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La Chasse - 2012 (Les enfants ne mentent jamais)

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Genre : Drame

Année : 2012

Durée : 1h55

 

Synopsis :

Après un divorce difficile, Lucas, quarante ans, a trouvé une nouvelle petite amie, un nouveau travail et il s'applique à reconstruire sa relation avec Marcus, son fils adolescent. Mais quelque chose tourne mal. Presque rien. Une remarque en passant. Un mensonge fortuit. Et alors que la neige commence à tomber et que les lumières de Noël s'illuminent, le mensonge se répand comme un virus invisible. La stupeur et la méfiance se propagent et la petite communauté plonge dans l'hystérie collective, obligeant Lucas à se battre pour sauver sa vie et sa dignité.

 

La critique :

Comme promis, je m'efforce de ponctuer mon travail de chroniqueur cynique confiné de quelques pellicules autres que celles made in Italia, Japan et South Korea. L'intérêt étant déjà de me prémunir contre un éventuel dégoût de votre part, si ce n'est pas déjà fait, et secundo d'éviter moi-même d'être dégoûté par ce travail de bonne taille. La destination d'aujourd'hui se portera sur un pays qui a plus d'une fois fait parler de lui et dont les profanes ne soupçonneraient pas l'impact qu'il eut sur le Septième Art. En 1897, le Danemark entrait dans la danse avec Des chiens groenlandais tirent un traîneau. La Nordisk permit l'ouverture du cinéma national aux yeux du monde qui se complaisait dans le visionnage de drames mondains et ceux ayant pour thème le cirque.
Fait à noter, son avant-gardisme sur la dimension sexuelle était de mise au point que certains eurent des ennuis. On pourra citer Ecstasy qui troubla quelque peu l'ordre public. Avec le temps, une autre institution apparut, la Dogme95 qui doit son 95 à l'année d'apparition du mouvement lancé par Lars Von Trier et Thomas Vinterberg.

Le premier n'est plus vraiment à présenter au vu de sa réputation souvent sulfureuse comme en ont attestéAntichrist et The House That Jack Built qui déchaînèrent les passions. Mais ce n'est pas lui qui suscitera notre sublime attention mais bien Thomas Vinterberg. Le nom devrait vous mettre la puce à l'oreille car il sortit jadis le dérangeant Festen qui ne nous faisait pas ressortir de la séance avec la joie de vivre en option. Visiblement, il semblerait que notre danois bien déchaîné ait une appétence pour les sujets polémiques comme en attestera La Chasse. Et en parlant de spinescent, on pourrait bien l'ériger en première place de ce triste podium. Silenced, Michael et Mysterious Skin sont autant de longs-métrages qui ont posé une marque indélébile sur le cinéma.
Evidemment, il faut prendre avec beaucoup de pincettes le thème de la pédophilie et le développer à la fois avec précision et pudeur pour éviter de sombrer dans l'indécence. Vinterberg a certainement dû suivre ces préceptes puisque La Chasse récolta satisfécits et autres dithyrambes à sa sortie autant des critiques spécialisées que des spectateurs. Pour parachever positivement le tableau, il remporte le Prix d'interprétation masculine pour le héros Mads Mikkelsen. Une telle création ne pouvait échapper au radar de pointe de Cinéma Choc.

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ATTENTION SPOILERS : Après un divorce difficile, Lucas, quarante ans, a trouvé une nouvelle petite amie, un nouveau travail et il s'applique à reconstruire sa relation avec Marcus, son fils adolescent. Mais quelque chose tourne mal. Presque rien. Une remarque en passant. Un mensonge fortuit. Et alors que la neige commence à tomber et que les lumières de Noël s'illuminent, le mensonge se répand comme un virus invisible. La stupeur et la méfiance se propagent et la petite communauté plonge dans l'hystérie collective, obligeant Lucas à se battre pour sauver sa vie et sa dignité.

La Chasse ne doit pas seulement sa réputation à son très bon palmarès mais aussi parce qu'il marqua durablement les persistances rétiniennes. Il est vrai que l'on ne peut pas ne pas être interpellé par le destin d'un homme qui va basculer du jour au lendemain. Travaillant dans une école primaire, Lucas est reconnu comme intègre, sympathique et est en plus adoré des élèves, et en particulier de Klara, une petite fille très imaginative qui, lors d'une partie de jeu, foncera pour lui donner un bisou sur la bouche. Ne vous attendez pas à un roulage de pelles par la suite puisqu'il la repoussera avec la plus grande délicatesse. Ce que l'on sait est que Klara semble avoir des sentiments de l'ordre du premier grand amour comme quand un jeune garçon en primaire s'éprend de la remplaçante sexy.
Influencée par une vision qui la marquera, elle se confiera à la directrice comme quoi Lucas lui aurait montré son pénis en érection. Lui qui se complaisait dans les soirées bibitives entre potes, dans une nouvelle relation avec une belle femme de l'école et dans la reprise du contact avec son fils, le voilà alors injustement accusé de pédophilie. Si dans un premier temps, cela se limite aux rumeurs, cette histoire commence à prendre de l'ampleur quand un psychologue consulte la jeune fille. Malgré les propos confus de Klara, les mesures sont faites pour que notre auxiliaire se retrouve face à la justice. 

En nous plaçant du côté de l'accusé, Vinterberg brouille nos repères traditionnels en gardant le point de vue de ce quidam innocent qui a toujours été totalement impliqué dans son rôle sans dérive quelconque. Préparez-vous alors à sombrer dans les abysses de l'âme humaine où se retrouvent ses tourments, sa méchanceté gratuite et ses pulsions de violence. Lucas a une étiquette sur son front d'homme à abattre. Il est devenu la cible rêvée d'une petite ville de campagne où tout se sait rapidement, surtout quand il s'agit de dénonciations aussi gravissimes. Une fois la procédure lancée, le parti-pris est évident pour nous qui assisteront à la dégénérescence progressive populaire qui va "réfléchir" de manière émotionnelle et non pas de manière rationnelle.
Dans un grand élan de violence refoulée, l'entourage de Lucas réveille ses pulsions triviales. Toute la haine accumulée en eux, toute leur frustration du quotidien va exploser dans une constellation de rage. Ses amis vont s'éloigner, sa femme refusera que Marcus le voie, il est logiquement viré de son boulot. Les remarques véhémentes vont se succéder sur un Lucas de plus en plus désemparé par les proportions que prennent ces fausses rumeurs qui ne se basent en fin de compte que sur les dires d'une enfant. 

 

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Vinterberg ne va pas y aller par quatre chemins en dynamitant ce vieil adage "les enfants ne mentent jamais". Sauf que oui ils peuvent mentir comme tout le monde, d'autant plus que leur imagination est débordante et qu'ils peuvent s'imaginer tout et n'importe quoi. Beaucoup de non-dits sont de la partie entre Lucas et Klara mais on soupçonne aisément un ressenti vengeur temporaire sur son auxiliaire masculin. L'irrationalité de cette phrase en vient justement à ce que certaines personnes régressent intellectuellement, prenant pour argent comptant les dires d'une fille déboussolée. La justice, la loi et les faits sont mis de côté pour le réveil d'une vendetta collective qui n'obéit à aucune raison, ni aucun juge. L'ironie du sort est que cette montée en puissance se fera quand Lucas sera relaxé par la justice. Malgré l'absence d'éléments probants, les gens restent enfermés dans un carcan absurde. Klara démentira mais sans succès car on lui dit que son cerveau tente de refouler le traumatisme.
La Chasse va grimper toujours un peu plus en intensité, affichant toute la laideur du monde où intimidations, menaces, mises en garde et lynchages publics se font sous l'oeil avenant et complice de ceux qui appréciaient jadis Lucas. Le cinéphile frappé par tant d'injustice et de barbarie gratuite en vient àéprouver un dégoût farouche envers presque tout le monde, y compris Klara. 

Bien que la lumière arrive au bout du tunnel, l'arrière-goût reste. Les gens font comme si rien ne s'était passé et Lucas devra apprendre à vivre avec ces séquelles pour le restant de sa vie sans savoir si ce conglomérat d'êtres régis jadis par la stupidité sont honnêtes. La Chasse accumule les séquences violentes, tantôt physiques et très souvent psychologiques sur un homme qui n'a pas la force mentale de répliquer. On se plaira des brefs moments où lui et Marcus répliqueront, quand bien même il concernera la jeune fille dans une scène emplie de malaise chez le meilleur ami de Lucas. Le plus important est que jamais Vinterberg ne versera dans la complaisance et/ou dans la surenchère, au point que le tout en deviendrait plus caricatural qu'autre chose. Le réalisme perturbant est le maître-mot de ce récit qui causera plus d'une sueur froide à tout un chacun.
Avec un suspense de tous les instants, on cligne difficilement des yeux pour ne pas perdre une miette de l'action en cours. Bien sûr, certains reprocheront des ellipses qui nous évitent des passages clefs, notamment dans la dernière partie. 

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Notons que le visuel est tout autant admirable que le reste, moins typé Dogme95 que je n'ai jamais, d'un point de vue personnel, vraiment aimé dans la manière de filmer. Plus aéré, plus académique dans le fond, l'érudition est de mise dans une mise en scène très réfléchie. Vinterberg ne distancie pas la caméra des personnages qu'il filme de manière frontale. Les décors rudimentaires n'en sont pour autant pas moins très jolis mais là encore le personnage est central, la nature n'est que secondaire. La trame sonore est discrète, sans nécessité d'en faire un instrument émouvant en l'amplifiant. Et puis, il serait bien honteux de ne pas faire mention de l'excellent Mads Mikkelsen, totalement impliqué dans son rôle fort qu'il porte avec maestria. Ne soyons pas malhonnêtes en omettant le restant du casting qui se débrouille plus que bien dans leur sincérité. Aucun jeu d'acteur surjoué ou exagéré de mise.
Nous retrouvons Thomas Bo Larsen, Annika Wedderkopp, Lasse Fogelstrom, Susse Wold, Anne Louise Hassing, Lars Ranthe et Alexandra Rapaport pour les principaux.

En conclusion, je serais bien tenté de dire que La Chasse est l'une des oeuvres les plus percutantes des années 2010 tant par ce qu'elle montre que par ce qu'elle dénonce. Avec en trame narrative un sujet tabou qui, en plus, met l'accent sur les fabulations enfantines, nul doute que le dérangement est de mise. Pourtant, c'est une réalité qu'il ne faut pas occulter, aussi inacceptable qu'elle puisse être pour certain(e)s persuadé(e)s que nos tendres jouvenceaux sont des puits de vérité et de spontanéité. Non, ce n'est pas le cas, quoi qu'on en dise. Ceux-ci peuvent même être à l'origine de vies gâchées à cause d'une phrase ou même d'un mot. La Chasse est une superbe démonstration de la chose qui a la pudeur de ne jamais diaboliser le parti qui soumettra Lucas à l'adversité et aux ignominies diverses dont l'espèce humaine a le secret. On appréciera d'ailleurs grandement le choix du titre à double-sens qui se réfère autant à la passion virilisante de Lucas pour la chasse, qui est en opposition totale avec son métier généralement attribué au sexe féminin, et à la chasse à l'homme dont il sera la cible.
Si hurler au statut de chef d'oeuvre absolu me semblerait un tantinet exagéré, nous n'en sommes vraiment pas très loin avec ce drame social qui ne pourra laisser personne indifférent devant. Et ça c'est un gage de grande qualité !

 

Note : 17/20

 

orange-mecanique   Taratata

 

 


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