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La Grande Bellezza (Roma e la piu bella)

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Genre : Comédie dramatique

Année : 2013

Durée : 2h21

 

Synopsis :

Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella, un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse, jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité. Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "l’appareil humain", c’est le titre de son roman, et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre àécrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysant…

 

La critique :

Le néoréalisme italien est, à n'en point douter, l'un des courants les plus esthétiques et grandiloquents de l'histoire du Septième Art. Accordant une grande importance à l'esthétique, au souci du détail, le but est de valoriser les décors italiens en faisant évoluer ses personnages à l'intérieur. Afficher, montrer l'architecture et la vie de personnes. Ce courant est aussi, sans surprise, le plus célèbre du cinéma italien. Porté au firmament par le biais de génies professionnels tels Federico Fellini, Luchino Visconti, Michelangelo Antionioni, Vittorio De Sica ou Roberto Rossellini, il s'est forgé ses lettres de noblesse à tel point que passer à côté constituerait une insulte faite au cinéma.
A l'heure actuelle, certains tentent de poursuivre le travail de leurs aînés en leur faisant honneur et en remettant au goût du jour leur gloire passée mais pas seulement. Remettre en avant la beauté formelle des images, des décors italiens est un objectif de taille que certains veulent faire. Cela sera le cas d'un des plus illustres cinéastes italiens contemporains du nom de Paolo Sorrentino. Chouchou du prestigieux Festival de Cannes comme certains aiment le scander, il est à ce jour l'auteur de huit long-métrages. Une carrière commençant avec deux court-métrages inconnus avant de réaliser, en 2001, L'Homme en plus, nanti déjà du Ruban d'argent du nouveau meilleur réalisateur. Dès son deuxième film, il accèdera à la renommée internationale avec Les Conséquences de l'Amour, sélectionné en compétition officielle à Cannes et remportant, à nouveau, un prix qui est celui du Grand Prix du festival de film de Cabourg.

Inutile de présenter le restant de ses films, faisant toujours mouche là où ils sont présentés, à un point tel où il est souvent cité comme l'un des plus grands de son époque. Aujourd'hui, nous allons nous centrer sur son film le plus célèbre, le plus reconnu, du nom de La Grande Bellezza (La Grande Beauté en français), sorti en 2013. Un succès de taille, c'est le moins qu'on puisse dire, car, outre le fait qu'il obtint de nombreux prix à travers le monde, c'est le Golden Globes et l'Oscar du meilleur film en langue étrangère qui lui sera accordé dans une consécration généralisée. Tant qu'à faire, le prix du meilleur réalisateur aux Prix du Cinéma Européen sera accordé dans la foulée. Etrangement, il n'aura aucune distinction à Cannes. Avec ce titre, il fut souvent comparéàFellini dont certains s'accordent à dire qu'il en serait le fils spirituel, le digne détenteur de la maestria transalpine, la "bellezza italiana".
Cette chronique ne sera pas portée seulement à présenter avec panache cette oeuvre d'exception. Elle sera particulière dans le sens où elle fut l'une des principales instigatrices de la naissance de ma passion du cinéma. Elle m'ouvrit la porte au cinéma d'auteur et à une nouvelle vision du cinéma portée sur un grand souci de l'esthétique et de la beauté des images. Rien que ça mérite assurément une chronique mais pas que. Sous son apparat de raffinement sans égal, ce film se révèle, en fin de compte bien plus perturbant qu'il n'en a l'air dans ses thématiques. Objectif double : présenter une pellicule complexe et le faire avec érudition.

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ATTENTION SPOILERS : Rome dans la splendeur de l’été. Les touristes se pressent sur le Janicule : un Japonais s’effondre foudroyé par tant de beauté. Jep Gambardella, un bel homme au charme irrésistible malgré les premiers signes de la vieillesse, jouit des mondanités de la ville. Il est de toutes les soirées et de toutes les fêtes, son esprit fait merveille et sa compagnie recherchée. Journaliste à succès, séducteur impénitent, il a écrit dans sa jeunesse un roman qui lui a valu un prix littéraire et une réputation d’écrivain frustré : il cache son désarroi derrière une attitude cynique et désabusée qui l’amène à poser sur le monde un regard d’une amère lucidité.
Sur la terrasse de son appartement romain qui domine le Colisée, il donne des fêtes où se met à nu "l’appareil humain", c’est le titre de son roman, et se joue la comédie du néant. Revenu de tout, Jep rêve parfois de se remettre àécrire, traversé par les souvenirs d’un amour de jeunesse auquel il se raccroche, mais y parviendra-t-il ? Surmontera-t-il son profond dégoût de lui-même et des autres dans une ville dont l’aveuglante beauté a quelque chose de paralysante.

Sous ce synopsis intriguant rappelant indubitablement le style du néoréalisme italien, Sorrentino s'embarque pour réaliser un film très ambitieux voyant son intrigue prendre place uniquement à Rome, l'une des destinations emblématiques européennes. Le ton est très vite donné lorsqu'un photographe japonais est frappé d'une crise cardiaque devant la beauté de la capitale. Mais sous ses travers d'une formelle beauté, l'envers du décor est bien plus trouble qu'il n'en a l'air. En son sein réside Jep Gambardella, bourgeois raffiné de très grande notoriété. Journaliste de talent anciennement écrivain, il évolue librement et fièrement dans sa ville en se délectant d'une gargantuesque vie sociale rythmée par toutes les soirées mondaines et huppées. Jep est un homme qui a réussi à atteindre les sommets, àétablir des relations avec tout le gratin romain. Son style est sans nul autre pareil.
Il impressionne, est doté d'une vieillesse séduisante et d'une verve de séducteur de premier ordre. La haute caste est son domaine, son intérêt pour l'Art avec un grand A est là et il possède une féroce culture générale. Néanmoins, tout n'est qu'apparence et nous commencerons très vite à cerner ce petit monde. Sa splendide soirée d'anniversaire entretient des soupçons de négativité de notre part face à cette foule délurée et portée sur le superficiel et la vanité. Délurée dans son goût prononcé pour le sexe, par la prise de drogue à outrance malgré l'âge adulte. Cette caste huppée est résolument sale quand on gratte un peu son vernis dissimulé derrière de beaux vêtements et des occupations distinguées. Jep n'y échappe pas non plus mais, à la différence des autres, il prend conscience d'un dernier tournant de sa vie marquée par 65 années au compteur. 

Sorrentino affiche ses opinions véhémentes sur une société italienne en pleine léthargie, perdue dans un désastre comateux sans opportunités d'avenir. Si tout le monde est responsable, la classe aisée ne semble pas non plus faire preuve de ténacité et d'envie de relever socialement la foule. Pire encore, elle oublie ses responsabilités d'avenir dans les activités frivoles afin de faire l'impasse sur un avenir trouble à ses yeux. Elle se contente de fustiger les nouvelles générations fuyant l'Italie après leurs études. Elle vilipende une époque morne tout en se vautrant dans d'odieuses discussions philosophiques où une forme de raffinement cache une certaine stupidité morale.
Dans cette atmosphère d'optimisme balayé, elle met en avant sa vieillesse. Ils sentent arriver leur dernier tournant. C'est précisément sur ce point que La Grande Bellezza, en creusant un peu plus loin dans sa philosophie, risque d'inquiéter le cinéphile. Jep est ce personnage qui pourrait représenter Monsieur et Madame tout le monde arrivéà un moment fatidique de sa vie où les années passées s'éloignent lentement mais sûrement. Le temps a fait son oeuvre et déstructure progressivement les souvenirs de jeunesse. Il n'est pas étonnant que certains essaient de fuir ces conditions, en vain car il est le reflet du fatalisme dans toute son essence. Le passage d'un homme sur Terre n'est pas éternel et, d'une manière ou d'une autre, la mort est seule finalité. Ils sont conscients de ça et c'est avec un amer parfum de lucidité teintée de cynisme et de désarroi qu'ils vivent. 

 

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En fuyant cette obscure réalité, Jep tente de conserver son innocente jeunesse qui le faisait autrefois vibrer. Jeunesse symbolisée par son premier amour, touchant et d'une profonde sincérité. Malgré ses multiples conquêtes, il n'a jamais pu oublier ce premier instant de bonheur sentimental que tout le monde a, à un moment ou à un autre, connu. Moi-même me souviens encore de cet épisode et je mettrais ma main au feu que ceux me lisant actuellement s'en rappellent aussi. Jep réalise que le temps lui est compté et qu'il ne veut pas perdre son temps comme les autres à se pavaner dans la vacuité, à converser dans des critiques futiles et stériles, à s'amuser avec des femmes sans lendemain. Il veut redonner un souffle à sa vie, reconquérir l'emprise qu'il avait, autrefois, jeune sur sa destinée.
Il admettra que toutes ces fêtes à outrance ne sont rien de plus qu'une perte de temps à son âge. Il tente de chercher sa voie et la retrouvera dans cet amour de jeunesse pour un périple initiatique sur un bateau sans que nous n'en sachions plus. C'est ça qui rend La Grande Bellezza perturbant, à savoir son traitement de la thématique de la vieillesse. Un traitement à même d'interpeller toutes les générations. Que ça soit ma génération à la porte d'entrée du réel monde du travail voyant toute l'insouciance de sa jeunesse prendre progressivement fin. Que ce soit les quarantenaires et cinquantenaires voyant la vieillesse poindre dangereusement le bout de son nez ; et bien sûr les soixantenaires entrés dans la dernière période de leur vie. La finalité est que la vie ne fait qu'avancer et, avec elle, la proximité de la mort. Jep prendra pleinement conscience de cela lors d'un enterrement où, dans une séquence puissante, portant le cercueil, il ne pourra s'empêcher de retenir ses larmes.

On a souvent pu faire un parallèle avec le sublime La Dolce Vita de Federico Fellini. Ce que le réalisateur n'a jamais démenti, bien qu'il ait martelé s'en éloigner sans qu'il n'y ait quelques accointances. Jep Gambardella est comme Marcello Rubini, un journaliste dont l'objectif est la description d'un certain milieu. Il prend aussi dans le style d'une mise en scène évasive voyant le personnage principal se fondre dans les décors et la société. Pas d'intrigue principale mais toute une suite d'événements en tout genre décrivant encore et encore les jours et les occupations du gratin. Que ça soit La Dolce Vita ou La Grande Bellezza, ils partagent cette mise en scène ainsi que le même rythme. Un rythme posé, sans artifices si ce n'est le raffinement sans égal. Un rythme à l'image d'une vie de tous les jours.
Il faut savoir adhérer à ce choix dont l'objectif résulte peut-être de transporter son spectateur dans la Rome plutôt que dans une intrigue définie. C'est un choix très difficile qui n'est pas à la portée de n'importe qui mais Sorrentino s'y est illustré avec un talent d'envergure impressionnante, à un point qu'on jurerait que Fellini est derrière ce projet. La Grande Bellezza absorbe son spectateur baladé dans les décors tout bonnement somptueux. Les 2h21 au compteur, pour peu que nous soyons conquis, passent avec une dextérité remarquable. Sorrentino développe avec insistance son personnage principal et travaille avec assiduité ses personnages secondaires. Seule ombre au tableau : sa relation avec Ramona évaporée d'un seul coup du jour au lendemain sans qu'une réelle explication ne nous soit fournie. Cette maladresse du scénario est le seul point fâcheux à mentionner.

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Mais ce qui est l'un des points les plus emblématiques du long-métrage est bien entendu son esthétique. Une esthétique renversante, médusant le spectateur face à ce panel de plans à le faire saliver par décilitres. Sorrentino magnifie sa ville et rend compte de l'immédiate beauté de Rome et de sa sublime architecture qu'il n'est plus nécessaire de vanter. Les scènes illuminent ces décors scintillants de grâce et d'élégance. C'est la définition de la "classe à l'italienne"à un point que Sorrentino propulse aux firmaments du néoréalisme son oeuvre. Nul doute que Fellini, Visconti, Rossellini et toute la clique applaudiraient devant un traitement pareil. D'ailleurs, un autre clin d'oeil àLa Dolce Vita se fera ressentir avec sa légère dimension surréaliste, brève mais bien présente. Une girafe en liberté dans une cour, une troupe de cigognes sur le balcon de Jep. On sera néanmoins partagé sur les CGI un peu limites, surtout pour les cigognes. Au niveau de la bande sonore, on atteint encore des sommets avec des musiques festives ("Far l'Amore" de Bob Sinclar et la sublime reprise de "There Must Be an Angel" par Lorraine Bowen) ou classiques. Incorporer le "Dies Irae" de Zbigniew Presner en témoigne de cet élitisme pleinement assumé. Pour ce qui est des acteurs, Toni Servillo crève l'écran par son incommensurable charisme.
Cynique, misanthrope affirmé se jouant des mondanités, cultivéà la réplique cinglante, il est tout simplement fascinant, incarnant à merveille ce "padre" désabusé. Les remarques positives pourront aussi s'adresser aux autres tels Sabrina Ferilli, Carlo Verdone, Isabella Ferrari ou Giorgio Pasotti, transpirant l'atticisme (juste histoire d'ajouter un peu de raffinement stylistique de la langue française).

En conclusion, parler de La Grande Bellezza revient à parler d'un véritable chef d'oeuvre du cinéma contemporain plus ou moins récent. Il n'est pas étonnant que vous ayez été surpris de voir la chronique de ce film sur ce blog mais quand on gratte un peu la chose, difficile que de ne pas être déboussolé devant une critique au vitriol de la société italienne désincarnée du destin de son pays et de ses possibilités d'avenir. Au-delà de ça, c'est une véritable réflexion d'un homme en pleine crise existentielle sentant ses derniers jours arriver. Du coup, comment ne pas être interpellé par la mort imminente se rapprochant chaque jour qui passe ? C'est en cela que La Grande Bellezza pourra déstabiliser le cinéphile mais, par la même occasion, le raviver d'une flamme existentielle pour remanier sa vie afin de pratiquer le plus possible ce qui est vraiment important pour lui-même.
D'ailleurs, Sorrentino poursuivra cette thématique dans le très beau Youth. Le titre du film ne s'applique pas seulement sur son visuel grandiose mais aussi sur ce combat intérieur qu'éprouve Jep tout au long du film, fatigué de vivre dans les blablas inutiles, dans les illusions perdues, dans les conversations absurdes et finalement dans le néant. C'est une remise en question de notre mode de vie que Sorrentino nous fait et, à vrai dire, je ne le remercierai jamais assez pour ce film grandiloquent, titanesque qui fut déterminant dans ma vision du cinéma et dans mon amour d'un visuel travaillé. Certains contempteurs le trouveront peut-être présomptueux mais je ne peux cacher mon enthousiasme et marteler que La Grande Bellezza est l'un des plus grands chefs d'oeuvre du cinéma contemporain, et par la même occasion, l'un de mes films préférés. Un film qui donne foi envers le cinéma dans sa plus pure expression, confirmant Paolo Sorrentino comme le digne fils spirituel de Federico Fellini.

 

Note :19/20

 

 

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