Genre : horreur, gore, trash, extrême, rape and revenge, expérimental (interdit aux - 18 ans)
Année : 2010
Durée : 1h15
Synopsis : Cynthia, une gogo danseuse, est embauchée pour des hommes peu recommandables pour tourner dans un snuff movie aux relents érotiques, voire pornographiques. Mais une fois dépêchée sur place, Cynthia est violée et assassinée par l'un de ses ravisseurs. Etrange concours de circonstance, la gourgandine se réveille d'entre les morts et décide d'entreprendre sa terrible vengeance.
La critique :
Le cinéma d'horreur expérimental, ou plutôt le cinéma underground, est un cinéma souvent exigeant ; à la fois intransigeant, introspectif, réflexif, fascinant mais aussi synonyme - la plupart du temps - d'amateurisme et d'impécuniosité en raison de cette même confidentialité qui le caractérise. Récemment, c'est le film We Are The Flesh - Tenemos la Carne (Emiliano Rancho Sanchez, 2016) qui a suscité les invectives, les polémiques et les quolibets pour son schéma narratif amphigourique et inénarrable. Cette production mexicaine, qui semble sourdre de nulle part, si ce n'est de l'imagination fertile et débridée de son auguste démiurge, a durablement estourbi les persistances rétiniennes à travers ses séjours festivaliers. Indubitablement, ce film gore et expérimental est l'un des derniers chocs, ou plutôt l'un des derniers séismes cinématographiques, de la fin de cette décennie 2010.
Certes, cette chronique n'a pas pour velléité de revenir sur cette production mexicaine pour le moins détonante et, par ailleurs, publiée dans nos colonnes (Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2017/10/15/35524700.html) ; mais plutôt d'ergoter, voire de ratiociner sur le cinéma underground. Ce dernier contient et recèle à la fois de véritables pépites, mais aussi de séries Z conçues, pensées et diligentées avec un certain dilettantisme. Les thuriféraires de ce registre cinématographique insolite et iconoclaste n'omettront pas de stipuler des oeuvres telles que Der Todesking - Le Roi des Morts (Jorg Büttgereit, 1990), le cinéma d'Alejandro Jodorowsky (La Montagne Sacrée, Santa Sangre et El Topo), le style raffiné de David Lynch (Eraserhead et Lost Highway, entre autres), ou encore les fantasmagories déviantes de Fernando Arrabal (Viva la muerte et J'irai comme un cheval fou) parmi un conglomérat épars dans lequel se côtoient à la fois des snuff movies factices, une once de found footage, des métrages souvent infréquentables et ponctuellement encore du gore ad nauseam.
En l'occurrence, Dead American Woman, réalisé par les soins de Peter Romeo Lambert en 2010, s'inscrit dans ce registre protéiforme et amalgame sans fard le trash, le rape and revenge, le film de morts-vivants, ainsi que des délires expérimentaux multivoques. Il faut se rendre sur le site IMDb (Source : https://www.imdb.com/name/nm3411138/?ref_=tt_ov_dr) pour déceler quelques informations élusives sur Peter Romeo Lambert. En outre, le cinéaste indépendant a essentiellement oeuvré et sévi dans des courts et moyen-métrages, entre autres Backwood Freaks (1995) qui signe sa toute première conception cinématographique. Viennent également s'additionner Nurse Jill (2016) et Madman (2015), soit autant de métrages inconnus au bataillon et inédits dans nos contrées hexagonales. Inutile de le préciser, mais Dead American Woman n'a évidemment pas bénéficié d'une sortie, même évasive, dans les salles obscures.
Comme de coutume, cette série B (série Z...) désargentée est condamnée àécumer, à des prix astronomiques, les circonvolutions souvent oubliées et phagocytées de sites tels qu'EBay et Amazon. A fortiori, Dead American Woman s'apparente à une sorte de salmigondis cinéphilique qui louvoie entre l'expérimental, l'underground, le film de morts-vivants (bis repetita...) et le rape and revenge accessoire. Voilà un bien curieux maelström, surtout pour une série B aussi nécessiteuse. Peter Romeo Lambert détient-il déjà le talent, l'omniscience, voire l'érudition de ses illustres épigones ?
Possède-t-il les futures aptitudes d'un David Lynch, d'un Fernando Arrabal ou d'un Alejandro Jodorowsky ? Telles sont les questions qui émergent au filigrane et à l'aune de ce Dead American Woman. La réponse, et vous vous en doutez, sera évidemment apportée au cours de cette chronique...
La distribution du film risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Jill Ames, Selwyn Harris, Julie Fabulous, Ken Harrison, Stacey Hargrave et Heidi Chankin ; mais j'en doute... Attention, SPOILERS ! Cynthia, une gogo danseuse, est embauchée pour des hommes peu recommandables pour tourner dans un film érotique et aux relents pornographiques. Mais une fois dépêchée sur place, Cynthia découvre, médusée, que le long-métrage est en réalité un snuff movie morbide avec de véritables supplices et mises à mort.
Tout d'abord séquestrée puis rudoyée, elle est violée et assassinée par l'un de ses ravisseurs. Enterrée quelque part dans un décor bucolique, la gourgandine se réveille d'entre les morts et décide d'entreprendre sa vengeance contre ses anciens bourreaux.
A notre souvenance, il est difficile de trouver la moindre trace, même furtive, d'un film expérimental qui amalgame, sans sourciller, une morte-vivante décrépie à un rape revenge dans la grande tradition du genre. En vérité, Dead American Woman n'appartient à aucune de ces susdites catégories. Il est un peu tout cela à la fois, mais ne s'apparente, in fine, qu'à une série Z un brin histrionique et déviante qui lorgne vers le film d'horreur ubuesque (via l'apparition impromptue d'un clown sociopathique), une vendetta féminine, le snuff movie adventice, un voyage dans les confins de la psyché mentale, ainsi qu'à une myriade d'affabulations dont seul Peter Romeo Lambert semble détenir le secret, ainsi que la sémiologie.
Dès lors, difficile également d'adhérer à cette aliénation ambiante tant le long-métrage est hétéroclite et se montre d'une rare indigence.
Vous l'avez donc compris. Peter Romeo Lambert n'est ni Emiliano Rancho Sanchez, Fernando Arrabal, David Lynch et encore moins Alejandro Jodorowsky. Que reste-t-il alors d'une oeuvre telle que Dead American Woman ? Réponse : pas grand-chose. Ou alors peu ou prou, si ce n'est cette impression - évidemment - subjective d'une série Z décharnée, alambiquée et désincarnée qui ressemble un peu à tout, mais surtout à rien en vérité. Curieux oxymore pour cette production exsangue, certes nantie des meilleures intentions du monde. Mais de bonnes intentions, aussi louables soient-elles, n'ont jamais fait un bon film... La preuve ! Entre une mise en scène proche du néant abyssal et de l'amateurisme, une interprétation au mieux insignifiante et une multitude de longueurs lénifiantes, sans compter certaines facondes et logorrhées fastidieuses, Dead American Woman conglobe, à lui tout seul, toutes les carences lacunaires d'une série Z fauchée comme les blés.
Le métrage n'est donc pas à la hauteur de ses présomptions ni de ses espérances, loin de là. Maigre consolation, le film de Peter Romeo Lambert n'est pas non plus ce "naveton" avarié, anathématisé et décrié dans cette chronique, en raison de quelques bonnes idées sporadiques et essaimées, çà et là, sur une durée heureusement lapidaire (à peine une heure et 15 minutes de bobine). Mais pour le reste, hormis une extraction intestinale et quelques autres érubescences circonstancielle, le film désarçonne également sur son aspect faussement sauvage et bestial, même si l'interdiction aux moins de 18 ans est de mise. Ma note finale fera donc preuve d'une certaine miséricorde car concrètement, Dead American Woman mérite sans doute moins, beaucoup moins...
Note : 07/20
Alice In Oliver