Genre : Fantastique, science-fiction, inclassable
Année : 1967
Durée : 1h17
Synopsis :
Huit jeunes filles et une vieille femme arpentent le monde à la recherche d'un homme pour repeupler la terre à la suite d'une guerre atomique.
La critique :
Le fantastique, qui est l'un des genres de prédilection de Cinéma Choc, peut voir son apparition coïncider plus ou moins avec les premiers balbutiements du cinéma. Il ne suffit pas de procéder à une exégèse complète et à une exploration endiablée. Il suffit de songer au maître Georges Méliès qui, au tout début du 20e siècle, amorçait avec des effets spéciaux inouïs pour l'époque ce style qui se popularisera de plus en plus. Un peu moins de 120 ans plus tard, le fantastique continue à galvaniser l'attention des foules, restant plus que jamais l'un des genres les plus attractifs, d'autant plus si le public est jeune. L'imaginaire est toujours un endroit où l'on se plaît à s'égarer de temps à autre, quittant notre quotidien l'espace d'une séance pour découvrir un autre monde avec ses tares et/ou ses qualités. Au cours du temps, la sociologie des foules a influé directement sur le Septième Art.
Je reprendrai volontiers l'exemple de l'Allemagne post première Guerre Mondiale où les angoisses de la population se sont retransmises sur l'écran. L'atmosphère inquiétante, presque cauchemardesque de l'expressionnisme allemand est un cas d'école typique. Mais ces exemples ne sont heureusement pas si courants et nous ne parlerons de toute façon pas de l'Allemagne aujourd'hui.
Car une fois n'est pas coutume, votre site favori (rires de sitcom) vous apporte sur un plateau d'argent un nouveau cru issu de la précieuse Nouvelle Vague tchécoslovaque, néanmoins assez méconnue. Il est vrai que la provenance pourrait faire peur, que les affiches aussi ne risquent pas de mettre en confiance. Et pourtant, Dieu sait que faire l'impasse sur cela, c'est passer à côté d'excellents films comme nous l'avons démontré avec L'Oreille, Mère Jeanne des Anges, La Vierge Miraculeuse ou dernièrement Le Marteau des Sorcières. C'est après deux longs-métrages qui n'étaient guère éloquents pour se retrouver dans nos colonnes (en plus d'être assez plats) que je peux enfin faire une nouvelle chronique là-dessus. Et quoi de mieux que de passer le temps de quelques minutes pour le cliché typique du bobo hipster qui sort un film du tréfond des tréfonds du cinéma.
On ne va pas se mentir que nous sommes là en plein dans la caricature que n'auraient pas reniés Les Inconnus dans leurs mémorables sketchs Cinéma Cinémas. Cependant, il n'est pas question de se lustrer l'asperge à regarder un film inconnu de 99,9% de la population en la fixant de haut. Ce qui est l'arme parfaite pour faire fuir en masse les gens, à très juste raison. Quoi qu'il en soit, Jan Schmidt peut être satisfait de voir l'une de ces oeuvres de sa filmographie inédite dans nos contrées être chroniquée pas seulement ici mais aussi sur le net français. Et il s'agit là de son premier long-métrage du nom de Fin août à l'hôtel Ozone.
ATTENTION SPOILERS : Huit jeunes filles et une vieille femme arpentent le monde à la recherche d'un homme pour repeupler la terre à la suite d'une guerre atomique.
Votre perspicacité aura aisément deviné que nous ne sommes absolument pas dans le calibre des productions à gros budget. Fallait-il s'en étonner ? Et faut-il avoir peur d'avoir en face une pellicule fauchée et mal conçue ? Les craintes peuvent s'estomper car ne vous attendez pas à un déluge d'explosions en tout genre. C'est même tout le contraire ! Et ce que l'on peut dire est que nous serions plongés dans le néant le plus total s'il n'y avait pas la nature qui servirait de paysage. Ce silence de plomb est, néanmoins, atténué par l'escapade d'un microcosme féminin avec à sa tête une femme âgée qui est la seule du groupe à avoir connu la Terre avant que la folie de l'Homme ne la détruise. Les autres n'ont pas eu cette chance et ont vécu depuis toujours dans un no man's land.
La civilisation et tout ce qui la compose, que cela soit le marché du travail, les activités culturelles et les loisirs divers sont des notions inconnues pour elles. Si la cheffe a encore en elle des bribes d'humanité, ce n'est pas le cas de ces belles nymphes qui n'ont jamais su s'émanciper de leurs pulsions animales. Sur une planète où il n'y a presque plus âme qui vive, le bien et le mal ne sont pas des fondements essentiels et tangibles. Seul l'instinct de survie est la grande règle en vigueur.
Errant loin de toute ville quelle qu'elle soit, leurs journées ne se résument pas à grand-chose si ce n'est découvrir chaque jour un nouvel environnement et à chasser de temps en temps. Parfois celle-ci se résume à de la pure cruauté comme il en sera de mise avec le serpent et le chien. Leur voyage fait suite aux rumeurs comme quoi il y aurait un peuple dans un coin reculé. Pour éviter que l'humanité ne s'éteigne, il n'y a d'autre choix que de procréer pour que naisse une seconde ère. Se décider à visionner Fin août à l'hôtel Ozone, c'est accepter de contempler le perpétuel ennui de ces rescapées de la bombe atomique. Sur ce point, le film traduit ce climat de peur omniprésent qui planait durant la Guerre Froide. Nombreux étaient ceux qui pensaient qu'une troisième Guerre Mondiale allait éclater et que celle-ci sonnerait la fin de tout. Elle serait le jugement dernier qui n'épargnerait personne. Ces interrogations ont logiquement influencé les arts et nous sommes devant l'un des moult produits de cette époque révolue.
Toutefois, à la différence de ses contemporains, Schmidt ne décrit pas la mécanique destructrice qui a fait du monde ce qu'il est. On ne sait quasiment rien car le flou est seul maître des lieux. Il y a bien ça et là quelques allusions au monde passé mais ils tiennent plus de réminiscences que d'une description détaillée. Le fait de ne jamais quitter cet inconnu pourra rendre l'expérience hermétique à plus d'une personne, frustrée de réaliser que le scénario ne raconte finalement pas grand-chose. Il faudra attendre que le groupe n'atteigne ce fameux hôtel Ozone pour faire la connaissance de l'homme qui y séjourne. Pour les huit femmes, c'est leur première rencontre avec le sexe masculin. Une micro-guerre des sexes va lentement mais sûrement éclater. Schmidt casse les codes inconscients qui laissent à penser que l'homme est plus apte à la survie, moins épargné par les aléas de l'apocalypse passée.
Ici les deux sexes rivalisent mais c'est le sexe considéré et dit comme "faible" qui en ressortira triomphant, reprenant sa route vers un destin que nous ne connaîtrons pas. Encore une fois, la confirmation d'une histoire sibylline est faite.
Enfin, vos yeux ont pu constater que nous sommes (pour changer) encore sur du noir et blanc. Un choix brillant qui assombrit l'ambiance et amplifie ce parfum de désespoir qui frappe chaque entité du film, de la plus petite feuille au visage des individus. Il est vrai que nous ne tenons pas là le plus beau visuel du black and white mais ça n'empêche pas que le tout suit plus que bien la route. Mention toute particulière à la séquence dans l'église baignant dans une lumière blafarde. A part ça, on aurait aimé un accent un peu plus prononcé sur les décors qui ne sont pas assez filmés. Des plans larges sur ces tristes horizons aurait pu ajouter un gros cachet esthétique. Sur la question de la partition sonore, il n'y a quasiment pas de musique. Là encore, c'est un plus pour alourdir cette solitude pesante. Et nous finirons par un casting assez difficile àévaluer. Nous noterons que le manque de charisme peut se rapprocher de la volonté du cinéaste de faire de chaque héros un être fatigué.
On peut alors citer Jitka Horejsi, Ondrej Jariabek, Vanda Kalinová, Alena Lippertová, Irina Lzicarová, Natalie Maslovová, Jana Novaková, Beta Ponicanová, Magda Seidlerová et Hana Vitková. Pas sûr que ces actrices et le seul acteur soient très connus chez nous.
Appréhender Fin août à l'hôtel Ozone tient indubitablement de l'exploit tant le programme est déconcertant et en dehors de toutes les balises de la SF et du fantastique. Nous tenons un cru suintant la hantise du peuple tchécoslovaque face aux tensions géopolitiques entre l'Est et l'Ouest, qui pourrait être tout à fait probable si le pire venait à arriver un jour. La volonté de réalisme et l'accent sur le post-apocalyptique avec peu de moyens est d'une efficacité indiscutable. En revanche, le rythme très lent et la narration absconse pourront miner le visionnage, voire même être des critères éliminatoires pour motiver un lecteur à s'y jeter. Ceci dit, il y a toujours ce sentiment gratifiant de toucher aux strates profondes et obscures du cinéma. Mais est-ce seulement un argumentaire efficace que de vous inciter à appuyer sur le bouton Play ? Dans ces conditions, vous vous doutez fort bien que cette création à la frontière de l'expérimental nécessiterait un effort surhumain de ma part pour le noter.
Je ne sais, pour ainsi dire, pas si j'ai aimé ou non. C'est le genre de film qui doit mûrir dans votre esprit pour vous faire une opinion définitive sur la question. Mais si j'avais suivi cette procédure, il aurait fallu attendre plusieurs mois et une seconde séance pour me prononcer. Après tout, ce n'est pas la première fois que Cinéma Choc est confrontéà ces pellicules problématiques, pour son et VOTRE plus grand bonheur.