont il se rend compte qu'elle est tombée amoureuse de Rolls Royce et de l'autre la menace de Mulligan bien décidéà se venger de l'humiliation qu'il a subi dans le bar. Malgré ce récit pour le moins banal, il faut bien réaliser qu'à sa sortie, il s'agissait là d'une véritable innovation. Visionner Les Nuits de Chicago, c'est devoir être indulgent et regarder avec un oeil de fin des années 20 ce récit dont les caractéristiques furent pompées et repompées, en bien mais malheureusement aussi en mal par moment.

Underworld(6)

En cela, il est dommage de voir que Les Nuits de Chicago pourrait sembler dérisoire aujourd'hui tant nous sommes habitués à ce type de poncifs. A côté, Von Sternberg accumule de nombreux lieux qui seront eux aussi présents dans les futurs films de gangster à venir tels que le bar, comme j'ai dit, mais aussi la fête de bal, la planque cachée derrière une bibliothèque (un cliché aujourd'hui mais pas en 1927) et sans oublier la prison. Si l'on se base d'un point de vue scénaristique, il n'y a pas ou peu de rebondissement. L'intrigue suit un cheminement classique et carré qui jonglera à la fois entre l'histoire d'amour naissante et la confrontation de deux gangsters. Pourtant, Von Sternberg n'arrive pas à rendre plat son histoire et suscite notre intérêt sur la durée tout en nous rinçant les yeux avec sa très belle photographie habituelle en noir et blanc. On pensera aux superbes plans chez le fleuriste n'étant autre que Buck Mulligan.
Un joli paradoxe entre la personnalité brutale et le métier, c'est le moins qu'on puisse dire, à fleur de peau qui fonctionne bien. On pensera aussi au bal des gangsters avec cet enchevêtrement de serpentins, alors que bon nombre sont au pays des fées après avoir fini leur verre de trop.

L'image est exemplaire et confirme bien le talent du réalisateur pour nous servir de belles scènes. Même la prison, froide et austère, bénéficiera de très beaux plans. Les amoureux de photographie seront comblés et ceci additionnéà une bande sonore de qualité, font que Les Nuits de Chicago est exemplaire en terme esthétique. Ceci renforcera cet intérêt, à défaut d'une intensité agrippant le spectateur par la gorge, sur la durée démocratique de 81 minutes. Aucun allongement inutile n'est de mise. C'est du bon boulot. En ce qui concerne le jeu d'acteur, on retrouve au casting George Bancroft, Brent Evelyn, Brook Clive, Kohler Fred ou encore Semon Larry. A ce niveau, on pourra râler sur l'exagération du jeu d'acteur des deux gangsters majeurs, donc Bancroft dans le rôle de Bull Weed et Fred dans le rôle de Buck Mulligan. Leurs expressions faciales de rire ou de colère sont parfois trop forcées et peuvent vite agacer. Certes, le film muet a un style théâtral mais quand c'est trop, c'est trop.
On pourra aussi râler sur la prestation parfois fort monolithique de Clive dans le rôle de Rolls Royce. On sera par contre séduit par le charme de Brent Evelyn incarnant Feathers et qui est une démonstration de plus de toute la classe des actrices de l'époque. Ceci dit, on n'atteint pas la quasi perfection de The Shanghaï Gesture dans la beauté des actrices principales.

57378572

En conclusion, Les Nuits de Chicago est un témoignage très intéressant d'une époque où les gangsters raffinés mais cruels arpentaient les rues. Si, avec le recul de notre époque, le long-métrage peut sembler un peu désuet, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un film majeur du septième art qui mériterait d'être redécouvert, compte tenu de sa confidentialité dans laquelle il a sombré depuis un moment. Si l'on pourrait pester envers un récit pas spécialement captivant, il s'agit, et je le dis et le répète, de se remettre dans le contexte de l'époque. Seul le jeu d'acteur pas spécialement au top peut être à reprocher. En dehors de cela, la superbe photographie et le charme type des années 20 sont aux abonnés présent et font de Les Nuits de Chicago, un film de grande qualité dont on remercie Von Sternberg d'avoir été le précurseur du film noir. Maintenant, aux intéressés inconditionnels du support physique, je vous souhaite bonne chance pour trouver un DVD ou même une simple VHS.

 

Note :15/20

 

orange-mecanique   Taratata


Viewing all articles
Browse latest Browse all 2562

Trending Articles