Genre : drame, policier
Année : 1973
Durée : 1h45
Synopsis : Une famille de touristes anglais est massacrée sur une route de Provence. Une enquête est ouverte au terme de laquelle Gaston Dominici, qui habitait une ferme toute proche, est condamnéà mort...
La critique :
Qui aurait gagé sur la présence de Jean Gabin dans les colonnes éparses de Cinéma Choc ? Personne ou presque... Pis, les adulateurs du blog (mais enfin, que ces derniers se manifestent !) risquent sérieusement de tonner et de maronner contre leur site favori (oui, vous pouvez vous esclaffer !). Mais enfin, que vient foutre ce monstre sacré du cinéma français dans les lignes de Cinéma Choc ? Pourtant, ce n'est pas la première fois que le blog se polarise sur cette acteur immense et sérénissime. Pour souvenance, Cinéma Choc s'est déjà attelé aux chroniques de La Grande Illusion (Jean Renoir, 1937, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2017/12/17/35961397.html) et Le Chat (Pierre Granier-Deferre, 1971, Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2015/04/28/31828645.html). Est-il absolument opportun de se polariser sur la carrière de Jean Gabin ?
Oui, tout de même... Même si le comédien n'est pas forcément abonné au cinéma trash et underground, loin de là... Mais il serait dommage de le cantonner seulement à des rôles de paysan à la fois rustre, taiseux et hégémonique, taiseux. Jean Gabin démarre sa carrière en tant que chanteur d'opérette et s'illustre dans le music-hall. Il commence à glaner quelques petits rôles dans des courts-métrages, notamment dans Ohé, les valises (1928) et On demande un dompteur (1928), par ailleurs inconnus au bataillon. Puis, sa carrière cinématographique décolle réellement vers l'orée des années 1930.
Les producteurs et les réalisateurs le repèrent déjà dans quelques rôles notoires, entre autres Paris Béguin (Augusta Gennina, 1931), Pour un soir (Jean Godard, 1933), La Belle Equipe (Julien Duvivier, 1934), ou encore Les Bas-Fonds (Jean Renoir, 1934).
Il enchaîne alors des longs-métrages qui vont s'octroyer le statut de classiques du cinéma français, notamment Le Quai des Brumes (Marcel Carné, 1938), La Bête Humaine (Jean Renoir, 1938), Le jour se lève (Marcel Carné, 1939), Touchez pas au grisbi (Jacques Becker, 1954), La Traversée de Paris (Claude Autant-Lara, 1956), Un singe en hiver (Henri Verneuil, 1963), Le Clan des Siciliens (Henri Verneuil, 1969), Deux hommes dans la ville (José Giovanni, 1973), ou encore La Horse (Pierre Granier-Deferre, 1970). On dénombre au moins 90 longs-métrages dans cette filmographie luxuriante. D'une façon générale, Jean Gabin symbolise cette France encore tarabustée par le spectre de la Seconde Guerre mondiale et cette défaite cinglante contre l'Allemagne d'Hitler.
Ce n'est pas aléatoire si le comédien sera sommé de partir sur le front durant la période 1939 - 1945.
Mais le comédien préfigure aussi - bon gré mal gré - cet empire hexagonal qui va perdre de sa splendeur et de sa superbe avec l'essor de la globalisation. La France rurale s'efface et s'oblitère au profit du modernisme et de l'urbanisation. L'activité agricole disparaît pour laisser sa place au taylorisme et à l'industrialisation de masse. C'est une autre France qui apparaît sous les yeux contristés et médusés de cette classe sociale encore transie par l'ordre, l'autorité et le patriarcat. Certes, Jean Gabin accèdera rapidement au statut de star sacrée du cinéma français, aux côtés de Fernandel, Bourvil et Louis de Funès. Bien qu'intronisé comme vedette, l'acteur refuse la gloriole, les lumières et les paillettes.
Il reste toujours assujetti à la campagne et à ses décors agrestes. Il n'est donc pas surprenant de retrouver l'acteur dans L'Affaire Dominici, réalisée par la diligence de Claude Bernard-Aubert en 1973.
A l'origine, le scénariste et metteur en scène français est reporter de guerre en Indochine entre 1949 et 1953 (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_Bernard-Aubert). Cette expérience martiale sera la principale source d'inspiration de son premier film, Patrouille de Choc (1957), un essai cinématographique qui soulève les acrimonies et les objurgations de circonstance. Il n'est pas bon, à l'époque, de semoncer et de dénoncer la France coloniale. A postériori, Claude Bernard-Aubert enchaînera avec Les tripes au soleil (1959), Match contre la mort (1960), Les lâches vivent d'espoir (1961), A fleur de peau (1963), L'ardoise (1970), Les portes de feu (1972), L'aigle et la colombe (1977), Les filles du régiment (1978) et Adieu, je t'aime (1978).
L'Affaire Dominici reste donc son long-métrage le plus proverbial et pour cause...
Puisque ce drame, teinté d'enquête policière, s'inspire d'une histoire vraie. Cette affaire médiatique conduira à la condamnation, puis à l'exécution de Gaston Dominici à la peine capitale. Or, les éléments anamnestiques sont peu probants, voire concluants sur la réelle culpabilité de ce propriétaire agricole. Le rôle principal échoit entre les mains de Jean Gabin. Stakhanoviste, le comédien s'enquiert de différents essais et ouvrages sur l'affaire. Hormis l'acteur, la distribution du film se compose également de Victor Lanoux, Gérard Darrieux, Paul Crauchet, Geneviève Fontanel, Gérard Depardieu, Jacques Rispal, Daniel Ivernel, Jacques Richard, Michel Bertay, Jean-Pierre Castaldi et Jean-Claude Massoulier.
A l'époque, L'Affaire Dominici (le film) ameute les foules dans les salles, non sans essuyer le scandale et la polémique.
Aujourd'hui, certains thuriféraires du cinéma français évoquent carrément un classique de notre cinéma hexagonal. Un remake éponyme sera même produit et réalisé trente ans plus tard par les soins de Pierre Boutron. Mais trêve de palabres et de verbiages et passons à l'exégèse du film ! Attention, SPOILERS ! Une famille de touristes anglais est massacrée sur une route de Provence. Une enquête est ouverte au terme de laquelle Gaston Dominici, qui habitait une ferme toute proche, est condamnéà mort... L'Affaire Dominici s'inscrit - par certaines accointances - dans le sillage et le continuum de La Horse, sorti trois ans plus tôt. Jean Gabin retrouve un rôle qu'il affectionne et maîtrise à la perfection, un patriarche retors, taciturne, bourru et issu du milieu agricole.
Bon gré mal gré, L'Affaire Dominici retrace les dernières heures de cette France bucolique et rurale, celle qui sera victime - entre autres - du consumérisme de masse et de la mondialisation à tous crins.
Jean Gabin, désormais chenu, symbolise cette même France en convalescence, voire en déliquescence. Précautionneux, le réalisateur, Claude Bernard-Aubert relate toutes les zones d'ombre de l'affaire... Et ces zones, surnuméraires, attestent de la partialité, voire de la célérité de l'affaire. Fidèle à lui-même, Jean Gabin fait... du Jean Gabin... Et évapore le reste du casting à lui tout seul... Nonobstant les excellentes partitions de Victor Lanoux et même de Gérard Depardieu, encore novice à l'époque. Mais il serait dommage, voire caricatural de résumer L'Affaire Dominicià la seule prestation de Jean Gabin. Plus que jamais, ce drame policier revêt les oripeaux d'un réquisitoire contre la peine de mort. C'est même le prologue final du film.
Rondement mené, écrit et scénarisé, L'Affaire Dominici ne réédite pas les fulgurations de La Horse. On optera aisément pour le film de Pierre Granier-Deferre. Toutefois, le long-métrage de Claude Bernard-Aubert ne démérite pas... A défaut de surprendre...
Note : 13/20
Alice In Oliver