Genre : drame
Année : 1971
Durée : 1h25
Synopsis : En 1922, après le décès de leur grand-mère paternelle qui se chargeait de leur éducation, le jeune Jean Rezeau et son frère Ferdinand retrouvent leurs parents revenus d'Indochine. Dans le cercle fermé de cette famille bourgeoise de l'entre-deux-guerres, Madame Marthe Rezeau déteste son mari dont elle a eu trois fils. Elle reporte alors sa haine sur ses enfants, notamment Jean, surnommé" Brasse-Bouillon "... Les relations avec la mère, vite surnommée " Folcoche ", association de "folle" et de "cochonne", vont prendre une tournure cauchemardesque.
La critique :
Oui, je sais ce que vous devez gloser, pérorer et ratiociner à raison. Que vient foutre un film tel que Vipère au poing dans les colonnes éparses de Cinéma Choc ? Certes, les néophytes stipuleront (également à raison) l'existence d'un remake éponyme de 2004 et réalisé par la diligence de Philippe de Broca. Autant l'annoncer sans fard. Si la version de 1971 a entièrement sa place sur le blog, ce n'est absolument pas le cas du long-métrage des années 2000. La version de Philippe de Broca s'accointe davantage avec les truculences, les goguenardises et les linéaments de la comédie égrillarde, un comble pour une adaptation censée retranscrire l'opuscule d'origine et griffonné par les soins d'Hervé Bazin. Pourtant, que ce soit sur la forme comme sur le fond, Vipère Au Poing, le roman initial, n'a pas du tout pour velléité de coudoyer les pitreries, les épigrammes, ainsi que les rodomontades.
Certes, le remake de 2004 peut au moins s'enhardir de coaliser un casting sérénissime via les présences concomitantes de Catherine Frot, Jacques Villeret, Jules Sitruk et Pierre Stévenin. Pourtant, à force de verser dans la gaudriole, cette comédie soporative finit par perdre ses protagonistes en cours de route. Car Vipère au Poing, l'opuscule d'origine, c'est l'histoire d'une confrontation âpre et virulente entre une matriarche acariâtre (la bien nommée Folcoche) et ses fils qu'elle conspue, violente, rabroue et ridiculise à la moindre occasion. Mais sur sa route, la marâtre devra se colleter avec l'opiniâtreté et les dissidences de Jean Rezeau, surnommé Brasse-Bouillon.
Certes, la version de 1971 est un téléfilm. Nonobstant son statut de feuilleton réalisé pour le format de la télévision, c'est bien cette version de 1971 qui remporte et écrase haut la main le long-métrage de 2004.
Mieux, Vipère Au Poing, réalisé par l'érudition de Pierre Cardinal, est même considéré comme un véritable bréviaire sur la thématique - toujours spinescente - de l'enfant martyre. Ainsi, des oeuvres telles que Les Noces Barbares (Marion Hansel, 1987), Tina (Brian Gibson, 1993), Poil de Carotte (Richard Bohringer, 2003), ou encore Aurore (Luc Dionne, 2005) font voeu d'allégeance et d'obédience au téléfilm de Pierre Cardinal. A la fois réalisateur, metteur en scène, scénariste et producteur, Pierre Cardinal a essentiellement officié pour la télévision française via des téléfilms tels que La grande peur dans la montagne (1966), La beauté sur la terre (1968), Sous le soleil de Satan (1971), La mare au Diable (1972), Madame Bovary (1974), ou encore Saint Just et la force des choses (1975).
Pour le cinéma, il réalise seulement deux films, Au coeur de la Casbah (1952) et Fantaisie d'un jour (1955).
Comme nous l'avons déjà notifié, Vipère au Poing est l'adaptation d'un opuscule homonyme, largement autobiographique pour l'occasion. Le roman sera suivi par deux nouveaux chapitres consécutifs, La Mort du Petit Cheval (1950), puis Cri de la Chouette (1972). La distribution de Vipère Au Poing (le téléfilm) se compose d'Alice Sapritch, Marcel Cuvelie, Dominique de Keuchel, Benjamin Boda, Eric Frisdal, Germaine Delbat, Gilette Barbier, Marie Servaine et Lucien Frégis. A l'époque, l'actrice Alice Sapritch accumule les rôles subalternes au cinéma.
La comédienne enchaîne aussi les navets et les nanars patentés. Par exemple, la comédie Sur un arbre perché (Serge Korber, 1971) n'a pas spécialement laissé un souvenir indélébile, loin de là... Pour l'actrice en déveine, il faudra faire preuve de longanimité pour décrocher des rôles un peu plus probants et proéminents.
En 1971, elle s'illustre dans deux rôles antagonistes, déjà avec Vipère au Poing, et à postériori via La folie des grandeurs (Gérard Oury, 1971). En outre, le public retiendra surtout sa prestation dans le téléfilm de Pierre Cardinal. Mais trêve de palabres et de verbiages et revenons à l'exégèse du film (enfin du téléfilm...) ! Attention, SPOILERS ! En 1922, après le décès de leur grand-mère paternelle qui se chargeait de leur éducation, le jeune Jean Rezeau et son frère Ferdinand retrouvent leurs parents revenus d'Indochine. Dans le cercle fermé de cette famille bourgeoise de l'entre-deux-guerres, Madame Marthe Rezeau déteste son mari dont elle a eu trois fils.
Elle reporte alors sa haine sur ses enfants, notamment Jean, surnommé" Brasse-Bouillon "... Les relations avec la mère, vite surnommée " Folcoche ", association de "folle" et de "cochonne", vont prendre une tournure cauchemardesque.
Si le public retiendra - derechef - la prestation magistrale d'Alice Sapritch dans le rôle de Folcoche, en revanche, il se montrera beaucoup plus dubitatif sur la performance parcimonieuse de Catherine Frot dans la version de 2004 ; un remake que l'on préférera éluder et phagocyter... Certes, Vipère au Poing se déroule dans un décor agreste et dans une France en pleine tourmente et encore contristée par la fin de la Première Guerre mondiale. Plus qu'un long-métrage traitant de l'enfance martyre et malheureuse, Vipère au Poing s'apparente à un drame systémique, à la fois nimbé par les difficultés inhérentes à l'enfance et à la période juvénile. L'air de rien, cette dramaturgie aborde également les didactismes concomitants de la généalogie familiale, la maternité, la paternité et plus généralement la parentalité. Dès le préambule, le spectateur éberlué est exhortéà s'interroger sur la cruauté de Folcoche.
Pourquoi cette quinquagénaire bilieuse gifle, rudoie et brutalise avec autant de véhémence sa propre progéniture ? La réponse sera dévoilée lors d'une conversation - à priori anodine - entre la marâtre acrimonieuse et son époux débonnaire. Face à cette figure retorse, spécieuse et obséquieuse, Jean Rézeau se mutine et entre en dissidence. Ainsi, le jeune éphèbe se transmute en agitateur de haine et vivifie les ardeurs de ses deux autres frères. ""Je te hais, tu me hais, elle me hait, nous nous haïssons ! Folcoche ! Folle cochonne !" devient le tocsin de la révolte et de l'insubordination. Au détour de ses espiègleries et de ses insurrections, Jean Rezeau défie continûment sa propre mère, ainsi que ses méthodes rigoristes. Puis, à force de subversion et d'opiniâtreté, le jeune éphèbe découvre le lourd secret de sa mère. Son mariage avec Jacques Rezeau (le père) est au mieux un fiasco.
Les ressources pécuniaires de la famille Rezeau s'amenuisent et le patriarche pusillanime a opté pour la dot et la fortune de son épouse atrabilaire. La naissance des trois marmots a donc été vécue comme un viol, une soumission et une terrible affliction. Il faut donc différer ce terrible ressentiment contre Jean et ses frères. Certes, à raison, certains contempteurs pourront tonner et pester contre la sobriété de la mise en scène, particulièrement simplissime et lapidaire. Néanmoins, Pierre Cardinal parvient à discerner ses principaux protagonistes et se polarise sur ces belligérances entre Folcoche et Brasse-Bouillon (aka Jean Rezeau). Sur ces entrefaites, Vipère au Poing aborde la thématique épineuse de l'atavisme familial. D'ailleurs, le téléfilm se conclut sur cette ultime circonlocution : "Salut Folcoche, je suis bien ton fils, mais je ne suis pas ton enfant". Reste à savoir ce que Jean Rezeau conservera de cet héritage, à la fois auréolé par les irascibilités, les vexations et les supplices à satiété...
Bref, vous l'avez donc compris. On tient là un excellent téléfilm, parfois assez brutal, et qui interroge - entre autres - sur la notion de consanguinité et de filiation générationnelle.
Note : 16/20
Alice In Oliver