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La Horse (Les temps ont changé, le monde aussi)

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horse

Genre : thriller, drame 
Année : 1970
Durée : 1h17

Synopsis : Auguste Maroilleur, propriétaire terrien en Normandie, règne en véritable patriarche sur sa ferme. Il y vit avec ses deux filles, ses deux gendres, et leurs enfants. Il découvre un jour que son petit-fils Henri se sert d'une des cabanes du domaine pour y cacher la drogue de son trafic. Auguste décide alors de détruire la "horse". Les représailles des truands avec lesquels traitaient Henri vont être terribles.

 

La critique :

Qui aurait gagé sur la présence de Jean Gabin dans les colonnes éparses de Cinéma Choc ? Personne ou presque... Pis, les adulateurs du blog (mais enfin, que ces derniers se manifestent !) risquent sérieusement de tonner et de maronner contre leur site favori (oui, vous pouvez vous esclaffer !). Mais enfin, que vient foutre ce monstre sacré du cinéma français dans les lignes de Cinéma Choc ? Pourtant, ce n'est pas la première fois que le blog se polarise sur cette acteur immense et sérénissime. Pour souvenance, Cinéma Choc s'est déjà attelé aux chroniques de La Grande Illusion (Jean Renoir, 1937, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2017/12/17/35961397.html) et Le Chat (Pierre Granier-Deferre, 1971, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2015/04/28/31828645.html). Est-il absolument opportun de se polariser sur la carrière de Jean Gabin ?

Oui, tout de même... Même si le comédien n'est pas forcément abonné au cinéma trash et underground, loin de là... Mais il serait dommage de le cantonner seulement à des rôles de paysan à la fois rustre, taiseux et hégémonique, taiseux. Jean Gabin démarre sa carrière en tant que chanteur d'opérette et s'illustre dans le music-hall. Il commence à glaner quelques petits rôles dans des courts-métrages, notamment dans Ohé, les valises (1928) et On demande un dompteur (1928), par ailleurs inconnus au bataillon. Puis, sa carrière cinématographique décolle réellement vers l'orée des années 1930.
Les producteurs et les réalisateurs le repèrent déjà dans quelques rôles notoires, entre autres Paris Béguin (Augusta Gennina, 1931), Pour un soir (Jean Godard, 1933), La Belle Equipe (Julien Duvivier, 1934), ou encore Les Bas-Fonds (Jean Renoir, 1934).

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Il enchaîne alors des longs-métrages qui vont s'octroyer le statut de classiques du cinéma français, notamment Le Quai des Brumes (Marcel Carné, 1938), La Bête Humaine (Jean Renoir, 1938), Le jour se lève (Marcel Carné, 1939), Touchez pas au grisbi (Jacques Becker, 1954), La Traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956), Un singe en hiver (Henri Verneuil, 1963), Le Clan des Siciliens (Henri Verneuil, 1969), Deux hommes dans la ville (José Giovanni, 1973), ou encore L'Affaire Dominici (Claude Bernard-Aubert, 1973).
On dénombre au moins 90 longs-métrages dans cette filmographie luxuriante. D'une façon générale, Jean Gabin symbolise cette France encore tarabustée par le spectre de la Seconde Guerre mondiale et cette défaite cinglante contre l'Allemagne d'Hitler.

Ce n'est pas aléatoire si le comédien sera sommé de partir sur le front durant la période 1939 - 1945. Mais le comédien préfigure aussi - bon gré mal gré - cet empire hexagonal qui va perdre de sa splendeur et de sa superbe avec l'essor de la globalisation. La France rurale s'efface et s'oblitère au profit du modernisme et de l'urbanisation. L'activité agricole disparaît pour laisser sa place au taylorisme et à l'industrialisation de masse. C'est une autre France qui apparaît sous les yeux contristés et médusés de cette classe sociale encore transie par l'ordre, l'autorité et le patriarcat.
Certes, Jean Gabin accèdera rapidement au statut de star sacrée du cinéma français, aux côtés de Fernandel, Bourvil et Louis de Funès. Bien qu'intronisé comme vedette, l'acteur refuse la gloriole, les lumières et les paillettes.

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Il reste toujours assujetti à la campagne et à ses décors agrestes. Il n'est donc pas surprenant de retrouver l'acteur dans La Horse, réalisée par la diligence de Pierre Granier-Deferre en 1970. A l'origine, ce thriller est l'adaptation d'un roman éponyme de Michel Lambesc et publié dans la collection "Série noire". Dixit les propres aveux de Pierre Granier-Deferre lui-même, le film s'inspire également de l'affaire dominici. Cette affaire criminelle va largement occuper le paysage français durant la décennie 1950. Le patriarche Gaston Dominici sera accusé d'un triple homicide et condamnéà mort sans que sa culpabilité soit clairement établie (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Dominici).
Quant au terme "La horse", il s'agit d'une sorte de néologisme qui désigne, tout simplement, l'héroïne. Au moment de sa sortie, La Horse n'élude pas les quolibets et les billevesées d'une presse sévèrement effarouchée.

Contre toute attente, ce thriller policier est accablé d'injures. En outre, les contempteurs reprochent au film un scénario beaucoup trop frugal, ainsi qu'une certaine âpreté qui louvoie entre la vindicte personnelle, la loi du Talion et même le rape and revenge. Pis, certaines critiques y voient même une oeuvre fascisante qui ferait l'apologie de la vengeance expéditive. A contrario, La Horse est reçu sous les vivats et les acclamations du public dans les salles de cinéma. Un oxymore... Paradoxalement, La Horse s'arroge la couronne d'un thriller populaire, mais réservéà un public averti.
Pourtant, le film n'écope d'aucune interdiction, ce qui est plutôt surprenant à l'aune des belligérances... Quant à Pierre Granier-Deferre, le cinéaste peut s'enhardir d'une filmographie plutôt éloquente puisqu'on lui doit notamment La Métamorphose des Cloportes (1965), La Veuve Courderc (1971), Adieu poulet (1975), Cours Privé (1986), ou encore La couleur du vent (1988).

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Hormis Jean Gabin, la distribution du long-métrage se compose d'André Weber, Marc Porel, Eléonore Hirt, Christian Barbier, Danièle Ajoret, Michel Barbey, Orlane Paquin, Julien Guiomar, Henri Poirier et Pierre Dux. Attention, SPOILERS ! (1) Auguste Maroilleur, riche fermier normand, dirige de main de fer sa famille et son exploitation. Bien-Phu, ainsi surnommé du fait d'être un vétéran de la guerre d'Indochine, est un employé de la ferme d'Auguste Maroilleur. Dans les terrains de chasse d'Auguste, Bien-Phu découvre qu'un cabanon d'affût est fréquenté par quelqu'un qui s'en sert pour y cacher de l'héroïne. Après une partie de chasse, à l'intérieur même du cabanon d'affût, Bien-Phu dévoile cette information à Auguste, son patron, en lui montrant où l'héroïne est cachée.
Ainsi, Auguste Maroilleur comprend que son petit-fils Henri, barman au Havre sur un bateau, appartient à un réseau de trafiquants de drogue.

Plus tard, dans la ferme, et devant le regard impuissant d'Henri, Auguste détruit l'héroïne sans hésitation. Le gang réagit immédiatement en détruisant un hangar, en tuant du bétail et en violant sa petite fille. Auguste n'est pas homme à plier face aux intimidations ; il fait tout pour faire comprendre à sa famille qu'elle doit garder son calme, ne pas céder aux pressions, ni aux menaces de représailles, et renoncer à faire appel aux gendarmes (1). Certes, à fortiori, La Horse s'achemine sur un scénario à la fois simplissime et lapidaire : la découverte de sacs d'héroïne dans le cabanon d'une ferme, des trafiquants un peu trop téméraires et un fermier frustre et opulent qui n'a pas l'intention d'abdiquer face aux comminations de ces mêmes renégats.
Certes, Pierre Granier-Deferre fait montre de parcimonie, notamment dans sa mise en scène à la fois sobre et avaricieuse.

La Horse (bétail abattu)

Le réalisateur sait qu'il peut toujours escompter sur la robustesse de sa vedette voluptuaire, très en forme pour l'occasion. Dans le rôle de ce propriétaire potentat, Jean Gabin remplit doctement son office. Le comédien connaît parfaitement la musique. Lui-même provient de ce milieu rustique. Autrement dit, Jean Gabin fait... du Jean Gabin ! A lui seul, le comédien phagocyte le reste du casting. Sur ces entrefaites, La Horse s'apparente à n'importe quel film de vengeance... Ou presque... Un film de vengeance qui peut néanmoins escompter sur le charisme mirifique de Jean Gabin. Toujours la même antienne... Toutefois, il serait dommage de résumer La Horseà la seule et unique présence de sa vedette somptuaire. Pierre Granier-Deferre n'hésite pas à mutiler quelques bovins dans le brouhaha d'une automobile plantureuse, et même à sacrifier une jeune femme vierge et encore pudibonde.
La réplique de Jean Gabin sera évidemment cinglante. Derechef, il serait sans doute malséant de caricaturer La Horseà un simple film de vengeance, ou même à une enquête policière alambiquée et fuligineuse. L'intérêt principal de ce thriller se situe ailleurs, probablement à la fois dans cette France en pleine mutation et dans ce milieu rural qui fait preuve de résilience face à l'essor du consumérisme. Autrement, dit, les temps ont changé, le monde aussi... Mais pas Jean Gabin qui tient, d'une main ferme et opiniâtre, sa propriété agraire. On tient donc là un excellent thriller.
Trois ans plus tard, Jean Gabin revêtira de nouveau les oripeaux d'un fermier et d'un patriarche impérieux dans L'Affaire Dominici.

Note :16/20

 

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Horse


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