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Le Corps et le Fouet (Tu aimes quand je te fouette ?)

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Genre : Thriller, horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)

Année : 1963

Durée : 1h25

 

Synopsis :

Au 19e siècle, le baron Kurt Menliff revient au château familial dont il avait été banni par son propre père. La raison de son retour est le mariage de son frère Cristiano avec son ancienne fiancée, Nevenka. Son retour au château trouble fortement tous les habitants qui ont chacun des raisons diverses de lui en vouloir. Peu de temps après, Kurt est assassiné sans que l’on ne connaisse l’identité de son meurtrier. Une atmosphère d'épouvante envahit bientôt le sombre château familial.

 

La critique :

Plusieurs jours sans profiter (ou subir) la chronique d'un nouveau giallo sur Cinéma Choc ne pouvait être permis. Cela fait maintenant depuis plusieurs semaines que cette rétrospective de masse fut lancée avec au menu toute une pléthore de découvertes, tant de pellicules que de cinéastes. Hélas (ou heureusement, vous choisirez), l'accessibilitéà tous ces titres n'est pas des plus merveilleuses pour un étudiant fauché comme moi. Il convient alors de faire avec les moyens du bord mais je dois dire que la disponibilité n'est pas si dégueulasse non plus en comparaison d'il y a deux ans. D'où le fait que vous n'avez pas encore fini d'entendre parler de ce genre, mais comme dit dans la chronique précédente, je suis arrivéà un palier où plus aucun film ne s'est rajouté sur ma liste qui ne fera que diminuer. Est-ce un tonnerre d'applaudissements que j'entends au fond de la salle ?
Mmhh bon, je ferai comme si je n'avais rien entendu ! "Giallo", un terme que vous devez connaître par coeur et qui se définit en tant que thriller policier à l'italienne. Mix séduisant entre policier, horreur et érotisme, on attribue àLa Fille qui en savait trop le statut d'oeuvre fondatrice du giallo qui posa certaines bases avant que, l'année suivante, Six Femmes pour l'Assassin ne finalise le tout en beauté et popularisa définitivement le genre. 

Restons toujours du côté de Mario Bava pour une dernière fois. Dernière fois qui était censée être faite avec le très mauvais L'Île de l'Epouvante. Fort heureusement, un candidat de dernière minute a permis de ne pas finaliser ce petit cycle consacréà l'inventeur du giallo sur une mauvaise note. Le sauveur se nomme Le Corps et le Fouet et fait partie des oeuvres charnières de Bava qui l'amèneront à la finalisation totale de ce style avec le bien nomméSix Femmes pour l'Assassin. A l'instar de La Fille qui en savait trop et de Les Trois Visages de la Peur, il est lui aussi sorti en 1963. Une année décidément très prolifique pour le devenir du cinéma italien d'exploitation, en marge des Fellini, Antonioni et autres Visconti. Mon entrain était, toutefois, teinté de circonspection.
Il est vrai que Le Corps et le Fouet aurait difficilement pu rivaliser en termes de faiblesse avec L'Île de l'Epouvante, mais mon appréhension était tout de même bien présente. Allais-je pouvoir terminer l'odyssée "giallesque" de Bava sur une note non pas moyenne mais positive ?

 

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ATTENTION SPOILERS : Au 19e siècle, le baron Kurt Menliff revient au château familial dont il avait été banni par son propre père. La raison de son retour est le mariage de son frère Cristiano avec son ancienne fiancée, Nevenka. Son retour au château trouble fortement tous les habitants qui ont chacun des raisons diverses de lui en vouloir. Peu de temps après, Kurt est assassiné sans que l’on ne connaisse l’identité de son meurtrier. Une atmosphère d'épouvante envahit bientôt le sombre château familial.

Visiblement, il semblerait que la censure ne portait pas particulièrement dans son coeur le cinéaste. Et on pourra dire que les censeurs y ont auront été forts puisque Le Corps et le Fouet fut purement et simplement interdit en Italie durant un moment. Pour l'exploitation américaine, le film sera coupé, remodelé, refaçonné et autres termes pour être sobrement renomméWhat ?. On peut supposer que l'origine du titre tient plus de l'incompréhension qu'autre chose. La raison de cette hargne tient dans la relation sadomasochiste entretenue par les deux personnages principaux. Une telle audace thématique début des années 60 ne pouvait que déranger. Que diraient-ils en 2020 ? Que soit, le synopsis parle de lui-même. Exit le monde contemporain où court un mystérieux assassin dans les rues de la ville. Tout change, que cela soit au niveau temporel, topologique, de la mise en scène et même des enjeux scénaristiques. Peut-on parler de giallo me direz-vous ?
La réponse est oui et si l'affiche semble ne pas le laisser croire au premier abord, Le Corps et le Fouet en est pourtant bien un. Mais comme dit avant, il s'agissait encore d'un essai avant que Bava ne lâche son oeuvre du genre par excellence. 

Un château face à la plage au XIXème siècle, voilà qui change. Aucune enquête policière de mise vu que nous ne quitterons jamais le château ou tout du moins ses environs. Un membre rejeté de la famille qui débarque avec un air de pervers narcissique. Difficile que de ne pas avoir de solides soupçons sur ses noirs desseins, sauf que par un choix narratif d'excellente facture que n'aurait pas reniéAlfred Hitchcock, ce baron que nous pensions être le personnage principal va être la première victime d'un tueur semant la terreur dans le château. Et il n'en restera certainement pas là. Comme toujours avec Bava, les pistes sont troubles et nous finissons par douter de tout et de n'importe quoi, et surtout de n'importe qui. Malgré cette supposée harmonie qui régnait avant l'arrivée de Kurt Menliff, il aurait, semble-t-il, ouvert la boîte de Pandore, se symbolisant ni plus ni moins que par la stimulation des pulsions meurtrières d'un membre de cette seigneurie. Et si la relation malsaine qu'il partageait avec Nevenka autrefois serait la cause de tout ceci ? Malgré son mariage avec Christiano, elle restait visiblement toujours hantée par l'aura de Kurt. Son brutal assassinat ne le fera pas disparaître puisqu'il acquerra une entité spectrale pour la tourmenter.

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Le Corps et le Fouet est avant tout l'expression de l'amour fusionnel de deux êtres où l'attirance physique passe par le plaisir de la souffrance. Nevenka a un goût prononcé pour la flagellation comme nous le verrons dans cette scène sordide sur la plage. Sous son apparat macabre, le romantisme décalé qui sera à l'origine de l'ire de la censure dévoile une organisation parfaitement maîtrisée du scénario où paranoïa, haine, passion et neurasthénie sont un ensemble formant une seule entité servant de gouvernail au destin de chaque protagoniste. Evidemment, lors des révélations finales, Les Trois Visages de la Peur saute aux yeux puisqu'il utilisait le même processus.
Dans mon infinie mansuétude, je ne vous en dirai pas davantage car l'histoire mérite le détour malgré le fait qu'elle semble se dérouler dans un autre espace-temps. Aucune indication ne nous est fournie. On nous dirait que nous nous trouvons sur une autre planète que nous pourrions y croire vu que le lieu est tout bonnement indéterminé. 

Le visuel s'inscrit dans la continuité de Les Trois Visages de la Peur, tout du moins sur la question de la colorimétrie où couleurs criardes et tape-à-l'oeil ressortent. Procédé qui sera repris plus tard par Dario Argento. A la différence ici du film à sketchs susmentionné, le bleu et le rouge sont prédominants, faisant corps avec la psyché vacillante de Nevenka. Le rouge se réfère bien sûr à la passion, à l'amour incontrôlable dont veut se défaire Nevenka, au meurtre également. A l'inverse, le bleu se réfère à la mort. Des passages où le vert ressort ont souvent été rapportés comme étant lié aux fantasmagories. Cette litanie de couleurs qui imprègnent les décors gothiques offrent une âme visuelle àLe Corps et le Fouet et finalement une identité propre, reconnaissable entre milles. Plusieurs idées complexifient l'aspect labyrinthique du lieu fait de passages secrets, de salles souterraines.
La manière de filmer à la fois extravagante et séduisante fonctionne. Les rapides gros plans, qui ne sont pas un modèle de subtilité, font leur petit effet. Au niveau de la composition musicale, on est sur du bon, voire très bon. Enfin, nous salueront l'excellent jeu d'acteurs de Kurt et Nevenka, respectivement campés par Christopher Lee et Dalilah Lavi. Les autres suivront aussi dans la bonne prestation. Citons Tony Kendall, Ida Galli, Harriet Medin, Gustavo De Nardo, Jacques Herlin et Luciano Pigozzi.

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En résumé, je me vois satisfait de clôturer le giallo chez Mario Bava de manière honorable. Pas le plus souvent cité quand on parle de lui, on ne peut, néanmoins, aucunement réfuter les qualités de Le Corps et le Fouet, très avant-gardiste pour son temps. S'enorgueillissant d'une trame narrative plaisante à suivre, d'un suspense omniprésent et de révélations finales pas grossières pour un sou, le tout avec de beaux effets visuels, on tient un bon petit cru de la filmographie du réalisateur. De plus, intégrer l'élément fantastique et épouvante fut une riche idée, histoire de s'éloigner de l'aspect parfois trop réaliste du giallo conventionnel. Maintenant, il faut préciser que le long-métrage n'est pas si facile d'accès que ça, justement à cause de ses propres choix et éventuellement d'une quantité d'hémoglobine pingre pour les friands d'éclaboussures de sang qui se montreront bien désappointés par la sagesse des meurtres. Pas un classique, ni un incontournable mais une petite pellicule intéressante qui devrait logiquement vous faire ressortir satisfait de la séance. C'est déjà pas si mal mais Mario Bava a déjà fait mieux, il est vrai !

 

Note : 13/20

 

 

orange-mecanique Taratata

 


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