Genre : horreur, épouvante, fantastique, "Nazisploitation"
Année : 1958
Durée : 1h17
Synopsis : Un petit groupe de naufragés s’échoue sur une île mystérieuse. Peuplée de jeunes femmes sauvages, elle pourrait ressembler au paradis si une bande de nazis n’y avait pas trouvé refuge pour développer en secret d’abominables expériences. Prêt à tout pour guérir le visage de sa femme, le sadique colonel Osler s’emploie alors à sacrifier sans merci celui des jeunes filles de l’île.
La critique :
Cela fait un petit moment, voire des lustres, que Cinéma Choc ne vous avait pas proposé un pur produit issu de la "Nazisploitation". De temps à autre, ce genre outrecuidant effectue sa résurgence dans nos colonnes éparses. Que les thuriféraires de ce registre impudent se rassérènent. Via la chronique du jour, la "Nazisploitation" effectue sa résurgence dans les rubriques tortueuses de Cinéma Choc ! l'un des sous-registres du cinéma bis et d'exploitation ! A tort ou à raison, c'est souvent le film Portier de Nuit (Liliana Cavani, 1974) qui acte et officialise la naissance de ce genre délictueux et impertinent. Pourtant, le long-métrage de Liliana Cavani reste avant tout un drame à la fois mélancolique, austère et mortifère qui mérite par ailleurs les plébiscites, ainsi que les concerts de louanges, voire de satisfécits. En raison de son succès impromptu et de son sujet pour le moins spinescent, Portier de Nuit inspire et engendre toute une pléthore d'épigones.
Certains producteurs et réalisateurs avides et mercantilistes y voient surtout l'opportunité de dévoyer le beau film de Liliana Cavani via toute une kyrielle de bacchanales, d'ignominies et d'impudicités itérées à satiété. Salo ou les 120 Journées de Sodome (Pier Paolo Pasolini, 1975), qui sort un an après, connaît - peu ou prou - le même sortilège. A l'instar de Portier de Nuit, Salo ou les 120 Journées de Sodome ne partage, nonobstant certaines contiguïtés matoises, que peu d'accointances avec la "Nazisploitation". Ce film testament de Pier Paolo Pasolini reste avant tout une critique au vitriol sur la nature humaine, le metteur en scène italien crachant toute sa bile à la face du monde.
Que soit. Les exactions, les avanies et les vilenies du Troisième Reich deviennent le nouveau filon (si j'ose dire...) de la "Nazisploitation".
Que ce soit la saga Ilsa (Ilsa - La louve des SS, Ilsa - La gardienne du Harem, Ilsa - La Tigresse du Goulag et Greta - La Tortionnaire de Wrede), Des filles pour le bourreau (Cesare Canevari, 1977), Nathalie dans l'enfer nazi (Alain Payet, 1978), ou encore Les déportées de la section spéciale SS (Rino di Silvestro, 1976), toutes ces productions licencieuses et indécentes ne sont, in fine, que des palimpsestes soudoyés de Portier de Nuit et de Salo ou les 120 Journées de Sodome. Souvent imité et jamais égalé. Telle est la scansion dogmatique à retenir... Autant l'annoncer sans ambages. Les bons films de genre sont rares, hormis Salon Kitty (Tinto Brass, 1976), ainsi que les deux premiers épisodes de la saga Ilsa (dans une moindre mesure...).
Pour le reste, les longs-métrages honorables se comptent sur les doigts atrophiés de la main. Pour les cinéphiles (ou plutôt les bisseux) les plus patentés, il faudrait sans doute remonter aux années 1950 pour déceler les premiers balbutiements de la "Nazisploitation".
Non. Ce n'est pas Portier de Nuit qui contient les prémices scabreuses de ce sous-registre du cinéma d'exploitation. En l'occurrence, c'est le long-métrage intituléFemmes Démon - She Demons dans l'idiome de Shakespeare et réalisé par la diligence de Richard E. Cunha en 1955, qui fait office de film prodrome dans le domaine de la "Nazisploitation". Certes, Femmes Démon est rarement répertorié dans ce genre virulent, mais il en porte pourtant tous les stigmates et les linéaments. A la fois scénariste, cinéaste et directeur de la photographie, Richard E. Cunha est principalement connu (éventuellement reconnu...) pour ses accointances avec le cinéma bis, en particulier avec le cinéma d'épouvante.
En l'occurrence, Femmes Démon constitue sa toute première réalisation. A postériori, le metteur en scène enchaînera avec Giant from the unknown (1958), Fusée pour la Lune (1958), La Fille de Frankenstein (1958), Girl in Room 13 (1960) et La môme aux dollars (1964).
Si aujourd'hui, Femmes Démon fait office de série B joliment désuète et obsolète, ce long-métrage a pourtant marqué tout un pan du cinéma bis, ne serait-ce que par sa frivolité et pour aborder - sans fard - des thématiques telles que la torture, le sadomasochisme et le bondage. Budget impécunieux oblige, le film de Richard E. Cunha se contente seulement de suggérer toutes ces concupiscences matoises. Mais indubitablement, She Demons s'approxime à une sorte de précurseur et de films d'avant-garde, préfigurant déjà toute une litanie de productions affiliées aux avanies proférées par les nazis. Seule dissimilitude et pas des moindres, l'action de Femmes Démon ne situe pas dans un camp de concentration germanique, mais sur une île claustrée au beau milieu de nulle part, et qui sert d'expérience sur des êtres humains. C'est probablement la raison pour laquelle She Demons fait autant allégeance auprès des laudateurs du cinéma bis.
Pour d'autres, il fait figure au mieux de nanar patenté. La distribution du film risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms d'Irish McCalla, Tod Griffin, Victor Sen Yung, Rudolph Anders, Gene Roth et Leni Tana ; mais j'en doute... A la rigueur, seule la belle Irish McCalla fait office d'exception puisque la comédienne deviendra l'une des égéries du magazine Playboy. Mais trêve de palabres et de verbiages et passons à l'exégèse du film ! Attention, SPOILERS ! (1) Quatre naufragés dont la fille d'un milliardaire américain échouent sur une île volcanique non cartographiée, mais dont il apparaît rapidement qu'elle sert de cible aux exercices de l'US Air-Force.
L'un des naufragés étant rapidement abattu à coups de sagaie, les trois rescapés tentent l'exploration de l'île. Ils découvriront le cadavre d'une jeune femme au visage hideux, puis assistent à une danse exécutée par une douzaine de filles en tenue légère, et découvrent enfin un curieux laboratoire souterrain où un ancien criminel nazi se livre à d'étranges expériences de transmutation de peau afin de tenter de guérir sa femme gravement brûlée au visage.
Les naufragés sont capturés, les deux hommes torturés et la femme d'abord courtisée par le dignitaire nazi, puis destinée à devenir sujet d'expérience. C'est à ce moment-là que le volcan se réveille (1). Certes, précédemment, nous faisions largement voeu d'obédience à la "Nazisploitation". Mais, sur la forme, Femmes Démon s'apparente à un remake officieux et galvaudeux de L'île du Docteur Moreau (Erle C. Kenton, 1932), un classique du cinéma d'épouvante auquel le métrage fait amplement référence. Hélas, et vous vous en doutez, la métaphore s'arrête bien là !
Le film de Richard E. Cunha amalgame peu ou prou toutes les carences et tous les impondérables, entre les comédiens amateurs (mention particulière à la même Irsh McCalla, aussi jolie que soporifique), les fautes de raccord et une mise en scène au mieux soporative.
Inutile alors de préciser que She Demons possède peu d'arguties dans sa besace. Paradoxalement, le film de Richard E. Cunha se montre curieusement sympathique et élude de peu le qualificatif de "nanar" par son amphigourisme et ses saynètes particulièrement insolentes pour l'époque. Il est même curieux que ce long-métrage ne soit nimbé d'aucune censure ni interdiction. Il se dégage de cette petite bisserie un charme ineffable. Surtout, Femmes Démon tergiverse incessamment entre le pur film de monstres hideux et acariâtres, la "Nazisploitation" avant l'heure, le fantastique et une sorte de survival qui dérive parfois subrepticement vers Les Chasses du Comte Zaroff (Ernest B. Schoedsack et Irving Pichel, 1934), la tonitruance et la sagacité en moins.
En résumé, les aficionados du cinéma bis et de pellicules obsolescentes seront en terrain connu et quasiment conquis. A contrario, les contempteurs pesteront et clabauderont à raison contre l'inanité de ce pur produit du cinéma d'exploitation. Ma note finale fera donc preuve d'une immense mansuétude.
Note : 10.5/20
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Femmes_d%C3%A9mon
Alice In Oliver