Genre : Comédie dramatique (interdit aux - 12 ans)
Année : 1996
Durée : 1h27
Synopsis :
Quand il quitte l'orphelinat, Bernie Noël est âgé de trente ans. Il n'a qu'un seul but : connaître ses origines. Commence alors un parcours semé d'embûches pour ce garçon névrosé et déconnecté du monde réel qui va semer le désordre partout où il passera.
La critique :
Ca faisait longtemps que le cinéma français ne s'était plus invité sur le blog. En cause, le fait que le transgressif, le subversif et la violence ne soient pas aimés de critiques bienpensantes à la ramasse. Inutile de ressortir les exemples habituels des films français qui ont subi le courroux de ceux qui ne savent pas réaliser que violence ne s'associe pas nécessairement à connerie sans nom. Ici, pas de ça aujourd'hui, on verse dans la comédie dramatique. Un comble me direz vous ! Une comédie dramatique sur Cinéma Choc, on aura tout vu. Oui mais attention on ne parle pas de la dernière saleté narrant la vie de deux ploucs en fin de vie du fin fond de la Bretagne avec en bonus, une bonne dose de niaiserie et de politiquement correct vomitif. Non nous parlons du cas de Bernie, réalisé de la plume dérangée de Albert Dupontel.
Ce nom vous dira probablement quelque chose vu que l'acteur/humoriste/réalisateur incarna Pierre, le meilleur ami de Marcus dans le controversé et polémique Irréversible (chroniqué sur le blog pour les intéressés). En dehors de cela, on le retrouvera dans de longs-métrages plébiscités comme Un Long Dimanche de Fiançailles, L'Ennemi Intime ou encore Neuf Mois Ferme. De fait, Dupontel reste un personnage hors norme dans le paysage cinématographique français qui apprécie apporter une bouffée d'air frais et qui se permet en plus d'être pleinement reconnu. Cette reconnaissance démarra déjà avec Bernie, son premier long-métrage, grâce auquel il fut nommé aux Césars dans la catégorie "meilleure première oeuvre". Ce film restera d'ailleurs ce qui est considéré par beaucoup comme le summum de Dupontel. Summum qui s'attira l'hostilité de nombreuses critiques. Une telle différence entre les notes des critiques spectateurs et les critiques presse ne peut dire qu'une seule et unique chose. Mais passons à la critique.
ATTENTION SPOILER : A 30 ans, Bernie décide que le temps est venu pour lui de quitter l'orphelinat où il a grandi et d'affronter le vaste monde qui l'entoure. Il commence par rechercher la trace de ses parents et découvre qu'à l'âge de deux semaines, ils l'ont tout bonnement jeté dans le vide-ordures. Bernie se refuse à admettre cette douloureuse vérité et s'imagine avoir été enlevé, à l'occasion d'un mystérieux complot. Il tombe amoureux d'une fleuriste paumée et droguée, Marion, puis retrouve son père devenu clochard. Sa mère, elle, est remariée à un riche bourgeois. Tout à son obsession de réunir ses parents, Bernie massacre la nouvelle famille de sa mère et séquestre cette dernière.
Drôle de synopsis que voilà. J'en reviens à ce que je disais avant : Pourquoi de telles disparités au niveau des critiques ? Eh bien tout simplement parce que Bernie est un autre exemple type de film que l'on va soit adorer, soit détester. Il faut le dire, Dupontel n'y va pas avec le dos de la cuillère et assume son style si particulier jusqu'au bout en narrant une histoire dramatique, tournée avec une bonne dose de grotesque. C'est l'histoire d'un enfant simplet, attardé qui se retrouve dans le vaste monde à la recherche de ses parents qui s'en sont débarrassés. De fait, le film démarre avec la tête de Bernie traversant un buisson de lierre dont la forme rappelle sérieusement le vagin. Une séquence symbolique de la venue au monde du personnage. Mais il est fini le temps de la vie à l'orphelinat et notre curieux lascar décide de partir dans le but précis de retrouver sa famille. C'est l'occasion pour Dupontel de mettre en scène des personnages laids, des marginaux, des exclus d'une société qui tend à les faire disparaître ou les prend de haut. Rien n'est beau dans Bernie. On côtoie la misère des bas quartiers avec ces cités disparates et on pourra même observer de véritables SDF à l'écran dans la séquence de l'échangeur.
Le cinéaste ne cherche pas seulement à conter une histoire atypique mais à mettre en lumière une misère sociale en totale contradiction avec le bien-être des habitants des hauts quartiers. On a affaire à une dichotomie sociale intéressante et c'est ce qui rend le film si interpellant sur les bords, alors que nous sommes à l'avènement du 21ème siècle et qu'au final, rien n'a vraiment changé. La pauvreté est toujours présente et s'est même empirée et les exclus de la société sont toujours là. Bernie, c'est un film qui tape du poing sur la table et nous pouvons comprendre pourquoi il dérangeait et dérange peut-être encore certains. A cet état de fait, Dupontel transmute son récit cruel d'un enfant abandonné au 36ème degré en intégrant un humour très spécial. Un humour qui ne plaira pas à tout le monde et pourra agacer comme charmer ceux qui adhèrent à ce style. Il faut le dire, certaines séquences sont jubilatoires comme la scène dans la volière d'un vieux paumé d'une cité ou celle dans la maison bourgeoise.
Dupontel parvient à alléger la cruauté de son récit en le déversant dans un humour grotesque. Ceci dit, son humour est, comme je l'ai dit avant, sa principale faiblesse car certains risquent d'être vite agacé par le comportement imbécile de Bernie. Pourtant, difficile de résister à cette accumulation de séquences incongrues. Contre toute attente, le cheminement scénaristique est curieusement crédible malgré la folie ambiante. Bernie finira par s'énamourer avec Marion, jeune toxicomane perdue dans la vie et issue aussi de la cité, partant dans une sorte de croisade surréaliste. Il est persuadé qu'un complot contre elle et lui se trame. Dans sa dernière partie, Bernie n'est pas sans rappeler un mélange particulier entre Pierrot le Fou et Bonnie And Clyde. Un ton volontairement anarchiste en émerge comme dans cette réplique devenue culte "C'est la société qu'est bien foutue. Ils mettent des uniformes aux connards pour qu'on puisse les reconnaître".
Dupontel, outre son humour particulier, radicalise encore le film en incorporant une violence frontale inattendue. Si l'on excepte la critique acide de la société dont j'ai parlé plus haut, on pourra assister à plusieurs tabassages dans les règles de l'art, un homme en chaise roulante percuté de plein fouet par une voiture ou encore à un coup de fusil à pompe à bout portant en pleine tête. Encore ici, le réalisateur parvient à procurer une dimension comique à cette violence. Bon ça fera mouche chez certains qui hurleront de rire ou ça sera de mauvais goût pour d'autres. Vous pouvez aussi ajouter quelques séquences explicites de prise d'héroïne en intra-veineuse et après avoir mixé le tout, vous obtenez une sympathique interdiction aux moins de 12 ans qui n'est pas usurpée mais qui parvient àêtre atténuée avec le 36ème degré dont jouit l'oeuvre. Ca permet aussi de combattre un hypothétique manque de gnac qui aurait pu s'installer si on en serait resté aux simples gags. On a donc en prime un film globalement prenant mais qui plaira comme il pourra exténuer. C'est à double tranchant.
Au niveau esthétique, on ira à l'essentiel. C'est laid, vraiment laid. La faute revient bien évidemment au fait de représenter un univers où aucun personnage n'est à sauver donc inutile de rechercher un semblant de lueur d'espoir ou de beauté dans ce récit. Cependant, ça s'est déjà vu des films où, malgré tout, le réalisateur parvenait à installer une classe et un charme particulier à des décors moches. Hors ici, ça reste terne dans le mauvais sens du terme. On a bien sûr pas mal de beaux plans mais il y a beaucoup de plans moins ravissants, surtout ces nombreux gros plans sur le visage des personnages. La bande sonore est assez terne elle aussi. Le casting, là est de grande qualité entre un Albert Dupontel complètement déjanté dans le rôle de Bernie Noël. On aura aussi la sympathique Claude Perron dans le rôle de cette crapule avide d'argent du nom de Marion. Roland Blanche est jouissif dans le rôle du père psychopathe, tout comme Hélène Vincent, dans le rôle de la mère. Tous sont pleinement investis dans la peau de leurs personnages.
En conclusion, Bernie est une réussite plus ou moins globale qui peut s'enorgueillir d'apporter un souffle d'air frais dans le paysage de la comédie française fort cloisonné. Dupontel nous livre un film atypique où, à la comédie grossière et politiquement incorrecte, s'additionne une féroce critique du traitement des marginaux reclus à l'extérieur de la belle ville et parqués dans des HLM ou sous un pont. L'idée est intelligente mais est à double tranchant et il n'est pas étonnant de tomber sur des spectateurs sceptiques du traitement proposé. Pourtant, il ne fait aucun doute que Bernie a une réelle puissance en lui et si on peut lui reprocher un visuel moche, une fin assez ratée et une débilité qui ne fait pas tout le temps mouche, on reste quand même charmé devant cette comédie outrancière. Une comédie jubilatoire sur un fond moche. Des acteurs proprement dégueulasses mais attachants. C'est ça qui fait la force de Bernie.
Note :14,5/20