Genre : Comédie, thriller, horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 1998
Durée : 1h39
Synopsis :
Une famille décide d'acheter un logement dans une contrée perdue au milieu de nulle part. Leur premier client se suicide. Affolée, la famille décide de brûler son corps pour que l'incident ne s'ébruite pas. Mais manque de chance, les cadavres s'accumulent les uns après les autres, sans que personne ne puisse mettre fin à cette situation infernale.
La critique :
Que ceux qui sont devenus réfractaires au cinéma coréen depuis quelques temps se rassurent ! Ici, nous sommes vraiment arrivés dans la toute dernière ligne droite de cette longue, belle et passionnante rétrospective. Car oui, après le film d'aujourd'hui, il ne restera seulement plus que deux petits crus qui sont plus qu'impatients de faire parler d'eux sur Cinéma Choc. Que se passera-t-il après tout ça me direz vous ? Eh bien pas grand chose si ce n'est d'en reparler de temps en temps au gré des nouvelles sorties qui se feront car nous pouvons compter sur de nombreux thaumaturges prêts à abreuver encore le cinéma de thrillers palpitants. Car vous n'êtes pas sans savoir que la Corée du Sud est l'un des épicentres du genre depuis maintenant un bon bout de temps pour ceux lassés de la vision souvent trop sage et simpliste du thriller à l'occidental.
Ce pays asiatique a répondu présent à toutes leurs déceptions en leur offrant de la noirceur, de la violence, un scénario palpitant et une fin laissant presque toujours un arrière-goût en bouche. Ce qui est somme toute logique pour un thriller mais visiblement pas pour certains qui ne peuvent s'empêcher de vouloir que tout se finisse bien.
L'erreur est de croire que la Corée est un eldorado et que tout ce qui en sort est systématiquement à vénérer, sauf que comme tout pays, son Septième Art peut parfois avoir des ratés. Evidemment, ce qui se fera le mieux connaître sont les meilleurs mais des créations faiblardes, ça existe et en nombre évident qui plus est. Si le blog ne s'est jamais penché sur des navets coréens, il a disserté sur certaines pellicules de qualité moyenne. En ce jour, je ne vous accablerai pas encore d'un nouveau réalisateur puisque l'on retourne dans les bras de l'un des plus célébrissimes démiurges en la personne de Kim Jee-woon. Très loin d'être un inconnu, même aux yeux des profanes, il est celui qui réalisa deux grands classiques qui sont I Saw The Devil et A Bittersweet Life. Le premier est encore toujours considéré comme son meilleur film. Un terme qui n'est pas du tout usurpéà mon sens.
Outre ceux-ci, 2 Soeurs et The Age of Shadows eurent leur petit moment de gloire sur le site. Bien qu'ils n'atteignent pas les sommets des deux oeuvres susmentionnées, ils se montrèrent plus que recommandable pour passer une agréable soirée. Notre charmant Jee-woon nous fait l'honneur de revenir une cinquième fois avec son tout premier long-métrage qui date quand même un peu puisqu'il est de 1998. Son nom : The Quiet Family.
ATTENTION SPOILERS : Une famille décide d'acheter un logement dans une contrée perdue au milieu de nulle part. Leur premier client se suicide. Affolée, la famille décide de brûler son corps pour que l'incident ne s'ébruite pas. Mais manque de chance, les cadavres s'accumulent les uns après les autres, sans que personne ne puisse mettre fin à cette situation infernale.
De mémoire, The Quiet Family est ma toute première incursion en chronique dans le mix très glissant de la comédie potache et de l'horreur. Mélanger deux styles aussi opposés l'un à l'autre n'est pas à la faveur du premier manche venu. Le risque de caricature est élevé, de même que le ridicule. On est en droit de se poser la question de si oui ou non Kim Jee-woonétait déjà compétent lors de son intrusion dans le monde fantastique du cinéma. Une chose en sa faveur est qu'il reçut au moins plusieurs nominations dans divers festivals sans pour autant gagner de prix. C'est tout de même déjàça ! L'intrigue de facture classique n'est pas dénuée d'une certaine cocasserie vu qu'elle met en scène une famille de gens gentils mais n'ayant pas la lumière à tous les étages. Désireux d'être proactifs, ils ont acheté une auberge située dans le trou du cul du monde, sachant qu'une grande route allait être construite.
Il suffisait alors d'attendre patiemment les clients, sauf que le lancement des travaux prend énormément de retard. Leur investissement tombe un peu en morceau avant que le jour de gloire n'arrive. Un tout premier client un peu (beaucoup...) louche se présente. Un événement pour cette famille qui lui offre les plus grands soins. On ne sait pas très bien ce qui se passera par la suite. Toujours est-il que le visiteur est retrouvé mort dans sa chambre sans explication. Prenant peur que les autorités s'en mêlent et pourraient ruiner leur petit business, celui-ci sera enterré dans la forêt.
Alors que tout le monde pensait que cette sacrée mésaventure allait être du passé, un couple commet un double suicide dans la chambre. Une goutte d'eau qui fait déborder le vase et ça ne sera pas fini, loin de là, la famille adoptant des tendances de plus en plus meurtrières pour couvrir ses arrières. Les plus intellectuels verront en The Quiet Family une oeuvre potache qui semonce l'idéologie capitaliste. Le but derrière leurs actes est de faire disparaître toutes les preuves afin que l'hôtel ne s'attire pas une sale réputation de bâtiment maudit, voire même hanté. Se débarrasser de tout témoin gênant est la condition sine qua non pour que leur affaire tourne et que l'argent ne rentre. Mais cette thématique n'est en soit pas tellement importante. Le film se veut avant tout un divertissement macabre décomplexé rappelant un brin cette fameuse famille Addams.
Sur ce point, le cinéphile se fera plaisir car le morbide est clairement de la partie avec cette accumulation de cadavres pourrissants, résultant d'un suicide, d'une mort accidentelle ou même d'un assassinat où le sang ne se prive pas de couler généreusement. Renforcé par un humour noir et malsain, une ambiance pesante flotte durant tout le récit. Jee-woon s'est montré magnanime en termes de morts parfois brutales comme ce pauvre vieillard balancé par la balustrade pour s'écraser sur l'escalier avec tout ce que cela comporte comme bruits dérangeants.
Hélas tout n'est pas rose. Si le potentiel est là, on sent que Jee-woon n'est pas tout à fait à l'aise derrière la caméra. Trop timoré, il n'a pas encore épousé son style irrévérencieux que nous retrouverons plus tard. Si quelques longueurs se feront ressentir, ce n'est pas là le principal problème. Ce qui déçoit est que The Quiet Family ne décolle jamais vraiment. Les crimes se font et s'il y a une infinitésimale intervention de la police, jamais on ne sentira vraiment l'étau se resserrer sur eux tout le long. N'ayant pas étéà fond dans son délire, le tout manque cruellement de fantaisie pour nous faire pleinement jubiler devant. Le côté répétitif impacte négativement. Nous aurions aimé un sentiment de menace beaucoup plus présent dans la dernière partie. Nous aurions aimé que les limites soient repoussées, sans que cela ne vire pour autant dans de la nécrophilie. Car si rien ne semble réaliste, pourquoi ne pas amplifier la chose quitte à encore moins se prendre au sérieux, sans verser, comme dit au-dessus, dans une caricature un peu grossière ? Ce sont ces petits détails qui font tâche et qui nous feront regarder à plusieurs reprises l'horloge.
En revanche, Jee-woon assure déjà une certaine érudition. On est séduit par le tout début où cette caméra traverse les couloirs en travelling à travers un beau plan-séquence. Celle-ci ne rend jamais l'action illisible, filmant avec une grande dextérité tout ce qui se passe. Certes, le cachet visuel n'est pas des plus beaux mais l'ensemble reste largement probant, d'autant plus que les décors sans âme qui vive, sans chaleur, contribuent énormément à la réussite. A ce niveau, The Quiet Family a une âme et c'est important de le souligner. Sur la question de la bande son, elle prêtera à débat. Soit, on aime, soit, on déteste. Atypique en son genre, on pourra comprendre les critiques à son égard. Je tâcherai d'être neutre sur la question mais une petite voix en moi me dit de ne pas avoir été convaincu.
Mais mentionnons quand même que The Quiet Family est l'occasion de voir Song Kang-ho et Choi Min-sik en petits jeunots, ce qui est assez amusant. Déjà très talentueux, ils relèvent le niveau d'un casting tout à fait correct mais pas non plus exceptionnel au sein duquel nous retrouverons Park In-Hwan, Na Moon-He, Go Ho-kyung, Lee Yun-seong, Jung Jae-young, Ki Joo-Bong et Han Seong-Sik.
De mémoire, je pense n'avoir jamais pondu une chronique aussi courte portant sur un film coréen. Mais que voulez-vous, il n'y a pas non plus énormément de choses à dire car le film n'a pas pour ambition de s'intellectualiser. Certes, on décèle une certaine dénonciation de l'appât du gain qui autorise tout et n'importe quoi même si ça doit en arriver à tuer des humains pour assurer sa pérennité. De l'enrichissement découle l'individualisme et nous soupçonnons que les Etats-Unis sont secrètement critiqués, au vu de leur relation d'amitié avec le gouvernement coréen. Alors, pour en revenir au film, The Quiet Family n'est pas du tout une mauvaise oeuvre, mais son lot de qualités/défauts, fait que nous avons une création en dents-de-scie où les hésitations sont perceptibles. Cela serait de fort mauvais goût de critiquer Kim Jee-woon qui n'en était qu'à ses débuts. Certains génies unanimement reconnus comme Stanley Kubrick et Akira Kurosawa n'ont pas fait un démarrage en fanfare.
On se contentera de dire qu'il est tout à fait compréhensible de ne pas encore être tout à fait à la hauteur, de ne pas avoir encore révélé son potentiel. Cinq ans plus tard, 2 Soeurs prouvera aux yeux du monde que Jee-woon a de grandes capacités pour marquer les foules, et surtout encore deux ans plus tard quand A Bittersweet Life assènera une onde de choc dans le paysage international du thriller.
Note : 12,5/20