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MATALO ! (Il n’existe que deux sortes d’hommes bons : L’un est mort. L’autre n’est pas encore né)

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Réalisateur : Cesare Canevari

Scénario : Mino Roli, Nico Ducci et Eduardo Manzamos Brochero. Photographie : Julio Ortas. Décors : Francesco De Stefano. Montage : Antonio Gimeno. Musique : Mario Migliardi.

  • Durée : 1 heure et 29 minutes

  • Date de sortie : 1970

  • Acteurs : Lou Castel, Corrado Pani, Antonio Salines, Luis Dávila, Claudia Gravy

La critique :

Le western à l’italienne, communément nommé“western-spaghetti”, apparaît au début des années 60 alors que le western traditionnel s’essouffle. Plus baroque, plus kitsch aussi, il va bousculer les codes du cinéma mondial, marqué notamment de l’empreinte de Sergio Leone, l’un des pères d’un genre qui sera hautement plébiscité grâce à quelques films mythiques. Pour sa genèse, ce cinéma fut fortement influencé par un certain Akira Kurosawa, notamment par le mythique Les 7 samouraïs, Le garde du corps et sa suite Sanjuro. Ces films du genre chanbara fleurissant au Japon avec succès : Goyokin ou encore Zatōichi qui fera entrer l'acteur Shintarō Katsu dans la légende.

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Les producteurs italiens fortement impressionnés par ces chanbaras décident d’initier ce genre dans leur patrie tournant aussi en Espagne dans le désert de Tabernas, situé entre la Sierra de los Filabres au nord, la Sierra Alhamilla au sud-sud-est et la Sierra Nevadaà l'ouest. De 1965 à 1968, le genre va connaître son âge d’or. C’est l’époque de nombreux chefs d’œuvre d’un certain Sergio Leone (Et pour quelques dollars de plus, le Bon la brute et le truand, Il était une fois dans l’Ouest) et l’affirmation de grands auteurs : Sergio Corbucci (Django, Le grand silence), Sergio Sollima (Le dernier face à face)…

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En 1970, le western italien semble à bout de souffle, mais un film « On l’appelle Trinita » relancera le genre par le biais du film comique. Et vint l’ultime dernier chef-d’œuvre KEOMA, réalisé par Enzo G. Castellari, sorti en 1976.

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Il serait insensé de citer les 800 westerns italiens tant les productions s’enchaînaient, permettant de révéler quelques notables réalisateurs et d’acteurs charismatiques, Franco Nero par exemple, nos acteurs français eurent l’honneur de tourner avec des grands réalisateurs, notamment Jean-Louis Trintignant dans Le grand silence et Johnny Hallyday dans Le spécialiste, deux films de Sergio Corbucci. Le genre est tel qu’un certain chilien Alejandro Jodorowsky réalisera un de ses nombreux films ésotériques, El Topo en 1970 (western mystique ne ressemblant qu’à son énigmatique réalisateur). De ces pléthoriques westerns, des perles accéderont à un culte, les initiés du genre pourraient citer Tire encore si tu peux (Se sei vivo, spara), western spaghetti réalisé par Giulio Questi en 1967 et bien d’autres encore… De ces « diamants noirs » pointe un film « autre », une alliance impure du fameux El topo avec le théâtre de l’absurde, j’ai nomméMATALO !, et ce en 1970.
A la réalisation, un nom bien connu des bisseux, Cesare Canevari oeuvrant dans le bis notamment en 1977 avec l’incroyable La Dernière orgie du IIIème Reich, la nazisploitation était en vogue chez nos amis italiens. Lou Castel, à la distribution, à l’éclectique filmographie tournant avec Visconti (Le guépard), El chuncho de tessari, Ruiz, Bellochio, Cavani, Chabrol... Cet acteur suédois continue de nos jours à tourner.

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Synopsis :

Deux bandits sauvent un de leurs amis de la potence et se réfugient dans une ville fantôme. Rejoints par leur complice Mary, ils préparent l’attaque d’une diligence transportant de l’or. Leur plan pourrait se dérouler sans encombre, mais l’arrivée d’une vieille femme, d’un étranger maniant le boomerang et d’une jeune veuve va venir tout chambouler…

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L’injonction du titre est sans équivoque, Matalo ! à savoir Tue-le, emportera son spectateur dans un délire fantasmatique, l’invitant par une grande inventivitéà jouir de sa vision. Lorgnant vers un cinéma expérimental, Canevari utilise toutes les possibilités pour dynamiser son récit, arrêts sur image, ralenti, décadrage, plan ultra-court, contre-plongée signifiante, travelling à 360°, le tout enveloppé par une formidable musique rock de Mario Migliardi antinomique du western italien traditionnel. Canaveri n’a que faire de ses pères fondateurs, foulant de son génie créateur les codes imposés par le genre, il dynamite le tout par une singularité filmique inédite en ce temps. Cette liberté permettra à Canevari d’accéder le temps d’un film, hélas, à« auteuriser » son œuvre digne d’un Bunuel sous acide.
Au commencement du film, un corbillard, un cercueil : une veuve sort sur le perron. Un bandit, Bart, avance vers l’échafaud pour y être pendu. La corde au cou, il provoque le curé qui s’échine à lui réciter une prière de circonstance. Bart est un cynique, sans foi ni loi. Son exécution tourne court, aidé en cela par ses comparses qui mettent fin à la pendaison funèbre. Bart retrouve la veuve, qui hésite à le tuer, il l’embrasse à pleine bouche tout en lui dérobant une bourse d’argent, Bart quittera la ville jonchée de cadavres… Ni foi, ni loi, j’ai dit.

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Ils (Bart, Philip, Théo et la belle Mary) émergeront dans une ville fantôme en attendant le bon moment pour repartir avec leur butin. Mais Mary est au centre de leur convoitise. Philip est l’homme du moment de Mary. La belle, vénale de surcroît, libre, sûre de ses charmes affolent la gente masculine. Théo le sadique et peu réflexif dans ses analyses essayera d’attirer la belle sans assouvir son fantasme.

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Apparaît Ray (Lou Castel) dans la ville. Pacifiste, il devient aussitôt le souffre-douleur de Théo. Ray est la victime exutoire des frustrations de Théo… La ville fantôme, où se déroule la majeure partie du film, est le symbole d’un monde déjà mort. Le cynisme est dominant en totale phase avec notre monde d’aujourd’hui ; Matalo ! est la métaphore d’un paradigme décadent où les anciennes valeurs deviennent obsolescentes. D’une inventivité constante, Canevari au travers d’un scénario politique, oppose à la modernité décadente (un paradoxe) un monde déjà enterré, les idéaux des colons semblent oubliés laissant à une génération décérébrée toute latitude. Ray, pacificateur usera de son arme aborigène, un boomerang ! (idée absurde ou de génie, je vous laisse entrevoir les scènes ou l’arme pacifique) s’envole, convergeant vers des cranes aux idées maléfiques, permettant ainsi de rétablir un semblant d’ordre.

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Mais peut-on rétablir un ordre dans ce shéol terrien ? Toute la question est là, Ray est-il le sauveur d’un ouest ensauvagé ou bien un égotiste au sens de la philosophie objectiviste que prônait déjà dans les années cinquante Ayn Rand ? Entre folie, perversité, tout est permis même maltraiter une vielle femme, la dernière habitante de cette ville fantôme, Cesare Canevari se sert du genre western pour élaborer un film baroque unique. Pasolini et Jodorowsky auraient apprécié un si précieux présent.

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Ce film est proposé en dvd chez Artus film dans une magnifique copie, il serait dommage de ne pas - en ces nouveaux temps de confinement - fracasser sa tirelire pour un tel film.

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Note : 17/20

 

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