Quantcast
Channel: Cinéma Choc
Viewing all 2562 articles
Browse latest View live

Tusk - 2014 (Ne faire plus qu'un avec le morse)

$
0
0

390236

Genre : Horreur, comédie (interdit aux - 12 ans)

Année : 2014

Durée : 1h42

 

Synopsis :

Un célèbre podcaster américain, connu pour ses sujets farfelus, se rend au Canada pour interviewer un vieil homme totalement fasciné par les morses. Leur rencontre va très vite dégénérer.

 

La critique :

Je pense que sur ce blog, on sera tous d'accord que réaliser un film d'horreur n'est pas à la portée du premier venu. En effet, parvenir à créer chez le spectateur un sentiment d'inconfort, voire même de terreur nécessite un doigté de grand professionnel. Et je pense aussi que tout le monde sur ce blog sera d'accord avec moi quant au fait que ce n'est certainement pas par les temps qui courent que l'on pourra tomber sur une armada de films de qualité de ce genre. Alors quand, en plus, un réalisateur décide de mêler à l'horreur, la comédie, là le pari s'avère encore plus risqué.
Certes, on a pu observer des films qui ont su s'imposer au fil du temps tels Shaun of The Dead, Gremlins, Bad Taste, Bienvenue à Zombieland ou même les Scary Movies mais je préfère ne rien dire concernant cette dernière franchise. Vous pouvez désormais rajouter à ce cercle très fermé, l'étrange Tusk du réalisateur Kevin Smith qui, personnellement, ne s'est pas illustré avec grand chose. 

Pour l'histoire autour du film, le scénario s'inspire de The Walrus & The Carpenter de la série de podcast SModcast créée par le cinéaste lui-même et Scott Mosier. Dans cet épisode, ils débattaient sur une petite annonce envoyée par un homme qui avait été naufragé et avait survécu au côté d'un morse et qui avait ensuite envoyé une petite annonce dont je vous fais part : "Pour devenir mon colocataire, vous devez être prêt à porter un costume de morse pendant 2h par jour environ (en pratique, pas 2h chaque jour, il s’agit plus d’un ordre d’idée de la charge qui vous attend). Une fois dans le costume, vous devez ÊTRE un morse : il ne doit pas y avoir de parole telle qu’un homme le ferait, avec une voix d’homme, et toute communication doit se faire sur l’intonation d’un morse".
Non vous ne rêvez pas, ce récit cinématographique, aussi insensé soit il, s'inspire bel et bien d'une histoire vraie dont Smith s'est amuséà pousser le bouchon un peu plus loin. Reste à voir maintenant si le farfelu s'est avéré payant.

tusk-toronto-film-festival

ATTENTION SPOILERS : Wallace Bryton est un podcasteur américain. Il se rend au Canada afin d’interviewer un jeune homme pour son show internet, « not see party ». Une fois sur place un contre-temps l'oblige à changer ses plans et l'amène à rencontrer Howard Howe, un tétraplégique vivant dans une grande demeure reculée et entouré des souvenirs de ses voyages en mer. Ce dernier nourrit un rêve : trouver le morse qui réside en chaque être humain.

Quel film ! Quel scénario réfléchi ! Oui, il existe encore à une époque où tout est fait pour plaire au grand public, des réalisateurs qui n'hésitent pas à aller en dehors des sentiers battus et à faire preuve d'originalité. Ici, inutile de revendiquer le fait qu'on a là un cinéaste complètement cinglé vu qu'il ne fait que se baser sur la déclaration d'un vieux fou glorifiant cette bête noble mais dont je ne me permettrais pas à m'en approcher vu les défenses mortelles dont elle se pare. Tout ceci est bien beau et comique mais peut on dire que Smith fait mouche et crée quelque chose de dépaysant et de qualité ?
J'ai le regret de vous dire que Tusk, s'il n'est pas un flop et ni un mauvais film, déçoit dans le traitement proposé. Smith met donc en scène un curieux podcasteur dézingué du bulbe du nom de Wallace Bryton qui, dans son émission "Not see party" (dit avec l'accent qui transforme le "not see" en "nazi") s'amuse à rire du malheur des autres, en la personne ici d'un Kill Bill Kid qui, lors d'une vidéo, se tranche la jambe accidentellement avec son sabre. Dès le départ, on a là un fouteur de gueule hors catégorie qui n'hésite pas par la même occasion à tromper sa très belle femme du fait d'un succès qui lui est un peu trop montéà la tête. Premier problème, on ne sait pas trop si le réalisateur dénonce ou non l'exploitation outrancière du malheur sur Internet par des podcasteurs sans scrupule, vu que le cinéaste est lui-même podcasteur. 

Après une rencontre avortée du Kill Bill Kid s'étant préalablement suicidé auparavant avec son sabre, désemparé par la perte de sa jambe, Bryton tombera un peu par hasard en urinant sur une feuille d'une vieille personne expliquant qu'elle a des choses extraordinaires à raconter. Grave erreur pour le podcasteur qui tombera sur un redoutable tueur en série complètement à la ramasse et totalement amoureux des morses. Celui-ci, après une longue entrevue, fera faire s'effondrer Bryton après avoir préalablement versé un somnifère dans son thé. A partir de là, c'est une véritable descente aux enfers qui commence pour Bryton. Séquestré et charcuté par un psychopathe lui ayant coupé une des deux jambes, il subira une transformation spectaculaire pour devenir le morse "Mr. Tusk" dont Howe est amoureux. Voilà bel et bien ce que l'on appelerait un sévère retour de karma pour un personnage antipathique et stupide qui goûtera à un malheur incommensurable, car le moins que l'on puisse dire est que la première séquence d'après opération marque le spectateur devant toute la laideur de ce "mi-homme, mi-morse".
En fait, le film vaut le coup rien que pour la bestiole de service car, en dehors de cela, difficile de trouver un intérêt suffisamment fort pour recommander la chose. 

five-new-photos-from-kevin-smiths-horror-film-tusk

Premièrement, le problème majeur est les 102 minutes en question du film alors qu'il y aurait suffisamment eu moyen d'amputer le film de minimum 20 voire 30 minutes. Smith tire de manière insupportable son récit en longueur via des séquences qui ne disent pas grand chose et dont on peine àêtre réellement passionné par les dialogues. Déjà là, le scénario commence à montrer ses limites car le cinéaste se base sur une simple anecdote de podcast et décide de retranscrire ça à grande échelle dans un long-métrage. C'est bavard, trop bavard et on risque de vite trouver le temps long durant plusieurs scènes, à l'image de cette entrevue entre la fiancée de Bryton, son meilleur ami et un inspecteur louche du nom de Guy Lapointe, partis à son secours. Déjà là, c'était plus que discutable de faire tourner Tusk en une simili enquête aux trop nombreuses facilités pour apporter vraiment un semblant de crédibilité. Une simple relation entre l'homme-morse, abandonné de tous, et son bourreau aurait été bien plus judicieux et aurait accentué le côté tragédie. 

Deuxièmement, la dimension comique est un réel problème dans la plupart des cas. Fréquemment dévié dans le graveleux et le scabreux, l'humour en devient d'une lourdeur qu'il finit par ne même plus nous faire décrocher un rictus arrivéà la moitié du récit. Mettre des "fuck"à toutes les sauces, parler de cul au sens propre comme au sens figuré, de sperme et de flatulences, ça peut faire rire quand on a 16 ans mais à un moment, ça frise le pathétique. C'est en cela que l'on ne parviendra même pas à s'émouvoir du sort de Bryton, complètement insupportable quand il n'était encore qu'un être humain et dont on remercie Howe de lui avoir arraché la langue pour qu'il la mette en veilleuse et se contente de râles bestiaux d'un rendu assez terrifiant. Justin Long dans le rôle de Wallace ne parvient pas àêtre attachant et ni Haley Joel Osment que l'on a pu voir dans Intelligence Artificielle et Sixième Sens, qui incarne son meilleur ami. On montera d'un cran avec Genesis Rodriguez interprétant sa copine Ally, beaucoup plus convaincante. Mais le meilleur rôle sera attribuéàMichael Parks dans le rôle de Howard Howe, complètement investi dans la peau de ce psychopathe qui, lui, est vraiment touchant.
Par contre, on évitera de parler de Johnny Depp, assez ridicule dans la peau de ce Guy Lapointe.

MV5BMjQ0N2Q1NmYtYjBhMy00NDhhLWEyZWItZTE5NzQ1OTFlMzgyXkEyXkFqcGdeQXVyMjUyNDk2ODc@

Au niveau de l'esthétique du film, Tusk convainc un peu mieux avec une image propre, léchée et plutôt belle. Smith a su filmer correctement son récit mais ça reste un peu maigre pour appâter le spectateur. Pareil pour la bande sonore assez plate mais qui fera mouche lors de la nage en amoureux dans le bassin entre le morse et Howe. Une scène ma foi fort amusante. Bon, même si le récit est assez plat par moment, il conviendra quand même de dire que l'atmosphère parvient à susciter une certaine adhésion qui fait que Tusk n'est pas aussi mauvais que l'on s'y attendrait.
Le mélange entre l'absurde, la parodie et l'horreur est d'un rendu assez remarquable et cela met en place une tonalité vicieuse, austère, grotesque, dérangeante et même carrément malsaine sur les bords. Ceci dit, et comme je l'ai dit avant, la trop longue durée atténue le malaise et le glauque qui aurait pu être d'un bien meilleur rendu.

En conclusion, Tusk est une idée de départ qui aurait pu faire naître un film culte mais qui se résume à une succession de mauvais choix entâchant le récit. Bien que l'esthétique assez raffinée et l'ambiance tordue et glauque font mouche, celles-ci sont gâchées par une durée exagérée pour ce que le réalisateur veut raconter et un humour franchement mauvais. On ne parvient pas à s'éprendre du destin de Wallace Bryton et on a, en plus, au programme une fin, disons le, "conne". Un exemple parfait de film aux inspirations qui ne sont pas sans rappeler The Human Centipede qui divisera à n'en point douter. Pourtant, on ne pourra s'empêcher de défendre un minimum l'oeuvre et de la trouver sympathique car elle a au moins le mérite de se démarquer totalement dans un cinéma de plus en plus formaté et encadré.
De fait, on aura bien du mal à ne pas repenser au film à chaque fois que l'on verra l'image d'un morse. A voir si vous êtes curieux de connaître l'aspect de la bête (c'est d'ailleurs pour cela que je n'ai pas mis d'image la concernant dans la chronique), sinon vous ne passerez pas à côté d'un chef d'oeuvre. Quoiqu'il en soit, ma note pourra paraître clémente aux yeux de certains.

 

Note :12/20

 

orange-mecanique Taratata


Mondo Cane 2 : L'Incroyable Vérité (Toujours un monde de chien...)

$
0
0

Mondo_Cane_2_l_incroyable_verite

Genre : documentaire, documentaire, "Mondo" (interdit aux - 16 ans)
Année : 1963

Durée : 1h40

Synopsis : (1) Rites religieux, déviations sexuelles, performance arty et cannibalisme. D'un trafic de cheveux à l'exploitation d'enfants handicapés, Mondo Cane 2, digne héritier des spectacles de foire, ne cache rien par souci de vérité... (1)

La critique :

Festival de Cannes, 1962. Gualtiero Jacopetti, Paolo Cavara et Franco Prosperi présentent Mondo Cane, un pseudo documentaire, qui explore les différents rites culinaires, séculaires, cultuels, culturels et mortifères à travers le monde ; des peuplades africaines en passant par notre société contemporaine. Sur la forme, Mondo Cane n'est qu'un agrégat de séquences chocs, parfois minorées par des anecdotes pittoresques L'objectif d'une telle pellicule ?
Observer, analyser et décortiquer les us et les coutumes de plusieurs communautés qui se livrent à des actes parfois abominables et/ou à des pulsions ancestrales et reptiliennes. Certes, plusieurs siècles et plusieurs millénaires se sont écoulés depuis l'Homme de Pierre, mais rien n'a vraiment changé, claironnent Jacopetti et ses collaborateurs.

Lors de sa présentation au Festival de Cannes, Mondo Cane marque durablement les persistances rétiniennes en raison de plusieurs saynètes à la fois loufoques, trash et extravagantes. Le "documenteur" choque notamment pour son réalisme âpre et brut de décoffrage. Certains spectateurs ébaubis quittent précipitamment la salle lors de la projection en avant-première. D'autres expectorent leur frugal repas devant certaines séquences montrant des animaux dévorés, massacrés ou encore froidement exécutés. Avec ce faux documentaire, Jacopetti et al. viennent d'inventer le "documenteur" et plus particulièrement le shockumentary. Le principe ?
S'ébaudir de la frontière souvent ténue entre la fiction et la réalité, entre le cinéma et notre monde bien réel.

Si tous les participants du "documentaire" sont en vérité des acteurs, les meurtres d'animaux ne sont pas simulés. Les amateurs du cinéma trash et extrême exultent. Jacopetti et ses ouailles ont bien l'intention d'exploiter le filon à satiété. Seul Paolo Cavara, qui vaque à d'autres occupations, refuse de rempiler pour un second volet. C'est dans cette dialectique qu'est réaliséMondo Cane 2 : L'Incroyable Vérité en 1963. Le scénario ? Toujours la même antienne.
Filmer, scruter, épier et "radioscoper" - si j'ose dire - certains rites et surtout les différentes peuplades qui composent le microcosme humain. Par ailleurs, Mondo Cane 2 est principalement composé de séquences qui n'ont pas été retenues pour le premier chapitre. On peut alors parler d'un film un peu bâtard et opportuniste qui, à l'instar de son auguste épigone, sera à son tour présenté en compétition au Festival de Cannes.

hqdefault

Toutefois, le film ne déclenche plus les foudres et les anathèmes de son devancier. Le public festivalier s'est déjà accoutuméà cette violence jugée barbare et outrancière. Bientôt, cette brutalité se transmutera en antre de l'horreur avec Face à la Mort (John Alan Schwartz, 1978) et Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980), deux autres shockumentaries beaucoup plus virulents. "Nous vivons toujours dans un monde de chien" arguent Jacopetti et Prosperi.
Une habile ritournelle assénée à travers des images toujours aussi fantasques, violentes et truculentes. Un an après le premier Mondo Cane, Jacopetti et son fidèle prosélyte continuent d'observer au plus près les prémices de la société consumériste. Tel est le propos emphatique de Mondo Cane 2. Le speech est donc le suivant.

Attention, SPOILERS ! Rites religieux, déviations sexuelles, performance arty et cannibalisme. D'un trafic de cheveux à l'exploitation d'enfants handicapés, Mondo Cane 2, digne héritier des spectacles de foire, ne cache rien par souci de vérité... En outre, Mondo Cane 2 souffre des mêmes tares que son illustre prédécesseur, à savoir une xénophobie latente. Derechef, Africains et Chinois sont décrits comme des êtres barbares, rustres et primitifs qui s'adonnent ponctuellement à des rituels sanguinolents.
En l'occurrence, difficile parfois de ne pas pouffer devant la pseudo véracité des images dont nous sommes affublés, tant certaines saynètes suintent l'outrance et l'outrecuidance. A l'image de ces (faux) policiers qui se griment en prostituées pour appâter et alpaguer les sadiques souffrant de satyriasis. Une façon comme une autre de dénoncer, dix ans auparavant, la féminisation du sexe ithyphallique, les hommes étant réduits à jouer les travestis.

Pour le reste, pas grand-chose à signaler au compteur si ce n'est que Mondo Cane 2 s'appesantit, de nouveau, sur des pugilats d'animaux. Le spectateur assiste donc béatement à la mise à mort d'un oisillon, battu à plate couture par l'un de ses congénères volatiles. Certes, le concept de Mondo Cane 2 peut paraître totalement désuet aujourd'hui. Les images assénées par les deux cinéastes sont désormais visibles sur les réseaux sociaux, dans n'importe quel zapping ou journal télévisé.
Néanmoins, les esprits les plus sensibles risqueront d'être désarçonnés par certaines séquences érubescentes, à l'image de ces enfants noirs handicapés et avilis par la turpitude humaine. L'esclavagisme existe toujours déclament sournoisement Jacopetti et son comparse. Sur la forme comme sur le fond, Mondo Cane 2 s'apparente donc à un triste avatar de son devancier. Les fans les plus irréductibles ou les plus acharnés - vous choisirez - apprécieront peut-être cette rodomontade tantôt abjecte, tantôt saugrenue. Les autres pesteront et clabauderont à raison sur l'inanité et la vacuité de ce second chapitre.

Note :09.5/20 

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mondo_cane_2

Urban Legend (Fable contemporaine)

$
0
0

urban legend

 

Genre : horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
Année : 1998

Durée : 1h40

Synopsis : Les étudiants de l'université de Pendleton suivent assidûment les cours consacrés aux légendes urbaines qui évoquent des histoires terrifiantes dont on ignore l'origine. Lorsqu'une élève est sauvagement assassinée et que d'inexplicables disparitions surviennent, seule Nathalie Simon soupçonne un lien avec les légendes. Elle tente de donner l'alarme, mais personne ne veut la croire. Paul Gardener, un jeune journaliste avide de sujets à sensation, se décide à explorer cette piste.

La critique :

Bis repetita. En 1996, le succès de Scream engendre un nouveau phénomène : le slasher horrifique et prépubère qui séduit évidemment un public facilement impressionnable et en manque de sensations sanguinolentes. Toutefois, le film de Wes Craven peut s'enorgueillir d'un vrai scénario et de protagonistes crédibles qui permettent au slasher de se glisser immédiatement dans le haut du panier. Parallèlement, d'autres slashers profitent à leur tour de la notoriété de Scream.
C'est par exemple le cas de Souviens-Toi... L'Eté Dernier (Jim Gillespie, 1997) qui s'adjoint également les services de Kevin Williamson pour le scénario du film. Pour mémoire, le célèbre cacographe avait déjà griffonné le script de Scream premier du nom. Hélas, le long-métrage ne bénéficie pas de la présence ni de l'érudition d'un Wes Craven derrière la caméra.

C'est donc un vulgaire tâcheron qui se contente de psalmodier la recette du film de Wes Craven. Là aussi, viennent s'ajouter des comédiens populaires qui toiseront le haut de l'affiche dans les années 1990. Sara Michelle Gellar, Freddie Prinze Jr. et Jennifer Love Hewitt, entre autres, sont autant de "has been", voire pour certain(e)s de "never been", qui disparaîtront peu à peu des écrans radars par la suite. Et tant mieux. Donc résumons les choses.
Souviens-Toi... L'Eté Dernier s'apparentait déjàà un ersatz de Scream. Donc, que pouvait bien nous raconter Jamie Blanks avec Urban Legend, sorti en 1998 ? Ce réalisateur australien ne possède pas vraiment une filmographie des plus éloquentes. Si Urban Legend constitue son tout premier long-métrage, le cinéaste réalisera par la suite Mortelle Saint-Valentin (2000), Storm Warning (2007) et Long Weekend (2009).

ul2

Franchement qui, parmi vous, se souvient encore de toutes ces pellicules refourguées, depuis leur sortie, dans les affres des oubliettes ? Et par ailleurs, qui se souvient d'Urban Legend ? A l'instar de Souviens-Toi... L'Eté Dernier, le film se transmutera à son tour en une trilogie, pour le moins très médiocre. Mais était-il nécessaire de le préciser ? Contrairement aux films réalisés par Wes Craven et Jim Gillespie, Urban Legend rencontrera des avis unanimement défavorables.
Toutefois, le long-métrage réussit tout de même à ameuter suffisamment d'éphèbes indociles dans les salles obscures. La distribution du film réunit Alicia Witt, Jared Leto, Rebecca Gayheart, Tara Reid, Michael Rosenbaum, Loretta Devine, Joshua Jackson, John Neville, Danielle Harris et Robert Englund.

A noter aussi le caméo de Brad Dourif dans le rôle d'un pompiste. Pour la petite anecdote, Sarah Michelle Gellar, déjà présente dans le casting famélique de Souviens-Toi... L'Eté Dernier, sera approchée pour obtenir le rôle de Sasha Thomas, finalement tenu par Tara Reid, mais l'actrice vaquant à d'autres occupations - la série Buffy contre les Vampires - déclinera poliment l'invitation. C'est dire à quel point les comédiens sont interchangeables dans ce genre de slasher anémique.
Attention, SPOILERS ! Les étudiants de l'université de Pendleton suivent assidûment les cours consacrés aux légendes urbaines qui évoquent des histoires terrifiantes dont on ignore l'origine. Lorsqu'une élève est sauvagement assassinée et que d'inexplicables disparitions surviennent, seule Nathalie Simon soupçonne un lien avec les légendes.

urbanlegend4

Elle tente de donner l'alarme, mais personne ne veut la croire. Paul Gardener, un jeune journaliste avide de sujets à sensation, se décide à explorer cette piste. Pour mémoire, l'originalité de Scream premier du nom reposait en grande partie sur sa révélation finale et sur cette incroyable duplicité. Dans Souviens-Toi... L'Eté Dernier, le slasher pouvait s'appuyer sur l'investissement inébranlable de jeunes actrices grimées en top models et légèrement dépoitraillées pour l'occasion.
Dans le cas d'Urban Legend, on se demande encore ce qui a pu séduire et attirer les midinettes et les calicots, soit les cibles privilégiées de ce pur produit marketing. Dans Souviens-Toi... L'Eté Dernier, le croquemitaine atrabilaire et vindicatif était doté d'un crochet ensanglanté et se cachait derrière les accoutrements d'un marin.

Dans Urban Legend, le criminel bilieux se tapit derrière les oripeaux d'un esquimau... De facto, avec un sociopathe aussi peu imaginatif, difficile de susciter l'effroi ou même un semblant de terreur. Mais, au moins, le rythme du film se révèle suffisamment soutenu pour maintenir l'illusion. Par ailleurs, Urban Legend tente de dissimuler son script exsangue par l'accumulation de meurtres. Sur ce dernier point, rien de terrifiant non plus, à moins d'être totalement réfractaire à la moindre goutte de sang, par ailleurs rapidement effacée sur le plancher. Pourtant, le concept de base, à savoir l'existence de fables contemporaines, n'était pas forcément si médiocre. Encore fallait-il faire preuve d'un minimum de dextérité et de sagacité.
Hélas, Jamie Blanks s'apparente à une sorte de technicien malhabile et empêtré dans ce nouvel avatar de Scream et de Souviens-Toi... L'Eté Dernier. Pour les initiés, Urban Legend constituera un slasher fastidieux et obsolète qui souffre évidemment de la comparaison avec ses devanciers. Toujours la même antienne... Pour les autres, donc pour ceux qui glapissent de terreur au moindre coup de vent dans les cheveux et les oreilles, Urban Legend pourra éventuellement les séduire, à condition de fermer les yeux sur une interprétation en demi-teinte, ainsi que sur cette vacuité scénaristique.
Bref, avec Urban Legend, on se rapproche sérieusement et même dangereusement du "naveton" avarié. Continue ???

Note : 06.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Onibaba, les tueuses (Du sang sur les roseaux)

$
0
0

Onibaba-1966

Genre : Epouvante, horreur, thriller, drame (interdit aux -1 2 ans)

Année : 1964

Durée : 1h42

 

Synopsis :

Au XVème siècle, une vieille femme et sa bru survivent en assassinant et dépouillant les soldats qui s'aventurent dans les marais environnants.

 

 

La critique :

Dans l'article sur ma prochaine liste de chroniques, je vous avais parlé que celle-ci ferait honneur au cinéma asiatique. Dès lors, j'ai décidé d'ouvrir le bal avec une oeuvre de haut rang en la personne de Onibaba, les tueuses, sorti en 1964 et réalisé par le regretté centenaire Kaneto Shindo, l'un des derniers dinosaures de l'ancien cinéma japonais. Un bourrin encore plus motivé que William Friedkin et Clint Eastwood, vu que son dernier film du nom de Postcard, fut tourné 2 ans avant sa mort, soit 98 ans. Une jolie performance dont la très grande majorité du monde cinématographique aurait été incapable. Ici nous ne sommes bien sûr pas devant ce cas de figure vu qu'il était encore un petit jeunot de seulement 52 ans. Que soit, il est indéniable que la filmographie titanesque de ce cinéaste soit, pour ainsi dire, peu connue même des cinéphiles aguerris. Très peu de ces films ont été distribués chez nous, même encore maintenant. Au final, seule deux oeuvres ont réussi à vraiment s'imposer chez nous, en la personne de L'Île Nue, l'oeuvre avec laquelle il est parvenu à se faire connaître au-delà du pays du Soleil Levant et justement le film d'aujourd'hui. 

Bien qu'il ne se soit pas fait connaître avec ce film en premier, il est aujourd'hui considéré comme la pièce maîtresse du réalisateur et est, au cours des années, devenu l'une des références du courant J-Horror dont il en est l'un des principaux précurseurs avec, à ses côtés, Kuroneko ou encore Kwaïdan. Vous l'avez compris, on tient là un morceau de choix qui est, pour changer, peu mis en évidence quand on parle du cinéma japonais dans son ensemble. D'ailleurs, il convient de mentionner que le masque du démon utilisé dans le film a inspiréFriedkin pour son démon que l'on peut apercevoir "subliminalement" dans L'Exorcisme, ce qui n'est pas une mince anecdote. Maintenant, nous pouvons passer à la critique.

MONROWE-OniBaba2565

ATTENTION SPOILERS : Au 14e siècle, le Japon est ravagé par des guerres incessantes. Deux femmes, la mère et sa belle-fille, appauvries, isolées et désespérées, tentent de survivre au cœur d'un marécage stérile. Agressant les soldats blessés, perdus ou en déroute qui traversent le marécage, elles les tuent pour leur prendre leurs biens et les revendre à un receleur en échange d'un peu de nourriture. Les cadavres de leurs victimes sont jetés dans une caverne, nommée "Le Trou". Un jour, un voisin dépenaillé nommé Hachi se présente chez elles. Affirmant avoir assistéà la mort de leur mari et fils, il devient bientôt l'amant de la jeune veuve, en dépit de l'opposition de la belle-mère.
Celle-ci décide alors de tenter par tous les moyens d'empêcher la jeune femme d'aller rendre visite à Hachi. La situation va se dégrader.

Si l'on commençait à citer les vieux films japonais les plus passionnants à analyser, nul doute que Onibaba serait un cas de choix, tant le traitement proposé est plus surprenant que ce que l'on en attendait. Shindo met en scène deux femmes vivant de meurtres et de larcins dans un but de survie. Déjà, dans cette ébauche de récit, le réalisateur va à contre-courant de la pensée actuelle en mettant en scène des prédateurs qui ne sont pas des hommes mais bien des femmes. A l'époque au Japon, et encore maintenant, le sexe féminin est soumis à la domination patriarcale, loin de notre société occidentale d'aujourd'hui (n'en déplaise aux féministes extrémistes). Ici, la femme est chasseur et l'homme est proie. A partir d'ici, on tient là un film avant-gardiste, féministe et novateur dans son jeu de personnage.
Des femmes évoluant dans un marécage stérile et labyrinthique dont elles n'en sortiront jamais, avec en toile de fond d'incessantes guerres mettant le Japon féodal à feu et à sang. Des guerres occultées dont nous ne verrons aucune image, si ce n'est via des rapports de Hashi mentionnant la rivalité de deux chefs samouraïs et la ville de Kyoto en feu. 

Cette situation que vit Kyoto n'est pas anodine et renvoie directement à l'existence même du réalisateur qui est néà Hiroshima, ravagée à la fin de la guerre par l'arme atomique. Cette atmosphère de no man's land témoigne bien d'un univers quasi post-apocalyptique où toute notion de civilisation a disparu au profit de nos pulsions et instincts les plus primaires. La mère et sa belle-fille en sont réduites à chasser les malheureux qui croiseront leur domaine et à obtenir de la nourriture. Leur situation les ont faites sombrer dans la bestialité et leur humanité a dès lors été réduite à peau de chagrin. L'arrivée d'un compagnon du fils de la mère et mari de la fille va introduire un élément central au récit, soit le culte de la chair. L'érotisme est pièce maîtresse du récit et Shindo démontre bien que le sexe est inhérent à l'être humain et qu'il ne peut perdurer sans cela. Toute l'ambiance se construira autour de cela et empiêtera même sur les décors.

onibaba-screenshot6

La fille comme la mère ne pourront contrôler leurs pulsions. La fille aura la chance de goûter à ces sensations, non la mère qui sombrera dans la spirale de la jalousie et de l'envie et qui, dans un accès de folie se masturbera contre un gigantesque arbre mort, symbole phallique évident. A l'inverse, le trou sera vu comme symbole vaginal. Symbole vaginal menant à la perte les hommes s'étant aventurés dans ce marais maudit. Ce symbole rappelera les rapports qu'entretiennent ces deux femmes au monde environnant. Leurs pulsions meurtrières se reportent sur ce trou, transformé en arme rendant prisonniers pour l'éternité le sexe masculin. Où quand Eros rencontre Thanatos.
Ceci illustre encore une fois très bien l'avant-gardisme inouï pour une époque qui n'avait pas encore vu la libération sexuelle, encore bien mal intégrée et plus que jamais aujourd'hui au pays du Soleil Levant. Les rapports sont mis en évidence avec Hashi et la femme de son feu meilleur ami, ces mêmes femmes exhibent leur poitrine apparente, les décolletés sont aux abonnés présents, pareil pour l'habillement à la légèreté certaine. Tout ceci apporte une touche de sensualité inattendue à l'intrigue.

Plus qu'un classique du fantastique japonais, Onibaba est le témoignage d'une époque révolue. Ainsi, pour en revenir à notre trame, la mère rencontrera un étrange samouraï affublé d'un masque de démon revendiquant que son visage est la plus belle chose que la Terre ait portée. Celui-ci fera aussi la connaissance du trou et pour la mère, c'est l'occasion de se venger en empêchant l'idylle naissante entre sa belle-fille et Hashi vivant le parfait bonheur. Est-ce simplement de la jalousie ? Est-ce cette hostilité envers ce Hashi qui n'a pas su sauver son fils ? Est-ce la peur de voir sa belle-fille la quitter pour partir avec son nouveau mari et de se retrouver seule et fragile dans ce contexte de famine ?
Il y a certainement un peu de tout cela. Dès lors, le récit versera dans la plus pure tonalité d'épouvante avec cette mère affublée du masque qui terrorisera sa belle-fille. 

onibaba-screenshot2

En effet, il convient de préciser que le film est inspiré d'une fable bouddhiste où, à la place du samouraï, il y avait un véritable démon. Ce masque maudit a d'ailleurs de nombreux sens qui renforcent davantage la complexité du récit. Il met en évidence la laideur des personnages éloignés de la sagesse et du pacifisme propre à la religion bouddhiste. N'oublions pas que la religion est d'ailleurs sévèrement tancée au cours du récit où Hashi et la belle-fille doutent de l'existence d'une vie après la mort et du purgatoire accueillant les individus pêcheurs. Ce masque démoniaque met en évidence l'hermétisme des personnages à cette sagesse et leurs vils actions. En l'occurrence ici, la mère empêche deux individus de s'aimer et sera condamnée au châtiment de la malédiction du masque. On pourrait aussi voir en l'apparition de ce samouraï masqué, la mise en branle du monde réel coïncidant avec l'entrée en jeu des démons de l'au-delà châtiant les humains néfastes. Autant de métaphores qui soulignent toute la richesse de l'histoire, bien loin de la simple vengeance personnelle et du récit violent et sans morale qui démarrait dans la première partie.

Là oùOnibaba surprend également, c'est au niveau de la mise en scène. Celle-ci est étrangement contemplative et se pare d'un rythme posé, parfois même lent, insistant bien sur l'univers et les roseaux soufflés par le vent et annonciateurs d'événements importants. Néanmoins, difficile de faire la fine bouche car le film hypnotise le spectateur qui parvient à rentrer complètement dans cette ambiance étrange et glauque qui montrera toute son intensité dans la dernière partie du récit. On se souviendra de cette séquence terrifiante de la poursuite dans ce marécage semblant être sans fin, par temps de déluge orageux. Comment ne pas aussi être impressionné par cette qualité d'image avec un noir et blanc contrasté dans le sombre et des plans toujours bien pensés et même sérieusement culottés pour l'époque, comme lorsque Hashi admire le fessier de la fille en pleine marche.
Les jeux de lumière sont intéressants et les décors beaux et à l'exact opposé de la laideur de ces personnages dont aucun n'est à sauver.

Onibaba

Au casting, on retrouvera Nobuko Otowa, Jitsuko Yoshimura et Kei Satô. Tous ceux-ci délivrent une prestation de bonne facture dont la palme est à remettre à la mère, au regard glacial et emplie de haine. Shindo a eu la grande intelligence de multiplier les nombreux gros plans sur son visage mais aussi les autres personnages pour bien faire transparaître leurs émotions se résumant à l'inquiétude et la terreur, ou encore le rire sarcastique dans le cas de Hashi. Il s'agit d'ailleurs bien du seul personnage qui exprime un trait quelque fois souriant mais tendant plus vers la moquerie.
Une mention doit aussi être faite à la bande sonore de grande qualité où les tambours agressent le spectateur, parfois ponctués de cris démoniaques. Un choix original et payant car le traitement fait mouche. 

En conclusion, Onibaba est sans nul doute un grand, un très grand film japonais qui n'aura en aucun cas usurpé sa réputation de film culte et de précurseur du cinéma épouvantico-horrifique. Servi par une richesse insoupçonnée et d'un niveau de lecture impressionnant pour le genre, l'oeuvre tient en haleine le spectateur à travers ces 1h42 correctement utilisées. Si l'on pourra reprocher certaines redondances au cours de l'intrigue (la séquence répétée 3 fois où la belle-fille crie devant la mère porteuse du masque et se réfugie dans leur demeure, en est un bon exemple), on ne pourra qu'adhérer à cette mise en scène surprenante et de qualité. L'érotisme et les pulsions sexuelles ne sont jamais vulgaires et sont en totale synergie avec la violence psychologique et la barbarie impressionnantes pour l'époque.
Jamais grandiloquent, le film est simple dans le choix de la mise en scène, du montage saccadé et dans l'habillement des personnages. Un film qui mérite parfaitement sa place dans l'histoire du cinéma japonais et qui mériterait d'avoir un peu plus les projecteurs sur lui. 

 

Note :17,5/20

orange-mecanique Taratata

 

Le Jour des Morts - Day Of The Dead (Le projet White Fire)

$
0
0

le-jour-des-morts-day-of-the-dead-2008-5

Genre : horreur, gore (interdit aux - 16 ans)
Année : 2008

Durée : 1h26

Synopsis : Alors qu'une petite ville du Colorado est envahie par les zombies, un petit groupe de survivants tente de rester en vie.  

La critique :

Mais au fait, qu'est devenue l'actrice Mena Suvari, la comédienne qui avait jadis triomphé dans American Pie (Paul Weitz, 1999), American Pie 2 (James B. Rogers, 2001) et surtout, American Beauty (Sam Mendes, 1999) ? En vérité, Mena Suvari n'a pas chômé, s'illustrant à la fois pour la télévision (Six Feet Under, American Horror Story, ou encore Chicago Fire) et plutôt discrètement pour le cinéma (Domino en 2005, Stuck - Instinct de Survie en 2007 et American Pie 4 en 2012, entre autres). Il n'est donc pas forcément surprenant de retrouver l'actrice dans le petit univers étriqué de la série B avec Le Jour des Morts, soit Day of the Dead de son titre original, et réalisé par les soins de Steve Miner en 2008. Hormis la comédienne, la distribution du film réunit Nick Cannon, Ving Rhames, Anna Lynne McCord et Michael Welch.

Si le titre de cette bisserie d'épouvante vous rappelle Le Jour des Morts-Vivants (George A. Romero, 1985), c'est normal puisque Day of The Dead n'est autre que le remake du film de Romero. Pour mémoire, Le Jour des Morts-Vivants constituait à la fois le troisième et dernier chapitre de la trilogie des Morts, précédé par La Nuit des Morts-Vivants (1968) et Zombie (1978). En l'occurrence, Le Jour des Morts-Vivants n'avait pas laissé un souvenir impérissable.
Contre toute attente, la trilogie initiée par George Romero ne se terminait pas en apothéose, loin de là. Condamnés à dépérir, les rares survivants humains s'ingéniaient justement à humaniser des morts-vivants carnassiers via des expériences biologiques et médicales. Ou une autre façon d'échapper à un sort funeste, en domptant et en apprivoisant le zombie. 

image_bonus_A_0931154718

Que soit. Le Jour des Morts-Vivants passe relativement inaperçu lors sa sortie dans les salles obscures et doit se colleter avec une concurrence désormais pléthorique. De surcroît, la sortie quasi simultanée de Le Retour des Morts-Vivants (Dan O'Bannon, 1985), avec sa panoplie d'infectés carnivores et ses potacheries rougeoyantes, envoie le film de Romero dans ses pénates. Qu'à cela ne tienne, pendant longtemps, le scénario de Le Jour des Morts-Vivants devait décrire les derniers instants d'un groupe de survivants. Or, à la dernière minute, George Romero répudie ce scénario qu'il juge lunaire et stérile. Le cinéaste opte invariablement pour la diatribe sociale, politique et idéologique.
Le Jour des Morts version Steve Miner reprend donc la trame scénaristique originelle de Day of the Dead (1985).

De facto, difficile réellement de parler d'un remake dans la pure tradition du genre puisque finalement, les deux films sont très différents mais possèdent la même genèse. Voilà pour les explications, assez amphigouriques, j'en conviens. En vérité, il serait plus précautionneux de parler d'une version alternative ou plutôt d'une séquelle de Le Jour des Morts-VivantsReste à savoir si Steve Miner est capable (ou non) de succéder à George A. Romero et donc, de transcender son récit.
Réponse dans les lignes à venir... Mais Steve Miner n'est pas à son premier essai horrifique, loin de là. Au fil des années, ce dernier s'est taillé une solide réputation d'honnête artisan de la série B via Le Tueur du Vendredi (1981), Meurtres en 3 Dimensions (1982), House (1986), Warlock (1989), Halloween - 20 ans après (1998), ou encore Lake Placid (1999). 

image_tech_A_0932150318

En l'occurrence, le scénario de Le Jour des Morts - Day of the Dead est plutôt laconique et se résume en deux petites lignes. Attention, SPOILERS ! Le monde est envahi par des armées de morts dévoreurs de chair humaine. Le seul espoir d'un groupe de survivant est de se réfugier dans une base militaire. A l'aune de ce script pour le moins conventionnel, difficile réellement d'approuver voire d'adouber Day of the Dead (2008) comme le remake officiel de Le Jour des Morts-Vivants.
En vérité, via cette nouvelle historiette d'invasion de zombies anthropophagiques et de la recherche chimérique d'un éventuel refuge, on pense davantage au synopsis de la série The Walking Dead. Donc pour ceux qui s'attendent à un discours politique ou idéologique, dans la grande tradition de la trilogie amorcée par Romero, merci de quitter votre siège et de retourner gentiment dans vos pénates !

En vérité, la tonalité de Le Jour des Morts oscille davantage vers toutes ces séries B "zombiesques" qui pullulent dans les bacs à dvd, s'échinant à relater une invasion de morts-vivants dénuée de toute diatribe sociale et sociétale. 
Avec Le Jour des Morts, Steve Miner n'a pas pour vocation de renouveler le petit monde claustré des zombies. De facto, le cinéaste adopte un ton résolument martial, s'ingéniant à narrer les péripéties et les pérégrinations d'un groupe de militaires dans un monde en pleine déliquescence. Le Jour des Morts s'apparente donc davantage à une sorte de jeu vidéo sur grand écran.
Ainsi, les séquences d'action et de tripailles s'enchaînent sans temps mort. 
Chaque nouvelle étape de cette aventure correspond au niveau suivant, à condition d'échapper aux milliers de macchabées qui fourmillent dans les bâtiments ensanglantés. 

suvari-rhames

Ici, les morts putrescents s'activent, se hâtent et courent dans tous les sens. Ceux qui sont mordus n'ont même pas le temps de larmoyer sur leur sort avant de se transmuter en zombies à l'appétit insatiable. Dans ce carcan horrifique, les rares survivants se démènent, Mena Suvari en tête. Seule réelle accointance avec le film original de Romero, cette focalisation sur un mort-vivant qui montre encore quelques vélléités humaines. Hélas, cette piste scénaristique est rapidement éludée par un Steve Miner lapidaire et ne sert aucunement un script famélique. De surcroît, le cinéaste n'échappe pas non plus aux écueils habituels. On relève donc certaines saynètes ubuesques et ridicules, ainsi que de nombreuses ellipses.
La raison de cette contamination exponentielle ? Le projet White Fire. En quoi consiste réellement ce projet ? Mystère... Mais peu importe. Steve Miner n'en a cure et se montre peu facond sur le sujet, le cinéaste préférant poursuivre les inimitiés sanguinolentes. Et pourtant... Le Jour des Morts, malgré son budget anémique, parvient tout de même à divertir sur sa courte durée (à peine une heure et 25 minutes de bobine). Ni plus ni moins.
Au programme des réjouissances, rien de révolutionnaire et encore moins de sensationnel. Mais cette nouvelle série B horrifique remplit néanmoins son office. Ma note finale pourra donc paraître particulièrement clémente.

Note : 10.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Ghost In The Shell - 1995 (Quand philosophique rime avec cybernétique)

$
0
0

eH6xf3H9M0FLksMU6gepfBhGyhy

Genre : Science-fiction, action, animation (interdit aux - 12 ans)

Année : 1995

Durée : 1h22

 

Synopsis :

Dans un Japon futuriste régi par l’Internet, le major Motoko Kusunagi appartient, malgré elle, à une cyber-police musclée. Le jour où sa section retrouve la trace du "Puppet Master", un hacker mystérieux et légendaire dont l’identité reste totalement inconnue, la jeune femme se met en tète de pénétrer le corps de celui-ci et d’en analyser le ghost (élément indéfinissable de la conscience, apparentéà l’âme) dans l’espoir d’y trouver les réponses à ses propres questions existentielles.

 

 

La critique :

On a souvent tendance à voir dans le film d'animation un simple divertissement ne cassant pas trois pattes à un canard. Certains résumeront le dessin animé comme une oeuvre destinée aux enfants, d'autres diront que les films d'animation pour les adultes n'auront que de maigres objectifs. On pourra donc compter sur le Japon pour casser ces propos éhontés sur un genre beaucoup trop sous-estimé pour délivrer des propos d'une grande intelligence. Au fur et à mesure, on a pu observer de nombreuses oeuvres animées s'étant imposées comme des films de choix.
On pourra par exemple faire mention de Jin-Roh, la brigade des loups mais aussi d'Amer Beton, Perfect Blue, Paprika ou encore Colorful. Autant de films qui ont mis d'accord les critiques sur le fait que le film d'animation peut être intelligent. L'heure est venue ici de chroniquer le parangon de ce que l'on appelle la "japanimation" en la personne de Ghost In The Shell, réalisé par Mamoru Oshii,à qui l'on devra la suite du nom de Ghost In The Shell 2 : Innocence et le scénario de Jin-Roh, mais aussi du cinéma plus classique avec Avalon, chroniqué sur le blog pour les intéressés. 

Adaptation cinématographique du manga éponyme de Masamune Shirow, les critiques se montrent élogieuses au moment de sa sortie à tel point qu'une suite fut réalisée en 2003 comme je l'ai mentionné avant. Et ce n'est pas tout, vu que le manga sera carrément décliné en une série animée du nom de Ghost In The Shell : Stand Alone Complex, constitué de deux saisons de 26 épisodes et toujours adapté par Mamoru Oshii. En 2008, un remake du premier film avec de nouveaux effets spéciaux voit le jour sous le nom de Ghost In The Shell 2.0 et pas plus tard que cette année, les rapaces d'Hollywood n'ont pu s'empêcher de se jeter sur la franchise en sortant un film dans la foulée que je n'ai pas encore osé voir. Vous l'avez compris, on tient là un pan important de l'animation japonaise et par la même occasion, une oeuvre au parcours atypique à mes yeux.
En effet, pour la petite anecdote, je l'avais acheté alors que je n'avais même pas encore 12 ans. Sans grande surprise, je n'avais pas réussi à accrocher et vraiment comprendre le film mais au fur et à mesure des années après un long oubli, les nouveaux visionnages ont fait que Ghost In The Shell premier du nom est devenu l'un de mes films de chevet. Maintenant, nous pouvons passer à la critique qui risque de s'avérer tumultueuse pour mes petits neurones.

ghost-in-the-shell-lg2

ATTENTION SPOILERS : Dans un Japon futuriste régi par l'Internet, le major Motoko Kusunagi, une femme cyborg ultra-perfectionnée, est hantée par des interrogations ontologiques. Elle appartient, malgré elle, à une cyber-police musclée dotée de moyens quasi-illimités pour lutter contre le crime informatique. Le jour où sa section retrouve la trace du "Puppet Master", un hacker mystérieux et légendaire dont l'identité reste totalement inconnue, la jeune femme se met en tête de pénétrer le corps de celui-ci et d'en analyser le ghost (élément indéfinissable de la conscience, apparentéà l'âme) dans l'espoir d'y trouver les réponses à ses propres questions existentielles.

Difficile en effet d'analyser une oeuvre pareille que Ghost In The Shell se déroulant dans un monde futuriste et cyberpunk à l'aube d'avancées technologiques impressionnantes et autres prouesses cybernétiques. De fait, la société a vue des cyborgs s'immiscer dans le quotidien de tout un chacun, des individus humains n'hésitant pas à se perfectionner dans le but d'augmenter leurs facultés. Oshii parvient à mettre de manière brillante en scène une avancée inéluctable que nous serons amenés à connaître dans les décennies à venir, je parle bien sûr du transhumanisme, mouvement culturel et intellectuel international prônant l'usage des sciences et des techniques afin d'améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains. A travers cela, les individus se boostent et tendent à fusionner avec la machine. A ce niveau, aucune dénonciation notoire n'est retransmise dans le récit car le cinéaste se contente simplement de mettre en évidence avec un point de vue extérieur l'avenir dans lequel nous nous dirigeons. Un avenir d'une crédibilité impressionnante et soulignant cette fracture sociétale. 

De fait, cette mégapole que nous soupçonnons être Tokyo mais dont nous n'aurons jamais la totale certitude, apparaît comme froide, déshumanisée et dégradée. Tout est terne, gris, rustique. Les entretiens architecturaux semblent oubliés et il est assez amusant de constater cette frontière bien caractéristique entre le centre de cette ville à l'architecture cybernétique lisse et propre et la périphérie aux aspects de ghettos désaffectés. Ce dont on aura la preuve vers la fin en entendant le terme de "vieille ville". Le réalisateur a assuré un travail de maître dans la constitution de cette mégapole au niveau de l'ambiance et des décors encore impressionnants aujourd'hui.
Mais pas seulement car ce dont je fais mention ici n'est en soit pas le point central du récit. Et je pense que vous l'aurez de suite compris, au regard du synopsis qui fait de Ghost In The Shell, un film qui prend ses distances avec le bourrin et l'action à grand renfort d'explosions à outrance.

b8dc0f73d25ea0536b301777417e4fcf

Toute la puissance du récit réside bien dans les questionnements philosophiques dont il se pare et qui propulse le film parmi les films d'animation, voire même les films tout court, les plus profonds sortis à ce jour. Oshii met en scène une femme cyborg ultra-perfectionnée du nom de Makoto Kusanagi, agent spécial super-entraîné de la Section 9 prenant peu à peu conscience du monde qui l'entoure, des effets de cause à conséquence et de la notion même d'existence.
Un affranchissement complet de la notion de la cybernétique qui n'est pas consciente de sa présence, ce qui n'est pas un hasard vu que son ghost contient des cellules humaines. Oui, Kusanagi, qu'elle le veuille ou non, reste d'une certaine manière humaine, bien que son corps soit cybernétique. On navigue ici en plein dans le domaine de l'intelligence artificielle où l'individu commence à se poser des questions sur sa propre existence, sur ce qui régit l'humanité. La séquence lors de la plongée sous-marine confirmera ce mal-être imprégnant l'être de Kusanagi quand elle se confiera à son associé Batou.
A ses yeux, c'est par le corps qu'elle peut se distinguer en tant qu'individu. Le corps étant un ensemble de tout un tas de paramètres allant de la couleur des yeux aux cheveux, en passant par la voix ou même la taille. Autant de paramètres qui influeraient pas seulement sur le fait de pouvoir se différencier des autres mais sur la psychologie de l'individu et sa manière de voir les choses.

La question étant, dès lors : Est-ce que changer de corps pourrait influer sur la manière d'être et de penser ? Visiblement, la réponse semblerait positive à ses yeux. On décèle très vite que le mal-être de Kusanagi réside dans une forme de crise d'identité qu'elle ne parvient pas à réfréner et qui lui fait prendre peu à peu conscience de ces limites en tant qu'être. Elle-même le dira sur le bateau qu'elle se sent limiter dans son enveloppe corporelle. Il naquit en elle une forme d'émancipation qui montre qu'elle aspire à s'extirper de ce corps qui l'enferme, à devenir un esprit libre.
Le réalisateur traite quand même ici de la conscience arbitraire et de la condition de l'homme, soit des thèmes qui ne sont pas minces et qui ont déjàétéétudiés par nombre de philosophes. De fait, on ne peut s'empêcher d'établir un parallèle intéressant sur le mode de vie métro-boulot-dodo inhérent à la société actuelle plongée dans la cruelle loi du marché. Un mode de vie fataliste qui n'est pas sans rappeler aussi une forme de prison cloisonnant l'individu dont certains chercheront tant bien que mal à s'en échapper. 

Ghost-In-The-Shell-Movie

Il est d'ailleurs assez amusant de constater que l'intrigue n'est au final que secondaire et que l'ontologie demeure dominante. Une intrigue d'une complexité et d'une maturité rares pour un film d'animation sous fond de conspiration politique et de manipulations diverses qui verront la présence d'une autre entité complexe qui n'est autre que le Puppet Master, le pirate informatique le plus redoutable et capable de s'infiltrer partout pour pirater le ghost d'individus notoires, en l'occurrence des représentants de l'état. Il se définit lui-même comme une entité pensante et spontanée issue de l'océan de l'information. Une entité dont l'humanité a perdu le contrôle et qui souligne d'une certaine manière le fait que l'informatique est un réseau extrêmement vaste, dangereux et dépassant même bon nombre d'individus.
Le simple fait de l'existence de réseaux parallèles tel le Darknet, les virus, les piratages informatiques à grande échelle sont une forme de conséquence de la puissance et de l'emprise de la machine sur l'homme. Du coup, serait-il possible que la machine transcende sa condition et s'élève au-dessus de l'humanité même ? 

Cette entité spontanée est en contradiction totale avec la pensée de Kusanagi. Si elle tient à s'émanciper de sa condition prisonnière du corps, le Puppet Master, lui, souhaite acquérir un corps. L'humanité entrant en confrontation avec la machine au sujet de la finalité de l'existence. La nature même du corps limitant l'être dans son effervescence spirituelle. On ne peut qu'être soufflé par toute l'intelligence de Ghost In The Shell qui pourrait réellement faire l'objet d'une véritable analyse littéraire et devrait être un passage capital dans les études de psychologie, de sociologie et de philosophie.
Et dites-vous bien que je n'ai pas su tout expliquer car moi-même, étant une brêle en philosophie, ait du mal à percevoir l'entièreté de toutes les subtilités du travail proposé. Cela ne vous étonnera donc pas si le film nécessite une concentration accrue tout au long de la séance sous peine d'être, d'une part, complètement largué par l'intrigue et d'autre part, de passer à côté d'une oeuvre qui en revient même à vous questionner sur votre propre existence. 

GhostinShellBadNaked

Au niveau de l'esthétique du film, on reste admiratif devant la qualité du dessin et le niveau de détails mais aussi des plans. Ghost In The Shell se pare de nombreuses séquences contemplatives sur la ville, qui saccadent la mise en scène, restant diablement efficace et n'endormant jamais son spectateur malgré ses thèmes complexes. La bande sonore, signée Kenji Kawaï, n'est pas en reste et demeure longtemps en tête, en plus d'être parfaitement bien intégrée au contexte. Inutile de parler du jeu d'acteur mais cette prouesse de faire de personnages animés, des personnages touchants et complexes est à souligner. Que ça soit bien sûr Kusanagi mais aussi Batou, le Puppet Master et même Togusa, ceux-ci ont une présence propre. Maintenant, il faut être honnête et dire que l'on pourra râler devant la courte durée du récit de moins d'1h20 si on enlève le générique de fin. C'est rageant mais cela témoigne plus de toute la puissance narrative du film. 

En conclusion, vous aurez deviné sans trop de problème que Ghost In The Shell est une oeuvre majeure du cinéma japonais et va bien bien au-delà du simple film de science-fiction. La trame secondaire révèle un propos très intelligent qui en marquera plus d'un et qui, compte tenu de sa complexité, nécessitera une attention omniprésente. Une attention qui sera de toute façon présente car Oshii hypnotise le spectateur et le tient tout éveillé devant ces thèmes compliqués et qui auraient pu vite devenir chiant s'ils étaient mal racontés. Dites vous bien que je n'ai racontéà peine que la moitié de tout le niveau de seconde lecture, ce qui vous donne déjà une idée de la chose.
Loin du pur film d'action bourrin mais à la violence bien présente confirmant son interdiction aux moins de 12 ans, Ghost In The Shell annihile la plupart des films de science-fiction en terme de profondeur et cloue le bec à ceux qui pensent que film d'animation = simple divertissement. Que dire de plus si ce n'est qu'il s'agit d'une oeuvre indispensable pour tout cinéphile qui se respecte ? 

 

Note :18,5/20

 

orange-mecanique Taratata

L'Inévitable Catastrophe (Nuées d'abeilles)

$
0
0

L-inevitable-catastrophe-20110315025703

 

Genre : horreur, catastrophe (interdit aux - 12 ans)
Année : 1978

Durée : 1h56

Synopsis : Des millions d'abeilles envahissent le Texas, semant partout la panique. De plus, elles sont supposées apporter la peste, contractée lors de leur migration en Afrique.   

La critique :

A la fois producteur, cinéaste et scénariste, Irwin Allen s'est essentiellement illustré dans le cinéma catastrophe, même si on relève tout de même quelques exceptions notables. En tant que metteur en scène, on lui doit notamment Cette mer qui nous entoure (1952), The Animal World (1956), Le Monde Perdu (1960), Le Sous-Marin de l'Apocalypse (1961) et Le Dernier secret du Poséidon (1979). Vient également s'ajouter L'Inévitable Catastrophe, The Swarm de son titre original, sorti en 1978, soit en pleine ascension du genre catastrophe au cinéma.
En effet, dans les années 1970, ce sont toute une panoplie de pellicules alarmistes qui pullulent dans les salles de cinéma. Ainsi, La Tour Infernale (John Guillermin, 1974), L'Aventure du Poséidon (Ronald Neame et Irvin Allen, 1972), Tremblement de Terre (Mark Robson, 1974), ou encore 747 en Péril (Jack Smight, 1974) déchaînent les passions.

Toutes ces pellicules ne sont finalement que les oripeaux d'une Amérique atone et en pleine mutation sociale, culturelle et sociétale. Que ce soit une tour, un avion ou une catastrophe naturelle, tous ces phénomènes ne sont que les reliquats d'une société américaine sur le point de péricliter. A l'époque, les Etats-Unis vivent toujours dans cette peur panique et obsessionnelle d'une éventuelle invasion communiste. Mais les bolchéviks ne sont pas les seules menaces qui pèsent sur une Amérique anomique. La Nation de l'Oncle Sam craint également l'arrivée de martiens aux intentions belliqueuses.
Parallèlement, l'invasion d'insectes meurtriers, en particulier des abeilles, est sérieusement envisagée par les autorités. Ce climat délétère et de paranoïa ambiante inspire évidemment le scénario de L'Inévitable Catastrophe.

l-inevitable-catastrophe_492812_11946

Déjà, en 1978, le cinéma et la société se soucient des questions écologiques. Un oxymore surtout qu'aujourd'hui, les insectes hyménoptères de la superfamille des apoïdes - voilà pour le petit cours d'entomologie - sont hélas menacés d'extinction. A priori, L'Inévitable Catastrophe réunit tous les ingrédients paranoïdes pour triompher au box-office. Or, le long-métrage se solde par un bide commercial, engrangeant péniblement dix millions de dollars, pour un budget initial de plus de vingt millions de dollars. Ce véritable camouflet commercial stoppera brutalement cet engouement insensé pour les scénarios catastrophes. Un an plus tard, Irwin Allen réalisera Le Dernier Secret du Poséidon. Nouvelle déconvenue au box-office pour le cinéaste.
A l'origine, la durée initiale de L'Inévitable Catastrophe excède aisément les 150 minutes de bobine.

Irwin Allen est alors sommé par les producteurs d'écourter drastiquement les débats et les nombreuses séquences de dialogues, jugées trop volubiles. Requête entendue par le metteur en scène puisque la version cinéma et définitive est d'une durée de 116 minutes. La distribution du film réunit Michael Caine, Katharine Ross, Richard Widmark, Richard Chamberlain, Olivia de Havilland, Ben Johnson, Lee Grant, José Ferrer et Henry Fonda. Attention, SPOILERS ! (1) 
Une base militaire américaine a été l'objet d'une attaque d'origine inconnue. Les gradés qui débarquent sur les lieux pour mener l'enquête trouvent, en plus de rares survivants bien mal en point, un civil qui n'a pas grand-chose à faire là… Ils découvrent alors l'incroyable vérité ! (1) Des millions d'abeilles envahissent le Texas, semant partout la panique.

vlcsnap-2015-06-25-21h26m23s86

De plus, elles sont supposées apporter la peste, contractée lors de leur migration en Afrique. Pour la petite anecdote, ce n'est pas la première fois que des insectes, et plus précisément des abeilles, viennent tarabuster et assaillir une ou plusieurs communautés. Déjà, en 1967, Freddie Francis réalisait The Deadly Bees. Parallèlement à la sortie de The Swarm, un autre film de terreur vient lui aussi s'ajouter aux inimitiés, The Bees d'Alfredo Zacarias.
Ou lorsque Dame Nature se regimbe contre l'Humanité. Encore une fois, à l'époque, une telle probabilité est envisagée. Ainsi, les autorités américaines sondent régulièrement certaines contrées africaines par peur d'être attaquées par des insectes volants et porteurs de maladies infectieuses. Tel est, par ailleurs, le speech incongru de L'inévitable catastrophe.

Inutile alors de préciser que le film d'Irwin Allen a pris un sacré coup de plomb dans les ailes ! C'est le cas de le dire ! De facto, cette bisserie dispendieuse, qui se paie le luxe de réunir un casting prestigieux, paraît aujourd'hui totalement obsolète. Hormis son propos pour le moins suranné, L'Inévitable Catastrophe doit se visionner comme une pellicule oscillant sans cesse entre l'horreur et le genre catastrophe. Même l'affiche ne fait pas dans la complaisance puisqu'on y voit une population terrorisée, se hâter dans tous les sens et inlassablement assaillie par des nuées d'abeilles.
Bien conscient des écueils scénaristiques de son film, Irwin Allen ne fait pas dans la demi-mesure et n'hésite pas à en rajouter dix tonnes... pardon... 20 tonnes... et même à quintupler son armada d'insectes furibonds.

hqdefault

Pour les apiphobes (ceux qui sont effrayés par les abeilles), prière de quitter leur siège et d'aller faire un petit tour ! Car L'Inévitable Catastrophe ne se refuse aucune excentricité, les abeilles faisant carrément vaciller puis exploser un hélicoptère parti en observation. Pis, nos chers insectes sont invulnérables. Aucun produit ni aucune panacée ne semble capable de les détruire, au grand dam d'un Michael Caine plus flegmatique que jamais. Même le feu ne semble pas vraiment inquiéter nos abeilles criminelles.
En outre, ces dernières volent carrément la vedette au casting humain, peu éloquent pour l'occasion. Au programme des tristes réjouissances, un jeune gosse qui voit ses parents dépérir sous un essaim d'abeilles, des centaines de citoyens à leur tour meurtris par les insectes volants et même certaines victimes tourmentées par des hallucinations abominables. Bref, on navigue sans cesse entre la bisserie assumée et le nanar involontaire. Et pourtant...
Contre toute attente, L'Inévitable Catastrophe se laisse suivre sans déplaisir. Cette pellicule anémique possède un charme désuet. Lequel ? Difficile de répondre avec objectivité. Mais une telle production nécessite, évidemment, d'être visionnée au second degré.

Note : 10/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://www.devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=547

Perfect Blue (C'est décidé, je vais devenir actrice)

$
0
0

papa14

Genre : Thriller, horreur, drame, animation (interdit aux - 12 ans)

Année : 1997

Durée : 1h20

 

Synopsis :

C'est sans regret que Mima, chanteuse, quitte son groupe pour se consacrer à une carrière de comédienne. Elle accepte un petit rôle dans une série télévisée. Cependant son départ brusque de la chanson a provoqué la colère de ses fans et plus particulièrement celle de l'un d'eux. Le mystérieux traqueur passe à l'acte en dévoilant en détail la vie de la jeune femme sur Internet, puis en menacant ses proches. Plusieurs incidents violents se produisent dans l'entourage de Mima et elle réalise que son existence se confond dangereusement avec la série télé.

 

La critique :

Compte tenu du temps désastreux que traverse actuellement la Belgique, m'empêchant de sortir et du fait que je suis en congé, me revoici plongé dans mon rôle de chroniqueur actif. Après m'être attaqué au thème de la Japanimation avec le puissant et culte Ghost In The Shell premier du nom, je me suis permis de récidiver directement avec une étrange oeuvre du nom de Perfect Blue, sortie alors que je tétais encore mon pouce et que je venais de ressortir de l'épisode délicat des pampers. Le réalisateur derrière ceci n'est pas inconnu vu qu'il s'agit de l'un des grands maîtres de l'animation japonaise, en la personne de Satoshi Kon. Un cinéaste qui a su porter le niveau de la Japanimation à des hauteurs très élevées via un style propre et radicalement différent où rêves et réalité s'entrecroisent. 

De fait, Perfect Blue est par la même occasion son premier long-métrage et lui a permis d'emblée de s'imposer tant sur la scène japonaise que sur la scène internationale. Déjà en 1995, Ghost In The Shell avait mis en lumière le fait que l'animation pouvait être un terreau fertile pour la création d'oeuvres matures et intelligentes. Cependant, l'oeuvre d'aujourd'hui a d'autres ambitions et met en place un pur thriller psychologique pour adultes. Une première dans le cinéma d'animation. Si il est regrettable que Perfect Blue ne soit que peu connu des profanes, à l'inverse des cinéphiles, Kon parviendra à gagner davantage en popularité avec sa très bonne série Paranoia Agent, Tokyo Godfathers, Millennium Actress et sans oublier sa dernière oeuvre Paprika sortie en 2006, avant qu'une cochonnerie de cancer du pancréas ne l'emporte à l'âge de 46 ans.
Quand bien même, il a acquis le statut de réalisateur culte et son travail fait l'objet de nombreuses vénérations et d'inspirations. Perfect Blue n'échappe pas non plus à la règle mais passons à la critique.

vlcsnap-2014-01-06-23h20m57s18

ATTENTION SPOILERS : C'est sans regret que la chanteuse pop Mima quitte son groupe déjà très populaire, les Cham, pour se lancer dans une carrière d'actrice. Pour ses débuts, elle accepte un petit rôle dans une série télévisée. Mais ce brusque changement de carrière ne plaît pas à tout ses fans et l'un d'entre eux fera savoir sa rancœur à Mima en dévoilant d'abord sa vie privée sur un site internet. Par la suite, plusieurs incidents très graves émaillent la vie de Mima. La jeune femme se rend compte que son existence se confond de façon malsaine avec la série qu'elle tourne, la plongeant dans un état de schizophrénie avancée.

Le message est clair. Oubliez toute forme de légèreté enfantine, de douceur scénaristique et autres papillons roses et place à un film qui a de vraies ambitions et oùKon n'hésite pas à retranscrire la maturité du thriller psychologique dans le format pour enfants. Un pari osé mais le travail est pour le moins stupéfiant. Il convient de dire que Perfect Blue mérite amplement les louanges dont il jouit. L'intérêt primordial du film réside bien sûr dans son récit inédit dans l'univers de la Japanimation selon les spécialistes. Le cinéaste met donc en scène une jeune chanteuse pop ayant décidé de quitter le monde de la chanson pour se lancer dans une carrière d'actrice. Lassée par cela, elle se révèle ambitieuse et tient à goûter à une nouvelle forme de gloire et de reconnaissance.
Pourtant, si l'ensemble des fans des Cham, groupe dans lequel elle jouait, accepte plutôt bien ce changement de direction, cela ne sera pas le cas pour un fan que l'on connaîtra directement. Avec ce simple paramètre, Kon va à contre-courant de ce type de cinéma où, généralement, le malfaiteur n'est connu que dans la dernière partie du film. Ici les intentions sont claires, le cinéaste surprend déjà son spectateur mais pas seulement. 

Poussé par la déception de voir disparaître son idole dans un milieu qu'il n'accepte pas, il commencera à la harceler, parfois même en intentant à sa propre sécurité, comme dans cette scène de l'enveloppe piégée. Sa vie privée sera dévoilée sur Internet et une série de meurtres aussi sauvages que mystérieux commenceront à semer la terreur dans l'esprit de Mima. Pour ne rien arranger, elle prendra un rôle important dans un film où il est question d'une tueuse schizophrénique. Un bouillon de culture qui fera vaciller la santé mentale de Mima dans une descente aux enfers où elle finit par perdre progressivement contact avec la réalité. Elle verra l'apparition d'un véritable Doppelgänger à la personnalité exactement opposée. Si la Mima physique veut devenir actrice, la Mima imaginaire tient à rester chanteuse. Une forme de dualité qui pourrait mettre en lumière les doutes de Mima qui ne sait pas quel chemin elle doit prendre et qui voit surgir en elle un dédoublement de personnalité. Dans un but de ne rien trop dévoiler de la trame, je m'arrêterais ici par respect pour ceux qui n'ont pas encore vu et auraient envie de voir cette oeuvre. Il est indéniable que le scénario se montre diablement incisif et redoutable en termes d'intensité et risque fort bien de ne pas faire cligner souvent les yeux à ceux, pris dans cette spirale démentielle.
Mieux encore, la dernière partie est magistrale et retourne le spectateur comme une crêpe, persuadé qu'il n'y aurait aucune révélation majeure car tout se focaliserait sur la personnalité de plus en plus déstructurée de Mima. Grave erreur que de penser cela !

13651799_328969390825142_671914084_n

On ne peut que saluer le professionnalisme du cinéaste à brouiller les pistes, à détourner les codes scénaristiques de la Japanimation pour perdre le spectateur dans les méandres torturées d'une fillette d'apparence pure et persuadée qu'elle est la cause de cette série de meurtres. Il y a mise en place d'un scénario kaléidoscopique qui ne pourra que malmener le spectateur. Et c'est en cela que nous devons nous coucher devant le génie du réalisateur à avoir choisi le format de l'animation. Certes, les différents points de vue et perceptions font que nous commencerons tout doucement à douter de la réalité, de ce qui se passe clairement à l'écran mais comment, justement, pouvons-nous nous répresenter le réel dans un dessin animé ? C'est un peu là la prouesse majeure de Perfect Blue d'imbriquer un scénario adulte et labyrinthique dans un format qui n'a rien de réel. Quand nous finissons par distinguer cela, on ne peut qu'applaudir devant l'audace. 

A cela s'ajoute aussi le pouvoir que l'image exerce sur nous et plus que jamais à notre époque où nous sommes constamment bombardés d'informations pouvant induire ce risque de rendre malléable notre mode de pensée. Le star-system est l'un de ces milieux d'où provient le plus l'information via les potins, les ragots et magazines de presse people. Les célébrités du milieu sont bien malgré elles, soumises à cette agressivité voyeuriste constante qui pourrait d'une façon ou d'une autre, porter atteinte à leur santé mentale. Je ne vous apprends rien en disant que des célébrités ayant pété les plombs se comptent par dizaines. En l'occurrence, le star-system japonais voit ces hordes d'otaku aliénés défiler par centaines.
Au final, la scène du show-biz japonais n'est pas sans rappeler celle de chez nous avec ces contraintes, ces tensions, ces moments de bonheur mais aussi de malheur. 

72256564

Si l'on dévie maintenant vers l'aspect physique de l'oeuvre, la satisfaction est aussi aux abonnés présents. Certes, si le dessin peut parfois être approximatif, on apprécie ce panel de couleurs et cette grande importance faite aux décors exigus, étouffant l'actrice et dont nous pourrons aussi visualiser différents points de vue sur leur représentation topographique. Un gros point sera à accorder à l'ambiance sonore simplement magistrale, oppressante et étouffante. Un véritable travail d'ambiance se met en place et fait apparaître une atmosphère glauque, hypnotique et à la tension lourde.
De plus, la violence est non seulement présente mais radicale, aussi bien en terme d'aspect physique que psychologique. Les meurtres versent d'emblée dans la brutalité et ne sont pas sans rappeler le giallo avec le fameux "assassin tenant une arme blanche dans sa main". On notera aussi des agressions sexuelles confirmant amplement l'interdiction aux moins de 12 ans.

En conclusion, Perfect Blue n'aura pas usurpé sa réputation de film de Japanimation culte. Loin de la pensée de l'époque, Satoshi Kon s'éloigne de l'innocence du dessin animé imprégné dans l'inconscient collectif pour faire apparaître un récit brutal, violent et puissant. Encore aujourd'hui, Perfect Blue reste un must en matière de thriller prenant et intelligent faisant d'elle une oeuvre complexe qui n'est pas à mettre entre les mains des plus jeunes et qui s'est même permise d'être une réelle source d'inspiration pour Black Swan de Darren Aronofsky. Difficile de trouver des points négatifs même si nous pourrons rechigner devant un trait parfois un peu fade. Ceci dit, je peux affirmer sans crainte que nous tenons là un chef d'oeuvre de l'animation en général qui mériterait d'être bien plus mis en lumière aux yeux de tout un chacun et dont j'espère bien ne pas voir les USA se jeter dessus pour en faire un remake (clin d'oeil au remake de Ghost In The Shell qui me fait très peur).

 

 

Note :17,5/20

 

orange-mecanique Taratata


Christian B. (Le chef d'oeuvre de Marian D.)

$
0
0

20170909_175748

Genre : drame, horreur, trash, expérimental  (interdit aux - 18 ans)
Année : 1996
Durée : 10 minutes 

Synopsis : Un choc dans la nuit. Deux voitures se sont percutées et un homme a perdu la vie. Pendant que l'on pratique une autopsie sur son corps, sa femme elle, est dans l'attente d'un mari qui ne reviendra jamais. Pourtant, l'âme du défunt rôde dans le cimetière, parcourt les rues pour arriver tout près d'elle et rester à ses côtés. Pour toujours. 

La critique :

Voici certainement le plus grand défi auquel j'ai dû faire face depuis que j'essaie d'apporter ma modeste contribution à ce blog : chroniquer un film qui est strictement inchroniquable (oui je sais, ce n'est pas français). Un pari assez insensé tant ce court-métrage d'à peine dix minutes est quasiment indescriptible; mais un pari enthousiasmant tant ce film est beau. Sublime, même. Oui, un véritable chef d'oeuvre. Dix minutes de durée certes, mais dix minutes de grâce où l'on a l'impression de léviter dans une dimension surnaturelle. D'ailleurs, c'est bien le surnaturel qui est au centre de cette histoire. Une histoire d'amour et de mort. Une histoire que chacun s'appropriera selon ses croyances et ses sensibilités. Pourtant que l'on soit croyant ou pas, difficile ne pas être bouleversé par le parcours de l'âme de ce défunt qui se refuse à partir vers un quelconque au-delà pour aller se réfugier auprès de l'amour de sa vie. Dix minutes que l'on voudrait voir durer une éternité tant cette oeuvre envoûtante transcende les sens du spectateur pour le transporter vers des sommets de romantisme morbide.
Cela faisait longtemps que Cinéma Choc n'avait plus parlé de l'un de ses réalisateurs fétiches, Marian Dora. Le maître germanique de la poésie extrême a peut-être été dépassé dans le domaine de l'horreur déviante par de nouveaux réalisateurs (je pense en particulier à Marco Malattia et James Quinn), mais aucun d'entre eux ne lui arrive encore à la cheville en matière de ce lyrisme mortuaire, de cette symphonie putride qui fait que chacune de ses oeuvres exhale le parfum mystérieux d'un cinéma de genre absolument unique.

Christian B. est l'une des premières oeuvres de Marian Dora (qui, pour l'occasion, a pris le pseudonyme de Marian D.Botulino) ; une oeuvre de jeunesse où l'on retrouve toutes les thématiques chères au cinéaste allemand : la souffrance, la solitude, la mort et bien sûr, l'amour. Et déjà, ce court-métrage quasi parfait techniquement laisse apparaître l'empreinte du style inimitable qui caractérisera les futurs films du réalisateur. Des images crues, terrifiantes, parfois insoutenables et pourtant des images d'une beautéà couper le souffle. Les tonalités verdâtres sont déjà omniprésentes, la musique est carrément hypnotisante et l'action tournée à la manière d'un documentaire, plonge le spectateur dans une obscurité volontairement prononcée, une nuit qui s'abat sur lui telle une chape de plomb.
Cette nuit matérielle et surnaturelle qui ne font plus qu'un au moment où l'être humain rend son dernier soupir. 
Le film est scindé en deux parties bien distinctes.

20170912_203659

La première montre la mort de façon abrupte. Si l'accident est seulement suggéré, ce sont les conséquences de cet accident qui sont détaillées frontalement, sans artifice, dans toute leur atrocité. Après le triste ballet des ambulances, nous voilà déjà transportés dans une morgue où un corps au trois quart carbonisé est disséqué de façon méthodique. Ceux qui connaissent un minimum les excès graphiques dont est capable le réalisateur savent qu'il ne plaisante pas avec la violence des images qu'il propose. C'est donc l'autopsie d'un véritable cadavre qui est détaillée minutieusement sous nos yeux, avec son intolérable rituel de dissections et autres éviscérations. Les gestes du légiste sont précis, la peau brûlée est travaillée au scalpel et les organes mis à jour sans le moindre émoi par le professionnel ; le tout est montré sans complaisance mais sans aucun détour non plus. Il est clair que cette première partie du métrage est extrêmement difficile à regarder. Dora expose sans fard la mort dans toute sa brutale réalité.
Il reprendra quelques années plus tard ce même sujet de l'autopsie pour le terrifiant Frühling, un autre court-métrage extrait de la compilation Blue Snuff réalisée en 2009.


Attention spoilers : Un choc dans la nuit: deux voitures viennent de rentrer en collision sur une route isolée. Police et ambulances ne peuvent plus rien faire. À la morgue, c'est un corps presqu'entièrement carbonisé que le légiste autopsie. Pendant ce temps là, une femme attend chez elle, prostrée devant une bougie qui se consume. Tandis qu'on soumet toujours le cadavre à des manipulations chirurgicales, la femme se met à déambuler dans les rues obscures de la ville pour arriver dans une immense église. Puis, elle s'arrête et contemple ce que l'on devine être la mer. La caméra devient alors subjective et parcourt le cimetière en s'attardant sur diverses croix et statues de la Vierge Marie pour arriver à un funérarium où une sépulture est gravée au nom de Christian B...

Marian Dora a de nombreux admirateurs dans le milieu du cinéma extrême. Ses films, aussi rares que puissants, sont les reflets d'une vision artistique qu'il maîtrise à la perfection. Un art à la fois poétique et morbide qui transforme l'horreur des images en une symphonie de chairs brisées ; ou comment l'abjection de la déliquescence peut être magnifiée par le talent de ce cinéaste hors du commun.

20170912_203629

Les commentateurs avisés ont souvent employé (et à raison) nombre de superlatifs concernant la virtuosité incomparable dont le réalisateur fait preuve pour faire cohabiter deux genres à priori antinomiques. Mais dans le cas de Christian B., il faudra peut être inventer encore de nouveaux superlatifs. Essayer de percer le mystère de cet essai filmique, c'est comme essayer de pénétrer dans un autre monde. Un autre monde réel ou fantasmé, espéré ou chimérique, peu importe. Christian B., lui, a quitté son enveloppe charnelle. Il traverse un tunnel puis parcourt des ruelles sombres, des impasses incertains où divaguent des chiens errants sur le bitume mouillé, à la poursuite de LA femme.
Cette femme qui est la sienne et qui, rongée par l'inquiétude, est sortie de chez elle pour s'en est aller dans la nuit noire chercher une lueur d'espoir, un signe de vie. En vain. 
La deuxième partie de ce film nous transporte dans un univers parallèle et subodoré. L'au-delà est-il tangible? De par nature, nos instincts primaires nous dicteraient le contraire. Christian B. s'inscrit dans une recherche de vérité sur l'autre côté du miroir.

On ressent aisément l'aspect  religieux de cette démarche et on peut supposer sans trop se tromper que le réalisateur est un chrétien convaincu. Quant au style cinématographique, il est tout simplement fabuleux. La vision d'un cimetière abandonné; de ces tombes, de ces crucifix, de ces icônes que l'âme du décédé visite au crépuscule couchant, accentuée par une image foncée à l'extrême, sur une bande originale entêtante est l'une des scènes les plus sublimes que j'ai jamais vue dans un film. Puis, au fil de son cheminement, l'action arrive plein champ au niveau de la femme assise dos à la caméra, dans un pré. Derrière elle, une silhouette masculine apparaît... Dora matérialise l'âme du mort de façon corporelle afin de simplifier la compréhension de la symbolique au spectateur.
Quoiqu'il arrive, Christian B. est là, près de sa bien aimée sans qu'elle ne puisse malheureusement deviner sa présence. Le réalisateur met en abîme le mystère de la foi, d'une vie après la vie et surtout de la victoire de l'amour triomphant par delà le trépas. Il évoque aussi les souvenirs et les regrets des plaisirs de la chair lorsqu'il montre un couple en train de faire l'amour dans un recoin obscur du funérarium. Ce couple, c'est évidemment Christian B. et son épouse tendrement enlacés dans un recoin de la mémoire de celui qui à présent, n'a plus de corps...

20170912_203347

Bouleversant du début à la fin, Christian B. est une de ces oeuvres qui perturbe autant qu'elle fait réfléchir. Comment ne pas s'interroger sur l'après? Qu'advient-il de notre âme si nous en possédons une ? Christian B. est une de ces oeuvres dérangeantes qui bouscule nos incertitudes latentes ou confirme nos croyances établies. Ceux qui ne verront dans ce chef d'oeuvre absolu qu'un vil étalage de viande froide sont des simples d'esprit et ne méritent pas qu'on s'intéresse à leur cas. Je les méprise profondément... Quand une oeuvre réunit la superbe atrocité d'Orozco The Embalmer avec la poésie irréelle de Les Visiteurs Du Soir, on peut affirmer que le doigt d'un dieu cinématographique s'est posé sur sa pellicule. Marian Dora au sommet ? Sans aucun doute. Pour avoir vu l'ensemble de sa filmographie, je n'ai pas peur de dire que ce film surpasse tous les autres. Comme il est dommage que le réalisateur n'ait pas pu en faire un long-métrage. Comme il est dommage aussi d'être l'un des rares spectateurs privilégiés de cet hymne dantesque à l'amour éternel et ne pas pouvoir vous faire partager cet instant de grâce.
Oui, privilégié car Christian B. est un film extrêmement rare qui n'est visible qu'en bonus du dvd "double feature" de Reise Nach Agatis / Debris Documentar. Et ce dvd est devenu un collector quasi introuvable. Introuvables également une quelconque chronique ou des images sur Internet. Google reste muet. Dire qu'un tel film est condamnéà la plus totale confidentialité ! Une aberration et une injustice que je suis fier de réparer aujourd'hui même si un tel chef d'oeuvre mériterait une analyse bien plus profonde. 
En tout cas, je vous demanderai donc de me faire l'honneur de me croire sur parole lorsque j'affirme haut et fort que cette oeuvre sidérante de beauté, est à considérer comme l'un des meilleurs courts-métrages de tous les temps. Proche, très proche de la perfection...

Note :19,5/20

TumblingDollOfFlesh Inthemoodforgore

The Host (Ne jamais jeter de produits toxiques dans l'évier)

$
0
0

18684882

Genre : Fantastique, drame, thriller (interdit aux -12 ans)

Année : 2006

Durée : 1h59

 

Synopsis :

À Séoul, alors que Park Gang-du, vendeur au caractère immature, travaille au bord de la rivière dans un petit snack où il vit avec sa fille unique et adorable Hyun-seo, ainsi que son père Hee-bong, sa sœur Nam-joo, une championne ratée de tir à l'arc, et son frère Nam-il, un diplômé au chomage, la foule assiste à un curieux spectacle qui ne tarde pas à déclencher une incroyable hystérie, la panique : une créature monstrueuse, immense et inconnue, surgissant du fond de la rivière ne fait que piétiner et attaquer les pauvres innocents, en détruisant tout sur son chemin. Gang-du essaie de se sauver avec sa fille, mais il la perd au cœur de la foule apeurée et la voit soudain se faire enlever par ce monstre qui part ensuite avec elle au fond de la rivière.

La critique :

Voici devant vous le premier film coréen de la liste ouvrant le bal. Inutile d'enfoncer des portes ouvertes vu que nous savons tous depuis un moment que la Corée du Sud est l'une des références majeures du cinéma contemporain, par le biais de thrillers de grande qualité qui ont su s'illustrer même chez les profanes et qui ne sont donc plus à présenter (je n'ai pas encore l'âge de radoter). Parmi tous ces réalisateurs de talent dont le pays peut être fier, on retrouve Bong Joon-ho, un réalisateur qui n'est pas un manche vu qu'il est à l'origine de titres plébiscités comme Memories of Murder (déjà chroniqué sur le blog pour les intéressés), Mother, Snowpiercer ou dernièrement Okja sorti cette année. A ceci, vous pouvez rajouter The Host, chroniqué aujourd'hui.

The Host, c'est avant tout un phénomène car non content de s'être taillé une solide réputation à l'étranger, il est devenu le plus gros succès sud-coréen en terme d'audience avec 13 millions d'entrée au box-office. Plus encore, et c'est là que l'on sera surpris, il sera élu quatrième meilleur film de la décennie 2000-2009 par les controversés Cahiers du Cinéma. Aussi incroyable que cela puisse paraître, un film de cette trempe est "sucé" par une presse d'un tel calibre. Je ne passerai pas en revue toutes les récompenses et nominations de la chose car une chronique à elle seule ne suffirait pas à toutes les citer. Présenté aussi bien à Cannes qu'à Catalogne ou encore à l'Asian Film Awards, cette oeuvre fera à chaque fois sensation et renforcera une fois de plus tout le professionnalisme cinématographique de ce pays.
Sans grande surprise, vous connaissez déjà la tonalité de cette critique. Inutile de faire durer le suspens avec l'éternelle question "Pari réussi ou non ?". 

Host2

ATTENTION SPOILERS : A Séoul, Park Hee-bong tient un petit snack au bord de la rivière Han où il vit avec les siens. Il y a son fils aîné, l'immature Gang-du, sa fille Nam-joo, une championne malchanceuse de tir à l'arc, et Nam-il, son fils cadet éternellement au chômage. Tous idolâtrent la petite Hyun-seo, la fille unique de Gang-du. Un jour, un monstre géant et inconnu jusqu'à présent, surgit des profondeurs de la rivière. Quand la créature atteint les berges, elle se met à piétiner et attaquer la foule sauvagement, détruisant tout sur son passage. Le snack démoli, Gang-du tente de s'enfuir avec sa fille, mais il la perd dans la foule paniquée. Quand il l'aperçoit enfin, Hyun-seo est en train de se faire enlever par le monstre qui disparaît, en emportant la fillette au fond de la rivière. La famille Park décide alors de partir en croisade contre le monstre, pour retrouver Hyun-seo.

Exit le thriller sous tension, les meurtres aussi sauvages que mystérieux et faites place au pur film de monstre dont la tonalité n'est pas sans rappeler King Kong ou encore Godzilla s'étant illustrés par le chaos qu'ils engendraient sur le chemin. Autant être clair dès le départ, vous commettez une grossière erreur si vous vous attendez à un simple film d'horreur ou à un blockbuster calibré pour le grand public et propice aux explosions à tout bout de champ. Ce n'est pas Hollywood derrière ce projet mais bien la Corée du Sud comme je l'ai dit. Bong Joon-ho a de réelles ambitions et sous son apparat faussé de film grand public, The Host est avant tout un réel film d'auteur.
Mais plus encore, The Host est un film contestataire, une violente critique attaquant à tout bout de champ la problématique du pays. Aussi étonnant que ça puisse paraître, le cinéaste s'inspire d'un accident réel survenu en 2000 au cours duquel Albert McFarland, travaillant pour les forces américaines en Corée, aurait ordonné le déversement de formaldéhyde dans la rivière Han qui traverse Séoul. Etant étudiant dans la recherche scientifique, inutile de vous dire qu'il s'agit d'une faute extrêmement grave méritant entièrement une peine de prison et la radiation systématique du monde de la recherche. 

Ainsi, dès le départ, le réalisateur offre une véritable dimension écologiste à son film en mettant en avant les dangers que peuvent causer sur l'écosystème, le déversement de telles substances dans la nature. L'homme a créé un monstre qu'il cherche à abattre. Ne dit on pas "Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu'ils en chérissent les causes" ? C'est dans cet état d'esprit que The Host a été conçu. Mais pas seulement car l'intérêt serait bien limité s'il se contentait d'être estampillé"Greenpeace movie". Le film va aussi plus loin en critiquant la présence des troupes américaines en Corée du Sud se permettant de dicter leurs règles comme on pourra l'observer lorsqu'ils jugeront le gouvernement coréen inapte à gérer la situation de crise. Pire encore, ceux-ci n'hésiteront pas à balancer au sein même de la ville l'agent jaune, parabole de l'agent orange qui a ravagé le Vietnam, sans se soucier des retombées chimiques sur la population. Bong Joon-ho, bien qu'il espérait qu'il ne s'agissait pas d'un film anti-américain, tance et vitupère cet impérialisme nocif, cette hégémonie totale d'un pays sur un territoire qui n'est pas le sien.

the-host-2006-south-korean-monster-gwoemul-quarantine-outbreak-song-kang-ho-park-hae-il-bae-doona-byun-hee-bong-review

On retrouvera aussi toujours cette critique acide sur l'incompétence de la police coréenne qui ne sait pas sur quel pied danser et aussi sur ce gouvernement abandonnant ses jeunes. Chose qui sera prouvée avec l'oncle de Hyun-seo, diplômé de l'université et incapable de trouver un emploi. The Host est aussi une occasion pour le réalisateur de critiquer fortement ce pays qui a fait miroiter un bel avenir à sa jeunesse pour la laisser sur le côté. Bref, vous l'avez compris, on tient là une oeuvre contestataire et certainement la plus virulente de la filmographie du réalisateur.
Le grand spectacle peut être oublié pour laisser la place à une mise en scène au rendu plus que crédible, étudiant les conséquences d'une telle catastrophe. Les autorités, craignant l'apparition d'un virus pouvant déboucher sur une pandémie d'un nouveau genre, mettront les rescapés du fleuve Han en quarantaine, diffuseront des tracts dans la ville. La population portera un masque pour éviter l'inhalation de pathogènes potentiellement mortels, des services de nettoyage et de désinfection arpenteront les rues et même le fleuve pour tenter de réfréner le plus possible de possibles conséquences d'un nouveau genre. 

On reste soufflé devant le sens du détail qui aurait été impensable si cela avait été un film américain, déjà parce que le sujet est sensible mais aussi parce que l'appât du gain n'aurait pas permis un tel déroulement. Parlons justement du déroulement scénaristique. Celui-ci, sans grande surprise, est sans temps morts malgré une durée de deux heures. Bong Joon-ho ne perd jamais de vue son récit et le complexifie pour en faire une oeuvre d'une grande maturité. A travers la destinée d'une famille dépassée par la situation et la perte de Hyun-seo, ils se lanceront dans un périple pour la récupérer et la ramener en lieu sûr. Le drame familial est intelligemment traité et le cinéaste n'hésite pas à euphémiser les ardeurs en insufflant des touches d'humour savamment dosées qui font toujours mouche à l'exception d'une scène dont je parlerai après. Un humour intelligent, jamais lourd ou vulgaire qui apporte une certaine légèreté et sensibilitéà la situation. Définitivement, The Hostépate car il était difficile de s'attendre à un tel traitement si l'on n'avait pas préalablement lu certaines critiques avant le visionnage.

maxresdefault

Il est par contre inutile d'attendre quoi que ce soit de révolutionnaire au niveau esthétique. Le réalisateur adopte une certaine construction académique dans le choix des couleurs, les plans, les jeux de lumière mais n'hésite pas à nous larguer l'une ou l'autre séquence au rendu impressionnant. La scène du début sur le fleuve Han prend le spectateur à la gorge et l'apparition de la créature parvient toujours à procurer une tension chez le spectateur. Une créature qui n'est en fin de compte pas le réel danger du film. Elle ne tue pas par plaisir ou sadisme mais bien pour se nourrir. Il ne s'agit ni plus ni moins d'une anomalie créée par l'homme et qui cherche simplement à se rassasier.
L'homme bascule temporairement de sa place de chef de la chaîne alimentaire et en prend pour son grade. C'est aussi une occasion pour Bong Joon-ho de démontrer que l'homme n'est pas toute puissance. Concernant la bande sonore, on a quelque chose tantôt de classique et tantôt d'intense dans des séquences plus nerveuses pour les nerfs du spectateur. La prestation des acteur est tout autant d'un bon rendu avec au casting Song Kang-ho, Byeon Hee-bong, Park Hae-il, Bae Doona ou encore Ko Ah-seong. On s'attache très vite aux personnages qui ont chacun quelque chose de touchant à offrir. Concernant les points négatifs ? Rien qui ne saute vraiment aux yeux si ce n'est l'aspect parfois un peu trop CGI du monstre dans l'une ou l'autre séquencea ainsi que, comme j'ai dit au-dessus, la scène dramatique de recueillement des victimes du fleuve Han qui n'avait pas besoin d'humour. 

En conclusion, The Host est, pour changer, un autre grand film du cinéma coréen qui n'a plus à confirmer sa place d'un des leader du cinéma actuel. Loin du blockbuster décérébré, on a avant tout un formidable drame humain sous fond de crise écologique qui ne peut que charmer le spectateur devant tout le réalisme et la crédibilité de l'enchaînement des événements, comme dans cette séquence de manifestation étudiante en faveur du retrait des troupes américaines et de la suspension du déversement de l'agent jaune. The Host est donc, pour me répéter, un film complexe, mature et contestataire sur la société coréenne d'en haut avec un gouvernement à la solde d'une présence étrangère qui n'a rien à faire là.
Riche en intensité, le film se finit en apothéose avec une fin de qualité dont je ne raconterai bien sûr rien du tout. Que dire de plus si ce n'est qu'on tient là un incontournable du cinéma coréen et peut-être par la même occasion l'un des films de monstre les plus matures sorti à ce jour. 

 

Note :17/20

 

orange-mecanique Taratata

Le Proviseur ("Les ordures ne quittent jamais la décharge publique !")

$
0
0

le proviseur

 

Genre : drame, action 
Année : 1987

Durée : 1h49

Synopsis : Un professeur est nommé principal d'un établissement dans lequel il doit faire face à la violence et au trafic de drogue.  

La critique :

La violence scolaire, un sujet toujours et hélas d'actualité qui a, évidemment, inspiré le noble Septième Art. Il faut remonter à 1933 pour trouver le tout premier film de "genre" - si j'ose dire - avec Zéro de Conduite, réalisé par Jean Vigo, une comédie goguenarde qui, sous ses allures frivoles, tance déjà une institution sociétale défiant l'autorité patriarcale et sur le point de péricliter. L'air de rien, ce film, interdit aux moins de 18 ans à l'époque (!), va engendrer de nombreux épigones avec une lecture plus moderne et surtout beaucoup plus virulente. 
187 Code Meurtre (Kevin Reynolds, 1997), Esprits Rebelles (John N. Smith, 1995), La journée de la jupe (Jean-Paul Lilienfeld, 2008), Elephant (Gus Van Sant, 2003), ou encore Class 1984 (Mark L. Lester, 1982) sont autant de pellicules qui s'alarment du sort peu enviable de professeurs, invariablement gourmandés et rudoyés par leurs élèves hégémoniques.

Vient également s'ajouter Le Proviseur, réalisé par un certain Christopher Cain en 1987. Le cinéaste se distinguera deux ans plus tard avec Young Guns, probablement son film le plus notoire, avant de s'enliser dans des productions absconses, entre autres Miss Karaté Kid (1994), Metal Monsters (1990) et Pêche Party (1997) qui ne laisseront pas - c'est le moins que l'on puisse dire - un souvenir impérissable. Que soit. Christopher Cain semble lui aussi se soucier de notre jeunesse indocile et abandonnée par le système scolaire. Tel est le "speech" de Le Proviseur - The Principal - de son titre original.
La distribution du film réunit James Belushi, Louis Gossett Jr., Rae Dawn Chong, Michael Wright, Jeffrey Jay Cohen, Troy Winbush, Kelly Jo Minter, Esai Morales et Jacob Vargas. 

20279793

On retrouve donc dans ce casting certains comédiens qui ont eu l'heur de briller durant les années 1980. C'est par exemple le cas de James Belushi que l'on retrouvera l'année d'après dans Double Détente (Walter Hill, 1988) aux côtés d'Arnold Schwarzenegger. En revanche, Louis Gossett Jr. a une carrière beaucoup plus prolifique et exhaustive. On a notamment pu le voir dans Les Dents de la Mer 3 (Joe Alves, 1983), Officier et Gentleman (Taylor Hackford, 1982), Aigle de Fer (Sidney J. Furie, 1986) et Punisher (Mark Goldblatt, 1989).
Même remarque pour Michael Wright que l'on retrouvera dans la série télévisée, sobrement intitulée V (1985). Mais revenons au synopsis du film ! En outre, le scénario est plutôt de facture basique et laconique. 

Attention, SPOILERS ! (1) Le professeur Rick Latimer est nommé proviseur dans une école à mauvaise réputation. Il s'agit en fait d'une sorte de sanction disciplinaire pour avoir démoli la voiture de l'avocat de son ex-femme. Il se retrouve alors plongé dans un univers où la drogue, la violence et le crime sont quotidiens (1). Vous l'avez donc compris. Le scénario de The Principal ne brille pas vraiment par sa sagacité. Suite à une énième rixe, le professeur Rick Latimer commence sérieusement àéreinté ses supérieurs. Il est alors nommé proviseur dans un lycée (je renvoie au synopsis).
Une promotion ? Pas vraiment car à peine dépêché sur place, l'enseignant découvre un endroit sordide, claustré au milieu de la banlieue urbaine, à la merci de la violence, de la prostitution et des dealers de drogue. 

Le-proviseur

"Les ordures ne quittent jamais la décharge publique" avertit un élève dissident à son nouveau proviseur. Rick Latimer est donc "gentiment" prévenu. Ce bahut parfaitement infréquentable n'a pas survécu au multiculturalisme "USA". Mais peu importe, Rick Latimer a bien l'intention de passer un coup de balai ou plutôt un coup de karcher, comme le gloserait un ancien président de la République. C'est donc devant une salle en ébullition et loin d'être acquise à sa cause que Latimer prononce ces trois petits mots : "C'est terminé !". La drogue, fumer dans les couloirs, rudoyer et blasphémer ses professeurs entre autres ; c'est terminé ! Mais les gosses rebelles et indisciplinés n'en ont cure, surtout un certain Victor Duncan, qui a élu domicile dans le lycée en plein marasme.
Le "proviseur", le maître des lieux, le principal, c'est lui.

Pas Rick Latimer. Le nouveau proviseur est donc prié de calmer sérieusement ses ardeurs. Heureusement, Rick Latimer peut compter sur le soutien indéfectible de Jake Phillips, une sorte de garde-chiourme qui a toujours vécu dans ces quartiers populaires. Dès lors, Le Proviseur fonctionne à la fois comme un drame scolaire et un film d'action qui n'échappe pas aux stéréotypes et aux poncifs habituels. Finalement, tous ces élèves véhéments ne sont pas si condescendants. 
Avec un peu d'éducation, ces fumeurs et dealers de crack et de cocaïne seraient même capables de lire Shakespeare ! On croit fabuler... En outre, James Belushi et Louis Gossett Jr. portent cette vaste gaudriole sur leurs larges épaules, bien conscients visiblement, de la vacuité et de l'inanité du scénario. Le long-métrage se termine donc sur l'inévitable pugilat entre Rick Latimer et Victor Duncan.

A ce sujet, il est amusant de notifier que l'élève furibond est interprété par un acteur déjà trentenaire ! Non, Le Proviseur ne sera pas le nouveau Class 1984, mais le film de Christopher Cain n'a pas de telles velléités ni de telles prétentions scénaristiques. C'est donc avec une batte de baseball et son casque de motard, sur lequel est auréolée la mention "El Principal", que Latimer renvoie la racaille dans ses pénates. Mieux, en dehors de ses heures d'école, le proviseur joue les assistants sociaux, prodiguant même des cours particuliers à une jeune élève, elle aussi sous le joug de Victor Duncan.
Visiblement, toutes les problématiques scolaires et éducationnelles semblent intrinsèquement reliées au seul joug de ce jeune impudent. Un peu comme si Christopher Cain faisait fi de cette distanciation qui s'est peu à peu opérée entre un système éducatif à l'agonie et une jeunesse condamnée à devenir la nouvelle armée de réserve du capitalisme. Mais au moins, Le Proviseur a le mérite de ne pas péter plus haut que son derrière. Il s'agit d'une sorte de série B aussi ingénue qu'attachante. 
Ma note finale pourra donc paraître extrêmement clémente.

Note : 12/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Proviseur

Les Secrets Derrière le Mur (Chaos social)

$
0
0

Les_Secrets_derriere_le_mur

Genre : Drame, pinku eiga (interdiction inconnue)

Année : 1965

Durée : 1h15

 

Synopsis :

Dans les années 60, un étudiant introverti épie ses voisins à l'aide d'une longue-vue depuis son appartement.

 

La critique :

Je ne vais pas sempiternellement continuer à enfoncer des portes ouvertes mais le vieux cinéma japonais n'est pas spécialement réputé pour être connu des profanes. C'est peut-être l'exemple par excellence de dichotomie cinématographique avec d'un côté, une absence totale de connaissance chez le grand public et de l'autre un plébiscite généralisé chez les cinéphiles. Malgré tout, on ne peut s'empêcher d'observer de nettes disparités. J'avais déjà parlé de la Nouvelle Vague japonaise qui n'est que peu connue au sein des cinéphiles mais le pinku eiga n'est pas reconnu pour jouir lui aussi d'une reconnaissance importante. Compte tenu de ses observations qu'il ne faut pas non plus juger comme évangile, Wakamatsu n'est pas le cinéaste qui sera le plus mis en avant, bien qu'il soit considéré comme l'un des réalisateurs les plus importants ayant émergé du pinku eiga (genre que j'ai détaillé dans ma chronique de Quand l'Embryon part braconner) et comme l'un des plus grands réalisateurs japonais des années 1960.

Ancien yakuza, il réalise une dizaine de longs-métrages par an, souvent tournés dans l'urgence, après la création de sa propre maison de production, sobrement appelée Wakamatsu Production. Parmi ceci, on retrouvera Les Secrets Derrière le Mur. Une oeuvre extrêmement polémique qui provoqua l'indignation quasi générale et ira jusqu'à causer un incident diplomatique entre le Japon et l'Allemagne lorsque le film fut sélectionné au Festival de Berlin. Mais que peut bien être ce film pour arriver à causer une telle pagaille dont même Salo en fut incapable ? E
ncore aujourd'hui, certains de ces films, catalogués comme brûlots anarchistes, sont censurés dans de nombreux pays tels les USA, la Russie et la Chine. Wakamatsu ou l'exemple type du réalisateur qui dérange. Avec un point de vue d'un peu plus de 50 ans dans le futur, peut on dire que cette oeuvre conserve sa réputation de dynamite ? Réponse dans la chronique.

136228

ATTENTION SPOILERS : Japon, années 60. Dans une cité-dortoir environnée de béton, un jeune étudiant introverti épie à la longue-vue ses voisins : une femme au foyer qui trompe son mari avec un ancien militant communiste déçu par l’échec de la révolution, une femme célibataire qui fait délibérément tomber son linge sur le balcon de ses voisins pour nouer contact, sa propre soeur dont il traque les moindres faits et gestes.

Si l'on devait établir une liste des films les plus désespérés, nul doute que Les Secrets Derrière le Mur aurait une place de choix. Wakamatsu démarre son film en filmant un oeil en gros plan, cet oeil voyeur, presque omniscient dans ce décor urbain constitué de HLM tous identiques, tous aussi froids les uns que les autres. Un décor qui n'est pas sans rappeler les baraquements de l'ex-URSS et qui témoigne bien de la désincarnation de tous ces personnages. Cette oeuvre pourrait s'apparenter à l'antithèse de l'espoir. Elle est la représentation même d'une société d'après guere qui se meurt et qui n'a pas su correctement évoluer. On ressentira tout au long du visionnage les méfaits de l'occidentalisation importée par les américains sur le mode de vie des japonais, que cela soit par la télévision ou l'habillement des personnages. L'époque des samouraïs a laissé la place à l'époque de l'urbanisation où la population est perdueet a évoluée en une société qui a délaissée toute forme d'espoir.
Wakamatsu déroule donc son histoire uniquement dans cette cité-dortoir en instaurant une ambiance très austère et oppressante où le spectateur comme ces personnages sont étouffés entre quatre murs.

Cette cité-dortoir a un double sens en étant prison comme liberté. Prison car les résidents sont plongés dans un marasme existentiel et liberté car ils sont libres d'aller où ils veulent. Dans chaque scène, dans chaque destinée d'un personnage X, on a ce ressenti de solitude, de misère existentielle et de résignation face à la tournure des événements. Les hommes sont garants de l'unité familiale et vont travailler alors que les femmes sont reléguées à tenir le domicile et àêtre de bonnes mères de famille. Là oùWakamatsu suscita l'indignation, c'est dans le fait d'élaborer une séquence où deux femmes sont ivres. C'est quelque chose qui ne se fait pas au Japon.
Plus fort encore, il met en scène le suicide d'une femme, non pas par l'honneur mais par la solitude. Un trait purement occidental qui n'était pas rencontré au Japon. Ces deux exemples bancals et avec lesquels nous sommes familiers furent quelque chose de grave aux yeux des japonais et soulignèrent cette occidentalisation rampante et nécrosant toute forme de spiritualité. Dans ce film, aucune spiritualité n'est de mise, aucune quelconque croyance religieuse ou idéologique. Les contestataires semblent avoir abandonnés leur propre combat et n'ont plus foi en leur idéologie. Les femmes semblent désintéressées de cette mouvance.

les-secrets-derriere-le-mur_345548_11612

Aucune forme de chaleur n'est rencontrée et c'est en cela que Les Secrets Derrière le Mur est un film aussi bouleversant et met mal à l'aise le spectateur. Si l'on décèle déjà une forme d'avant-gardisme via la présence de scènes de nus, les conventions familiales sont également malmenées. Makoto, l'adolescent au centre du récit, n'a pas ce respect envers son père comme l'exigent les traditions japonaises. Tout ce bouillon de culture fait de cette oeuvre, un travail très tranché et agressif. La solitude suinte des murs, l'infidélité est retranscrite sans quelconque forme de pudeur, les maris ne semblent pas plus que ça inquiets de leur situation, la misère sexuelle fulgurante du Japon y est déjà décrite.
Nous sommes vraiment dans l'archétype même de chaos sociétal. De plus, Makoto, alors qu'il est dans la fleur de l'âge, est bien malgré lui plongé aussi dans cette vacuité existentielle qui fait qu'il en est arrivéà se désintéresser de sa propre existence pour se recentrer sur celle des autres. Le fait de mettre en scène non pas un homme mais un adolescent dans le rôle du voyeur est aussi l'une de ces raisons qui a choqué et indigné l'assemblée.

Les Secrets Derrière le Mur est féroce dans ces revendications et nous pouvons comprendre le fait qu'il ait suscité un tel tollé. Et ce n'est pas cette scène d'amour avec en arrière-plan la photo de Staline qui dira le contraire. Encore un exemple de cette remise en cause des valeurs du Japon traditionnel. Après, il y a un revers qui empêche l'oeuvre d'atteindre le statut de chef d'oeuvre du cinéma du Soleil Levant et elle tient en un seul point. C'est la mise en scène. Une mise en scène qui se montre lourde dans le mauvais sens du terme, bien trop plate dans certains moments et qui pourrait faire remuer les mauvaises langues hurlant à la branlette intellectuelle.
Ca navigue, Wakamatsu prend trop de temps dans certaines séquences, se focalise trop sur des détails sans importance alors qu'il va pourtant droit au but. Oui, la tonalité glaciale est parfaitement retranscrite mais la mise en scène risque de faire bâiller ceux qui ne connaissent pas ou n'ont pas encore su cerner un minimum le cinéaste.

136222

L'aspect physique du film est académique. La caméra est posée, filme à plusieurs reprises, dans l'esprit de Ozu, la scène à même le sol. L'image est belle à travers ces décors épurés et sans quelconque âme. La bande sonore est tout autant académique. Si vous cherchez à vous rincer les yeux devant ce film, oubliez d'emblée. De toute façon, le cinéma de Wakamatsu n'a jamais eu telle revendication. En ce qui concerne le casting, on retrouve Hiroko Fujino, Kazuko Kano ou encore Mikio Terashima, les 3 seuls noms que j'ai su avoir. Ceux-ci adoptent un jeu d'acteur volontairement monotone comme s'ils étaient dénués de toute forme d'espérance et de joyeuseté. Encore un trait qui accentue la froideur du moyen-métrage qui pourra intéresser comme révulser le spectateur qui n'adhérerait pas à ce véritable exercice de style dans le plus pur état d'esprit d'art et d'essai.

En conclusion, Les Secrets Derrière le Mur est un film qui, malgré ses 52 ans au compteur, continue à déranger et susciter le malaise chez le spectateur pris dans une atmosphère indescriptible où l'ennui, la solitude, le désespoir, la perte d'honneur et de spiritualitéévoluent dans une synergie chaotique. Sincèrement, il est difficile d'aimer en tant que tel ce récit qui reste avant tout un témoignage d'une époque sensible de la société japonaise perdue et déçue par l'échec de la révolution. L'exemple parfaite de la déliquescence d'une population sombrant dans la déréliction et le pessimisme agressif. Il est regrettable de se rendre compte que la mise en scène plombe par son apathie ce récit d'une foule exsangue qui se sait condamnée et l'accepte. Je ne peux que remercier le fait d'avoir eu une version de ce film avec l'interface d'un critique cinématographique qui m'a permis de mieux cibler les facettes de cette oeuvre. Wakamatsu signe donc un récit austère, hostile, gris, difficile d'accès mais vrai.
Et c'est ce dernier adjectif qui le rend si déroutant. Indubitablement, une oeuvre à découvrir pour les passionnés de cinéma asiatique, les autres pourront passer leur chemin même s'ils risquent de passer à côté d'une expérience certaine.

 

Note :13/20

orange-mecanique Taratata

Dead Snow 2 (L'armée des ténèbres)

$
0
0

dead snow 2

Genre : horreur, gore (interdit aux - 12 ans)
Année : 2014

Durée : 1h41

Synopsis : Seul Survivant, Martin a vu tous ses amis dévorés par une horde de zombies nazis ! À son réveil à l’hôpital, il découvre avec horreur que les médecins lui ont greffé un bras de zombie aux pouvoirs surnaturels. Doté d'une force surhumaine, Martin va organiser la défense du pays pour en finir une bonne fois pour toutes avec ces monstres sanguinaires.  

La critique :

Ce n'est qu'en 2007 que le cinéaste norvégien Tommy Wirkola se distingue avec Kill Buljo : the film, une parodie de Kill Bill (Quentin Tarantino, 2003). Le jeune homme affectionne tout particulièrement les comédies lorsqu'elles s'imbriquent à la condescendance, aux grivoiseries et autres rutilances. Il corrobore ce goût immodéré pour le gore et la provocation avec Dead Snow en 2009. Avec ce nouveau film, Tommy Wirkola aborde un autre registre : les zombies carnassiers et anthropophagiques sur fond de soldats "nazillards" et bien décidés à poursuivre l'oeuvre morbide du Troisième Reich.
Par le passé, Ken Wiederhorn avait déjàévoqué cette thématique du nazisme décrépit et sous la férule de macchabées via Le Commando des Morts-Vivants - aka Shock Waves - en 1977.

Autant l'annoncer de suite. La série B horrifique de Ken Wiederhorn n'avait pas spécialement laissé un souvenir impérissable. Mais cette pellicule rutilante influence néanmoins tout un pan du cinéma bis, pan auquel appartient Dead Snow. Si ce premier chapitre s'illustre dans divers festivals, il souffre néanmoins de défauts rédhibitoires, et notamment de personnages un peu trop ternes pour susciter réellement l'adhésion. Qu'à cela ne tienne, avec Dead Snow 2 en 2014, Tommy Wirkola a bien l'intention de rectifier certaines aberrations du premier volet.
A l'instar de son auguste devancier, Dead Snow 2 se singularise à son tour dans plusieurs festivals, notamment à Sundance. La distribution de ce deuxième opus réunit Vegar Hoel, Martin Starr, Derek Mears, Amrita Acharia, Jocelyn DeBoer et Ingrid Haas. 

téléchargement (1)

Attention, SPOILERS ! (1) Le seul survivant d'un raid de zombies nazis, Martin, se voit greffer le bras magique du chef de ces derniers, il s'agit du dénommé Herzog. Les zombies et le colonel Herzog se dirigent ensuite vers une petite ville de Norvège pour terminer une mission commanditée par Adolf Hitler qui consistait à raser ladite ville. Grâce à ces nouveaux pouvoirs pour Martin, il ressuscite une armée de bolcheviks et leur chef, le commandant Stavarin, qui aidera Martin dans sa tentative de sauvetage. Il se fera aider par le gardien de service d'une maison touristique, Daniel, et d'un soi-disant groupe de défense anti-zombies (des geeks) américains (1).
Le scénario de Dead Snow 2 reprend donc là où les choses s'étaient exactement arrêtées dans le premier volet.

Seule différence et pas des moindres, Tommy Wirkola, toujours aux manettes de ce deuxième méfait, a bien l'intention de passer la vitesse supplémentaire. Une mission que le réalisateur norvégien remplit aisément. Pour une fois, on tient même une suite largement supérieure à son prédécesseur. Mieux, Dead Snow 2 peut même se targuer d'appartenir aux meilleurs films de zombies de ces cinq dernières années. Un exploit ? Pas vraiment à l'aune de toute cette litanie de séries B horrifiques qui sortent en direct-to-dvd (DTV). En outre, difficile de ne pas songer à certains classiques gore et "zombiesques", notamment àBraindead (Peter Jackson, 1993) et àEvil Dead 3 : L'Armée des Ténèbres (Sam Raimi, 1993), soit les deux principales références du film.
Mais au moins, Dead Snow 2 a le mérite de se démarquer de ses illustres devanciers en proposant sa propre tonalité, à la fois pittoresque, trash et cartoonesque.

téléchargement

En l'état, étonnant que cette suite soit "seulement" interdite aux moins de 12 ans tant le film se montre virulent, corrodant et sarcastique. En l'occurrence, Dead Snow 2 aurait largement mérité une interdiction aux moins de 16 ans. En effet, Tommy Wirkola ne s'embarrasse pas avec les artifices et vilipende l'anomie du cinéma horrifique actuel, beaucoup trop pudibond et pusillanime. Ainsi, dans Dead Snow 2, les jeunes gosses ne sont pas épargnés et sont même défenestrés avant d'être odieusement écrasés et éparpillés dans tous les sens ! Même chose pour les infirmes et les handicapés, eux aussi condamnés à s'escarper en fauteuil roulant avant d'être tortorés à leur tour par des zombies affamés.
A ce sujet, le scénario du film fait montre d'ironie et de sagacité en opposant une armée des ténèbres, celle dépêchée jadis par Hitler, et une armée de bolcheviks, dignes épigones de la bannière soviétique.

Ou lorsque les macchabées de l'armée du Troisième Reich doivent se colleter avec celle érigée par Staline et Lénine en leur temps. Dans ce véritable carcan horrifique, les membres et les organes putrescents volent dans tous les sens. Martin, le héros du film, se voit affubler d'un bras de mort-vivant et donc doter d'une puissance herculéenne. Indubitablement, Tommy Wirkola affectionne la tripaille, la barbaque, la gaudriole et les séquences les plus jubilatoires.
De facto, difficile de ne pas adhérer à ce spectacle pour le moins potache et érubescent. Mais, curieusement, le concept a aussi ses écueils et ses corollaires. Comme si Dead Snow 2 ne devait s'adresser qu'à un public pré-pubère, ces même supers consommateurs qui ont érigé et adulé, par le passé, la trilogie Evil Dead au statut d'objet d'adoubement et de véritable divination. Ce qui explique peut-être aussi pourquoi les principaux protagonistes de cette pellicule sont aussi sommaires et primitif, finalement à l'image des zombies de service. Mais ne soyons pas trop sévères et ne boudons pas notre plaisir.
Dans son genre, Dead Snow 2 n'a pas à rougir de la comparaison avec ses augustes devanciers.

Note : 14.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dead_Snow_2

Les Statues Meurent Aussi (Etudions l'art nègre)

$
0
0

Statues-Also-Die-images-1827d8d0-d09e-41c6-9399-3fb762a3c38

Genre : Documentaire 

Année : 1953

Durée : 30 min

 

Synopsis :

« Quand les hommes sont morts, ils entrent dans l'histoire. Quand les statues sont mortes, elles entrent dans l'art. Cette botanique de la mort, c'est ce que nous appelons la culture. »

C'est ainsi que commence ce documentaire controversé qui pose la question de la différence entre l'art nègre et l'art royal mais surtout celle de la relation qu'entretient l'Occident avec cet art qu'elle vise à détruire sans même s'en rendre compte. Ce n'est pas encore la vague indépendante, mais quelques prémices se font sentir dans ce film. Un saut dans le passé, une photographie du point de vue occidental.

 

La critique :

Le documentaire est un peu dans l'inconscient collectif ce moyen cinématographique de nous faire voyager, apprendre et découvrir de nouvelles choses. On peut l'observer sur des chaînes comme Arte ou encore Ushuaïa TV où il nous est invitéà découvrir le monde, cependant derrière son téléviseur. Rares sont par contre les documentaires qui parviennent à créer la polémique et choquer l'audimat. Souvenez-vous, j'avais abordé il y a quelques mois le documentaire maudit Afrique 50 qui mettait en avant l'envers du décor de la colonisation et qui valut au cinéaste une peine de prison. Trois ans plus tard, ce n'est plus René Vautier qui récidive mais bel et bien deux grands cinéastes français en la personne de Chris Marker (La Jetée, Sans Soleil) et Alain Resnais (Nuit et Brouillard, Hiroshima Mon Amour). 

A l'origine, il fut commandité par la revue Présence Africaine. Partant de la question "Pourquoi l’art nègre se trouve-t-il au musée de l'Homme alors que l'art grec ou égyptien se trouve au Louvre ?", les réalisateurs dénoncèrent le manque de considération pour l'art africain dans un contexte de colonisation. A sa sortie, le documentaire bouscule et dérange fortement les hautes instances du fait de son point de vue anti-colonialiste. Selon les sources, il sera interdit par la censure pendant 8 ans, bien que certains mentionnent la durée de 10 ans. Vous l'avez compris, ce documentaire ne pouvait échapper à l'oeil avisé de Cinéma Choc. Il est temps maintenant de passer à la critique.

ee4ff68014274404-70660

ATTENTION SPOILERS : Ce documentaire controversé pose la question de la différence entre l'art nègre et l'art royal mais surtout celle de la relation qu'entretient l'Occident avec cet art qu'elle vise à détruire sans même s'en rendre compte. Ce n'est pas encore la vague indépendante, mais quelques prémices se font sentir dans ce film. Un saut dans le passé, une photographie du point de vue occidental.

Ici, on a là un documentaire qui prend radicalement ses distances avec Afrique 50 qui filmait de manière frontale les désastres causés par la présence de l'homme blanc sur des terres qui ne lui appartiennent pas. Les Statues Meurent Aussiétudie la question de l'art africain, de ses prémisses et de son évolution à travers le temps jusqu'à la colonisation. Les réalisateurs filment avec le sens du détail une série de sculptures artistiques de cette population jugée comme inférieure à l'homme blanc à l'époque. Ils la filment en gros plan et avec une manière qui permet de mettre en valeur toute la recherche esthétique qui émanent de cet art. L'intrigue et la curiosité naissent en nous et nous sommes comme hypnotisés par cet art éloigné du nôtre et à l'originalité certaine. En soi, le documentaire démarre un peu dans l'innocence comme pour Afrique 50 et puis, arrivé dans la dernière partie du court-métrage, les critiques pleuvent. La dénonciation de la colonisation est faite de manière frontale. Ici point de scènes sur les massacres et mauvais traitements, Marker et Resnais filment de manière plus insidieuse la présence de l'homme blanc imposant sa culture au détriment de l'art nègre jugé obsolète. 

De façon plus surprenante mais qui, au fond, n'étonne pas tant que ça, on peut voir un certain attrait de la population envers ces peuples et indirectement, cela se ressentira sur leur culture. Né d'une volonté spontanée et d'un désir profond, l'art africain se transmute en une volonté de rendement et de marchandisation, imposé par l'homme blanc. Le souci du détail, l'originalité, le rêve sont bridés pour réaliser le plus de sculptures et pièces artistiques en un minimum de temps. Le dernier continent épargné par le capitalisme le subit de plein fouet. L'argent et une forme de loi du marché s'imposent. Les spectacles sont monnayés. Les nations, pourtant racistes, se servent de la puissance sportive des noirs pour briller à l'étranger. De l'hypocrisie s'ensuit une forme d'exploitation indirecte du peuple africain. Les religions se permettent aussi de nécroser l'art en mettant au monde un art bâtard nommé africo-chrétien, dénué de toute identité. Marker et Resnais dénoncent ce qu'ils appellent l'art cosmopolite. Un art dénué de toute identité, de toute spontanéité, de tout désir profond, déraciné de chaque peuple et de chaque culture. Un art qui se résume à un art de marché dont seule la culture de l'argent le désigne comme art.

Les-statues-meurent-aussi-resnais

Les Statues Meurent Aussi est un témoignage d'une époque révolue. Un témoignage dérangeant sur les méfaits de l'homme blanc qui ne peut s'empêcher d'imposer son hégémonie néfaste sur des populations qui n'avaient pas besoin de vivre comme lui. La colonisation en prend pour son grade et n'épargne pas seulement le mode de vie de l'homme noir mais toute sa culture, son art et finalement les rouages de sa civilisation pour l'intégrer dans la grande machinerie capitaliste. Les cinéastes filment tout d'un point de vue extérieur sans vraiment prendre de parti bien tranché.
Leurs images parlent d'elles-mêmes et vont à l'essentiel. Les faits sont ce qu'ils sont : la colonisation est inutile et dangereuse. La manière de filmer, les cadrages et l'image sont d'autant un témoignage de deux grands réalisateurs et aucun faux pas n'est à noter. En revanche, on pestera sur des dialogues au début trop lourdauds et bobo sur le but de l'art africain. Fréquemment, on se questionnera si ce bel emballage littéraire ne cache pas au fond un vacuum qui aurait pu être dit autrement qu'avec des métaphores trop soutenues. En soit, l'idée n'était pas mauvaise mais quand les idées et métaphores artistiques s'enchaînent à un rythme de lecture d'une certaine vitesse, on risque de perdre le fil des idées et de rater certains sens bien profonds. C'est un peu dommage mais c'est bien là la seule réelle reproche. 

En conclusion, Les Statues Meurent Aussi est dans la continuité de Afrique 50, à savoir un documentaire acide et virulent sur la société occidentale qui ne peut s'empêcher de coloniser, d'imposer son mode de vie et de balayer d'autres modes de vie qu'elle juge obsolète et non adaptés à sa pensée. En d'autres termes, une dictature insidieuse, jamais forcée mais placée petit à petit dans l'inconscient d'une population. Bref, un court-métrage important qu'il est nécessaire de faire connaître et diffuser dans les études d'histoire ou d'art tout simplement. Encore un exemple de plus qui prouve que le cinéma peut avoir un but éducatif. Un formidable manifeste sur l'art africain qu'il est nécessaire de faire perdurer, hors de l'art cosmopolite et de marché qui ne pourra à terme que faire disparaître l'identité de chaque peuple. 

 

Note :16/20

orange-mecanique Taratata

Freddy - Chapitre 5 : L'Enfant du Cauchemar (Cauchemar sous péridurale)

$
0
0

Freddy-5-Lenfant-du-Cauchemar

 

Genre : horreur, épouvante, slasher (interdit aux - 12 ans)
Année : 1989

Durée : 1h29

Synopsis : L'ignoble Freddy a encore trouvé un moyen pour venir hanter les cauchemars des enfants d'Elm Street : il se réincarne dans le bébé qu'attend Alice, celle qui l'avait pourtant vaincu dans le précédent épisode. Il arbore à nouveau crânement son chapeau, son pull rayé et ses longues griffes aiguisées et Alice aura fort à faire pour le ramener dans le sinistre asile psychiatrique où il fut conçu.  

La critique :

Après un quatrième chapitre, justement intituléLe Cauchemar de Freddy (Renny Harlin, 1988), la saga consacré aux aventures oniriques de Freddy Krueger a montré de sérieux signes d'essoufflement. Mais peu importe, les producteurs n'en ont cure, d'autant plus que le quatrième volet s'est à nouveau soldé par un succès commercial. La firme New Line Cinema décide donc de financer un cinquième opus. Ce sera Freddy - Chapitre 5 : L'Enfant du Cauchemar, sorti en 1989.
Pour ce nouvel épisode, changement de réalisateur - le cinquième tout de même - en la personne de Stephen Hopkins. Le cinéaste australien s'est distingué, deux ans auparavant, avec Dangerous Game, un thriller méconnu dans nos contrées hexagonales. L'Enfant du Cauchemar constitue donc seulement le deuxième long-métrage du metteur en scène.

Par la suite, Stephen Hopkins s'illustrera essentiellement dans les films d'action et de science-fiction. On lui doit notamment Predator 2 (1990), La Nuit du Jugement (1993), Blown Away (1994), Perdus dans l'espace (1998), Les Châtiments (2007) et plus récemment, La Couleur de la Victoire (2016). Autant dire que le cinéaste ne possède pas vraiment une filmographie des plus éloquentes et appartient à la catégorie de ces petits tâcherons qui pullulent dans le milieu hollywoodien.
Mais, avec L'Enfant du Cauchemar, Stephen Hopkins a bien l'intention d'apporter sa modeste pierre à l'édifice "Freddy Krueger", sérieusement ébranlé depuis le quatrième chapitre. Reste à savoir si ce cinquième cauchemar va permettre à la franchise de retrouver sa sagacité et son érudition de jadis. Réponse dans les lignes à venir...

2808755559_small_1

A ce jour, L'Enfant du Cauchemar reste l'épisode le moins rentable de la saga. Par exemple, en France, le film dépassera péniblement les 250 000 entrées. Si le long-métrage remporte le Prix de la critique lors du festival de Fantasporto en 1990, il est à l'inverse nominé aux Razzie Awards pour le prix de la plus mauvaise bande originale, notamment pour les titres suivants : Bring Your Daughter to The Slaughter de Bruce Dickinson et Let's Go! de Mohandas Deweese.
La distribution de ce cinquième chapitre réunit Robert Englund qui revêt à nouveau les oripeaux du croquemitaine griffu, et Lisa Wilcox déjà présente dans Le Cauchemar de Freddy et qui reprend donc le rôle d'Alice Johnson. Viennent également s'ajouter Kelly Jo Minter, Erika Anderson, Danny Hassel, Joe Seely et Nicholas Mele.

Attention, SPOILERS ! L'ignoble Freddy a encore trouvé un moyen pour venir hanter les cauchemars des enfants d'Elm Street : il se réincarne dans le bébé qu'attend Alice, celle qui l'avait pourtant vaincu dans le précédent épisode. Il arbore à nouveau crânement son chapeau, son pull rayé et ses longues griffes aiguisées et Alice aura fort à faire pour le ramener dans le sinistre asile psychiatrique où il fut conçu. Avec Le Cauchemar de Freddy, Stephen Hopkins a pour ambition et vocation de renouveler une franchise atone et moribonde. Ainsi, Le Cauchemar de Freddy est probablement le film qui prodigue le plus d'informations sur la genèse de Freddy. Dès l'introduction, Stephen Hopkins a le mérite de présenter les inimitiés. Nouveau cauchemar pour Alice Johnson.
Grimée en bonne soeur, la jeune femme est assaillie par des hommes libidineux dans une sorte d'asile psychiatrique.

129072_backdrop_scale_1280xauto

Il est donc bien question d'un viol pratiqué sur une nonne avec pour corollaire, quelques mois plus tard, la naissance de Freddy Krueger. La créature démoniaque n'est donc que le substrat d'une perfidie engendrée sur une religieuse. Certes, Stephen Hopkins ne tarit pas d'imagination. Mais dès cette première saynète, qui aurait justement dû marquer durablement les persistances rétiniennes, le cinéaste australien choisit d'euphémiser ses ardeurs et se contente de suggérer les lubricités perpétrées.
C'est d'ailleurs tout le problème de L'Enfant du Cauchemar, à savoir cette incapacitéà nous surprendre, à nous faire tressaillir et à nous faire virevolter d'effroi sur notre siège. Pourtant, Stephen Hopkins s'investit réellement derrière sa caméra via de nombreux effets stylistiques et même stylisés.

Hélas, à force de semer le trouble sur cette frontière ténue entre le rêve et la réalité, le metteur en scène perd rapidement le fil de son sujet et le spectateur par la même occasion. En outre, le scénario est tarabiscoté et oscille dans tous les sens. Pour renaître de ses cendres et revenir dans la réalité, Freddy Krueger doit s'emparer du futur rejeton d'Alice. Malheureusement, on relève de nombreuses séquences factices, grossières et peu probantes.
A l'image de ce motard happé par l'aura démoniaque de Freddy Krueger qui se transmute peu à peu en créature de la nuit. Cette métempsychose n'est pas sans rappeler, par certaines accointances, le cinéma horrifique asiatique. On pense notamment àTetsuo (Shynia Tsukamoto, 1988). Hélas et vous vous en doutez, la comparaison s'arrête bien là. En résumé, toutes les idées parsemées par ce cinquième chapitre tombent invariablement dans le vide.
Même les fans les plus irréductibles de la saga risquent sérieusement d'être décontenancés par les directions spinescentes et nébuleuses de ce cinquième méfait. Celui de trop. Pis, L'Enfant du Cauchemar se refuse même à toute effusion sanguinolente. On se demande même pourquoi le film a écopé d'une interdiction aux moins de 12 ans tant Stephen Hopkins se montre timoré. Et pourtant... L'Enfant du Cauchemar fait vaguement illusion durant sa première demi-heure avant de s'enliser dans les délires oniriques et fantasmagoriques stériles. Bref, on ne retiendra pas grand-chose de ce cauchemar sous péridurale.

Note : 08/20

sparklehorse2 Alice In Oliver


La Résidence - 1969 (Une éducation en bonne et due forme)

$
0
0

aff_la_residence-00

Genre : Thriller, horreur (interdit aux - 18 ans au moment de sa sortie/interdiction inconnue aujourd'hui)

Année : 1969

Durée : 1h35

 

Synopsis :

Mme Fourneau dirige d'une main de fer une maison de redressement réservée aux filles. Dans cet univers quasi carcéral, lesbianisme et torture sont monnaire courante. Mme Fourneau est également la mère d'un adolescent qu'elle essaie de tenir à l'écart de toutes ces jeunes filles et du vice. Bientôt, des filles commencent à disparaître mystérieusement de la résidence.

 

La critique :

On a souvent tendance à l'oublier mais l'Espagne a su accoucher au fil des décennies de certaines oeuvres horrifiques qui ont durablement marqué les rétines de part leur qualité. Si l'on regarde le cinéma actuel, on pense directement à la licence REC dont le premier opus fut une excellente surprise, de même que le deuxième qui fut de qualité honorable. Inutile par contre de parler de la suite de la licence qui, compte tenu du succès, n'eut d'autre alternative que de sombrer entre les mains de producteurs mercantiles désireux de tirer encore et encore sur la corde. Mis à part, on pourra citer, entre autres, le thriller ultraviolent La Secte sans Nom ou encore La Piel Que Habito qui remportèrent un grand succès. Maintenant, là on parle du cinéma contemporain mais que peut on dire du vieux cinéma espagnol ?

Il ne fait aucun doute que l'un de ceux qui s'imposa le plus à l'époque fut un personnage du nom de Narciso Ibañez Serrador. Oui, c'est bien celui qui est à l'origine du film choc et polémique du nom de Les Révoltés de l'an 2000, chroniqué il y a peu pour les intéressés. Ceci dit, Serrador est un réalisateur dont 95% de son oeuvre fut consacrée à la TV ou sous forme de série télévisée. Seuls deux vrais films virent le jour et justement, son premier film est celui qui sera chroniqué aujourd'hui, à savoir La Résidence, sorti 5 ans avant Les Révoltés de l'an 2000.
Déjà là, le réalisateur avait le goût du scandale vu qu'à sa sortie, le film choqua et suscita la polémique au point de carrément écoper d'une interdiction aux moins de 18 ans. Interdiction dépassée aujourd'hui due à une violence décomplexée qui n'était pas d'application en l'an de grâce 1969, année précédant la libération sexuelle et la libération des moeurs. Un témoignage d'une époque révolue mais qu'en est-il de la qualité ? Réponse dans la critique.

la_residencia1

ATTENTION SPOILERS : Une nouvelle élève arrive au pensionnat de jeunes filles dirigé par Mlle Fourneau. Celle-ci fait régner une discipline de fer sur ses protégées. Non contente de soumettre ses élèves à la torture, Mlle Fourneau se révèle une mère possessive à la limite de l’inceste avec son jeune fils, à qui elle interdit tout contact avec l’extérieur. Bientôt, des pensionnaires disparaissent.

Il est flagrant de se rendre compte du pourquoi de la polémique que le film suscita à l'époque, de part les thématiques traitées. Ainsi, Serrador déroule la totalité de son récit au sein d'un pensionnat pour jeunes filles difficiles où l'éducation y est faite d'une main de fer pour remettre ces demoiselles sur le droit chemin. C'est l'occasion pour le cinéaste de critiquer le mode d'éducation rigide et impartial de l'époque où sévices physiques n'étaient pas rares du temps de nos parents et grands parents. Les filles sont cadrées et doivent suivre un règlement bien précis où la moindre anicroche est synonyme de les voir se faire embarquer à la cave et subir le sévice du fouet, le tout avec la participation de certaines élèves à la solde de cette directrice totalitaire. Justement, ce n'est pas seulement l'éducation violente qui y est tancée mais La Résidence s'apparente à une forme de parabole du fascisme de l'époque alors que Franco était encore à la tête de l'Espagne franquiste. Réduites au silence, baissant souvent les yeux tout en ayant un mal-être palpable en elles, les filles vivent tant bien que mal dans ce microcosme dictatorial.

Un microcosme dont les influences peuvent directement rebondir à Sade avec son lot de tortures physiques, d'individus soumis à l'avilissement et à l'obéissance la plus totale de leurs supérieurs. Une sorte de Saloédulcoré. Mieux encore, l'hypocrisie de la directrice est affichée dans une séquence où il y a intermittence de deux scènes bien précises. L'une avec les pensionnaires exercant leur prière du soir, en ligne droite et de l'autre, une pensionnaire du nom de Catherine se faisant fouetter par Irene, la chef sadique des pensionnaires à la solde de la directrice. Une hypocrisie qui met en avant l'incohérence et le manque de respect envers les valeurs catholiques prônées par le pensionnat.
Mais ce n'est pas tout vu que la sexualité sera bien sûr au centre du récit. Sans surprise, les relations sentimentales, tout comme les rapports sexuels sont interdits ou presque. Les pensionnaires sont plongées dans un marasme sentimental et une misère sexuelle qu'elles ne peuvent que combler un temps avec le livreur de bois faisant sa tournée toutes les trois semaines. Pourtant, à côté, la directrice très hostile au bien-être sentimental de ses élèves nourrit une sorte de pulsion incestueuse qu'elle essaie tant bien que mal de refouler. L'air de rien, La Résidence pourrait s'apparenter à un brûlot envers les valeurs rigides de l'époque et la promotion d'une liberté sexuelle, religieuse et sociale plus grande. Ses nombreux thèmes, il faut le dire, sont bien traités et renforcent la complexité du long-métrage.

maxresdefault

Qu'on se le dise, Serrador a su mettre en place une atmosphère trouble et étouffante où les désirs sexuels restent de l'ordre de l'interdit, où les pensionnaires ne peuvent que subir le châtiment de leurs bourreaux. Une preuve étant qu'il n'y aura jamais quelconque forme de rébellion, ce qui souligne bien le phénomène d'avilissement et de main mise totale des hautes instances. Bref, tout pourrait aller pour le mieux mais là où les choses se gâtent fortement, c'est dans le déroulement du récit. Le début fait naître en nous l'espoir de visionner un grand film mais au fur et à mesure du récit, une forme de plat et d'ennui s'installent et brident la séance. On a un peu cette impression que Serrador ne savait pas trop où aller dans le déroulement de son intrigue. Si les scènes de meurtre sont bien réussies, on commence à devenir sceptique sur la suite des événements et le choc finit par en pâtir.
Pareil pour le malaise qui était aux abonnés présents mais qui devient évanescent. La mise en scène se gâte et la dernière partie risque de faire perdre le fil aux spectateurs.

Le fait d'avoir l'impression de se retrouver devant une forme de tranche de vie avec quelques soubresauts en est la cause. On sera aussi sceptique de cette volonté de dévier la dernière partie dans un climat d'épouvante qui, malgré une idée judicieuse et bien malsaine, n'était pas nécessaire. Idée judicieuse mais malheureusement mal amenée, la faute à une personnalité du fils contrastant totalement avec la personnalité qu'il avait durant le restant du récit. Je n'en dirai par contre pas plus mais vous comprendrez ce que je veux dire quand vous le verrez.
La fin un peu vite expédiée pourra aussi faire tiquer certains. Il est dommage de réaliser que La Résidence, alors que son niveau de lecture était de grande qualité, peine à susciter un intérêt constant chez le spectateur, la faute à une mise en scène maladroite à de nombreuses reprises. Sans quoi, on aurait pu très rapidement se retrouver devant un petit chef d'oeuvre.

la_residence3

Pour ce qui est de l'aspect physique du film, le niveau est assez bon. On appréciera cette atmosphère gothique et oppressante malgré le fait que les cadrages et plans soient ouverts et favorisent les grands espaces. A ce niveau, les références au giallo sont nombreuses tant dans les meurtres que dans les décors luxueux. Pourtant, suivant les copies proposées, la possibilité de se retrouver face à de mauvais jeux de lumière ne sera pas rare. Dans ce cas de figure, les scènes dans l'obscurité seront un calvaire pour bien suivre l'action. La bande sonore reste agréable à l'écoute et le jeu d'acteur est de bonne qualité. Lilli Palmer est impeccable dans le rôle de cette directrice froide, implacable et tyrannique dont on salue la providence de ne pas l'avoir eu comme mère.
On sera aussi comblé par la prestation de Mary Maude dans le rôle de la belle mais sadique Irène. Face à ces deux grandes prestations, le personnage principal de Theresa fraîchement débarqué dans cet institut et allant de surprise en découverte, incarné par Christina Galbò, suscite moins l'adhésion. Pareil pour John Moulder-Brown dans le rôle du fils de la directrice, quelque peu maladroit dans son jeu d'acteur. En ce qui concerne le jeu d'acteur, c'est donc en demi-teinte.

En conclusion, La Résidence n'est bien sûr pas un mauvais film. Le film s'apparente à une allégorie de Sade oùSerrador retranscrit le cauchemar totalitaire dans un pensionnat de jeunes filles soumises et réduites à l'impuissance la plus totale. Les nombreuses dénonciations font de La Résidence, une oeuvre froide, glauque, malaisante, parfois même dérangeante et loin d'être débile. Une métaphore de l'Espagne franquiste où les disparitions ne choquent finalement personne. Une critique acide sur l'hypocrisie de certains personnages pratiquant le catholicisme alors qu'ils se montrent dépravés et sadiques. Cependant, le réalisateur a eu le malheur de galvaniser dans un premier temps le spectateur pour faire retomber le soufflé via un scénario qui s'éternise parfois trop et sur une mise en scène brouillonne dans sa dernière partie. On pourra aussi parler des éclairages désastreux de certaines copies. Bref, ces derniers points font pas mal chuter la note finale de La Résidence qui ne peut tenir tête àLes Révoltés de l'an 2000, définitivement le chef d'oeuvre majeur du réalisateur.
Mais bon, ne soyons pas mauvaise tête, le film est raffiné et de qualité certaine (et à même le luxe de se payer une belle couverture), à condition de fermer les yeux sur certains défauts rédhibitoires.

 

Note :12/20

 

orange-mecanique Taratata

Saint-Tropez Interdit (Do you, do you Saint-Tropez)

$
0
0

saint tropez interdit

Genre : documentaire, shockumentary, Mondo (interdit aux - 16 ans)
Année : 1985

Durée : 1h11

Synopsis : Saint-Tropez, lieu paradisiaque, mais aussi symbole de débauches, de péchés et de vices. Saint-Tropez, temple des partouzes, des fêtes, des orgies et de la drogue. Dans cet endroit de rêve, il n'y a plus de frontière entre le bien, le mal, le vice et la vertu.  

La critique :

Le "Mondo", un genre cinématographique qui connaît sa quintessence dès 1962 avec le bien nomméMondo Cane, réalisé par Gualtiero Jacopetti, Franco Prosperi et Paolo Cavara. Le principe est à la fois basique et laconique. Sous couvert d'un documentaire, le long-métrage filme les us et les coutumes à travers le monde entier, en passant par les peuplades tribales et cannibales, ou encore par notre société consumériste et contemporaine, via notamment les Etats-Unis.
Le film regorge d'anecdotes tantôt choquantes, tantôt morbides, tantôt truculentes. Or, tout est faux, tout est factice. Les nombreuses saynètes, qu'elles soient pittoresques ou rutilantes, ne sont que des simulacres. Les protagonistes ne sont que de vulgaires quidams, donc des acteurs amateurs. C'est donc fort logiquement que Mondo Cane suscite les anathèmes et les quolibets lors de sa présentation en compétition au Festival de Cannes en 1962.

Opportunistes, Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi rempilent avec Mondo Cane 2 en 1963. Peu ou prou de surprises au programme puisque ce nouveau "documenteur" est principalement composé de chutes qui n'ont pas été retenues pour le premier chapitre. Mais Jacopetti et Prosperi s'ingénient et signent plusieurs shockumentaries outranciers, notamment Africa Addio (1966) et Les Négriers (1971). Mondo Cane engendre alors de nombreux épigones, entre autres Shocking Asia (Rolf Olsen, 1974), L'Amérique Interdite (Romano Vanderbes, 1977), Face à la Mort (John Alan Schwartz, 1978), ou encore Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980).
Tous ces documentaires virulents et érubescents, par ailleurs souvent interdits aux moins de 18 ans, flattent notre voyeurisme et ne sont que les oripeaux d'une société de plus en plus égotiste.

jaquette_vhs

Evidemment, cette mode du shockumentary inspire le cinéma français et notamment José Bénazéraf avec Saint-Tropez Interdit, réalisé en 1985. Certes, le nom de ce cinéaste ne risque pas de vous évoquer grand-chose. Pourtant, le réalisateur possède une filmographie foisonnante et exhaustive. On lui doit de nombreuses productions racoleuses, souvent à tonalitéérotique voire pornographique, entre autres Séquences Interdites (1975), Le Majordome est bien monté (1983), La Corrida Charnelle (1983), La Veuve Lubrique 2 (1984), ou encore L'Amant de Lady Winter (1983).
Nous ne sommes donc pas surpris de retrouver José Bénazéraf derrière Saint-Tropez Interdit, un film érotique déguisé en shockumentary, et réalisé avec la collaboration et la complicité de Georges Cachoux.

Le speech - ou plutôt le prétexte - est donc le suivant. Attention, SPOILERS ! Saint-Tropez, lieu paradisiaque, mais aussi symbole de débauches, de péchés et de vices. Saint-Tropez, temple des partouzes, des fêtes, des orgies et de la drogue. Dans cet endroit de rêve, il n'y a plus de frontière entre le bien, le mal, le vice et la vertu. Pour mémoire, L'Amérique Interdite nous montrait sournoisement une Amérique sous le joug de psychopathes un peu trop téméraires, qui tentent de calmer leurs satyriasis la nuit. Déjà, dans Mondo Cane, Chinois et Africains passaient pour des peuples barbares, obscènes et primitifs. Le "Mondo" s'est toujours peu ou prou auréolé de xénophobie, ainsi que de poncifs et de stéréotypes.
Vous pouvez donc oublier et phagocyter la ville de Saint-Tropez sous l'égide de l'adjudant Cruchot et de ses gendarmes d'infortune. 

téléchargement

Saint-Tropez reste avant tout une ville de bacchanales, de sexe, de drogue, de flics corrompus et de prostitution. Tel est l'apanage de Saint-Tropez Interdit !  Et José Bénazéraf ne nous refuse aucune excentricité et ce... Pour notre plus grand BONHEUR ! José Bénazéraf et Georges Cachoux opacifient leur propos via de longues homélies sur la mythologie grecque. Ainsi, culturellement, la ville de Saint-Tropez serait intrinsèquement reliée aux rituels de nos chers Athéniens.
Souvenez-vous... C'était jadis lorsque les hommes concupiscents cherchaient à copuler et à participer à des agapes et à des priapées. Parallèlement, José Bénazéraf nous sert d'interminables emphases sur l'évolution et la logique darwinienne, ainsi que de grands discours philosophiques sur les mucosités pulbo-palpables. Non, vous ne fabulez pas...

Tel est le propos proféré par Saint-Tropez Interdit. Et ce "documenteur" n'a pas à rougir de la comparaison avec les pires comédies franchouillardes des années 1980. Ce shockumentary érotique oscille sans cesse entre les pires moments de On se calme et on boit frais à Saint-Tropez (Max Pécas, 1987) et les rodomontades de Mon curé chez les Thaïlandaises (Robert Thomas, 1983). Vous l'avez donc compris. Saint-Tropez Interdit est donc d'une bêtise insondable et permanente.
C'est très simple. A chaque fois qu'une "actrice" - c'est un bien grand mot - apparaît à l'écran, c'est pour mieux se dévêtir et arborer ses imposantes protubérances. Ainsi, chaque minute du film est émaillée par de belles mijaurées largement défrusquées, qui s'adonnent à de longues séances de saphisme et de sadomasochisme.

french_lc_saint_tropez_interdit_set_of_8_b_NZ01317_L

A cela, s'ajoutent des vues panoramiques - toujours les mêmes - qui parsèment régulièrement ce "documenteur". Hélas, Saint-Tropez Interdit est sans cesse filmé et monté comme une vulgaire pellicule amateur. Donc rien de bien choquant dans ce shockumentary, si ce n'est un anulingus furtif, ainsi que des femmes sauvageonnes plus ou moins grimées en panthères. Car oui, Saint-Tropez Interdit est aussi profondément misogyne. Au mieux, les femmes passent ici pour des esgourdes peu farouches. Au pis, ce sont des actrices pornographiques habilement dévoyées par de vils proxénètes. Les flics, et c'est bien connu, ferment les yeux sur les trafics de stupéfiants.
Pis, la police de Saint-Tropez serait même le principal fournisseur de came ! Les gendarmes Cruchot et Gerber sont donc priés de réviser leur copie ! Saint-Tropez n'est donc pas seulement victime du naturisme mais d'une sexualité débridée que José Bénazéraf nous expose avec beaucoup d'outrecuidance. 
Bref, nous voici devant un OFNI (objet filmique non identifié) qui dépasse toutes les espérances en termes de nanardise et d'immondice. Vous voilà prévenus !

Côte :Nanar

sparklehorse2 Alice In Oliver

Les Nuits de Chicago (Et le film de gangster fut créé)

$
0
0

600x800_220294

Genre : Policier

Année : 1927

Durée : 1h21

 

Synopsis :

Bull Weed, un des chefs de la pègre à Chicago, a pris sous sa protection un ancien avocat ruiné par l'alcool, véritable épave surnommée Rolls Royce. Celui-ci est amoureux de Lucy, la compagne de Bull.

 

La critique :

Certes, le cinéma muet n'a jamais été l'un des genres de prédilection de Cinéma Choc. A cette époque, nous évoluions dans des films sages où la transgression et le subversif étaient la plupart du temps soit dérisoires, soit proprement inexistants. Alors que l'expressionnisme allemand vit son lot de films glauques représentés par le parangon du nom de Le Cabinet du Docteur Caligari (chroniqué sur le blog pour les intéressés), le cinéma américain demeurait, si je puis dire, plus terre-à-terre. Les romances fleurissaient ainsi que diverses épopées dont on songe directement aux controversés longs-métrages de Griffith taxés d'ouvertement racistes (Naissance d'une Nation et Intolérance bien évidemment).
Pourtant, en l'an de grâce 1927, un long-métrage vit le jour. Un long-métrage du nom de Les Nuits de Chicago (Underworld dans sa version originale). A la lecture du synopsis, rien qui ne vaille un intérêt notoire de passionner les foules. Néanmoins, si ce film fait l'objet d'une chronique, c'est bien parce qu'il est considéré selon les spécialistes comme le point de départ du film de gangster et peut-être même du film noir.

Vous l'avez compris, on tient là une oeuvre importante du cinéma qui est quelque peu retombée dans l'oubli alors que ses apports furent inestimables pour tous les films qui en découlèrent dont le Scarface de 1932. Le réalisateur derrière ce projet est Josef Von Sternberg, réalisateur important du vieux cinéma qui est malheureusement lui aussi un peu retombé dans l'oubli, et qui accoucha d'oeuvres notoires. On lui devra, outre L'Ange Bleu considéré comme son chef d'oeuvre absolu, le passionnant The Shanghaï Gesture, Blonde Venus ou encore Crime et Châtiment dont je ne garde par contre pas grand souvenir. Soit, on se retrouve ici en présence du tout premier film du réalisateur chroniqué sur le blog. Est-ce que, avec presque 90 ans au compteur, Les Nuits de Chicago peut toujours s'enorgueillir de sa réputation ? Réponse dans la critique.

57378555

ATTENTION SPOILERS : A Chicago, le mafieux Bull Weed prend sous sa protection son ex-avocat, ruiné et alcoolique. Celui-ci, surnommé Rolls Royce, tombe amoureux de Feathers, la petite amie du criminel. Outre la menace de perdre Feathers, qui ne l'a jamais aimé, Weed doit également défendre son territoire et ses affaires contre les visées de Buck Mulligan, son grand rival. Ce gangster brutal et ambitieux n'hésite pas à déclencher une guerre sanglante entre gangs.

Je ne vais pas vous mentir en disant qu'il est toujours gratifiant de visionner une oeuvre emblématique du cinéma. Il est d'ailleurs encore plus gratifiant de visionner une oeuvre qui posa les bases d'un style entier qui accoucha par la suite de nombreux classiques du cinéma. Regarder Les Nuits de Chicago, c'est faire un bond dans le temps et être aux premières loges d'un enrichissement notoire du septième art. Von Sternberg met donc en scène un rejeté de la société ruiné et alcoolique qui aura la chance de croiser sur son chemin un ponte de la mafia locale en la personne de Bull Weed.
Ce chef de gang est loin de la racaille de service mal élevée et est représentée comme un homme élégant, exubérant avec, à ses côtés, un homme de main, la version gentille de Goebbels, et de l'autre une "poule" qui n'est avec lui que pour la protection et l'argent. Un soir, dans une petite guinguette, une rixe éclate car notre avocat ruiné refusa de s'humilier à ramasser un billet que jeta par terre Buck Mulligan. Celui-ci apparaît comme une brute épaisse, impulsive et l'incarnation même de la violence bestiale. Vous pouvez dès lors observer ici ces caractéristiques flagrantes et propres aux futurs films de gangster, Scarface de 1932 en tête pour me répéter.

Après avoir été pris sous la protection de Weed, l'avocat, surnommé Rolls Royce, tombe amoureux de Feathers, la petite amie de Weed et si celle-ci, dans un premier temps, ne fait guère attention à lui, elle finira par s'y intéresser. Une relation amoureuse et passionnelle entre le héros de l'histoire et la copine du gangster prend forme. Un point que nous retrouverons encore dans le futur du genre. Weed va, alors, se retrouver face à deux fronts. D'un côté, la peur de perdre Feathers dont il se rend compte qu'elle est tombée amoureuse de Rolls Royce et de l'autre la menace de Mulligan bien décidéà se venger de l'humiliation qu'il a subi dans le bar. Malgré ce récit pour le moins banal, il faut bien réaliser qu'à sa sortie, il s'agissait là d'une véritable innovation. Visionner Les Nuits de Chicago, c'est devoir être indulgent et regarder avec un oeil de fin des années 20 ce récit dont les caractéristiques furent pompées et repompées, en bien mais malheureusement aussi en mal par moment.

Underworld(6)

En cela, il est dommage de voir que Les Nuits de Chicago pourrait sembler dérisoire aujourd'hui tant nous sommes habitués à ce type de poncifs. A côté, Von Sternberg accumule de nombreux lieux qui seront eux aussi présents dans les futurs films de gangster à venir tels que le bar, comme j'ai dit, mais aussi la fête de bal, la planque cachée derrière une bibliothèque (un cliché aujourd'hui mais pas en 1927) et sans oublier la prison. Si l'on se base d'un point de vue scénaristique, il n'y a pas ou peu de rebondissement. L'intrigue suit un cheminement classique et carré qui jonglera à la fois entre l'histoire d'amour naissante et la confrontation de deux gangsters. Pourtant, Von Sternberg n'arrive pas à rendre plat son histoire et suscite notre intérêt sur la durée tout en nous rinçant les yeux avec sa très belle photographie habituelle en noir et blanc. On pensera aux superbes plans chez le fleuriste n'étant autre que Buck Mulligan.
Un joli paradoxe entre la personnalité brutale et le métier, c'est le moins qu'on puisse dire, à fleur de peau qui fonctionne bien. On pensera aussi au bal des gangsters avec cet enchevêtrement de serpentins, alors que bon nombre sont au pays des fées après avoir fini leur verre de trop.

L'image est exemplaire et confirme bien le talent du réalisateur pour nous servir de belles scènes. Même la prison, froide et austère, bénéficiera de très beaux plans. Les amoureux de photographie seront comblés et ceci additionnéà une bande sonore de qualité, font que Les Nuits de Chicago est exemplaire en terme esthétique. Ceci renforcera cet intérêt, à défaut d'une intensité agrippant le spectateur par la gorge, sur la durée démocratique de 81 minutes. Aucun allongement inutile n'est de mise. C'est du bon boulot. En ce qui concerne le jeu d'acteur, on retrouve au casting George Bancroft, Brent Evelyn, Brook Clive, Kohler Fred ou encore Semon Larry. A ce niveau, on pourra râler sur l'exagération du jeu d'acteur des deux gangsters majeurs, donc Bancroft dans le rôle de Bull Weed et Fred dans le rôle de Buck Mulligan. Leurs expressions faciales de rire ou de colère sont parfois trop forcées et peuvent vite agacer. Certes, le film muet a un style théâtral mais quand c'est trop, c'est trop.
On pourra aussi râler sur la prestation parfois fort monolithique de Clive dans le rôle de Rolls Royce. On sera par contre séduit par le charme de Brent Evelyn incarnant Feathers et qui est une démonstration de plus de toute la classe des actrices de l'époque. Ceci dit, on n'atteint pas la quasi perfection de The Shanghaï Gesture dans la beauté des actrices principales.

57378572

En conclusion, Les Nuits de Chicago est un témoignage très intéressant d'une époque où les gangsters raffinés mais cruels arpentaient les rues. Si, avec le recul de notre époque, le long-métrage peut sembler un peu désuet, il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'un film majeur du septième art qui mériterait d'être redécouvert, compte tenu de sa confidentialité dans laquelle il a sombré depuis un moment. Si l'on pourrait pester envers un récit pas spécialement captivant, il s'agit, et je le dis et le répète, de se remettre dans le contexte de l'époque. Seul le jeu d'acteur pas spécialement au top peut être à reprocher. En dehors de cela, la superbe photographie et le charme type des années 20 sont aux abonnés présent et font de Les Nuits de Chicago, un film de grande qualité dont on remercie Von Sternberg d'avoir été le précurseur du film noir. Maintenant, aux intéressés inconditionnels du support physique, je vous souhaite bonne chance pour trouver un DVD ou même une simple VHS.

 

Note :15/20

 

orange-mecanique   Taratata

Don't Breathe - La Maison des Ténèbres (Dieu n'existe pas)

$
0
0

don't breathe

Genre : thriller, horreur (interdit aux - 16 ans)
Année : 2016

Durée : 1h28

Synopsis : Pour échapper à la violence de sa mère et sauver sa jeune sœur d’une existence sans avenir, Rocky est prête à tout. Avec ses amis Alex et Money, elle a déjà commis quelques cambriolages, mais rien qui leur rapporte assez pour enfin quitter Détroit. Lorsque le trio entend parler d’un aveugle qui vit en solitaire et garde chez lui une petite fortune, ils préparent ce qu’ils pensent être leur ultime coup. Mais leur victime va se révéler bien plus effrayante, et surtout bien plus dangereuse que ce à quoi ils s’attendaient.   

La critique :

Le home invasion ou un genre qui va connaître son apogée au début des années 1970 avec La Dernière Maison sur la Gauche (Wes Craven, 1972), un film qui mélange savamment huis clos oppressant et rape and revenge, un autre registre horrifique en vogue à la même époque. Bientôt, ce sont d'autres classiques qui pullulent dans les salles obscures ou par l'intermédiaire de la vidéo. Au hasard, comment ne pas citer Mother's Day (Charles Kaufman, 1980), Black Christmas (Bob Clark, 1974), le trop méconnu Le Sous-Sol de la Peur (Wes Craven, 1991), La Maison au fond du Parc (Ruggero Deodato, 1980), Funny Games (Michael Haneke, 1998), ou encore Kidnappés (Miguel Angel Vivas, 2010) ?
Si le home invasion peut se targuer de nombreux classiques, ce sous-genre horrifique et mâtiné de thriller se révèle néanmoins erratique et redondant.

Les récents You're Next (Adam Wingard, 2012) et Intruders (Adam Schindler, 2015) ont laissé un arrière-goût d'amertume et de désappointement. Que soit. Fede Alvarez est prêt à relever le défi avec Don't Breathe - La Maison des Ténèbres, réalisé en 2016. En l'occurrence, le cinéaste uruguayen s'est essentiellement illustré dans les courts-métrages par l'intermédiaire du site YouTube. Le metteur en scène est alors repéré par Sam Raimi qui le somme de réaliser le remake homonyme de Evil Dead en 2013. Pour son tout premier long-métrage, Fede Alvarez doit réitérer la performance de Sam Raimi en son temps et s'attaque à un vrai classique du cinéma gore et horrifique.
Hélas, le cinéaste uruguayen ne réédite pas l'exploit ni les fantasmagories funestes de son auguste épigone.

images

A contrario, Fede Alvarez ne démérite pas derrière la caméra. Mais les principales diatribes tancent et admonestent une pellicule qu'elles jugent trop violente et érubescente. Qu'à cela ne tienne. Fede Alvarez s'attelle à un nouveau projet. Son titre ? Don't Breathe - La Maison des Ténèbres. Avec ce second long-métrage, le réalisateur a bien l'intention de démentir les critiques et de signer un pur film de tension, dans la grande tradition du home invasion.
De surcroît, Fede Alvarez peut toujours compter sur le soutien indéfectible de Sam Raimi, producteur du film. Au moment de sa sortie, Don't Breatheécope carrément d'une interdiction aux moins de 16 ans et est donc répertorié parmi les longs-métrages horrifiques. Pourtant, sur la forme, Don't Breathe ne s'apparente pas vraiment à un film d'épouvante, mais plutôt à un thriller qui n'est pas sans rappeler, par certaines accointances, le concept de Panic Room (David Fincher, 2002).

Rapidement, Don't Breathe se distingue dans divers festivals et ne tarde pas à s'auréoler d'une sulfureuse réputation sur la Toile et les réseaux sociaux. Certains fans évoquent même un film culte en devenir. Reste à savoir si Don't Breathe mérite un tel panégyrisme. Réponse dans les lignes à venir... La distribution du long-métrage réunit Stephen Lang, Jane Levy, Dylan Minnette, Daniel Zovatto et Franciska Töröcsik. Attention, SPOILERS ! Pour échapper à la violence de sa mère et sauver sa jeune sœur d’une existence sans avenir, Rocky est prête à tout.
Avec ses amis Alex et Money, elle a déjà commis quelques cambriolages, mais rien qui leur rapporte assez pour enfin quitter Détroit. Lorsque le trio entend parler d’un aveugle qui vit en solitaire et garde chez lui une petite fortune, ils préparent ce qu’ils pensent être leur ultime coup.

téléchargement (1)

Mais leur victime va se révéler bien plus effrayante, et surtout bien plus dangereuse que ce à quoi ils s’attendaient. On comprend mieux pourquoi Sam Raimi est aussi dithyrambique à l'égard de Fede Alvarez, à tel point que le réalisateur et le producteur, par ailleurs transformé en mentor, ne lâche plus son jeune élève et semble diriger ses pas, encore tremblotants, dans le cinéma horrifique. Avec Don't Breathe - La Maison des Ténèbres, c'est un nouvel exercice de style que Sam Raimi propose et impose à Fede Alvarez, un huis clos horrifique qui repose sur une étrange dichotomie.
En outre, les deux cinéastes avisés ne s'embarrassent pas avec une introduction trop longue ni des présentations trop abstraites. Ainsi, les principaux personnages, au nombre de quatre, sont prestement évincés au profit d'un enfermement dans les méandres des ténèbres.

Rocky et ses compagnons d'infortune ne sont que de petits larrons qui multiplient cependant les déprédations. 
Leur prochaine cible ? La demeure d'un vieil homme aveugle. A priori, cette prochaine mission s'avère particulièrement aisée en raison de la même cécité de l'homme qui vit dans de longs couloirs obombrés. Mais Fede Alvarez referme subrepticement la trappe sur ses divers protagonistes. Contre toute attente, l'homme malvoyant se montre d'une redoutable célérité, massacrant l'un des amis de Rocky avec une incroyable dextérité.
Et Don't Breathe repose, derechef, sur ce formidable antagonisme. 
Ce sont ceux qui voient qui sont condamnés à exhaler leur dernier soupir dans une maison transmutée en antre de l'horreur. A contrario, c'est le malvoyant qui maîtrise au mieux cet espace semé d'embûches. 

téléchargement (2)

Surtout, l'habitat révèle peu à peu ses nombreuses anfractuosités. Ainsi, la tension monte crescendo et Fede Alvarez s'ébaudit de ses protagonistes et des situations anxiogènes qu'il leur tend au fur et à mesure de leur progression dans la maisonnée. De surcroît, le cinéaste tient un vrai sociopathe, celui qui assaille et ne fait pas de prisonnier. Ou alors c'est pour mieux les étriper. "Dieu n'existe pas !" s'écrie le psychopathe amblyope. En résulte un thriller et un huis clos horrifique réalisé avec beaucoup d'acuité, c'est le cas de le dire, tant les différents sens sont mis à rude épreuve.
Certes, Fede Alvarez exploite son concept à satiété et brosse le portrait de personnages crédibles. Néanmoins, en dépit de sa malice, le paradigme en lui-même fait montre parfois de frilosité. Par exemple, était-il absolument nécessaire de dévier, voire même de dériver, vers le torture porn et le quasi found footage dans la seconde partie ? Par instances, Fede Alvarez retrouve les vieux réflexes de naguère et de son remake d'Evil Dead. On aurait apprécié, dès le départ, que le metteur en scène opte directement pour le film gore, et non pas de faire autant la fine bouche dans une première partie en forme de cache-cache, et par ailleurs trop longuette. Si Don't Breathe ne révolutionnera pas le home invasion, il se situe toutefois au-dessus de la moyenne habituelle et se montre bien plus probant que le décevant You're Next.

Note : 13/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Bernie ("Ah les enculés !")

$
0
0

vWW9p9F442ARHqb6jG0GGx7eLqS

Genre : Comédie dramatique (interdit aux - 12 ans)

Année : 1996

Durée : 1h27

 

Synopsis :

Quand il quitte l'orphelinat, Bernie Noël est âgé de trente ans. Il n'a qu'un seul but : connaître ses origines. Commence alors un parcours semé d'embûches pour ce garçon névrosé et déconnecté du monde réel qui va semer le désordre partout où il passera.

 

La critique :

Ca faisait longtemps que le cinéma français ne s'était plus invité sur le blog. En cause, le fait que le transgressif, le subversif et la violence ne soient pas aimés de critiques bienpensantes à la ramasse. Inutile de ressortir les exemples habituels des films français qui ont subi le courroux de ceux qui ne savent pas réaliser que violence ne s'associe pas nécessairement à connerie sans nom. Ici, pas de ça aujourd'hui, on verse dans la comédie dramatique. Un comble me direz vous ! Une comédie dramatique sur Cinéma Choc, on aura tout vu. Oui mais attention on ne parle pas de la dernière saleté narrant la vie de deux ploucs en fin de vie du fin fond de la Bretagne avec en bonus, une bonne dose de niaiserie et de politiquement correct vomitif. Non nous parlons du cas de Bernie, réalisé de la plume dérangée de Albert Dupontel.

Ce nom vous dira probablement quelque chose vu que l'acteur/humoriste/réalisateur incarna Pierre, le meilleur ami de Marcus dans le controversé et polémique Irréversible (chroniqué sur le blog pour les intéressés). En dehors de cela, on le retrouvera dans de longs-métrages plébiscités comme Un Long Dimanche de Fiançailles, L'Ennemi Intime ou encore Neuf Mois Ferme. De fait, Dupontel reste un personnage hors norme dans le paysage cinématographique français qui apprécie apporter une bouffée d'air frais et qui se permet en plus d'être pleinement reconnu. Cette reconnaissance démarra déjà avec Bernie, son premier long-métrage, grâce auquel il fut nommé aux Césars dans la catégorie "meilleure première oeuvre". Ce film restera d'ailleurs ce qui est considéré par beaucoup comme le summum de Dupontel. Summum qui s'attira l'hostilité de nombreuses critiques. Une telle différence entre les notes des critiques spectateurs et les critiques presse ne peut dire qu'une seule et unique chose. Mais passons à la critique.

Bernie

ATTENTION SPOILER : A 30 ans, Bernie décide que le temps est venu pour lui de quitter l'orphelinat où il a grandi et d'affronter le vaste monde qui l'entoure. Il commence par rechercher la trace de ses parents et découvre qu'à l'âge de deux semaines, ils l'ont tout bonnement jeté dans le vide-ordures. Bernie se refuse à admettre cette douloureuse vérité et s'imagine avoir été enlevé, à l'occasion d'un mystérieux complot. Il tombe amoureux d'une fleuriste paumée et droguée, Marion, puis retrouve son père devenu clochard. Sa mère, elle, est remariée à un riche bourgeois. Tout à son obsession de réunir ses parents, Bernie massacre la nouvelle famille de sa mère et séquestre cette dernière.

Drôle de synopsis que voilà. J'en reviens à ce que je disais avant : Pourquoi de telles disparités au niveau des critiques ? Eh bien tout simplement parce que Bernie est un autre exemple type de film que l'on va soit adorer, soit détester. Il faut le dire, Dupontel n'y va pas avec le dos de la cuillère et assume son style si particulier jusqu'au bout en narrant une histoire dramatique, tournée avec une bonne dose de grotesque. C'est l'histoire d'un enfant simplet, attardé qui se retrouve dans le vaste monde à la recherche de ses parents qui s'en sont débarrassés. De fait, le film démarre avec la tête de Bernie traversant un buisson de lierre dont la forme rappelle sérieusement le vagin. Une séquence symbolique de la venue au monde du personnage. Mais il est fini le temps de la vie à l'orphelinat et notre curieux lascar décide de partir dans le but précis de retrouver sa famille. C'est l'occasion pour Dupontel de mettre en scène des personnages laids, des marginaux, des exclus d'une société qui tend à les faire disparaître ou les prend de haut. Rien n'est beau dans Bernie. On côtoie la misère des bas quartiers avec ces cités disparates et on pourra même observer de véritables SDF à l'écran dans la séquence de l'échangeur.

Le cinéaste ne cherche pas seulement à conter une histoire atypique mais à mettre en lumière une misère sociale en totale contradiction avec le bien-être des habitants des hauts quartiers. On a affaire à une dichotomie sociale intéressante et c'est ce qui rend le film si interpellant sur les bords, alors que nous sommes à l'avènement du 21ème siècle et qu'au final, rien n'a vraiment changé. La pauvreté est toujours présente et s'est même empirée et les exclus de la société sont toujours là. Bernie, c'est un film qui tape du poing sur la table et nous pouvons comprendre pourquoi il dérangeait et dérange peut-être encore certains. A cet état de fait, Dupontel transmute son récit cruel d'un enfant abandonné au 36ème degré en intégrant un humour très spécial. Un humour qui ne plaira pas à tout le monde et pourra agacer comme charmer ceux qui adhèrent à ce style. Il faut le dire, certaines séquences sont jubilatoires comme la scène dans la volière d'un vieux paumé d'une cité ou celle dans la maison bourgeoise. 

Albert-Dupontel-bernie-film

Dupontel parvient à alléger la cruauté de son récit en le déversant dans un humour grotesque. Ceci dit, son humour est, comme je l'ai dit avant, sa principale faiblesse car certains risquent d'être vite agacé par le comportement imbécile de Bernie. Pourtant, difficile de résister à cette accumulation de séquences incongrues. Contre toute attente, le cheminement scénaristique est curieusement crédible malgré la folie ambiante. Bernie finira par s'énamourer avec Marion, jeune toxicomane perdue dans la vie et issue aussi de la cité, partant dans une sorte de croisade surréaliste. Il est persuadé qu'un complot contre elle et lui se trame. Dans sa dernière partie, Bernie n'est pas sans rappeler un mélange particulier entre Pierrot le Fou et Bonnie And Clyde. Un ton volontairement anarchiste en émerge comme dans cette réplique devenue culte "C'est la société qu'est bien foutue. Ils mettent des uniformes aux connards pour qu'on puisse les reconnaître".

Dupontel, outre son humour particulier, radicalise encore le film en incorporant une violence frontale inattendue. Si l'on excepte la critique acide de la société dont j'ai parlé plus haut, on pourra assister à plusieurs tabassages dans les règles de l'art, un homme en chaise roulante percuté de plein fouet par une voiture ou encore à un coup de fusil à pompe à bout portant en pleine tête. Encore ici, le réalisateur parvient à procurer une dimension comique à cette violence. Bon ça fera mouche chez certains qui hurleront de rire ou ça sera de mauvais goût pour d'autres. Vous pouvez aussi ajouter quelques séquences explicites de prise d'héroïne en intra-veineuse et après avoir mixé le tout, vous obtenez une sympathique interdiction aux moins de 12 ans qui n'est pas usurpée mais qui parvient àêtre atténuée avec le 36ème degré dont jouit l'oeuvre. Ca permet aussi de combattre un hypothétique manque de gnac qui aurait pu s'installer si on en serait resté aux simples gags. On a donc en prime un film globalement prenant mais qui plaira comme il pourra exténuer. C'est à double tranchant.

103255092_o

Au niveau esthétique, on ira à l'essentiel. C'est laid, vraiment laid. La faute revient bien évidemment au fait de représenter un univers où aucun personnage n'est à sauver donc inutile de rechercher un semblant de lueur d'espoir ou de beauté dans ce récit. Cependant, ça s'est déjà vu des films où, malgré tout, le réalisateur parvenait à installer une classe et un charme particulier à des décors moches. Hors ici, ça reste terne dans le mauvais sens du terme. On a bien sûr pas mal de beaux plans mais il y a beaucoup de plans moins ravissants, surtout ces nombreux gros plans sur le visage des personnages. La bande sonore est assez terne elle aussi. Le casting, là est de grande qualité entre un Albert Dupontel complètement déjanté dans le rôle de Bernie Noël. On aura aussi la sympathique Claude Perron dans le rôle de cette crapule avide d'argent du nom de Marion. Roland Blanche est jouissif dans le rôle du père psychopathe, tout comme Hélène Vincent, dans le rôle de la mère. Tous sont pleinement investis dans la peau de leurs personnages.

En conclusion, Bernie est une réussite plus ou moins globale qui peut s'enorgueillir d'apporter un souffle d'air frais dans le paysage de la comédie française fort cloisonné. Dupontel nous livre un film atypique où, à la comédie grossière et politiquement incorrecte, s'additionne une féroce critique du traitement des marginaux reclus à l'extérieur de la belle ville et parqués dans des HLM ou sous un pont. L'idée est intelligente mais est à double tranchant et il n'est pas étonnant de tomber sur des spectateurs sceptiques du traitement proposé. Pourtant, il ne fait aucun doute que Bernie a une réelle puissance en lui et si on peut lui reprocher un visuel moche, une fin assez ratée et une débilité qui ne fait pas tout le temps mouche, on reste quand même charmé  devant cette comédie outrancière. Une comédie jubilatoire sur un fond moche. Des acteurs proprement dégueulasses mais attachants. C'est ça qui fait la force de Bernie.

 

Note :14,5/20

 

 

orange-mecanique   Taratata

Viewing all 2562 articles
Browse latest View live