Genre : drame
Année : 1978
Durée : 1h35
Synopsis : Roland Fériaud, un homme sans histoire, est séquestré dans une étrange clinique. On le questionne au sujet d'une mallette, mais il s'aperçoit bientôt qu'il y a eu erreur sur la personne...
La critique :
Oui, je sais ce que vous devez probablement pontifier, ergoter et maronner... Que vient foutre Lino Ventura dans les colonnes diffuses de Cinéma Choc ? A tort, le comédien est souvent répertorié parmi les meilleurs acteurs de notre cinéma hexagonal. Pourtant, par ses origines (et même sa nationalité), Lino Ventura est Italien. Est-il absolument opportun de s'appesantir sur sa carrière cinématographique ? Oui, un peu... Beaucoup... Enormément tout de même ! Après avoir entamé une carrière sportive dans la lutte, puis dans le catch, Lino Ventura rencontre un peu par hasard le réalisateur Jacques Becker. Le cinéaste est immédiatement enjôlé par cette force de la nature.
Lino Ventura échoit alors d'un rôle secondaire (en l'occurrence, une brute sombre et épaisse) pour donner la réplique à Jean Gabin dans Touchez pas au grisbi (1953).
Contre toute attente, cette comédie dramatique ameute les foules dans les salles. Les spectateurs repèrent eux aussi le talent et la prestance de Lino Ventura. L'acteur enchaîne alors les rôles subalternes, notamment dans Razzia sur la chnouf (Henri Decoin, 1955), La loi des rues (Ralph Habib, 1956), Le feu aux poudres (Henri Decoin, 1957), Trois jours à vivre (Gilles Grangier, 1957), L'étrange monsieurs Steve (Raymond Bailly, 1957) et Ces dames préfèrent le mambo (Bernard Borderie, 1958). Lino Ventura devra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à l'orée des années 1960 pour interpréter des personnages plus complexes et solennels.
L'acteur devient un visage récurrent dans certains classiques voluptuaires. Les thuriféraires du comédien n'omettront pas de stipuler des films tels qu'Un Taxi pour Tobrouk (Denys de La Patellière, 1961), Les tontons flingueurs (Georges Lautner, 1963), Les Barbouzes (Georges Lautner, 1963), Les grandes gueules (Robert Enrico, 1965), Le deuxième souffle (Jean-Pierre Melville, 1966), Le clan des siciliens (Henri Verneuil, 1969), ou encore L'Armée des Ombres (Jean- Pierre Melville, 1969).
Au fil de sa carrière, Lino Ventura diversifie ses rôles au cinéma et oblique vers le thriller, les drames et les polars. Il n'est donc pas très surprenant de retrouver l'acteur dans Un Papillon sur l'Epaule, réalisé par la diligence de Jacques Deray en 1978. A l'origine, le long-métrage est l'adaptation d'un opuscule, Le Puits de velours (The Velvet Well dans l'idiome de Shakespeare) de John Gearon paru en 1946. A fortiori, le matériel originel s'inspire lui aussi d'un fait bien réel. Quant à Jacques Deray, le cinéaste polymathique a érigé sa réputation durant la décennie 1970, période durant laquelle il tourne successivement avec Alain Delon et Jean-Paul Belmondo.
On pourrait notamment stipuler La Piscine (1969), Borsalino (1970), Borsalino § Co (1974), Trois Hommes à abattre (1980), Le marginal (1983), ou encore Le Solitaire (1987) parmi les films les plus probants du metteur en scène.
En outre, Un papillon sur l'épaule est généralement catégorisé parmi les crus mineurs de Jacques Deray. Par ailleurs, au moment de sa sortie, ce drame essuiera une rebuffade commerciale, dépassant pénible les 550 000 entrées (553 617 entrées, pour être précis, source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Un_papillon_sur_l%27%C3%A9paule). Même les critiques se montrent plutôt pondérées et qualifient ce film de drame anecdotique. Reste à savoir si Un Papillon sur l'Epaule mérite - ou non - de tels anathèmes.
Réponse à venir dans les lignes éparses de cette chronique... Hormis Lino Ventura, la distribution du film se compose de Claudine Auger, Paul Crauchet, Jean Bouise, Nicole Garcia, Roland Bertin, Xavier Depraz, Dominique Lavanant, José Lifante, Jacques Maury et Laura Betty.
Attention, SPOILERS ! (1) Roland Fériaud, un homme d'affaires français, arrive à Barcelone, où il doit rester une semaine. Sa femme Sonia, avec laquelle il a vécu une période de séparation, doit l'y rejoindre trois jours plus tard. Alors qu'il vient d'arriver à son hôtel, il découvre dans la chambre voisine le corps d'un homme sans vie, avant d'être lui-même assommé. Il reprend ses esprits dans une clinique psychiatrique presque déserte, où un médecin le questionne avec insistance sur une mallette dont il n'a aucun souvenir. Encore plus étrange, le médecin lui assure qu'aucun meurtre n'a été commis dans l'hôtel. En se promenant dans les couloirs, il rencontre un pensionnaire perturbé, qui parle à un papillon imaginaire qu'il croit posé sur son épaule. Le lendemain, il quitte la clinique et va chercher sa compagne à la gare ferroviaire. Heureux de la retrouver mais inquiet de sa mésaventure, il change d'hôtel sans en expliquer la raison à sa compagne.
Il se rend au premier hôtel pour y récupérer ses bagages. C'est là que les choses se compliquent encore. Il y rencontre une femme qui cherche son mari disparu, et dont le signalement correspond au cadavre du premier jour. Ensuite, le réceptionniste l'informe qu'un inconnu l'attend dans une chambre. Arrivé dans cette chambre, il découvre un nouveau cadavre. Au même moment, le téléphone sonne. Une voix féminine lui ordonne de prendre la mallette et de sortir immédiatement. À la sortie, alors qu'il remarque qu'il est « attendu » par d'inquiétants personnages, une voiture, conduite par une jeune femme arrive à point nommé et le tire d'affaire.
Mais, en cours de route, la conductrice du véhicule commence elle aussi à le questionner sur la mallette. Il se fait déposer au commissariat de police.
Comme il a l'impression d'être pris pour un fou, il quitte le commissariat, de plus en plus inquiet. Bien décidéà quitter la ville au plus vite, il se hâte de retourner à l'hôtel. Mais il arrive trop tard : Sonia a été enlevée. Un coup de téléphone le prévient : ce sera sa femme contre la mallette, dont il ne sait toujours rien (1). Oui, Un Papillon sur l'Epaule possède de solides arguties dans sa besace. La première, et pas des moindres, se nomme justement Lino Ventura. Après une agression, l'homme chenu tombe en pâmoison. Mais, alors qu'il se réveille dans une clinique vidée de sa substance, le médicastre invoque la thèse de la perte de mémoire, voire d'une paranoïa sous-jacente.
Au moins, Un Papillon sur l'Epaule peut s'enorgueillir d'un préambule éloquent et nimbé par une ambiance de suspicion, voire de psychose hallucinatoire chronique.
Roland Fériaud est-il victime de ses propres affabulations ? Ou alors est-il pris dans un engrenage inextricable ? Clairement, le long-métrage de Jacques Deray bifurque vers la seconde option. On nage en plein drame "kafkaïen". Hélas, après de bonnes intentions de départ, le métrage perd rapidement son rythme de croisière pour s'engouffrer dans d'interminables palabres. A force de verser dans un scénario abscons, Un Papillon sur l'Epaule s'illustre surtout par sa redondance. Indubitablement, ce drame, parfois saisissant, aurait mérité un bien meilleur étayage, surtout d'un point de vue scénaristique. Dommage... Car hormis le charisme de Lino Ventura, on relève aussi quelques seconds rôles probants, notamment Jean Bouise et Nicole Garcia. C'est donc la circonspection qui émane lors du générique final. In fine, la mise en scène de Jacques Deray ne plaide guère en la faveur de son protagoniste principal, dont on se contrefout de ses tribulations. Une petite gabegie en somme. Pour une fois, les critiques avaient raison de se montrer dubitatives...
Note : 10/20
Alice In Oliver