Genre : fantastique (interdit aux - 12 ans)
Année : 1983
Durée : 1h50
Synopsis : (1) Elle est sulfureuse, belle et attirante, elle s’appelle Christine, elle est aussi possessive et cruellement jalouse… Mais Christine est une voiture, pas n’importe laquelle, à l’instar des autres voitures, Christine est dotée de sentiments. Parfois, il est même inutile de prendre les commandes de son volant, Christine sait très bien y faire toute seule, autonome et dotée d’une jalousie implacable et d’une cruauté sèche et gare à celle ou celui qui lui voudrait du mal… (1)
La critique :
La voiture meurtrière voire sociopathique et habitée par un esprit méphistophélique, un thème plutôt insolite dans le noble Septième Art et dans le cinéma fantastique et horrifique en particulier. Pour trouver les premiers reliquats de cette mécanique vrombissante et luciférienne, il faut remonter aux années 1970 avec Enfer Mécanique (Elliot Silverstein, 1977). A l'époque, la mécanique et ses corollaires connaît un succès fulgurant dans les salles obscures et par le biais de la vidéo.
Duel (Steven Spielberg, 1971) et La Course à la Mortde l'An 2000, aka Les Seigneurs de la Route (Paul Bartel, 1975), corroborent cette didactique. A l'époque, la sortie d'Enfer Mécanique - soit The Car dans la langue de Shakespeare - n'a pas spécialement soulevé l'enthousiasme ni laissé un souvenir indélébile, principalement en raison d'un scénario redondant et amphigourique.
Les véhicules ne sont plus seulement de simples engins inventés et créés par l'homme, mais constituent également une menace à part entière. Une leçon doctement retenue par Stephen King qui écrit, en 1983, un opuscule, sobrement intituléChristine. Pour les thuriféraires du maître de l'épouvante, Christine est un roman assez décevant et souvent considéré comme l'un des moins éloquents dans une bibliographie à la fois foisonnante et exhaustive. Toutefois, après le succès commercial de Mad Max (George Miller, 1979) puis de Mad Max 2 : le défi (George Miller, 1982), les automobiles rugissantes constituent toujours la panacée d'un cinéma qui oscille entre les registres de l'action, de l'anticipation, de la science-fiction, de l'épouvante et du genre fantastique. C'est dans cette dialectique qu'une adaptation éponyme de Christine est envisagée et même tournée la même année par les soins de John Carpenter.
A l'époque, le metteur en scène est en plein marasme et en pleine déliquescence. John Carpenter ressort harassé et dépité du tournage de The Thing (1982), un film d'horreur qui a essuyé un véritable camouflet lors de sa sortie en salles. A contrario, le cinéaste garde toujours la confiance de ses producteurs. Néanmoins, John Carpenter est sommé de rattraper cet échec commercial via un long-métrage beaucoup plus traditionnel et à des années-lumière des excentricités rougeoyantes de The Thing. Pragmatique, John Carpenter décide d'euphémiser ses ardeurs.
Il se polarise alors sur le roman de Stephen King qu'il souhaite diligenter en respectant le moindre point-virgule. Pour le réalisateur, ce nouveau film est aussi une nécessité surtout s'il veut poursuivre sa carrière émérite dans l'univers galvaudé d'Hollywood.
Certes, Christine sera reniée et même fustigée par Stephen King en personne. A l'inverse, le film se solde par un véritable plébiscite lors de son exploitation dans les salles obscures, suffisamment pour assurer la pérennité de John Carpenter dans le cinéma hollywoodien. Pourtant, pour le cinéaste, Christine ne constitue qu'un film de commande sur lequel il ne souhaite pas s'appesantir, si ce n'est derrière la bande originale du ong-métrage, par ailleurs composée par un John Carpenter métronomique.
La distribution du film se compose de John Stockwell, Keith Gordon, Alexandra Paul, Robert Prosky, Harry Dean Stanton, Christine Belford, David Spielberg, Roberts Blossom, William Ostrander et Kelly Preston. Attention, SPOILERS ! (2) Arnie Cunningham, un adolescent timide, mal dans sa peau et complexé, est le souffre-douleur de ses camarades de classe, qui le considèrent comme un loser et un raté.
Un jour, il tombe sous le charme, en se promenant avec son meilleur ami Dennis, d'une Plymouth Fury de 1958, rouge automne, en très mauvais état, baptisée Christine. Contre l'avis de son ami Dennis Guilder, Arnie acquiert la voiture et la remet en état dans un garage. Il commence alors à changer de personnalité, devenant plus sûr de lui, allant même jusqu'à inviter la plus jolie fille du lycée, Leigh. Christine réagit de manière négative à la présence de sa petite amie, et réagit encore plus violemment à sa destruction par des lycéens de la classe d'Arnie.
Se reconstruisant d'elle-même, elle part à la chasse de ses vandales qu'elle tue, un par un, puis s'en prend ensuite à son unique rivale, Leigh (2). Pour la petite anecdote, le roman originel est dédiéà George A. Romero.
Pourtant, de l'aveu de Stephen King lui-même, Christine (le livre) fait partie de ces romans certes proverbiaux mais peu appréciés par le cacographe, en raison d'une écriture parfois incertaine et alambiquée. Reste à savoir si John Carpenter va parvenir (ou non) à transposer un script de base peu ou prou famélique sur grand écran. Le maître de l'horreur a parfaitement cerné la quintessence de l'opuscule originel. Christine (le film) n'est pas vraiment un long-métrage fantastique qui se polarise sur un bolide furibond et machiavélique. De facto, l'apparition de cette cylindrée bilieuse n'est qu'un leurre pour mieux farder ce choc générationnel. Telle est la thématique primordiale de ce film estudiantin.
Par certaines accointances, le scénario de Christine n'est pas sans évoquer celui de Carrie au bal du Diable (Brian de Palma, 1977).
A l'instar du chef d'oeuvre horrifique de Brian de Palma, le métrage de John Carpenter se nimbe lui aussi d'une forte tension érotique et sexuelle. Au volant de son véhicule, le jeune Arnie devient un criminel de la route qui se venge de ses assaillants. D'un étudiant binoclard, débonnaire et pudibond, Arnie se transmute en un sociopathe vindicatif au volant de Christine. Chez ses parents, le jeune impudent montre aussi un comportement véhément, se regimbant contre l'autorité patriarcale.
Au détour d'une rixe, Arnie agonise son paternel d'injures, provoquant l'ire et la scissure de la sphère familiale. Ipso facto, la jolie Plymouth Fury de 1958 devient la révélatrice de sa véritable nature, celle d'un prédateur et d'un transgresseur. Le jeune insubordoné revêt bientôt les oripeaux d'un séducteur en s'énamourant de la belle Leigh Cabot, soit la fille la plus prisée du lycée.
Mais gare à ceux et à celles qui tentent de s'immiscer entre Arnie et Christine sous peine de provoquer les ardeurs psychopathiques de l'automobile ! Certes, John Carpenter n'élude pas toujours les poncifs et les stéréotypes habituels via cette bande de jeunes gredins. Hélas, ces malotrus ont l'outrecuidance de s'attaquer à Christine, laissant derrière eux un amas de ferrailles. Mais la Plymouth a plus d'un tour dans son capot et continue de malmener l'esprit déjà tourmenté d'Arnie, au grand dam de sa famille, de sa fiancée et de son meilleur ami, Dennis Guilder.
Studieux, John Carpenter nous gratifie de plusieurs saynètes fantastiques savamment aiguisées. Toutefois, le metteur en scène ne paraît pas vraiment concerné par cette historiette estudiantine sur fond de malédiction. En outre, Christine ne risque pas de contrarier l'hégémonie de Carrie au Bal du Diable sur le cinéma d'épouvante. En résulte un long-métrage fantastique réalisé avec parcimonie, guère plus. En dépit de ses qualités inhérentes, Christine ne parvient jamais (ou trop rarement...) à magnifier son sujet ni ses personnages. Par exemple, difficile de ressentir la moindre empathie envers Arnie, un étudiant embrigadé par les roueries de son propre véhicule.
Mais que les adulateurs de John Carpenter se rassurent. A défaut de réaliser une grande pellicule, le cinéaste retrouve par instants cette érudition de naguère.
Note : 14/20
(1) Synopsis du film sur : http://cinemaclubfr.fr/christine-realise-par-john-carpenter-par-rudyll55/
(2) Second synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Christine_(film,_1983)