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Le Petit Garçon (Le salut vient de la galaxie d'Andromède)

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Le_Petit_Garcon

Genre : Drame social

Année : 1969

Durée : 1h37

 

Synopsis :

Une famille pauvre a trouvé un moyen de s'enrichir en mettant sur pied une escroquerie : simuler un accident de la circulation entre un piéton et une voiture puis négocier un arrangement à l'amiable avec le conducteur contre de l'argent. Agé de 10 ans, Toshio est jugé suffisamment grand par son père pour participer à cette arnaque. Accompagné de son petit frère de 4 ans, le garçon est contraint de se jeter sous les roues des voitures.

 

La critique :

Aujourd'hui, préparez vos benzodiazépines pour éviter de déprimer car je ne vais pas vous parler du film qui vous rendra hilare durant la séance, ni ne vous fera ressortir de là avec un sourire et la satisfaction d'avoir passé un bon moment. Mais sinon avez-vous déjà entendu parler de la Nouvelle Vague japonaise ? Non ? Pourtant votre blog favori s'évertue depuis maintenant plusieurs années depuis la révélation avec Les Funérailles des Roses de mettre en lumière ce courant pour le moins méconnu du cinéma japonais (encore lui !). Plusieurs raisons peuvent s'expliquer. Tout d'abord, le fait qu'il ne soit pas suffisamment mis en valeur dans les encyclopédies.
On peut souligner également sa disponibilité en format physique assez faiblarde, atteignant parfois même des prix indécents, quand les oeuvres ne sont pas inédites de par chez nous. Il y a quelques mois, je vomissais ma rancoeur que son accessibilité ne soit pas la plus généreuse possible mais, comme un bisou du destin sur mon front, l'offre en ligne est devenue plus que convenable. Evidemment, si on joue à l'emmerdeur comme je sais si bien le faire, des trous sont encore présents mais ceux-ci tendent à diminuer de plus en plus. Avis aux amateurs donc ! 

Une ineptie de confiner ce mouvement à l'anonymat quand nous savons l'impact qu'il eut sur le Septième Art nippon. Impact que j'ai plus d'une fois développé. Vous savez, l'émergence de la TV dans les foyers qui engendrent une baisse considérable des fréquentations des salles de cinéma et donc in fine des recettes des sociétés de production. Vous savez, la lassitude du public qui en a un peu plein la tête (pour être poli) des Yasujiro Ozu, Kenji Mizoguchi et des Mikio Naruse. Même les bases posées par le géant Kurosawa sont remises en question. A l'heure des premiers grands mouvements étudiants et, de manière générale, de toute une émergence de réflexions socio-politiques, les japonais portent dans leur coeur les questions sociales qui seront au centre de l'intérêt de nouveaux cinéastes qui ont grandi avec le traumatisme de la Seconde Guerre Mondiale. A l'exception de Susumu Hani qui n'entre pas en accord avec les termes du site (et dont je n'arrive à mettre la main sur aucun de ses métrages), tous ont pu s'enorgueillir d'une place plus ou moins conséquente sur Cinéma Choc pour peu que leurs longs-métrages soient en accord avec l'esprit du site qui, dans son infinie mansuétude, accepte parfois de dévier sensiblement. Des personnalités comme Shohei Imamura, Hiroshi Teshigahara, Yoshishige Yoshida et Seijun Suzuki pour ne citer qu'eux ont déjà vu les projecteurs braqués sur eux.
Cela est aussi le cas de Nagisa Oshima que, dans mon incompétence crasse, j'oubliais. Heureusement que cette bévue sera rattrapée car une dizaine de pellicules seraient passées à la trappe. Oshima, ayant le vent en poupe ces temps-ci, on parlera cette fois de Le Petit Garçon.

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ATTENTION SPOILERS : Une famille pauvre a trouvé un moyen de s'enrichir en mettant sur pied une escroquerie : simuler un accident de la circulation entre un piéton et une voiture puis négocier un arrangement à l'amiable avec le conducteur contre de l'argent. Agé de 10 ans, Toshio est jugé suffisamment grand par son père pour participer à cette arnaque. Accompagné de son petit frère de 4 ans, le garçon est contraint de se jeter sous les roues des voitures.

Pour la petite info, il s'agit du sixième film sur Cinéma Choc du Monsieur qui créa une immense polémique et qui fut, par la même occasion, traduit en justice pour L'Empire des Sens. A l'instar de Pier Paolo Pasolini, certains ont parfois cette désagréable habitude de s'arrêter à l'oeuvre qui fâcha la censure sans explorer plus loin leur filmographie. En ce qui me concerne, je n'avais pas vraiment été mis en confiance en démarrant justement par son L'Empire des Sens mais Dieu merci la curiosité m'a permis de plonger dans le travail d'un cinéaste véhément qui me plaît de plus en plus. Comme toujours avec Oshima, le fait divers n'est jamais loin des sujets qu'il met en scène. Vous vous disiez que cela ne serait pas le cas de l'oeuvre d'aujourd'hui et vous avez malheureusement tout faux. Inspiré d'un fait divers qui choqua le Japon en 1966, une famille pauvre et éclatée trouvait un moyen de gagner de l'argent en pratiquant une escroquerie qui consistait à simuler un accident de la circulation entre un piéton et une voiture de façon à soutirer de l'argent au conducteur qui se sentait fautif.
Ils n'avaient pour autant pas l'exclusivité de cette pratique, appelée "atariya", qui apparut dans les années 1960. Des gens au bout du rouleau qui n'avaient plus rien à perdre en arrivaient à pratiquer de telles saloperies pour gagner un pécule conséquent, pénalisant des hommes et femmes qui ne leur avaient rien fait.

Un sujet aussi polémique ne pouvait pas laisser Oshima indifférent à l'aune de sa perte d'espérance envers les révoltes sociales grondant dans les rues qu'elles soient sur la libération des moeurs, la lutte ouvrière ou ces combats hargneux du milieu étudiant. Dans le cas de Le Petit Garçon, l'existence de cette famille ferait se défenestrer un croque-mort. Celle-ci ne semble pas avoir de domicile fixe et arpente le Japon pour commettre ses méfaits. Rester au même endroit finirait par attirer des soupçons. Le père ne travaille pas, se jugeant handicapé suite à son retour de la guerre. Il s'est marié avec une femme qui a eu un passé compliqué et avec qui il eut un bébé. Son enfant de son précédent mariage qui a atteint 10 ans prendra le relais de sa belle-mère.
Un enfant émeut plus que le sort d'une dame quand il se fait renverser après tout. Comprenez que nous sommes dans une structure familiale totalement fragmentée où les deux enfants ne peuvent même pas avoir le privilège d'aller à l'école. Oshima ne tient pas à verser dans le politiquement correct puisqu'il expose avec zèle ce conflit générationnel plus que jamais gravissime. Les anciennes générations n'hésitent pas à exposer les jeunes au danger, voire même à la mort pour leur arrivisme, la quête facile du pognon au lieu de se battre par elles-mêmes et être des exemples pour autrui. La mentalité américaine promouvant capitalisme et consumérisme est passée par là et annihile les traditions ancestrales où l'éthique passait avant l'argent.

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La grande victime dans cette histoire est l'enfant qui est sommé d'exécuter les ordres et qui, à force de se faire renverser, abîme ses articulations. Si très vite, on est dévoré par une colère assez phénoménale pour ce couple, notre empathie commence à germer aussi pour la belle-mère qui est sous l'influence du père la rabaissant et la maltraitant constamment. Véritable ordure, il est la parfaite incarnation du parasite vivant aux dépens des autres, volant impunément le travail d'autrui tout en exposant son entourage à une imprudence qui peut leur coûter très cher. Malgré son jeune âge, ce garçon qui ne sera jamais appelé par son prénom, ce qui renvoie clairement au désintérêt total de son sort et de son existence même, a conscience des risques qu'il court et il tente plusieurs fois d'échapper à sa famille peu sécurisante. En vain... Après avoir causé un véritable accident ayant engendré un mort, ce destin peu enviable s'arrêtera sur cette fausse note, bien que les réticences du père ne continuent à le frapper. Toutes ses réactions servant un but purement individualiste. Les comportements sociaux sont totalement réduits en poussière.

La mort du malchanceux qui est passé par là. Quel intérêt ? Jouer sur la corde sensible des gens en les accusant de n'avoir aucun regret ? Une spécialisation pour mieux faire naître ce sentiment de culpabilité. Se jouer de leur humanisme pour parvenir à ses fins. On tâchera, toutefois, pour garder ce petit garçon de l'acheter par des cadeaux. Une pratique courante chez les parents dysfonctionnels qui sont incapables de donner un amour vrai à leur descendance. Une chimère qui ne le convaincra jamais totalement, n'effacera jamais son regard triste où les rares moments de satisfaction se feront lorsqu'il contera des histoires d'extraterrestres venus de la galaxie d'Andromède à son petit-frère. Le Petit Garçon est le fruit d'un cinéaste en colère qui vomit toute sa rage sur un Japon qu'il ne reconnaît pas, qui a laissé depuis la fin de la seconde Guerre Mondiale une population de laissés pour compte qui en sont arrivés à vivre de vils desseins. Pour autant, il ne condamne aucun camp, qu'il soit celui de la caste politique déconnectée du monde réel ou ces pratiquants d'atariya.
Oshima filme à la manière d'un documentaire totalement neutre ce quotidien destructeur. Pas de patho, de tirades larmoyantes, tout est glacial à l'image de l'Hokkaido où ils vivront leurs derniers instants dans l'illégalité. Cette indignation qui le ronge, il la transmet aux spectateurs qui finissent le visionnage avec un arrière-goût très dérangeant, comme si eux aussi avaient perdu tout espoir envers le genre humain.

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Ne vous attendez pas à de beaux paysages verdoyants et ensoleillés, Le Petit Garçonévolue dans des appartements sordides, des ruelles exiguës ou sur de tristes routes. Les colorations sont ternes, le Japon ne nous a jamais semblé aussi peu attrayant tant tout semble morose. Rappelons qu'il ne s'agit pas là d'une critique négative puisqu'elle coïncide bien avec la tonalité de la situation. De plus, Oshima filme avec brio, certains plans, en intérieur surtout, semblant s'inspirer du travail de Yasujiro Ozu qu'il a pourtant toujours un peu critiqué de manière absurde. Sur la question de la composition musicale, rien d'enjoué non plus n'est au programme. Tout est désenchanté, comme s'il n'y avait plus rien à tirer de la vie. Et finalement, nous pouvons compter sur un casting d'excellente qualité avec Fumio Watanabe et Akiko Koyama impeccables en parfaits salauds de parents.
Tetsuo Abe fait partie de ces rares prestations d'enfants au cinéma qui marquent durablement les esprits. Dommage qu'il ne soit pas plus connu que ça dans nos contrées alors qu'il n'a pas à rougir des enfants stars du Hollywood. Oh que non ! Tsuyoshi Kinoshita clôture le tout de manière un peu plus sommaire.

Comme je dis, malgré quelques petits faux-pas, Oshima est un cinéaste qui commence à me plaire, un peu à la manière d'un Shohei Imamura en son temps. Il aura fallu attendre L'Obsédé en plein jour pour que je lâche un "Waw !" arrivéà la fin. Dans le cas de Le Petit Garçon, c'est plutôt un "Pfooouu..." qui est sorti. Non pas qu'il s'agisse là d'une déception, très très loin de là, mais plutôt d'une claque dans la gueule résultant d'une séance austère. Et c'est un euphémisme ! Avec un thème de base pour le moins sombre auquel vous rajoutez une mise en scène hostile et un déroulement scénaristique n'offrant aucun répit à ses protagonistes, Le Petit Garçon fait partie de ces oeuvres qui vous secouent, vous interpellent et vous marquent en votre for intérieur. Comment des parents peuvent en arriver à manquer autant de respect à la vie de leur progéniture ?
Telle est la question en filigrane à laquelle jamais Oshima ne répondra car il n'y a tout simplement rien à dire. Le tout se passe de commentaires. Le Petit Garçon, un film désagréable dans le bon sens du terme qui ne laissera personne indifférent. Gare à vous quand vous prendrez la route ! 

 

Note : 15,5/20

 

 

orange-mecanique Taratata


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