Genre : aventure
Année : 1977
Durée : 1h35
Synopsis : Passant outre les conseils de la scientifique Rachel Bedford, le capitaine Nolan décide de tuer un épaulard. Une chasse à mort s'engage...
La critique :
Après avoir grandi dans une famille passionnée par la dramaturgie et le théâtre, Michael Anderson épouse à son tour une carrière cinématographique qui débute dès 1949 avec Waterfront. En 1956, Michael Anderson signe l'adaptation du roman 1984 au cinéma. Le long-métrage remporte un succès d'estime. Les producteurs confient alors des projets un peu plus onéreux au cinéaste britannique. On relève ainsi plusieurs pellicules notables et notoires, entre autres Le Tour du Monde en quatre-vingt jours (1956), Commando sur le Yang-Tsé (1957), Doc Savage Arrive (1975), L'Âge de Cristal (1976), ou encore Pinocchio et Gepetto (2000). Vient également s'ajouter Orca, réalisé en 1977.
A l'époque, ce film d'aventure profite de la vague (c'est le cas de le dire...) "agression animale" générée par le succès colossal de Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975).
Avec Orca, Michael Anderson souhaite néanmoins se démarquer du chef d'oeuvre horrifique de Steven Spielberg et se rapprocher davantage de Moby Dick, le célèbre opuscule d'Herman Melville, lui aussi adaptéà moult reprises pour le cinéma. Au moment de sa sortie, Orca est tancé, persiflé et vitupéré par les critiques et la presse cinéma. En outre, Orca ne serait qu'un remake déguisé de Jaws, à la seule différence que l'animal aquatique agirait ici par vengeance.
Le film sort aussi deux ans après celui de Steven Spielberg. A l'instar du tournage de Les Dents de la Mer, celui d'Orca est régulièrement ponctué par des dépassements importants de budget. Ce qui ne manque pas de susciter les acrimonies, en particulier concernant les effets spéciaux du film, jugés obsolètes. La troisième et dernière diatribe concerne le jargon pseudo scientifique du long-métrage.
Avant et même après la sortie d'Orca, l'orque est souvent considéré comme un animal pacifiste victime de la folie des hommes et de chasseurs un peu trop téméraires. Or, la pellicule de Michael Anderson inverse cette dialectique et offre visage sous un jour belliqueux. Gare à ne pas effaroucher le mammifère marin sous peine de provoquer une furibonderie meurtrière ! Telle est la rhétorique d'Orca. En dépit de certaines analogies, le film de Michael Anderson se démarque totalement de celui de Steven Spielberg et ne mérite donc pas certaines épigrammes dont il a été affublées au moment de sa sortie.
La distribution d'Orca réunit Richard Harris, Charlotte Rampling, Will Sampson, Bo Derek, Keenan Wynn et Robert Carradine. Attention, SPOILERS ! (1) Avec son équipage, le capitaine Nolan et ses acolytes Annie, Paul et Novak pêchent un requin.
Il revend les animaux qu'il capture à des aquariums. Un jour, il rencontre Rachel, un professeur d'université qui voue une passion aux épaulards. Nolan se met alors en tête d'attraper un de ces animaux, en espérant en tirer un profit plus important. Lors de sa tentative de capture, il blesse mortellement une femelle épaulard sur le point de mettre bas. Dès lors, le mâle, furieux, prend en chasse le bateau du capitaine et dévore Novak. Il poursuivra Nolan jusqu'à ce qu'il obtienne sa vengeance (1).
Avec Les Dents de la Mer et Piranhas (Joe Dante, 1978), Orca est souvent considéré comme l'un des meilleurs films du genre "agression aquatique". Toutefois, le film de Michael Anderson est peu comparable, en dépit de ses accointances, à celui de Steven Spielberg et à la série B érubescente de Joe Dante. L'intérêt d'Orca se situe dans l'inversion de la didactique instaurée par le roman Moby Dick.
Dans l'opuscule d'Herman Melville, c'était un marin acariâtre qui criait haro contre un cétacé. Orca repose donc sur la didactique inversée. Cette fois-ci, c'est l'épaulard qui se venge et se regimbe contre le chasseur, un certain Capitaine Nolan, qui a blessé puis massacré la femelle par mégarde... Ou presque. Dès lors, Michael Anderson adopte un ton rationnel et résolument scientifique, arguant bon gré mal gré, que les orques sont des animaux d'une redoutable sagacité.
Leur cerveau serait presque similaire à celui des êtres humains. Leur regard aiguisé n'oublierait jamais celui ou ceux qui aurai(en)t le malheur d'occire leur famille. Cette véritable leçon d'océanographie nous est doctement assénée par une Charlotte Rampling emphatique. Hélas, en dépit de ces habiles stratagèmes, toutes ces belles moralines écologiques ne parviennent pas à phagocyter un scénario trop basique.
En revanche, Orca retrouve ses plus beaux atours lorsqu'il se polarise sur le film d'aventure, entraînant son marin intrépide sur le territoire du requin... euh... pardon... sur le territoire de l'épaulard. Rien à redire sur la prestation de Richard Harris qui assure parfaitement la réplique face à une créature réalisée en animatronique. C'est aussi cette dernière qui chipe la vedette au reste du casting. En l'occurrence, les acteurs secondaires ne présentent aucun intérêt, à l'image de Charlotte Rampling qui, curieusement, semble détachée de son personnage, il est vrai assez froide, pour ne pas dire pudibonde.
Par ailleurs, on se demande un peu pourquoi Michael Anderson n'a pas davantage étayé le Capitaine Nolan tant ce personnage est complexe et évolue au cours de l'aventure. Tout d'abord rustre et licencieux, le marin se révèle de plus en plus humain et magnanime au cours du récit, jusqu'à accepter sa propre mort et même son sacrifice lors du pugilat final.
Ainsi, à la fin du film, l'épaulard s'apparente à une version sociopathique de Nolan alors que ce dernier revêt un visage beaucoup plus fragile et empathique. Au contact de l'animal, le capitaine Nolan et son aéropage s'humanisent alors que le cétacé suit le cheminement inverse au contact de l'homme. Dans Orca, c'est donc l'animal qui révèle toute la subtilité de l'âme humaine. A contrario, l'orque vindicatif devient un prédateur sans foi ni loi, semant le chaos et la désolation dans une petite communauté. Littéralement, Orca signifie "celui qui apporte la mort". Mais Orca, c'est aussi ce curieux paradoxe entre la sériosité du propos affiché et cette même incongruité qui émaille les une heure et 35 minutes de récit.
Pourtant, en dépit de certaines tares, le film de Michael Anderson justifie son visionnage, ne serait-ce que pour sa réactualisation du mythe de Moby Dick.
Note : 13/20
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Orca_(film)