Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 2003
Durée : 1h20
Synopsis : Susan et Daniel sont venus aux Bahamas pour se détendre, et ils en ont bien besoin. Adeptes de la plongée, ils s'inscrivent pour une sortie sur la barrière de corail. Parce que le bateau est trop plein, parce que l'équipage ne fait pas vraiment attention, ils se retrouvent seuls, perdus au large, dans des eaux infestées de requins.
La critique :
Toujours la même ritournelle... C'est avec Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975) que les squales affamés et aux incroyables rotondités vont connaître leur apogée dans le cinéma horrifique. A travers ce film, Steven Spielberg propose un cadre simple et rudimentaire (une station balnéaire) bientôt tarabustée par un monstre aquatique. Dès lors, le cinéaste développe une réflexion sur l'appétit insatiable des capitalistes mercantiles, prêts à sacrifier les touristes au nom du lucre et du merchandising. Le vrai requin, ce n'est pas forcément ce poisson gargantuesque qui semble sourdre de nulle part, mais ces édiles politiques à la solde d'un capitalisme cupide.
Dans sa seconde partie, le film se transmute en partie de chasse et n'est pas sans rappeler, par certaines accointances, l'histoire de Moby Dick, un opuscule griffonné par les soins d'Herman Melville.
De facto, on comprend mieux pourquoi Les Dents de la Mer - Jaws de son titre original - reste le ou l'un des parangons du genre "agression animale". Bientôt, le film de "Spielby" engendre de nombreux épigones, notamment La Mort au Large (Enzo G. Castellari, 1981), souvent considéré comme le "Jaws transalpin", le talent, la pécune et l'érudition en moins. Depuis le début des années 2000, l'attaque de squale connaît une étonnante résurrection, cette fois-ci sous l'angle de la potacherie et de la dérision. Les sociétés de production Nu Image et Asylum se chargent de tourner les poissons titanesques en ridicule via plusieurs pellicules aux titres évocateurs, entre autres Sharktopus (Declan O'Brien, 2010), Shark Attack 3 : Megalodon (David Worth, 2002), Mega Shark Vs. Crocosaurus (Christopher Ray, 2010), ou encore Mega Shark Vs. Giant Octopus (Jack Perez, 2009).
Bref, l'ère de Les Dents de la Mer semble définitivement révolu. A l'exception de quelques pellicules notables, aucun long-métrage ne parvient à s'extirper et à réitérer le choc frontal du film de Steven Spielberg. Le genre "requins belliqueux" est-il capable de se renouveler sous l'égide d'un autre réalisateur ?Oui, argue un autre cinéaste du nom de Chris Kentis et réalisateur d'Open Water : En Eaux Profondes, sorti en 2003. Si le long-métrage n'est pas aussi notoire que le chef d'oeuvre horrifique de "Spielby", il est souvent cité comme une référence incontournable.
Reste à savoir si Open Water mérite de tels panégyrismes. Réponse dans les lignes à venir... A priori, rien ne prédestine Open Waterà marquer durablement les persistances rétiniennes. Contrairement àJaws, la pellicule de Chris Kentis n'est pas un blockbuster.
Pis, il s'agit d'une production impécunieuse financée par le metteur en scène et son épouse, Laura Lau, deux amateurs de plongée sous-marine. C'est en écumant les festivals, notamment celui de Sundance, qu'Open Water commence à susciter l'intérêt et l'enthousiasme de la société Lions Gate, qui rachète le film pour la modique somme de 2.5 millions d'euros (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_Water_:_En_eaux_profonde).
Si le long-métrage ne bénéficie par d'une distribution dans les salles obscures, il connaît néanmoins un succès phénoménal en vidéo, à tel point qu'une suite, Dérive Mortelle (Hans Horn, 2006), est réalisée dans la foulée. L'argument d'Open Water ? Le film s'inspire de l'histoire vraie de Tom et Eileen Lonergan, un couple de plongeurs abandonnés au milieu de l'océan sur la Grande Barrière de Corail de l'Australie.
A son tour, Open Water va influencer de nombreux avatars, eux aussi auréolés par la mention "histoire vraie", notamment Black Water (Andrew Traucki, 2007) et The Reef (Andrew Traucki, 2010). Donc, attention à ne pas euphémiser l'impact d'Open Water dans le registre horrifique ! Au moins, Chris Kentis n'aura pas eu besoin de réunir un casting pléthorique puisque la distribution d'Open Water se compte sur les deux doigts de la main. Pour la petite anecdote, les deux acteurs principaux, Blanchard Ryan et Daniel Travis, passeront plus de 120 heures dans l'eau pour les besoins du film.
Attention, SPOILERS ! (1) Susan Watkins et Daniel Kintner, écrasés par le travail, s'apprêtent à prendre un repos bien mérité dans un hôtel au bord d'une plage des Bahamas. Leur séjour démarre, prometteur, bien que la tension soit encore présente.
Adeptes de la plongée sous-marine, ils s'inscrivent pour une sortie à la barrière de corail. Tôt le matin du second jour, ils embarquent en compagnie d'autres vacanciers. Chacun part de son côté en binôme et se livre aux joies de l'observation du monde aquatique pendant les 35 minutes accordées. Tous enthousiastes, les plongeurs remontent à bord les uns après les autres, comptés par un des moniteurs. Une erreur de comptage des 20 participants fait conclure que tout le monde est remontéà bord et le bateau lève l'ancre.
Lorsque Susan et Daniel émergent avec à peine 5 minutes de retard, ils voient le bateau s'éloigner. Au bout de 2 heures d'attente, le couple finit par réaliser qu'ils ont été oubliés et vont devoir passer un long moment seuls dans les eaux profondes de l'océan, sans vivres, parmi les méduses et les requins... (1) A tort, certains contempteurs méjugent l'uppercut asséné par Open Water, qualifiant le film de "pétard mouillé".
Pourtant, le long-métrage de Chris Kentis remplit largement son office. Mieux, il est la parfaite antithèse de Les Dents de la Mer et se démarque totalement du métrage de Steven Spielberg. Passionné par la plongée sous-marine, Chris Kentis réalise son film comme un documentaire via de nombreuses vues panoramiques. Certes, ces mêmes détracteurs pourront tancer et maronner après une pellicule en forme de carte postale. Ainsi, la première partie du film se centre sur les paysages mirifiques de l'Australie, un pays de l'hémisphère sud aux couleurs chatoyantes et nimbé par de nombreux animaux exotiques. Mais c'est aussi cela Open Water, ce retour à ce monde sauvage, primal et archaïque.
Et c'est aussi la douloureuse expérience que vont vivre Susan et Daniel. C'est la seconde partie d'Open Water.
En outre, la formule ânonnée par Chris Kentis est aussi basique que laconique. Les deux tourtereaux partent batifoler dans les tréfonds de l'océan. Hélas, lors de leur retour à la surface, ils constatent, avec effroi, qu'ils ont été oubliés (je renvoie au synopsis). Les secours mettront un certain temps (à priori, plus de 24 heures) avant de constater leur disparition. Pour lutter contre une nature hostile, ineffable et invisible, Susan et Daniel sont condamnés à flotter au beau milieu de l'océan avec leurs palmes et armés d'un vulgaire canif. Pas de quoi faire sourciller les méduses de passage !
Ainsi, le spectateur est conviéà imaginer le calvaire des deux plongeurs tétanisés. Ici, peu ou prou d'artifice, d'effets spectaculaires ni de requins à l'appétit insatiable. Juste le mouvement des vagues, comme si la menace provenait du vide et finalement d'un néant indicible. L'océan devient donc le troisième personnage du film, celui qui assaille sans prévenir. En l'occurrence, Open Water se veut être le plus réaliste possible. Cette fois-ci, personne ne triomphera du squale affamé.
Personne ne viendra sauver Daniel et Susan. Pis, l'époux infortuné sera happé par un requin de passage et exhalera son dernier soupir dans les bras de son épouse, elle aussi condamnée. Seul petit bémol, la récursivité de certaines séquences qui pourra peut-être décontenancer les esprits les plus réfractaires. Mais ne soyons pas si sévère, avec Piranhas (Joe Dante, 1978), Open Water est un sérieux concurrent au trône détenu et assiégé par Les Dents de la Mer.
Note : 15/20
(1) Synopsis du film : https://fr.wikipedia.org/wiki/Open_Water_:_En_eaux_profondes