Genre : Polar
Année : 1954
Durée : 1h05
Synopsis :
Davy Gordon, boxeur minable, se retrouve aux prises avec un ponte de la mafia pour lui arracher des griffes la femme qu'il aime...
La critique :
Ma dernière chronique s'étant portée sur un film de Stanley Kubrick, je me suis dit que continuer serait une bonne idée. Pas de grand classique du réalisateur aujourd'hui mais un de ses premiers essais alors qu'il n'était encore qu'aux prémisses de sa grande carrière cinématographique. Il y a de cela un gros bout de temps, je m'étais atteléà la chronique de son premier film du nom de Fear And Desire, cette fois-ci sera son deuxième film au doux nom de Killer's Kiss ou Le Baiser du Tueur en français. Une oeuvre qui, avec son premier film, est souvent très peu cité par les cinéphiles, ce qui n'a rien d'étonnant ceci dit vu qu'elles ont très vite été vouées à sombrer dans l'oubli.
Néanmoins, Kubrick ne reniera pas ce film comme il l'a fait avec Fear And Desireà l'époque. On pourrait cependant attendre de Killer's Kiss, un récit sans trop d'envergure et tourné avec les moyens du bord. Ce n'est pas faux mais ce n'est pas totalement vrai non plus car on tient là probablement le film où le réalisateur s'est le plus investi dans la réalisation en étant photographe, monteur et en partie producteur et scénariste. Une performance pas trop mal quand on sait, qu'à côté, il filma l'intégralité du film sans son puis a doublé toutes les voix, ce qui représentait un travail technique considérable. Bref, si Fear And Desire eut du mal à réellement convaincre, même chez les amateurs de Kubrick, que peut-on dire de ce deuxième essai ? Meilleur ou moindre ? Réponse dans la chronique.
ATTENTION SPOILERS : Après une défaite sur le ring dans un match officiel important, Davey Gordon défend une entraîneuse de danse, Gloria, malmenée par son patron Vincent Rapallo. Les deux jeunes gens, qui habitent dans le même voisinage, sympathisent et tombent amoureux. Gloria décide alors de quitter son travail pour fuir sa condition et son employeur. Ce dernier, épris d'elle, tente de l'en empêcher en éliminant Davey qui se retrouve ainsi confronté aux hommes de main de Rapallo. Cette fois-ci exit le film de guerre et place à un nouveau genre auquel Kubrick s'essaie, qui est donc le polar.
Un genre typique des années 40 et 50 toujours passionnant à regarder et dont les chefs d'oeuvre se sont accumulés au fur et à mesure des années. Ceci dit, en lisant le synopsis, guère d'enthousiasme au programme vu un scénario basique et souvent redondant. Indubitablement, le réalisateur ne s'est pas empressé d'aller chercher plus loin que ça et nous livre un récit basique avec une histoire d'amour entre un boxeur raté et une belle femme oppressée par un ponte de la mafia.
On en attendait mieux de ce bon vieux Stanley. Pourtant, la recette fonctionne et le film se suit avec un grand intérêt. Si l'on pouvait reprocher des maladresses de mise en scène dans Fear And Desire, ici on sent que le cinéaste a fait de plus grands efforts et nous livre des plans plus travaillés, plus précis et apportant plus de beauté aux décors. Malheureusement, quelques maladresses techniques seront rencontrées notamment dans cette séquence du combat de boxe fort brouillonne. Pour la beauté des décors, ce n'est pas très compliqué, me direz vous, étant donné que nous évoluons dans un quartier, que nous soupçonnons être Broadway avec ses multiples lumières et décors vivants.
Difficile de rechigner devant les très beaux plans auxquels nous faisons face. Ceci dit, Kubrick brouille les repères de lieux, comme dans sa première oeuvre, et nous n'avons que très peu d'indications sur le lieu de l'action. Curieusement, on se rend vite compte que Killer's Kiss n'est pas un polar conventionnel et a son propre style tant graphique que dans la mise en scène. Ainsi, on pourra remarquer que ça parle peu et surtout que les dialogues n'ont aucune importance. Tout se joue au niveau des images. Après, on pourra dire que c'est l'absence de réelle intrigue qui veut ça mais malgré tout, il y a un ressenti de ce genre.
Deuxièmement, l'ambiance du film a une étrangeté caractéristique que nous pouvions déjà observer dans Fear And Desire et son ambiance glauque et malsaine. Ici la formule se répètera surtout durant la dernière partie du film où le héros, pourchassé par 2 gangsters, se perdra dans un dédale de rues sans âme qui vive. Une séquence assez glauque dont le fond pessimiste n'est pas sans rappeler sa première oeuvre et même Les Sentiers de la Gloire où face à l'adversité, aucune aide ne sera apportée et le héros ne peut avancer que seul. L'immensité des bâtiments ne fera qu'oppresser le personnage se retrouvant par la suite perdu dans un entrepôt parsemé de mannequins en bois où se tiendra la confrontation finale. Une confrontation risible qui nous fait plus nous retrouver face à 2 chevaliers sévèrement imbibés à l'alcool qu'à un réel combat. Mais quoi qu'on en dise, Killer's Kiss a un style qui lui est propre malgré un scénario bancal et une tournure des évènements fort académique durant les 3/4 du film.
Concernant l'architecture du film, j'avais déjà parlé d'un visuel mieux maîtrisé et de très beaux plans oùKubrick joue beaucoup sur les ombres mais la bande sonore est aussi très belle àécouter. L'esthétique est intéressante et augmente la qualité du film. Killer's Kiss est définitivement le film qui va mettre en évidence le style visuel du réalisateur, malgré, comme dit avant, quelques petites maladresses dans la manière de filmer. En revanche, le jeu d'acteur, avec au casting Jamie Smith, Frank Silvera et Irene Kane notamment, ne brille pas vraiment par sa qualité avec des personnages dont on se fout éperdument. En conclusion, Killer's Kiss n'est pas encore le film démontrant tout le talent de Kubrick, qui ne se révèlera définitivement qu'avec L'Ultime Razzia. Si le moyen-métrage est tout ce qu'il y a de plus correct et se montre plaisant à suivre, certains défauts entâchent le visionnage avec un scénario bas de gamme, un déroulement des évènements tout ce qu'il y a de plus commun, un jeu d'acteur moyen et quelques problèmes techniques dans le montage. Fort heureusement, le style parfois quelque peu expérimental, la photographie léchée et une dernière partie surprenante à l'atmosphère particulière lorgnant entre l'étrange et le glauque, fait que l'intérêt est relevé. Sans quoi, le film aurait pu être un fiasco.
Moins profond et psychologique que Fear And Desire mais mieux maîtrisé techniquement. En d'autres termes, un polar plus étrange qu'il n'en a l'air et à l'ambiance typiquement Kubrickienne. Ainsi, ma note pourra être vue comme clémente.
Note :13/20



