Quantcast
Channel: Cinéma Choc
Viewing all 2562 articles
Browse latest View live

Clip (A Serbian Bitch)

$
0
0

MV5BMjE3NzQxOTg0N15BMl5BanBnXkFtZTcwNTkwOTMyOQ@@

Genre : Drame (interdit aux - 16 ans avec avertissement)

Année : 2012

Durée : 1h42

 

Synopsis :

Jasna, une adolescente de 16 ans, s’ennuie dans sa petite ville en périphérie de Belgrade, entre les cours du lycée et la vie chez elle, où ses parents n’arrivent plus à dialoguer avec elle. Comme les autres jeunes de son âge, ses seules préoccupations sont de faire la fête, de rencontrer des garçons et de se filmer en permanence avec son téléphone portable. Jasna tombe folle amoureuse de Djole, un garçon de son école. Prête à tout pour lui plaire, Jasna sombre vite dans les excès de l’alcool, du sexe et de la drogue.

 

La critique :

Indubitablement, le cinéma d'Europe de l'Est n'a jamais été particulièrement popularisé parmi la population. Considéré comme austère, les films de cette région d'Europe ont souvent été associés aux cinéphiles élitistes. Il est vrai que peu de gens autour de vous connaîtront Andrzej Wajda, Aleksei Balabanov ou même Béla Tarr ou Andreï Tarkovski. Pourtant, il serait fort malhonnête que de ne pas reconnaître la richesse inestimable de ce Septième Art dont les connaissances peuvent parfois être perfectibles. Un cinéma de pointe dont il n'est pas rare d'échapper à certaines facettes.
Je pense à la Nouvelle Vague tchécoslovaque qui est l'un des meilleurs exemples. Le pays qui nous intéressera, aujourd'hui, est la Serbie dont le cinéma est l'un des plus importants d'Europe de l'Est. Très peu développé avant 1945, il a connu par la suite un essor fulgurant grâce au pouvoir communiste yougoslave qui en avait fait un instrument de divertissement, d'éducation et d'endoctrinement du peuple. Il est parvenu par la suite à se faire connaître sur la scène internationale. Son représentant est systématiquement désigné par Emir Kusturica, l'un des très rares à avoir obtenu deux Palmes d'Or au Festival de Cannes.

Par le passé, le blog a déjà eu affaire à ce pays avec les très violents The Life and Death of a Porno Gang et, bien sûr, A Serbian Film que nous ne présentons plus. Peut désormais se rajouter Clip réalisé par Maja Milos dont il s'agit du premier long-métrage. La jeune "Belgradoise" n'avait réalisé que des court-métrages jusqu'alors. Deux longues années auront été nécessaires pour que le projet puisse voir le jour entre l'écriture du scénario et un tournage s'étalant sur 8 mois. De quoi interroger sur le pourquoi d'une telle durée. Cependant, au moment de sa sortie, Clip est sélectionné dans de nombreux festivals internationaux et obtiendra plusieurs distinctions.
Citons le Grand prix du festival de Rotterdam ou le Prix du Meilleur premier film à Bruxelles. Un pedigree loin d'être négligeable et qui a le mérite de mettre en confiance. Parallèlement, le film provoque quelques remous et des rumeurs concernant une probable interdiction en Russie. Il ne se verra, au final, flanqué que d'une interdiction aux moins de 18 ans. Traînant derrière lui comme un léger parfum de scandale, Clip divisera la critique spécialisée alors que les critiques publiques se montreront plus enthousiastes. Lesquels ont raison ?

MV5BMTAyMDc1MjY1NjFeQTJeQWpwZ15BbWU3MDQzMTkzMjk@

ATTENTION SPOILERS : Jasna, une adolescente de 16 ans, s’ennuie dans sa petite ville en périphérie de Belgrade, entre les cours du lycée et la vie chez elle, où ses parents n’arrivent plus à dialoguer avec elle. Comme les autres jeunes de son âge, ses seules préoccupations sont de faire la fête, de rencontrer des garçons et de se filmer en permanence avec son téléphone portable. Jasna tombe folle amoureuse de Djole, un garçon de son école. Prête à tout pour lui plaire, Jasna sombre vite dans les excès de l’alcool, du sexe et de la drogue.

Par certaines thématiques liées à la descente en enfer vertigineuse d'une jeune fille, Clip n'est pas sans rappeler, avec quelques différences notoires, le bouleversant Moi Christiane F. 13 ans, droguée et prostituée. En l'occurrence, le film ici va se focaliser sur Jasna, une adolescente fortement délurée de 16 ans évoluant dans un Belgrade dévasté et d'une pauvreté ancrée dans chaque brique de chaque bâtiment. On le sait, la Serbie n'est pas un pays réputé pour son essor économique et son niveau de vie foudroyant. Milos va filmer cette précarité oppressante frappant des individus soumis à cette cruelle fatalité. Jasna est cette fille en pleine crise d'adolescence. Ayant développée une passion pour la nymphomanie, elle est aussi en décalage avec une famille envers laquelle elle manifeste une hostilité frappante. Une famille que l'on ressent comme ne roulant pas sur l'or.
Clip va se focaliser sur cette population vouée au fatalisme de l'échec et semblant être abandonnée par sa propre patrie. Ainsi, est-il nécessaire, d'autant plus pour les jeunes, de chercher à s'évader. Face à une vie flasque et terne, l'alcool et très rapidement la drogue vont faire leur entrée. Milos met en reflet cette nouvelle génération perdue. Cette génération incomprise et hors d'éducation. Cette génération condamnée à son propre sort, à vivre dans la précarité en ayant un boulot peu reluisant, si tant est qu'ils parviennent à en avoir un.

Mais pas que ! L'analyse sociologique n'est qu'un facteur parmi tant d'autres. La réalisatrice va aussi se focaliser sur les rapports interindividuels, se concentrant surtout sur le sexe féminin. Qualifier Clip de film féministe ne serait pas un oxymore. Les filles sont affichées comme perdues, peu épanouies et ne chercheront de reconnaissance du sexe opposé que par le coït. Une manière pour elles de se sentir aimées. Une impression bien évidemment faussée vu qu'elles feront juste l'objet des desiderata des hommes les réduisant à un bout de chair juste bon à pénétrer avant de le laisser sur le côté. Le pire étant qu'elles se satisfont de cette conception biaisée de l'amour, et surtout Jasna.
Oui, Jasna c'est cette fille qui va en profiter à côté pour afficher chaque moment heureux de sa vie en le filmant comme pour faire le clip de sa propre vie. Un clip pour le moins triste car ses seuls moments de bonheur se feront un pénis dans la bouche, le vagin ou l'anus ainsi que des soirées en état comateux. Pas d'épanouissements intellectuels. Les banalités reviennent et tournent comme dans le cercle infernal d'une vie maudite. Clip traduit ce malaise adolescent de vouloir afficher sa vie aux autres, de montrer aux autres que l'on a une vie heureuse sur les réseaux sociaux. Mais la réalité est loin, très loin de ça... Pour ces filles, pas d'amour possible. La notion même de relation amoureuse sérieuse n'y est même pas pensée. La reconnaissance et l'amour ne peuvent se faire que par le rapport sexuel sans s'imaginer un seul instant qu'elles ne sont que des jouets réutilisables et interchangeables.

images

Autant prévenir de suite que les amateurs de cinéma trash et extrême pourront passer leur chemin car sous ses dehors de film frôlant l'interdiction aux moins de 18 ans, rien d'excessif dans la violence n'est au programme. Clip est avant tout un drame social qui tape là oùça fait mal. L'interdiction viendra bien évidemment des rapports sexuels filmés sans retenue et flirtant dangereusement avec la pornographie. Certaines séquences allant jusqu'àêtre filmées par Jasna avec son portable ou même par un mec. Des scènes crues au malaise renforcé par le fait que ces filles sont affichées comme mineures. Milos nous place dans un état de voyeur pédophile face à cette sexualité déviante.
Fellations, éjaculations faciales, sodomies, voilà les choses auxquelles vous pourrez assister via ces "mineures" (comprenez bien que toutes ces performances sont faites par des personnes majeures bien sûr !!!). On peut sans trop de problème évoquer le fait que le métrage se gratifie d'un second niveau de lecture passionnant en tout point. Un second niveau de lecture d'actualité. Cependant, le constat en qualité s'arrêtera bel et bien là car Clip risque de sérieusement décevoir au-delà de ça.

Il faudra mentionner une mise en scène très lourde et plate. Les séquences inutiles se succèdent à un rythme assez fréquent. Autant dire que si vous avez passé une mauvaise nuit, cette pellicule ne vous aidera pas à garder les yeux ouverts. La déception du pedigree peut aussi s'étendre à une histoire qui ne décollera jamais vraiment. Pendant 1h42, on suit la même vie répétitive de Jasna, les soirées, les cours, les soirées, traîner dehors, les cours, une dispute familiale, les soirées, etc, etc. Quelques intrigues parallèles sont à noter comme ce père mal en point qui attend son opération ou l'idylle tendancieuse entre Jasna et Djole. Seulement, rien ne permet de nous agripper, de s'intéresser suffisamment à l'histoire. La réalisatrice balance très bien ce brillant constat d'une jeunesse désabusée mais sans que rien ne suive derrière. Il n'y a pas de travail de psychologie des personnages au fur et à mesure de l'avancée du film. La fin est amenée de manière trop brusque.
Un raccourcissement de 20 minutes n'aurait pas été de trop. On s'éternise sur des détails insignifiants. Inutile de filmer 50 soirées ! On a compris à un moment donné ce que la réalisatrice veut faire passer comme message.

kwIVDk4AgLI3hq4a0lAruO0SloW

Pire encore, ce propos brillant sera gâché par une tendance à ratiociner inutilement juste au cas où le spectateur bête à manger du foin n'aurait rien compris. Durant les soirées, on se retrouvera toujours avec des musiques serbes narrant les errances et l'abandon de la jeunesse. Où est le cinéma professionnel là-dedans ? On a surtout un travail grossier sur la bande son par son manque flagrant de subtilité. Certes, d'un point de vue esthétique, on sera surpris du traitement de qualité de cette Belgrade post-apocalyptique semblant être tout droit sortie hier de la Guerre de Yougoslavie. Cette atmosphère vétuste est d'un remarquable rendu, mais le procédé found-footage intégré au récit apporte son lot de défauts. La caméra n'est pas toujours bien pensée et certains plans seront très approximatifs. Pour ce qui est des acteurs, là il faut bien avouer que le tout remonte. Des acteurs non professionnels ont été choisis pour incarner les personnages du film.
Cela permet d'apporter une certaine authenticité et du désir de donner au film un aspect documentaire. Nous retrouverons Isidora Simijonović, âgée de seulement 14 ans lors du tournage du métrage, dans le rôle de Jasna. Inutile de dire que les rapports sexuels seront faits via des doublures. Une fille extrêmement bien impliquée dans la peau de cette adolescente tourmentée. De manière générale, la Serbie confirme sa réputation de pays aux filles belles à nous faire tomber dans les pommes. Même si elles sont affichées comme des personnes vulgaires (mais sacrément émoustillantes), elles ne savent pas se détacher de leur beauté naturelle et de ce charme type. Bref, après ce court passage sous testostérone en ébullition, autant dire que les mecs se débrouillent bien également. Pas de faux pas notoire !

Mais bon, si le recul fut nécessaire pour éviter de noter à chaud ce film, Clip parvient à décevoir le spectateur, alors que tout était là pour en faire un chef d'oeuvre. On reste pantois devant la richesse et la complexité des thématiques proposées : la jeunesse face à la pauvreté, les réseaux sociaux vecteurs d'une image faussée de ce monde malheureux, l'incompréhension des rapports homme-femme. Avec un second niveau de lecture proche de la perfection, le plus dur était fait mais tout le reste se rétame lentement mais sûrement. Psychologie des personnages unidimensionnelle et sans évolution, rythme d'une lenteur indigeste, bande son lamentable, récit qui n'en est pas un, durée bien trop longue pour ce que le scénario a à nous raconter, plusieurs séquences sans intérêt.
On a un peu cette impression que la réalisatrice a tout misée sur un seul point en négligeant tout le reste. Du coup, la note en pâtit sérieusement. Un énorme potentiel gâché par des ambitions un peu trop grandes pour une réalisatrice qui débute, peut-être ? Les meilleures graines furent plantées pour nous offrir un futur classique du cinéma sans prétention quelconque. Ceci dit, il convient de dire que Clip est typiquement ce genre de film qui doit mûrir avant d'être jugé comme tel. Quoi que l'on en dise, les réalisateurs qui déçoivent au premier métrage existent en nombre et ont touché même certains maîtres. Kubrick lui-même ne s'était pas bien illustré dès ces débuts. En attendant, le potentiel est bien là et nous ne pouvons que souhaiter àMilos de se perfectionner. Peut-être tiendrons-nous dans un futur proche UNE Emir Kusturica

 

Note :10/20

 

 

orange-mecanique   Taratata


Jurassic Park (Le Monde Perdu selon Steven Spielberg)

$
0
0

jurassic park

Genre : fantastique, aventure 
Année : 1993
Durée : 2h02

Synopsis : Ne pas réveiller le chat qui dort... C'est ce que le milliardaire John Hammond aurait dû se rappeler avant de se lancer dans le "clonage" de dinosaures. C'est à partir d'une goutte de sang absorbée par un moustique fossilisé que John Hammond et son équipe ont réussi à faire renaître une dizaine d'espèces de dinosaures. Il s'apprête maintenant avec la complicité du docteur Alan Grant, paléontologue de renom, et de son amie Ellie, à ouvrir le plus grand parc à thème du monde. Mais c'était sans compter la cupidité et la malveillance de l'informaticien Dennis Nedry, et éventuellement des dinosaures, seuls maîtres sur l'île...  

La critique :

Inutile de procéder à l'exégèse de la carrière cinématographique de Steven Spielberg, un cinéaste, producteur et scénariste (entre autres) présentéà maintes reprises sur ce blog via une pléthore de chroniques. Sur Cinéma Choc, le cinéma de Steven Spielberg est plutôt bien représenté et pour cause... puisque le metteur en scène reste le réalisateur de Les Dents de la Mer (1975), un blockbuster horrifique qui va bientôt devenir le nouveau parangon de l'épouvante via ce squale affamé et aux incroyables rotondités. Depuis la sortie de Jaws, Steven Spielberg a parfaitement su allier divertissement et scénario un peu plus nébuleux sur fond de quête aventureuse (la saga Indiana Jones), les rencontres inopinées avec des aliens pacifistes (Rencontres du Troisième Type en 1977 et E.T. L'Extra-Terrestre en 1982), ou encore des drames beaucoup plus personnels (La Couleur Pourpre en 1985).

Corrélativement, Steven Spielberg n'a jamais caché son extatisme pour le vieux cinéma fantastique de naguère, celui qui a vu poindre les premiers relents de la technique de la stop-motion avec Le Monde Perdu (Harry O. Hoyt, 1925), un long-métrage qui a permis de mettre en exergue l'érudition et la dextérité de Willis O'Brien, soit le véritable démiurge de l'animation d'image par image ; un travail colossal qui exige des heures et des heures de dure labeur juste pour une séquence de quelques minutes (à peine) avec un ou plusieurs dinosaures. Que soit.
Dans les salles obscures, les spectateurs ulcérés assistent à la renaissance de l'ère paléontologique sur grand écran. Evidemment, Le Monde Perdu va influencer et engendrer de nombreux homologues, notamment King Kong (Merian C. Cooper et Ernest B. Schoedsack, 1933), Gorgo (Eugène Lourié, 1961), Le monstre des temps perdus (Eugène Lourié, 1953), et bien sûr Godzilla (Ishiro Honda, 1954).

4_beste_zomerfilms_new_landscape_20140804040654

Toutes ces pellicules réitèrent peu ou prou la formule ânonnée par Le Monde Perdu, soit la découverte d'un univers inconnu de l'homme, puis l'arrivée impromptue d'un monstre gargantuesque et la capture de cette créature qui se regimbe contre ses ravisseurs, déclenchant ainsi l'annihilation de la cité moderne. Malicieux, Steven Spielberg et Michael Crichton cherchent justement à renouveler cette formule un rébarbative. Depuis la fin des années 1980, les deux hommes ratiocinent et hypostasient sur une multitude de scénarii possibles. Dans un premier temps, l'écrivain et scénariste Michael Crichton imagine un enfant qui reconstituerait un dinosaure, mais le cacographe abandonne promptement cette idée spinescente. Puis après l'échec commercial et artistique de Hook ou la revanche du Capitaine Crochet (1991), Steven Spielberg requiert le talent de Stan Winston pour créer les premiers dinosaures en animatroniques.

Le cinéaste planche déjà sur le script d'un film qui devrait s'intituler Jurassic Park. Spielberg et Crichton élaborent alors une histoire qui s'inspirerait directement du film L'île du Docteur Moreau (Don Taylor, 1977), où il est question de visiteurs d'un parc d'attraction à qui l'on présente des animaux ou des créatures étranges. C'est ainsi que "Spielby" et Crichton peaufinent et affinent un scénario de départ plutôt alambiqué. Jurassic Park sort finalement en 1993 et solde par un succès titanesque, non seulement au box-office américain, mais à travers le monde entier, à tel point que le film de Steven Spielberg va se transmuter en une tétralogie lucrative.
Aidé par Michael Crichton, Spielberg vient de réinventer le concept de Le Monde Perdu en transposant l'ère paléontologique dans un parc d'attraction et surtout grâce à notre technologie moderne. 

gallery_movies-jurassic-park-1-1

Ce n'est pas un hasard si Jurassic Park s'est octroyé un florilège de récompenses dont le prix des meilleurs effets spéciaux et visuels pour Stan Winston et Phil Tippett. Reste à savoir si Jurassic Park mérite ce concert de louanges et de flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Sam Neill, Laura Dern, Jeff Goldblumm, Richard Attenborough, Bob Peck, Martin Ferrero, Joseph Mazzello, Ariana Richards et Samuel L. Jackson. Attention, SPOILERS ! (1) John Parker Hammond, le PDG de la puissante compagnie InGen, parvient à donner vie à des dinosaures grâce à la génétique et décide de les utiliser dans le cadre d’un parc d'attractions qu’il compte ouvrir sur une île au large du Costa Rica.
Avant l'ouverture, il fait visiter le parc à un groupe d'experts pour obtenir leur aval.

Pendant la visite, une tempête éclate et un informaticien corrompu par une entreprise rivale en profite pour couper les systèmes de sécurité afin de voler des embryons de dinosaures. En l'absence de tout système de sécurité pendant plusieurs heures, les dinosaures s'échappent sans mal, mais le cauchemar des visiteurs ne fait que commencer... (1). Autant l'annoncer de suite. D'un point de vue pécuniaire, Jurassic Park est probablement le long-métrage le plus abouti de Steven Spielberg puisque le film coalise à lui tout seul le cinéma, le merchandising et même le parc d'attractions. Roublard, le cinéaste vient d'exhumer les dinosaures pour au moins 25 longues années.
Preuve en est avec les trois nouveaux épisodes qui seront réalisés à posteriori, sans compter les nombreux succédanés que le film va à son tour inspirer par la suite. 

images

Toutefois, il serait bien réducteur de résumer Jurassic Park à un simple divertissement avide et lucratif. En outre, la thématique prédominante reste évidemment ce complexe d'Icare et cette volonté de jouer au thaumaturge divin en ressuscitant une forme de vie abrogée par les lois de la nature. C'est d'ailleurs ce que révèle un Jeff Goldblum désabusé devant un John Parker Hammond présomptueux. Les dinosaures ont disparu à cause de la chute d'une météorite sur notre planète il y a environ 75 millions d'années. Peut-on réellement contredire cette didactique darwinienne décrétée par la nature céleste ? De facto, peut-on réellement prédire l'adaptation et le comportement de ces animaux préhistoriques plongés dans un nouveau chaos, celui de la société moderne ?
In fine, en exhumant l'ère paléontologique via le prélèvement de l'ADN, l'homme ne risque-t-il pas d'intervertir les lois à priori irréfragables de l'échelle alimentaire ?

Autant de questions en filigrane qui se posent et tarabustent le spectateur au cours de cette pellicule grandiloquente. Indubitablement, les 45 premières minutes sont les plus réussies et les plus abouties du film. Dans sa seconde section, Jurassic Park oblique vers une direction beaucoup plus conventionnelle en revêtant les oripeaux du genre agression animale. Voilà que les dinosaures se regimbent contre leurs propres créateurs. Magnanime, Steven Spielberg multiplie les saynètes d'action et cherche à satisfaire un public qui soit le plus large possible, des 7 aux 77 ans, en passant par les thuriféraires les plus acharnés qui ne manqueront pas de tiquer après certains menus détails ; ou encore un public plus intellectuel qui pestera peut-être contre la thèse scientifique pérorée par le cinéaste.
N'ayez crainte, l'ère paléontologique ne devrait pas renaître de ses cendres même en prélevant quelques échantillons de sang dans le dard d'un moustique un peu trop téméraire... 
Tout du moins, normalement ! Qu'à cela ne tienne, il faudrait se montrer bien sévère pour ne pas reconnaître le savoir-faire ainsi que le travail onctueux prodigué par Steven Spielberg malgré quelques facilités scénaristiques, comme par exemple le Professeur Alan Grant (Sam Neill) qui se découvre des velléités de patriarche au contact de deux mômes un peu trop volubiles. Mais Spielberg n'en a cure.
Le cinéaste est un vieux roublard. Avec ce genre de stratagème, il sait qu'il va appâter la populace et amasser le jackpot, ainsi que la couronne suprême et déifiée du box-office. Que soit. A ce jour, Jurassic Park reste de loin le meilleur chapitre d'une tétralogie erratique. Même aux commandes du second opus, Spielberg ne réitérera pas une telle prouesse scénaristique.

 

Note : 16.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Warm Bodies (Se sentir un peu moins mort)

$
0
0

warm bodies affiche

Genre : horreur, épouvante, comédie dramatique 
Année : 2013
Durée : 1h47

Synopsis : Un mystérieux virus a détruit toute civilisation. Les rescapés vivent dans des bunkers fortifiés, redoutant leurs anciens semblables devenus des monstres dévoreurs de chair. R, un mort-vivant romantique, sauve contre toute attente Julie, une adorable survivante, et la protège de la voracité de ses compagnons. Au fil des jours, la jeune femme réveille chez lui des sentiments oubliés depuis longtemps… Elle-même découvre chez ce zombie différent autre chose qu’un regard vide et des gestes de momie… Perturbée par ses sentiments, Julie retourne dans sa cité fortifiée où son père a levé une armée. R, de plus en plus humain, est désormais convaincu que sa relation avec Julie pourrait sauver l’espèce entière… Pourtant, en cherchant à revoir Julie, il va déclencher l’ultime guerre entre les vivants et les morts. Les chances de survie de ce couple unique sont de plus en plus fragiles… 

La critique :

Après avoir visité les contrées eschatologiques et post-apocalyptiques (La Nuit des Morts-Vivants de George A. Romero, 1968 et ses pléthores de succédanés), les fulgurances rougeoyantes (Bad Taste de Peter Jackson, 1987), la comédie nuptiale qui dérive peu à peu vers la putréfaction (Zombie Honeymoon, David Gebroe, 2004) ou encore la comédie horrifique et goguenarde (Shaun of the Dead, Edgar Wright, 2004), le genre "zombies décrépits" semblait condamner à péricliter.
Inexorablement... Pas vraiment argue péremptoirement Jonathan Levine avec Warm Bodies, sorti en 2013. Jusqu'ici, les zombies et ses réalisateurs aguerris n'avaient pas encore exploré les déboires, les affres et les tourments de Roméo et Juliette dans un monde infesté de morts-vivants claudicants. Sauf que Roméo n'est plus ce bellâtre de jadis inventé par William Shakespeare, mais bel et bien un zombie encore imprégné par quelques labilités émotionnelles.

Par le passé, le genre zombie avait déjà analysé et décrypté ce type d'oaristys à priori chimérique. Les thuriféraires de ce registre cinématographique citeront aisément Dellamorte Dellamore (Michele Soavi, 1995), une tragédie zombiesque qui parvenait carrément à renouveler un genre plutôt rébarbatif et anomique. Visiblement, Jonathan Levine à beaucoup appréciéDellamorte Dellamore, un peu trop peut-être... Opportuniste, le réalisateur et scénariste américain s'empare également d'un autre phénomène pré-pubère et à consonance vampirique.
Son nom ? Twilight ! En gros, changez les créatures de la nuit par des monstres anthropophages et vous obtenez peu ou prou la même trame narrative, à la seule différence que les inimitiés ne se déroulent plus à la lisière de la forêt ou au sein de la middle class américaine, mais dans un monde gangréné par la violence et surtout par une guerre acharnée entre une poignée de survivants humains et des zombies en manque de barbaque.

warm_bodies_water_uofmf9

Vous l'avez donc compris. Sur la forme, Warm Bodies s'apparente donc à un curieux maelström entre le phénomène Twilight et le scénario de Dellamorte Dellamore qu'il spolie jusqu'à la moelle. Hélas, la comparaison avec le film de Michele Soavi s'arrête bien là. La carrière de Jonathan Levine démarre vers le milieu des années 2000 avec un court-métrage, Shards (2004), par ailleurs inconnu au bataillon et inédit dans nos contrées hexagonales.
Le metteur en scène va connaître la gloire et la consécration avec son tout premier long-métrage, All the Boys Love Mandy Lane (2006), une sorte de slasher horrifique qui va s'arroger toute une myriade de récompenses dans différents festivals. Le nom de Jonathan Levine devient alors le nouveau parangon du cinéma d'épouvante.

Le cinéaste jubile mais ne corrobore pas ce florilège d'espoirs et de dithyrambes avec ses deux métrages suivants, Wrackness (2008) et 50/50 (2011), réalisant de maigres scores, que ce soit aux Etats-Unis et à l'étranger. A contrario, Wrackness devient la nouvelle égérie des critiques et des réseaux sociaux unanimement extatiques. La presse spécialisée décèle en Jonathan Levine un immense potentiel. Que soit. Ce dernier s'ingénie dans le divertissement pré-pubère et signe Warm Bodies, une comédie romantique et horrifique adaptée d'un opuscule éponyme d'Isaac Marion.
Si Warm Bodies passe relativement inaperçu dans les salles françaises, totalisant péniblement les 250 000 entrées, le film reçoit un accueil triomphal au box-office américain, ainsi qu'un concert de louanges de la part de critiques derechef panégyriques.

Warm_bodies-376212

Reste à savoir si Warm Bodies mérite de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Nicholas Hoult, Dave Franco, Teresa Palmer, Analeight Tipton et John Malkovich. Attention, SPOILERS ! (1) Un mystérieux virus a détruit toute civilisation. Les rescapés vivent dans la ville de Montréal, une cité fortifiée et protégée par d'épais murs en bétons gardés jour et nuit. Ils craignent ceux qui étaient leurs semblables, devenus des monstres dévoreurs de chair. R est un zombie qui — contre toute attente — semble conscient de sa condition de mort-vivant. Du reste, il ne se rappelle cependant plus son prénom, seulement qu'il commençait par la lettre "R". Un jour, qu'il part chasser en compagnie de ses semblables, ils attaquent à l'intérieur d'un bâtiment un groupe d'humains venus se ravitailler en vivres et médicaments.

Bien qu'il ne souhaite pas leur faire de mal, R ne peut néanmoins pas réprimer la faim commune aux zombies et agresse donc Perry, un jeune homme dont il dévore le cerveau. Non seulement le meilleur morceau mais également une manière de s'approprier ses souvenirs, ses pensées et ses idées pour se sentir à nouveau humain. C'est alors qu'il se concentre sur Julie, la petite amie de Perry et sans réfléchir, la protège de la voracité de ses compagnons. Au fil des jours, la jeune femme réveille chez lui des sentiments oubliés depuis longtemps quand elle-même découvre chez ce zombie différent autre chose qu’un regard vide et des gestes de momie… 
Perturbée par ses sentiments, Julie retourne cependant dans sa cité fortifiée où son père a levé une armée. R, de plus en plus humain, est désormais convaincu que sa relation avec Julie pourrait sauver l’espèce entière… 

warm-bodies-une-comedie-romantique-quot-zombiesque

En effet, les quelques jours passés en compagnie de Julie lui ont permis de réapprendre à vivre, son organisme reprenant alors lentement son fonctionnement d'origine. Sans compter que cet étrange processus se répercute sur ses semblables.... (1) Certes, Warm Bodies possède certaines arguties dans sa besace pour leurrer son public ingénu. En outre, ce dernier sera principalement composé de jeunes éphèbes insouciants, ainsi que de midinettes pudibondes toujours à la recherche lunaire du prince charmant. Certes, en tant que divertissement pré-pubère, Warm Bodies n'a rien à envier au phénomène Twilight, d'autant plus que Jonathan Levine a au moins le mérite de ne pas verser dans les moralines ni les scansions puritaines et déclamées par les théologies mormonistes.
Une bien maigre consolation. Hélas, sur la forme comme sur le fond, Warm Bodies ne fonctionne que par intermittence.

Indiscutablement, la première partie de Warm Bodies est la section la plus réussie du film. Le préambule se polarise sur les pérégrinations de R, un adulescent qui a perdu toute mémoire, toute identité et toute trace de son passé d'humain. Alors que Warm Bodies s'achemine vers une réflexion sur la condition humaine ("Qui je suis ?", "Comment communiquer ?""Pourquoi suis-je si seul ?"), le métrage abandonne cette thématique pourtant captivante pour se focaliser sur des fariboles. Alors que le monde s'alanguit, R, un jeune homme réduit à l'état de zombie, s'acoquine, lutine et s'énamoure de la belle Julie, le but étant de se sentir un peu moins mort, un peu moins inerte, selon les propres aveux du jeune homme défraîchi. La vision de cette jeune femme éveille en lui des émotions et des sentiments humains. Une idée de départ plutôt séduisante et éloquente.  

warm-bodies-les-premieres-minutes-du-film

Malencontreusement, Jonathan Levine élude cette didactique pour se centrer sur les tribulations amoureuses et fantasmagoriques de son couple hors norme. Contrairement à Dellamorte Dellamore qui proposait une curieuse allégorie sur la primauté des émotions humaines, Warm Bodies se contente de s'immiscer dans le divertissement factice et étrangement policé, dans lequel zombies et humains pactisent et se coalisent pour occire une race de morts-vivants réellement bellicistes. En gros, remplacez le bel Edward Cullen par son clone zombiesque et Isabella par son pendant blondinet et féminin, et vous obtenez peu ou prou la même recette éculée... En moins pire, nonobstant...
Alors que le film démarre en apothéose dans une époque atomisée et tuméfiée, la suite se transmute promptement en roman à l'eau de rose avec un épilogue doucereux et guilleret, des zombies et des humains qui s'étreignent et se serrent la main, et un nouveau couple chimérique destinéà flagorner un public juvénile en manque d'élucubrations amoureuses. Warm Bodies est-il aussi catastrophique qu'il en a l'air ? Heureusement, la réponse est plutôt négative à condition de faire fi de la vacuité et de l'inanité de ce genre de production. 
Bref, un spectacle aussi puéril qu'inoffensif. Ne réalise pas Dellamorte Dellamore qui veut.  

 

Note : 08.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Warm_Bodies

L'Ange - 1982 (Fulgurances stroboscopiques)

$
0
0

L_Ange

Genre : inclassable, expérimental
Année : 1982
Durée : 1h10

Synopsis : Sans aucune structure narrative, le film se présente comme une succession de situations surréalistes se déroulant dans un univers nébuleux où des êtres déshumanisés s'affairent à des tâches quotidiennes filmées de manière répétitive et sous différentes formes visuelles. Puis, le métrage bascule dans l'expérimentation la plus complète.

La critique :

Né en 1943, Patrick Bokanowski est un réalisateur français au talent absolument unique dans l'univers cinématographique français. Bokanowski a développé un genre expérimental qui propose une alchimie hybride entre le cinéma traditionnel et l'animation. L'originalité de ses oeuvres vient en grande partie de la manière avec laquelle il manie le matériau filmique. Basées sur un énorme travail au niveau des sons, de la texture de la pellicule et de l'art optique, ses oeuvres tendent à contredire "l'objectivité cinématographique", c'est-à-dire le véritable ressenti de la réalité brute. Un magicien de la pellicule qui maîtrise son art à la perfection et l'a portéà un niveau jamais vu.
Ce n'est pas un hasard si les travaux du réalisateurs font, depuis longtemps, l'objet d'études approfondies dans de très nombreuses universités cinématographiques à travers le monde. Bokanowski débuta par deux courts-métrages, La Femme Qui Se Poudre (1972) et Déjeuner Du Matin (1974). L'Ange, réalisé en 1982, est son premier long-métrage et reste son oeuvre la plus aboutie et celle qui l'a révélé au grand public.

Enfin, grand public est un bien grand mot puisque cet artiste très particulier évolue dans le milieu (malheureusement) assez confidentiel du cinéma expérimental. Ultra expérimental même. Sur ce point, L'Ange est un superbe spécimen. Un OFNI de tout premier ordre qui surpasse aisément les étrangetés les plus inclassables que le cinéma français ait pu produire. Difficile, en effet, de faire plus inexplicable que cette pellicule chimérique qui semble sortir tout droit d'une autre dimension. Expérience sensorielle garantie pour tout cinéphile qui tentera de s'aventurer dans les méandres tortueux de cette oeuvre fantasmagorique. Pour vous donner un léger aperçu des cinéastes qui ont influencé Patrick Bokanowski, on pourra citer André Breton, Luis Bunuel, Man Ray ou encore Maya Deren, soit les plus grands maîtres du cinéma surréaliste de la première moitié du vingtième siècle.
Mais Bokanowski lui, va encore plus loin que ses illustres devanciers dans le traitement de l'image dysfonctionnelle. Car le réalisateur possède un style particulièrement unique en son genre. Une propension à représenter les corps et les objets de manière immatérielle, métamorphosés par la déformation qu'en fait l'esprit.

bokanowski_ange_003

Par le biais de prismes, de jaillissements lumineux, d'images saccadées ou accélérées, de stop-motion ralentie à l'extrême, de déstructuration du récit, L'Ange est une oeuvre autant superbe formellement qu'elle est déroutante au niveau de sa compréhension. Y-a-t-il quelque chose à comprendre d'ailleurs ? Au premier abord, absolument rien. Puis, si on l'explore mieux dans ses strates sibyllines, l'oeuvre dévoile peu à peu, une partie de ses mystères. Évidemment, un tel film demande un très gros effort de concentration et nécessite plusieurs visionnages afin d'en trouver les clés.
L'Ange est un objet filmique à tiroirs, un chemin de piste, une enquête énigmatique sur le message qu'a voulu délivrer Patrick Bokanowski. Exercice de style ou recherche d'un contre-art absolu ? Les deux, sans doute. En résulte une oeuvre d'une beauté visuelle saisissante qui plonge le spectateur dans un état somnambulique soixante dix-minutes durant. Navigant sur le fil qui sépare l'art optique de l'art plastique, Bokanowski invente un nouveau type de cinéma fascinant et obsessionnel ; un spectacle qui envoûte, fait chavirer tous les sens et touche au plus profond de l'âme : le cinéma-foudre. L'Ange est considéré par un nombre important de spécialistes comme le meilleur film expérimental français de tous les temps.

Mais peut-on vraiment comparer ce qui est incomparable ? Je vous laisse juges. Attention spoilers : Tout semble partir d'un escalier en colimaçon. À priori, car rien n'est moins sûr. Une lumière venue du haut de cet escalier jaillit des ténèbres et laisse apparaître quelques bribes de visibilité. Puis, nous pénétrons dans une pièce où un escrimeur pourfend d'un sabre, une poupée suspendue à une corde. La scène est répétée à l'infini, filmée de différentes manières. Ralentie, image par image, en plans fixes, etc. Une autre séquence présente une femme déposant une cruche de lait sur une table. Face à elle, un homme sans main est assis dans un fauteuil. La cruche tombe à terre et le lait se renverse sur le sol. Là aussi, la scène se répète sans cesse sous divers angles, selon diverses méthodes techniques de reproduction de la séquence. Puis, nous faisons face à un homme bedonnant qui prend un bain en poussant des gloussements de satisfaction et de joie. Une fois habillé, on constate que c'est un clown.
Le quatrième "segment" est le plus conventionnel dans sa présentation puisqu'il nous propose de pénétrer dans une bibliothèque où plusieurs employés vêtus de redingote façon XIXe siècle s'affairent à classer et à ranger des piles de livres.

bokanowski_ange_007

Tous portent un masque de cire représentant le même visage et très vite, leur travail prend une tournure absurde. La fin du film est beaucoup moins déchiffrable. Les séquences mystérieuses s'enchaînent. Des personnages courent et guerroient dans des paysages d'animation. Des silhouettes indéfinies surgissent au hasard de halos lumineux donnant au spectateur l'impression d'évoluer dans un univers parallèle. Le film s'achèvera avec la vision de l'escalier initial qui s'élève vers les cieux tandis que des créatures hybrides essaient à grand peine, d'en gravir les marches pour accéder à la lumière céleste qui inonde l'écran de ses rayons éclatants.  Indubitablement, nous avons à faire ici à un très gros morceau du cinéma expérimental. De mémoire de cinéphile, je ne me rappelle pas avoir vu pareil spectacle si ce n'est dans quelques courts-métrages de l'anthologie Contre-oeil (Collectif ICPCE, 2011).
C'est dire si L'Ange est complexe à décortiquer tant il contient de messages subliminaux et d'effets métaphoriques qui posent problème à la bonne compréhension de sa structure. En ce qui me concerne, je partirai du fait que Bokanowski tente de dépeindre l'état dans lequel l'homme se retrouverait juste après son existence terrestre. Nul doute que cet escalier énigmatique qui s'élève vers le ciel représente le parcours initiatique que l'âme se doit de faire pour atteindre un hypothétique paradis.

Les marches sont censées représenter chaque étape de la vie humaine, les épreuves qui nous affectent intimement et le cheminement progressif que l'on essaie, tant bien que mal, d'accomplir vers la sagesse et la paix, synonymes de récompense dans un possible au-delà. Quant aux scènes de l'escrimeur, de la cruche de lait ou de la bibliothèque, nous pourrions les associer à une vision sans concession sur la vacuité de notre propre existence. À un jugement sévère sur la veine inconsistance des agissements humains. Comme si la vie n'était qu'un éternel recommencement vide de tout sens, des situations répétées à l'envi sans autre échappatoire qu'un cul-de-sac inévitable : la mort.
Ces actes quotidiens que nous effectuons méthodiquement, jour après jour, Bokanowski les englobe dans un cercle vicieux où il nous voit tels des prisonniers de notre insignifiance. Même si elles ne sont jamais totalement identiques, chaque journée de notre vie se déroule selon le même principe, la même monotonie. D'où le besoin pour le réalisateur, de présenter des scènes banales et inintéressantes sous plusieurs angles optiques et sous différentes formes artistiques. 
Chez les Bokanowski, on travaille en famille. Tandis que Patrick est derrière la caméra, sa femme Michèle compose les musiques. "Accords sonores" serait un terme plus exact car la technicienne possède une méthode très particulière pour créer ses arrangements.

l'ange-7

Elle ne visionne jamais les films de son mari, préférant travailler seule dans son coin. Son art consiste à enregistrer différents bruits (grincements de porte, robinet qui coule, bruissements divers), puis de les mixer avec des musiques produites par de véritables instruments. La chose faite, les deux époux mettent au point ensemble et en parfaite osmose, la construction définitive de l'oeuvre. Dans L'Ange, les sonorités ont une importante primordiale puisqu'elles accentuent encore plus la sensation d'irréalité que procurent déjà les images. Le violoncelle est énormément utilisé tandis que d'autres sons proviennent de je ne sais où tant ils originaux. Le film est muet. Seuls quelques rires et murmures d'enfants sont émis de façon étouffée lors d'une scène ayant lieu dans le fameux escalier. 
Mystique, L'Ange l'est à coup sûr. Spirituel même, au sens premier du terme. Comment pourrait-on expliquer, sinon, ces jaillissements lumineux venus d'un "en haut" qui inondent un monde obscur plongé dans de perpétuelles ténèbres ? Ténèbres de l'existence terrestre et corporelle de l'homme qui n'aspire qu'à s'échapper de ce carcan pour atteindre la félicité suprême d'une délivrance.

D'un repos éternel. Appelons cela le paradis puisque les origines polonaises (la Pologne, pays du catholicisme par excellence) du réalisateur trahissent une foi intense qu'il essaie d'exprimer dans son univers artistique. Et cet ange qui donne son nom au film, dans tout ça ? On finira par l'apercevoir vers le final, sous la forme d'une silhouette humaine sur laquelle se sont apposées deux ailes. Lui aussi tente de gravir cet escalier escarpé, en route vers l'inaccessible. Voici la modeste analyse que m'a inspirée ce film cristallin dont la substantifique moelle est d'une incommensurable abstraction. Intangible. D'autres n'auront certainement pas vu la même chose que moi à travers ce chaos ésotérique d'images libérées de toute contrainte et ces fulgurances stroboscopiques.
L'Ange est un film qui imposera à chacun une lecture différente selon la sensibilité, les croyances ou le vécu du spectateur. Sensoriel, hypnotique, radio luminescent, le film de Patrick Bokanowski occupe une place vraiment à part dans l'histoire du cinéma et mérite sans l'ombre d'une contestation sa réputation d'oeuvre culte. Un cinéma-foudre.

Note :18.5/20

TumblingDollOfFlesh Inthemoodforgore

100 Tears (Il va y avoir du gore)

$
0
0

100 tears

Genre : horreur, gore, trash, extrême, slasher (interdit aux - 16 ans)
Année : 2007
Durée : 1h30

Synopsis : Un tueur psychopathe grimé en clown sème la terreur depuis plus de 20 ans dans une paisible petite ville américaine. Armé d'un gigantesque hachoir, il traque des victimes avec acharnement avant de les massacrer sans la moindre pitié. Qui est-il ? Quelles sont ses sanglantes motivations ? C'est pour répondre à ces questions que Jennifer et Mark, deux journalistes avides de sensations fortes, décident d'enquêter sur les agissements de ce maniaque. Alors que le nombre de meurtres ne cesse d'augmenter, leur enquête va les conduire au bout de l'horreur... 

La critique :

A fortiori, la figure du clown est synonyme d'ébaudissements, de railleries et d'égaiement, que ce soit pour le public adulte et surtout pour les enfants, puisque ce saltimbanque vêtu de couleurs chatoyantes est intrinsèquement relié au monde du cirque. Mais le cinéma horrifique a promptement dévoyé cette figure pittoresque pour la transmuter en une créature méphistophélique et funeste. Il existe donc toute une pléthore de productions d'épouvante qui ont détourné les activités truculentes du clown en obsessions spécieuses et criminelles.
Au hasard, nous pourrons aisément citer "Il" est revenu (Tommy Lee Wallace, 1990) ainsi que son récent remake, Ca (Andres Muschietti, 2017), Dead Clowns (Steve Sessions, 2004), Amusement (John Simpson, 2008), Le Clown de l'Horreur (Jean Pellerin, 1999), ou encore La Nuit des Clowns Tueurs (John Altieri, 2016).

Vient également s'agréger 100 Tears, réalisé par Marcus Koch en 2007. Ce long-métrage gore et horrifique s'inspire évidemment d'un serial killer tristement notoire, j'ai nommé John Wayne Gacy Jr. Ce tueur en série américain était par ailleurs surnommé"le clown tueur" car le sociopathe avait aussi pour habitude de se grimer en clown pour amuser et appâter les enfants. Condamnéà la peine capitale, John Wayne Gacy va devenir une figure populaire de terreur aux Etats-Unis en détenant le triste record de condamnations à perpétuité et de condamnations à mort (source :  https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Wayne_Gacy). L'écrivain Stephen King s'inspirera par ailleurs de ce maniaque du sadomasochisme et de l'opinel pour son roman Ça. Il faut se rendre sur le site IMDb (source : http://www.imdb.com/name/nm1155596/) pour trouver quelques informations élusives sur Marcus Koch. 

100-tears

A fortiori, 100 Tears reste le seul et unique réalisation du cinéaste. Marcus Koch est surtout connu pour ses talents de technicien et son érudition derrière les maquillages et les effets spéciaux de pellicules horrifiques. Son nom reste donc indissociable du cinéma trash et extrême puisque l'artiste a également officié sur les tournages de Toxic Avenger 4 (Lloyd Kaufman, 2001), Fell (Kasimir Burgess, 2010), We are still here (Ted Geoghegan, 2015) et Frankenstein Created Bikers (James Bickert, 2016). En outre, 100 Tears fait partie de ces pellicules prisées et louangées par les adeptes du cinéma gore. Le métrage est souvent répertorié parmi les cent films les plus rougeoyants et les plus érubescents du cinéma underground. Reste à savoir si 100 Tears mérite de figurer (ou non) dans un tel panthéon.
Réponse à venir dans les lignes de cette chronique...

La distribution du film risque de ne pas vous évoquer grand-chose à moins que vous connaissiez les noms de John Davison, Raine Brown, Georgia Chris, Jack Amos et Kibwe Dorsey ; mais j'en doute... Attention, SPOILERS ! Un tueur psychopathe grimé en clown sème la terreur depuis plus de 20 ans dans une paisible petite ville américaine. Armé d'un gigantesque hachoir, il traque des victimes avec acharnement avant de les massacrer sans la moindre pitié.
Qui est-il ? Quelles sont ses sanglantes motivations ? C'est pour répondre à ces questions que Jennifer et Mark, deux journalistes avides de sensations fortes, décident d'enquêter sur les agissements de ce maniaque. 
Alors que le nombre de meurtres ne cesse d'augmenter, leur enquête va les conduire au bout de l'horreur... A l'aune de cette exégèse, difficile à la fois de ne pas songer àLa Maison des 1000 Morts (Rob Zombie, 2003), un film d'horreur auquel 100 Tears fait directement référence, et évidemment à la véritable histoire de John Wayne Gacy lui-même. Toujours la même antienne...

images

Le film de Marcus Koch ne fait que corroborer cette fascination morbide, voire eschatologique, pour les sociopathes écervelés, ceux qui mutilent et transgressent tous les codes moraux et tous les tabous de notre société contemporaine. Le croquemitaine de 100Tears ne fait donc pas exception. Surtout, le forcené ne fait pas dans la dentelle ni dans la complaisance, et exécute dare-dare les personnes qui ont le malheur de croiser son chemin mortuaire.
Au menu des tristes réjouissances, Marcus Koch fait montre de mansuétude et nous gratifie de toute une série d'exécutions à coup de hachoir, le clown affectionnant tout particulièrement les zones carotidiennes. Viennent également s'ajouter des organes dilacérés et éparpillés dans tous les sens, des victimes agonisantes mais toujours vivantes avec la poitrine éventrée ou les membres inférieurs sectionnés.

Bref, la liste des abominations est à la fois longue et exhaustive. Que les amateurs de tripailles et de barbaque se rassérènent. Oui, 100 Tears est bel et bien ce festival d'érubescence promis par son affiche clinquante. Oui, 100 Tears peut s'enorgueillir d'un croquemitaine horripilant qui massacre, étrille et étripe ses victimes avec une jubilation non dissimulée. De surcroît, son cheminement psychopathique obéit lui aussi à une étonnante duplicité.
Le tueur est donc aidé par sa propre fille dans sa croisade meurtrière. Sur la forme comme sur le fond, 100 Tears s'apparente à un remake ou à un hommage - à peine déguisé - de Maniac (William Lustig, 1980), le lucre, le talent et la pécune en moins. 
A fortiori, l'essentiel du budget a été dépensé dans les maquillages, les prothèses et les effets spéciaux du film. 

100tearspic1

Un grand soin a donc été diligenté dans toutes ces effusions sanguinaires, un domaine dans lequel Marcus Koch excelle. Cependant, en dépit de toutes ses qualités, le long-métrage n'est pas exempt de tout reproche. Premier bémol et pas des moindres, 100 Tears reste un slasher de facture conventionnelle, certes plus sanguinolent qu'à l'accoutumée. De surcroît, le film n'échappe pas à ce monogramme de série B (voire de série Z) qui souffre d'un certain amateurisme ostentatoirement affiché. On se retiendra donc de pester et de clabauder après une interprétation relativement médiocre (pour être gentil...). A la rigueur, seul Joe Davison (dans le rôle du clown azimuté) tire son épingle du jeu ; une impression néanmoins à minorer puisque le comédien a tendance à verser dans l'excès.
Nanti d'un budget impécunieux (à peine 75 000 dollars...), 100 Tears remplit doctement son office sans pour autant transcender son récit ni son croquemitaine échevelé. Indubitablement, cette production ravira les amateurs de sensations fortes. Après de làà l'inscrire parmi les pellicules les plus brutales du cinéma gore et extrême, il y a un pas (voire un fossé imperceptible) que je n'oserai pas franchir.

Note : 11/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

King Kong - 1976 (Gorille dans la brume)

$
0
0

King_Kong 1976

Genre : fantastique, aventure 
Année : 1976
Durée : 2h14

Synopsis : 1976. Un paquebot d'une société pétrolière navigue à la recherche de la mystérieuse "île du crâne". A la tête de l'expédition, Fred Wilson, un employé de la compagnie, chargé de trouver des gisements de pétrole. A ses côtés, le professeur Prescott est en quête de tout autre chose : une créature préhistorique gigantesque. L'équipage sauve une jeune femme naufragée, Dwan. Bientôt, ils se retrouvent sur l'île, au contact de sauvages, qui vénèrent une créature nommée "Kong"...   

La critique :

Certes, John Guillermin ne fait pas forcément partie des grands pontes hégémoniques du noble Septième Art, mais son nom reste indissociable du cinéma bis. Sa carrière cinématographique débute vers l'orée des années 1950 via le méconnu Torment (1950), par ailleurs inédit dans nos contrées hexagonales, mais c'est en 1957 qu'il connaît son premier succès commercial avec Traqué par Scotland Yard. Il enchaîne alors avec quelques productions et bisseries notoires, entre autres Contre-espionnage à Gibraltar (1958), La plus grande aventure de Tarzan (1959), Tarzan aux Indes (1962), Le Crépuscule des Aigles (1966), ou encore Le Pont de Remagen (1969).
Pour John Guillermin, il faudra donc faire preuve de longanimité et patienter jusqu'aux années 1970 pour asseoir sa suprématie sur le cinéma d'Hollywood avec La Tour Infernale (1974), un film spectaculaire qui érige le genre catastrophe comme la nouvelle égérie du box-office américain.

John Guillermin jubile et peut désormais s'atteler à des productions dantesques, grandiloquentes et pharaoniques. C'est dans cette didactique que le cinéaste et scénariste britannique souhaite donc réaliser le remake éponyme de King Kong, une autre production faramineuse qui a toisé le haut des oriflammes en 1933 sous la férule d'Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper. Un tel projet n'est pas forcément si aisé d'autant plus que le remake de 1976 risque de souffrir de la comparaison avec son auguste épigone. Que soit. Opportuniste, John Guillermin évince la technique de la stop-motion pour l'animation de son primate gargantuesque et préfère les bonnes vieilles méthodes à l'ancienne.
En outre, le gorille de taille cyclopéenne sera interprété par son propre démiurge, un certain Rick Baker, un technicien et un maquilleur qui conçoit lui-même le costume de King Kong.

king-kong-1976-fuite

Pour l'anecdote, ce postulat de départ ne date pas d'hier et remonte aux années 1940 avec L'Île Inconnue (Jack Bernhard, 1948) et sera réitéré quelques années plus tard avec Godzilla (Ishiro Honda, 1954). Pour les besoins du King Kong de John Guillermin, Rick Baker invente et crée une créature en animatronique de plusieurs mètres de haut. Suite au tournage de King Kong en 1976, le technicien émérite va même revêtir les oripeaux d'un éminent spécialiste des effets spéciaux puisqu'on retrouvera son style inimitable et iconoclaste dans Greystoke, la légende de Tarzan (Hugh Hudson, 1984), Le Loup-Garou de Londres (John Landis, 1981), Mon Ami Joe (Ron Underwood, 1998), ou encore dans La Planète des Singes (Tim Burton, 2001) - Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/King_Kong_(film,_1976).
A l'origine, ce nouveau remake devait être une version fidèle et aseptisée du chef d'oeuvre de 1933, mais cette idée saugrenue sera finalement abandonnée.

Certes, King Kong (1976) remportera un succès considérable lors de sa sortie en salles, s'octroyant l'Oscar des meilleurs effets visuels en 1977. A contrario, les critiques et la presse spécialisée gourmandent et étrillent un remake qu'elles jugent absconse et surtout bien inférieur à son illustre homologue. La distribution du film se compose de Jessica Lange, Jeff Bridges, Charles Grodin, John Randolph, Rene Auberjonois, Julius W. Harris, Jack O'Halloran et John Agar.
Attention, SPOILERS ! (1) 
Dans les années 1970, la société Petrox envoie Fred Wilson à la recherche de la mystérieuse « île du Crâne » (Skull Island), qui contiendrait un gisement de pétrole important. Le professeur Jack Prescott, persuadé que l'île renferme un monstre préhistorique, s'infiltre à bord du navire mais est rapidement démasqué.

F2DrManSqyI6Jl7u6nggIAt_9kQ

Wilson décide néanmoins de le garder comme photographe de l’expédition. Durant le voyage, l'équipage sauve une naufragée, Dwan, qui tombe bientôt amoureuse de Jack. Le navire arrive en vue de l'île, cachée dans un épais brouillard. Après un premier contact tendu avec les indigènes, notamment après avoir interrompu une cérémonie, l’expédition regagne le navire mais les autochtones enlèvent Dwan pour la donner en sacrifice à leur Dieu Kong, un gorille gigantesque qui l'emmène dans son repaire. Prescott se lance aussitôt sur ses traces.
Profitant du combat entre le gorille et un serpent géant, Jack réussit à délivrer Dwan. Fred Wilson décide alors de capturer le monstre à des fins promotionnelles pour la compagnie. Ils capturent Kong et le ramènent vers la civilisation (1).

D'un film profondément lyrique, poétique, tourmenté et à la limite de l'eschatologisme, symbolisant la crise financière de 1929 et annonçant surtout l'apogée du nazisme en Europe en 1933, John Guillermin et Dino de Laurentiis (producteur de ce remake) ne retiendront que le côté lucratif de la version des années 1930 pour la transmuter en un remake probe et efficace, mais indigne du chef d'oeuvre réalisé par le duo Ernest B. Schoedsack/Merian C. Cooper.
Certes, par d'habiles variations, on relève çà et là quelques petites dissimilitudes avec le film originel. Cette fois-ci, il n'est plus vraiment question d'une expédition au sein d'une île perdue et dans des contrées éculées et méconnues de l'homme, mais d'une vague histoire de pétrole. En l'occurrence, l'or noir sera supplanté par un autre trésor, lui aussi de couleur noirâtre mais au tempérament bien trempé et surtout protégé par des indigènes anthropophages.

MV5BNzI1NDYxNzYyMl5BMl5BanBnXkFtZTgwOTM5NTU3MTE@

Dès lors, le King Kong de John Guillermin s'achemine sur un scénario des plus conventionnels. Derechef, le cinéaste nous affuble de saynètes certes impressionnantes, mais préfère ne pas se polariser sur l'épopée de nos héros sur l'île de Skull Island. Un choix pour le moins surprenant tant cette section paraît prépondérante. Qu'importe, King Kong retrouvera une once de fulgurance dans sa dernière demi-heure lorsque le primate aux incroyables rotondités dévastera la ville de New York, à la recherche de sa dulcinée. Toutefois, pas de quoi pavoiser ni s'extasier devant ce blockbuster au sommet qui cherche avant tout l'opulence et à flagorner un public peu exigeant en matière de qualité cinématographique.
Les thuriféraires de la version de 1933 maronneront et clabauderont à raison contre la vacuité et l'inanité de ce remake. Pis, John Guillermin corrobore cette impression de nonchalance et presque d'incompétence. A aucun moment, les dilections amoureuses entre le gorille et sa fiancée d'infortune ne parviennent àémouvoir le spectateur incrédule. Sur la forme comme sur le fond, King Kong (1976) s'apparente à une série B luxuriante qui paraît désormais bien obsolescente sans forcément démériter. Indiscutablement, le colosse de Skull Island aurait mérité un remake bien plus éloquent et charitable, une requête qui sera finalement ouïe par Peter Jackson trois décennies plus tard, avec une nouvelle version éponyme en 2005. Que les adulateurs du film de 1933 se rassérènent. John Guillermin commettra l'irréparable dix ans plus tard en réalisant King Kong 2 (1986).

 

Note : 11/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/King_Kong_(film,_1976)

Take An Easy Ride (Underground 70's, sexploitation et sécurité routière)

$
0
0

take an easy ride

Genre : fake documentary, drame, inclassable (interdit aux - 16 ans en version intégrale)
Année : 1974
Durée : 38/44 minutes (versions censurées)
             1h05 (version intégrale)

Synopsis : Pour prévenir des dangers de l'auto-stop au début des années 70, le réalisateur anglais Ken Rowles décide de mettre en scène, sous la forme d'un faux documentaire, les mésaventures de plusieurs jeunes femmes qui ont eu le malheur de croiser la route d'automobilistes mal intentionnés.

La critique :

Au tout début des années 70, de nombreuses autoroutes ont été construites en Grande Bretagne. Comme partout dans le monde, c'est l'époque de la voiture reine, de l'individualisme à tout crin et de la liberté des moeurs. Les garçons ont les cheveux longs et les filles, des jupes courtes. Un peu trop courtes d'ailleurs puisque cette libération sexuelle s'est accompagnée d'accidents, voire de crimes qui ont bouleversé le Royaume Uni. En effet, durant les premières années de la décennie hippie, plusieurs jeunes femmes qui faisaient de l'auto-stop ont été violées et sauvagement assassinées sur des aires d'autoroutes anglaises. Le réalisateur Ken Rowles s'inspira directement de ces faits divers pour débuter une série télévisée, intitulée Go Go Girl en 1972, qui aurait eu pour objet de prévenir les jeunes femmes du danger qu'elles courraient en faisant du stop. "Je désirais tourner un film d'information publique sur les périls de l'auto-stop et du fait que monter dans la voiture d'un étranger était un acte risqué" déclara-t-il plus tard. Mais la série ne verra jamais le jour. Rowles n'abandonne pas cependant le thème de l'auto-stop et tourne un premier projet pilote Give Merci A Ring Sometimes
Encouragé par le distributeur de la société de production Hammer House, Davy Grant, le réalisateur décida de concrétiser son premier essai par un métrage de cinéma. Rowles affirme avoir été inspiré par Cathy Come Home, un téléfilm de 1966 signé Ken Loach qui dénonçait les problèmes sociétaux bien particuliers du chômage et de la pauvreté.

On veut bien le croire sur parole mais son style cinématographique n'a vraiment rien à voir avec celui de son illustre compatriote. Et ce n'est guère lui faire injure en précisant que Ken Rowles fut plus un tâcheron besogneux qu'un grand metteur en scène. Qui dans sa vie a, avant aujourd'hui, entendu parler de Take An Easy Ride ? Peu d'entre nous, il faut bien l'avouer. Vouéà sa sortie en 1974 à l'anonymat le plus complet hormis à l'intérieur de ses frontières, ce film connaît pourtant depuis sa sortie dvd, une certaine curiosité et un début de notoriété dans le petit monde du cinéma underground. Cet intérêt est-il mérité pour autant ? Rien n'est moins sûr.
Une idée de ce à quoi peut ressembler cet objet filmique indéfini ? Prenez une ambiance seventies à outrance (hippies, sexe, drogues et rock'n'roll), filmez avec du 16mm pour accentuer le côté authentique, ajoutez des scènes de viols, de lesbianisme, de la nuditéà profusion et quelques crimes gratuits ou crapuleux, et vous obtenez un résultat pour le moins surprenant à mi-chemin entre le documentaire sur Woodstock (1969) et La Dernière Maison Sur La Gauche de Wes Craven (1972).

64f085162371e91783d65fe1f5404d5c

Sous couvert d'un message (auto-proclamé) d'utilité publique d'avertissement sur les dangers de l'auto-stop, Ken Rowles nous sert un remarquable spécimen de pur film d'exploitation made in England où aucun poncif n'est épargné aux spectateurs. L'esprit du Swinging London et du Festival de l'Île de Wight (1970) était encore très présent lors du tournage du film. Les moeurs restaient délibérément libertaires et dans l'air, flottait une atmosphère d'insouciance et de jouissance de l'instant présent. Quant aux jeunes anglaises délurées de cette période, elles ne pensaient qu'à fumer des pétards, à s'envoyer en l'air et à s'amuser tout en écoutant de la musique rock.
Take An Easy Ride est de ce point, un témoignage sociologique et symptomatique de cette époque définitivement révolue. 
Attention spoilers : Le film débute sous un pur aspect documentaire. Promenant sa caméra dans les rues de Londres, le réalisateur interviewe plusieurs personnes de différentes nationalités en les questionnant sur les pratiques de l'auto-stop dans leurs pays respectifs.

Puis, l'histoire s'attache à nous présenter plusieurs groupes de jeunes femmes, toutes tentées par ce moyen gratuit de locomotion. Certaines pour se rendre à un festival musical, d'autres pour rejoindre leur domicile, d'autres encore par seul goût de l'aventure. Mais entre les rencontres avec un vieux routier libidineux, un riche couple libertin et un maniaque sexuel, les adolescentes post-pubères un peu trop confiantes, vont aller au-devant du vice, de l'horreur et pour certaines, de la mort. Take An Easy Ride, que certains sites taxent de pornographique, n'est en fait rien qu'un "fake documentary" teinté d'une touche d'érotisme. Rien de scabreux même dans sa version intégrale, inédite jusqu'il y a peu.
Ce film n'est rien moins qu'un pur produit de sexploitation comme il en pullulaient dans les années 70/80. Jess Franco, Russ Meyer ou encore Joe d'Amato étaient les maîtres incontestés de ce genre cinématographique putassier qui ne s'embarrassait guère de fioritures dans les outrances. Un genre dont, de l'autre côté de l'Atlantique, les productions Troma s'étaient fait la spécialité par un étalage de mauvais goût légendaire, délivrant généreusement le quota requis de gore, de gros seins et d'amateurisme.

669258

Là où Ken Rowles a essayé de se démarquer de ses "glorieux" congénères, c'est qu'il prend le parti de présenter un film sérieux. Pédagogique même. Un film d'utilité publique selon lui qui, suite à divers viols et crimes de jeunes auto-stoppeuses lors de l'instauration des premières autoroutes anglaises, aurait mis en garde les intéressées sur les dangers de cette pratique hasardeuse de déplacement. Il met donc en scène une oeuvre hybride entre le faux documentaire et le film de fiction. Mais force est de constater que la mayonnaise a bien du mal à prendre.
La faute, principalement, à un manque de talent flagrant de la part du réalisateur et de ses interprètes qui ne livrent pas une prestation inoubliable. Certes, le film se laisse regarder d'un ennui poli, mais nous sommes très loin de ressentir un quelconque intérêt pour le sort de ces jeunes effrontées qui défient l'autorité parentale et qui veulent s'affranchir de toutes règles moralisatrices. Rebelles d'accord, mais surtout inconscientes. Bien sûr, ces comportements à risque étaient monnaie courante dans les seventies où la transgression était devenue une sorte de deuxième mode de vie. Une autre manière d'affirmer sa liberté en brisant les tabous et en cassant les codes rigides de la génération précédente.

Beaucoup de jeunes n'ont d'ailleurs pas survécu aux excès en tous genres qui ont accompagné cette décennie. Et ce n'étaient pas tous des stars du rock appartenant au fameux Club des 27... Annoncé par certains commentaires sur la toile, comme une oeuvre ultraviolente, Take An Easy Ride est là aussi, sujet à déception. À part un viol suggéré et deux crimes peu sanglants, le spectateur féru d'artifices horrifiques restera sur sa faim. Il semblerait bien que la réputation du film soit un fantasme résultant de sa rareté et donc du nombre infinitésimal de personnes qui l'ont visionné. Pourtant, le film a connu son heure de gloire à sa sortie il y a quarante-quatre ans de cela, puisqu'il est restéà l'affiche pendant 48 semaines au célèbre cinéma "Le Pigalle", situé au non moins célèbre carrefour londonien, Picadilly Circus. Puis, il disparut des radars durant plusieurs décennies.
Il retrouvera une nouvelle vie en 2010 lorsque les productions Odeon Entertainement ressortirent le film des tiroirs poussiéreux dans lequel il végétait, en présentant enfin le dvd de la version intégrale de 65 minutes, totalement remastérisée.

669259

Avant cela, cette oeuvre obscure n'était disponible que sous la forme de court ou moyen-métrage d'une durée de 38 ou 44 minutes selon les versions. Quant au film en lui-même : ambiance seventies garantie. Cheveux longs, mini-jupes, jeans patte d'eph, cols pelle à tarte, et décapotables Triumph TR4 sont au programme. L'image granuleuse du film tourné en 16mm et les agressions de jeunes femmes se rendant à un festival font évidemment penser àLa Dernière Maison Sur La Gauche, sorti deux ans auparavant. Mais c'est bien la seule similitude que l'on pourra trouver avec le film culte de Wes Craven. Beaucoup moins violent que ce dernier ; beaucoup moins choquant aussi, Take An Easy Ride se rattrape quelque peu sur la nudité et les ébats amoureux (lesbianisme, triolisme) immoraux.
Cela reste toutefois très soft et ferait presque sourire de nos jours. Reste à savoir ce que Ken Rowles a voulu démontrer avec ces scènes qui n'ont rien à voir avec le message initial qu'il était censé délivrer puisque la jeune fille "prise au piège" d'un riche couple libertin deviendra plus que consentante à leurs activités sexuelles.

Le seul passage qui se révèle un poil plus intéressant que l'ensemble du métrage est, de façon inattendue, lorsque les rôles sont inversés. Un duo de délinquantes juvéniles se sert de l'autostop pour charmer, détrousser et finalement tuer, un homme sympathique qui les avait accueillies dans sa voiture. Une séquence assez jouissive de perversité, mais c'est beaucoup trop léger pour rehausser la valeur d'un ensemble, somme toute, très passable. Au final, nous restons dubitatifs à la fois sur le concept de ce film et sur sa qualité cinématographique.
Il est d'ailleurs à noter qu'après avoir réalisé ce film à l'âge de vingt-neuf ans seulement, Rowles restera confinéà l'anonymat le plus complet sans plus jamais avoir proposé d'oeuvres notoires. Plus qu'un véritable film, Take An Easy Ride est à considérer comme un instantané d'une certaine époque où des images jaunies par le temps, ressurgit le souvenir lointain de la jeunesse des sexagénaires d'aujourd'hui. Une curiositéà voir une fois. Puis à oublier aussitôt.

Note :09/20

TumblingDollOfFlesh Inthemoodforgore

Horrible - Rosso Sangue (Régénération cellulaire)

$
0
0

Horrible

Genre : horreur, gore, trash, extrême, slasher (interdit aux - 18 ans au moment de sa sortie, interdit aux - 16 ans aujourd'hui)
Année : 1981
Durée : 1h30

Synopsis : Poursuivi par un prêtre, Mikos Stenopolis s'empale sur les pointes d'une grille qu'il essaie d'escalader. Il est alors emmené rapidement à l'hôpital le plus proche où il est opéré en urgence. Malheureusement, il s'avère que Mikos Stenopolis est un fou dangereux qui a la faculté de se régénérer...  

La critique :

Réalisateur, directeur de la photographie, cadreur et scénariste italien, Joe D'Amato appartient à la classe privilégiée des parangons du cinéma bis, pour le meilleur et surtout pour le pire. En outre, Joe d'Amato est un cinéaste prolifique et éclectique qui a à la fois tourné des films érotiques et pornographiques (Emanuelle's Revenge en 1975 et Viol sous les tropiques en 1977), des westerns spaghettis (BillCormack le fédéré en 1974) et des longs-métrages gore et horrifiques (Blue Holocaust en 1979 et Killing Birds en 1987). A tort, Joe d'Amato est souvent répertorié parmi les pires réalisateurs de toute l'histoire du cinéma, aux côtés d'Ed Wood et de Bruno Mattéi.
Une réprobation plutôt sévère même si le metteur en scène transalpin possède une filmographie erratique et peu éloquente.

Néanmoins, Joe d'Amato peut s'enhardir de quelques productions probantes et tout à fait fréquentables, à condition de voir ces pellicules pour ce qu'elles sont, à savoir des films qui ne pètent pas plus haut que leur derrière. Par exemple, on omet souvent de préciser que d'Amato est le tout premier réalisateur de l'histoire du Septième Art à aborder la nécrophilie au cinéma avec le fameux Blue Holocaust (précédemment mentionné). Opportuniste, le cinéaste n'a jamais caché son extatisme pour la barbaque, l'érotisme hard et les scènes de tripailles.
Impression corroborée par la sortie de Porno Holocaust en 1981. Attiré par les zombies et autres créatures hargneuses et putrescentes, Joe d'Amato signe une autre série B notoire, Anthropophagus, en 1980, une pellicule qui connaît un succès fulgurant dans les vidéoclubs.

absurd1

Ce film au budget impécunieux sort dans un contexte favorable aux slashers et aux morts-vivants claudicants. Il profite à la fois des succès inopinés de Vendredi 13 (Sean S. Cunningham, 1980) et du bien nommé Zombie (George A. Romero, 1978) pour verser lui aussi dans l'érubescence. Joe d'Amato n'a jamais été réputé pour faire dans la pudibonderie ni dans la bienséance. Blue Holocaust, Anthropophagus et Porno Holocaust restent ses films les plus méphitiques et aussi les plus controversés pour leur violence ostentatoire et exacerbée.
Impression accréditée par la sortie d'Horrible en 1981, une nouvelle série B considérée à la fois comme la suite et le remake d'Anthropophagus. Ce long-métrage est même sorti sous plusieurs intitulés, notamment Rosso Sangue (titre original du film), Absurd, Anthropophagus 2, Monster Hunter et The Grim Reaper 2.

A noter que Joe D'Amato sévit ici sous le pseudonyme de Peter Newton, une façon comme une autre de vendre le film à l'étranger et surtout dans les contrées américaines. Au moment de sa sortie, Horribleécope d'une interdiction aux moins de 18 ans et s'inscrit donc dans le sillage d'Anthropophagus premier du nom. Une telle réprobation sera minorée par la suite. A juste titre, le film est interdit aux moins de 16 ans aujourd'hui. La distribution d'Horrible se compose de George Eastman, Annie Belle, Charles Borromel, Katya Berger, Kasimir Berger, Ian Danby, Edmund Purdom et Michele Soavi (également assistant-réalisateur). Le casting mérite qu'on s'y attarde au moins quelques instants.
Pour Joe d'Amato, la présence de George Eastman constitue un atout prédominant puisque le comédien retrouve ce rôle de psychopathe qu'il avait déjà incarné dans Anthropophagus.

Horrible-3

Surtout, l'acteur fait partie de ces figures emblématiques du cinéma bis. Les thuriféraires du comédien citeront aisément Django tire le premier (Alberto De Martino, 1966), Pas de roses pour OSS 117 (Renzo Cerrato, 1968), Satyricon (Federico Fellini, 1969), Hard Sensation (Joe d'Amato, 1980), Les Nouveaux Barbares (Enzo G. Castellari, 1982), ou encore 2019 après la chute de New York (Sergio Martino, 1983). Mais ne nous égarons pas et revenons à l'exégèse du film. Attention, SPOILERS ! "Poursuivi par un prêtre, Mikos Stenopolis s'empale sur les pointes d'une grille qu'il essaie d'escalader. Il est alors emmené rapidement à l'hôpital le plus proche où il est opéré en urgence.
Malheureusement, il s'avère que Mikos Stenopolis est un fou dangereux qui a la faculté de se régénérer..." (Synopsis du film sur : http://www.devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=2631).

A l'aune de ce synopsis, difficile réellement de s'extasier pour Horrible, une série B gore et ingénue qui ne brille pas vraiment par sa roublardise. Malicieux, Joe D'Amato renâcle à la fois vers le slasher, le film d'horreur débridé et l'épouvante version L'Exorciste (William Friedkin, 1973) via cette histoire de prête qui crée, bon gré mal gré, une créature maléfique campée par un George Eastman histrionique. Malgré ce point de départ pittoresque, Horrible reste une bisserie tout à fait probe et recommandable à condition de phagocyter l'inanité et la vacuité d'un scénario abscons et prosaïque.
Le principal atout d'Horrible se nomme bien évidemment George Eastman qui impressionne par sa stature cyclopéenne et sa vélocité. L'acteur semble prendre un malin plaisir à trucider ses victimes. Sur ce dernier point, Joe d'Amato fait montre de magnanimité et nous gratifie de nombreuses saynètes érubescentes.

RossoSangue

Au programme des tristes réjouissances, on relèvera une bonne femme massacrée à coup de perceuse dans les tempes, des organes dilacérés et éparpillés dans tous les sens, ou encore une autre mijaurée dont la tête est carbonisée dans un four ! Indubitablement, Horrible partage de nombreuses accointances avec Anthropophagus dont il reprend peu ou prou le même scénario. Cependant, on lui préférera tout de même son auguste devancier qui tentait au moins de mettre en exergue une ambiance putride et mortifère. Dans Horrible, Joe D'Amato se contrefout de son climat oppressant et anxiogène, ainsi que de ses protagonistes subsidiaires.
Pis, on relève même quelques ellipses et incohérences. Par exemple, comment expliquer qu'une jeune jouvencelle, pourtant alitée en raison de douleurs lombaires inextricables, parvient subrepticement à se relever, à courir, à se hâter et même àéchapper aux coups de hache de son étrange tortionnaire ? A cette question, point de réponse. Mais peu importe. Joe d'Amato se contente d'offrir la bidoche avec une réelle mansuétude. Sur ce dernier point, reconnaissons qu'Horrible remplit doctement (béatement ?) son office et avance tête baissée sans jamais sourciller et surtout se soucier de ses divagations narratives. Curieusement, le film dégage malgré lui un charme indicible, celui d'une série B à la nihiliste, impétueuse et irascible. Une oeuvre néanmoins à réserver aux fans irréductibles du genre.
Ma note finale fera donc preuve de clémence car objectivement, le film mérite moins, beaucoup moins...

Note : 11.5/20

sparklehorse2 Alice In Oliver


Le Couvent de la Bête Sacrée (Nonnes hérétiques)

$
0
0

Le_Couvent_de_la_bete_sacree

Genre : drame, érotique, Nunsploitation (interdit aux - 16 ans)
Année : 1974
Durée : 1h31

Synopsis : Devenue orpheline, Maya souhaite élucider le meurtre de sa mère, une nonne recluse. Afin d'en savoir plus, elle rentre dans les ordres et espère trouver de précieux indices. Entre une mère supérieure sadique et un prêtre vicieux, la jeune femme va vite découvrir la face cachée de cette institution respectée. 

La critique :

Le nom de Norifumi Suzuki (ou Noribumi Suzuki) ne risque pas de vous évoquer grand-chose. Pourtant, son nom reste intrinsèquement reliéà celui de la Toei Animation, une firme cinématographique à laquelle il a consacré l'essentiel de sa carrière. Promis à une carrière émérite dans l'économie, Norifumi Suzuki abandonne pourtant ses études pour se consacrer entièrement au noble Septième Art. Dans un premier temps, il embrasse une carrière de scénariste et d'assistant-réalisateur. 
C'est dans ce contexte qu'il s'aguerrit derrière la caméra et étaye son penchant pour les drames érotiques, la violence et surtout le pinku eiga, ou cinéma rose, déclareraient péremptoirement les adulateurs de ce registre cinématographique. Le pinku eiga se définit comme un sous-genre cinématographique qui lutine et s'acoquine avec un érotisme hard et mâtiné de souffrance corporelle.

Il est donc bien question de fétichisme mais aussi (et surtout) de sadomasochisme. La plupart du temps, le pinku eiga met en exergue des jeunes femmes pudibondes subrepticement dévoyées par des tendances érotomaniaques qu'elles ne peuvent réprimer en dépit de leur chasteté, voire de leur voeu d'abstinence. Pour Norifumi Suzuki, c'est aussi l'occasion de mettre en scène un Japon faussement policé et transi par des satyriasis inextinguibles ; une thématique qu'il aspire àétoffer.
Plusieurs longs-métrages vont permettre au cinéaste nippon d'affirmer sa notoriété, que ce soit dans les contrées asiatiques, mais aussi dans le monde entier. Les thuriféraires du réalisateur citeront aisément Le Pensionnat des Jeunes Femmes Perverses (1973), Champion Of Death (1975), Shaolin Karaté (1975), Vices et Sévices (1979), Les tueurs noirs de l'Empereur fou (1980), ou encore Le feu de la vengeance (1982).

couvent-bete-sacree-seiju-gakuen-norifumi-suz-L-evbwA1

Vient également s'agréger Le Couvent de la Bête Sacrée, sorti en 1974, et qui reste, sans aucun doute, le métrage le plus proverbial de Norifumi Suzuki. Le film est également répertorié dans la catégorie "Nonnesploitation", ou "Nunsploitation", un sous-genre du pinku eiga. Ce n'est pas un hasard si Le Couvent de la Bête Sacrée est réalisé vers le milieu des années 1970 et s'il s'est exportéà l'étranger. Corrélativement, à la même époque, l'Occident connaît une révolution à la fois sociologique, culturelle et sexuelle. Le Japon est lui aussi traversé par une crise sociétale.
Le Japon s'interroge, de facto, sur ses valeurs religieuses et morales, de plus en plus imprégnées par les mentalités américaines et européennes. A contrario, le pays du Soleil Levant n'a pas vraiment de velléités ecclésiastiques même si certains missionnaires jésuites répandront la Bonne Parole à partir du XVIe siècle.

En l'occurrence, le Japon se distingue par sa pruderie excessive, paradoxalement fourvoyée par cette scopophilie cinématographique ostentatoirement affichée par certains cinéastes impudents. 
Indubitablement, Norifumi Suzuki appartient à cette dernière catégorie. La distribution de Le Couvent de la Bête Sacrée risque de ne pas vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Yumi Takigawa, Emiko Yamauchi, Yayoi Watanabe, Ryouko Ima, Harumi Tajima et Natsuko Yashiro ; mais j'en doute... A la rigueur, seul le nom de Yumi Takigawa fait partie de ces figures populaires, que ce soit au Japon ou dans les contrées occidentales.
On a notamment pu voir la comédienne, néanmoins dans des rôles subalternes, dans Le Cimetière de la Morale (Kinji Fukasaku, 1975), Super Express 109 (Junya Sato, 1975) et Virus (Kinji Fukasaku, 1980).  

couvent-de-la-bete-sacree-screen-2

 

Puis, l'actrice disparaîtra promptement des écrans-radars même si cette dernière tournera encore de nombreux films dans son pays. Attention, SPOILERS ! (1) Le film raconte le destin de la jeune Mayumi, qui entre dans les ordres pour enquêter sur la mort de sa mère et percer le secret derrière l’identité de son père. Son arrivée perturbe l’ordre établi, et une campagne de délation ne tarde pas à viser les nonnes lesbiennes ou voleuses. Mais alors que le sadisme des punitions va croissant, Mayumi découvre que ce couvent cache de nombreux mystères (1).
Bientôt, la jeune femme meurtrie va apprendre quels sont les secrets insondables de ses origines... Parmi les classiques de la Nunsploitation, les adulateurs du genre (soit cinq ou six personnes dans le monde...) citeront probablement
Les Diables (Ken Russell, 1971), Flavia la Défroquée (Gianfranco Mingozzi, 1974), Killer Nun (Giulio Berruti, 1979), ou encore Les Religieuses du Saint Archange (Domenico Paolella, 1973).

Dans tous les cas, ces films s'interrogent sur la déliquescence de la foi chrétienne dans nos contrées hexagonales et surtout occidentales. Impression justement corroborée par cette même révolution sexuelle et en pleine expansion dans les années 1970 et qui remet en cause les dogmes et les doctrines de la conception catholique. En filigrane, c'est donc cette fameuse question harangueuse qui se pose : comment Jésus-Christ pourrait-il être à la fois le fruit et l'incarnation d'une volonté divine ?
D'autres interrogations se posent elles aussi en catimini : Pourquoi la religion catholique a-t-elle choisi d'évincer Joseph ? Le futur sauveur et libérateur des opprimés n'a pas vraiment de père charnel. Il a avant tout un père spirituel. C'est cette même question qui semble tarabuster Norifumi Suzuki tout au long de ce film désinvolte. A tel point que certaines nonnes hérétiques s'interrogent à leur tour sur la genèse et sur cette curiosité de la nature humaine.

le-couvent-de-la-bete-sacree_1804857_1

Mais gare à ne pas effaroucher les tenancières despotiques de ce couvent cloîtré au beau milieu de nulle part ! De facto, Le Couvent de la Bête Sacrée fonctionne à la fois comme une tragédie humaine transie par cette chasteté de façade, un thriller et un huis clos oppressant et anxiogène claquemurant ses héroïnes face à leurs pulsions érotiques les plus inavouables. Evidemment, le saphisme est de mise, tout comme la torture et le sadomasochisme ad nauseam. Le moindre péché (surtout celui de concupiscence) commis est instantanément sanctionné par une punition expiatoire. Ainsi, le maître des lieux, le Révérend Père, est un être sacralisé, adoubé et divinisé.
Pourtant, ce dernier n'hésite pas à violer une soeur un peu trop téméraire. Pis, ce dernier a même commis le péché suprême...

En l'état, difficile d'en dire davantage. Toutefois, il serait bien réducteur de résumer Le Couvent de la Bête Sacréeà un film érotique et/ou d'exploitation. Norifumi Suzuki peaufine sa mise en scène et propose plusieurs saynètes à la fois âpres et chatoyantes en proposant une véritable césure entre la vétusté des couleurs (le rouge, le bleu et le noir sont les teintes privilégiées) qui parsèment le long-métrage et l'atrocité des supplices perpétrés. De surcroît, les interprètes excellent, Yumi Takagawa en tête et largement dévêtue pour l'occasion. In fine, en dépit de ses 44 années au compteur, Le Couvent de la Bête Sacrée n'a pas trop souffert de cette caducité, souvent inhérente à ce genre de production.
Son propos reste d'une étonnante actualité puisque le long-métrage ratiocine et réflexionne sur la porosité de la foi catholique dans nos sociétés contemporaines en plein marasme, ainsi que sur les simulacres qui nimbent ces mêmes principes finalement peu orthodoxes. 

Note : 16/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : http://tortillapolis.com/critique-film-le-couvent-de-la-bete-sacree-norifumi-suzuki-1974/

Butterfly Murders (Cauchemar entomologiste)

$
0
0

355full-the-butterfly-murders-poster

Genre : Thriller, fantastique (interdit aux -12 ans)

Année : 1979

Durée : 1h28

 

Synopsis :

Dans une Chine ancienne en proie à de nombreuses guerres de clans, le château d'un puissant seigneur est pris d'assaut par une horde de papillons tueurs. Un message de détresse est alors envoyé, faisant converger différents guerriers dans l'enceinte du château. Ces derniers vont découvrir que l'invasion des insectes n'a rien de spontané et qu'une terrible machination s'organise dans leur dos.

 

La critique : 

Sur le blog, divers réalisateurs chinois ont pu recevoir les honneurs d'une belle chronique. Des réalisateurs très souvent barrés, en accord avec l'idéologie "borderline" de leur cinéma, sans pour autant atteindre la fulgurance de leurs cousins nippons. Cependant, il y a encore un autre petit cinéaste qui n'a pas eu droit à son quart d'heure de gloire. Cinéaste qui a su se forger une certaine réputation dans le cinéma bis. Son nom ? Tsui Hark que certains d'entre vous doivent connaître. Originaire du Vietnam, le bonhomme a très vite su ce qu'il allait faire de sa vie en partant étudier à Hong-Kong, suivi des USA pour étudier le cinéma avant de retourner à Hong-Kong.
Cependant, le concept de film ne sera pas son objectif puisqu'il officiera d'abord pour des séries de télévision. En 1979, Tsui Hark va finalement se lancer dans un projet nettement plus ambitieux : le long-métrage. Ainsi naquit Butterfly Murders qui sortit dans une sombre époque du cinéma hongkongais. En effet, à la fin des années 70, ce cinéma est à bout de souffle en se contentant de recycler la comédie facile et de produire par camions des films de kung-fu. Incapable de se moderniser, de faire preuve d'inventivité et de tenter des choses, le cinéma national pourra compter sur l'arrivée de jeunes metteurs en scène qui permettront de concilier racines chinoises et influences occidentales.

Cette profonde crise d'identité pourra se combler avec des cinéastes tels qu'Ann Hui, Alex Cheung, Patrick Tam et bien sûr Tsui Hark. Ceux-ci, ainsi que d'autres, seront à l'origine d'une "Nouvelle Vague" ne s'appuyant, néanmoins, sur aucune quelconque thématique commune ou révolution esthétique. Il s'agit avant tout de redynamiser un circuit cinématographique mourant. A ce niveau, non content d'être sa première pellicule, Butterfly Murders sera considéré comme le chef de file de cette Nouvelle Vague vu qu'il est le premier du mouvement. Vous l'avez compris, sous ses travers de film confinéà une relative confidentialité, c'est un pan important du septième art chinois auquel je m'attaque. Un pan qui sera un échec cuisant au moment de sa sortie alors que les critiques internationales apprécieront unanimement l'expérience.

hark61

ATTENTION SPOILERS : Dans une Chine ancienne en proie à de nombreuses guerres de clans, le château d'un puissant seigneur est pris d'assaut par une horde de papillons tueurs. Un message de détresse est alors envoyé, faisant converger différents guerriers dans l'enceinte du château. Ces derniers vont découvrir que l'invasion des insectes n'a rien de spontané et qu'une terrible machination s'organise dans leur dos.

Le fait d'avoir employé le terme "cousins nippons" n'est pas anodin au vu de l'imagination débordante de ce que les asiatiques savent faire. A peu de choses près, Hong-Kong sait marcher dans le sillage du Japon en ce qui concerne les oeuvres "what the fuck". Nous sommes donc bien loin du réalisme de notre cinéma, plus posé, moins barré. On aime ou on n'aime pas, mais soit ! On peut dire que Tsui Hark n'a pas peur de l'originalité en mélangeant film de sabre et le thriller fantastique mâtiné d'un très léger soupçon d'horreur. Un cocktail détonant dont la dimension fantastique est symbolisée par l'un des insectes les plus chaleureux que nous puissions connaître : le papillon.
Oui ce petit insecte volant aux ailes d'une beauté parfois remarquable. Le choix de cet insecte ne tient pas du hasard vu que, dans le folklore asiatique, le papillon est étroitement apparenté au monde des esprits. Dans un premier temps, cette surprenante menace aurait pu se voir comme une revanche de la nature sur l'homme la détruisant à travers des guerres omniprésentes, incapable de comprendre l'autre et tiraillé par ses pulsions archaïques. Avec de petites connaissances acquises sur le folklore asiatique (merci l'exposition "Enfers et fantômes d'Asie" du Musée du Quai Branly. Un très chouette musée que j'ai découvert ainsi que Paris, tardivement à 24 ans !), on peut y voir un autre niveau de lecture. Un niveau de lecture plus ancestral, ésotérique même.

Ces papillons anthropophages semant la mort et le chaos partout où ils passent, pourraient refléter la vengeance des âmes perdues, victimes de la cruauté de la guerre. Des âmes vengeresses vociférant leur haine et leur frustration sur leur propre vie gâchée au nom de guerres et de massacres inutiles. Butterfly Murders pourrait, à première vue, se voir comme un manifeste pacifiste mais il n'en est rien. Alors que le potentiel était là pour en faire un métrage profond, les ambitions sont, dès le départ, sujettes à tout sauf à un spectacle intelligent. Les papillons seraient sous la coupe de certaines personnalités malfaisantes dont les objectifs se révèleront petit à petit. Bon, ça casse déjà un peu la chose car le récit aurait vraiment gagné en profondeur s'il avait été tourné autrement.
En soi, le tout est assumé donc on ne pourra pas rechigner là-dessus. Que soit, l'incident du château est ébruité un peu partout et différents guerriers tous plus obscurs les uns que les autres vont y converger, afin d'enquêter. Les intentions de certains seront floues à mesure que ces papillons feront des victimes. Des filets seront étendus pour se protéger et une grande partie du film se passera dans les tunnels souterrains. A partir de ce moment-là, on pourra se permettre de pousser une petite gueulante car ce choix de narration va impacter sur le sentiment de menace que nous étions censés être en droit d'attendre.

ButterMurd5

Contre toute attente, les papillons ne feront pas souvent leur apparition. La menace proviendra bien de ce microcosme de combattants. Ca pose problème car on s'aventure dangereusement vers du conventionnel. Le danger ne vient pas d'une situation surréaliste mais d'une situation réaliste, en l'occurrence un banal complot. Alors que Butterfly Murders avait des inspirations plus qu'originales, le basique s'immerge un peu trop et éclipse la dimension première qui aurait dûêtre là : l'insolite sous forme d'un essaim de papillons indestructibles massacrant sans sourciller tout individu. Bref, on pourrait reposer nos attentes sur une dimension scénaristique stimulante.
Un véritable jeu de piste où les soupçons peuvent peser sur tous et tous peuvent être coupable de cette machination diabolique. Sauf que Tsui Hark sature son film d'éléments narratifs à foison, rendant le schéma fort alambiqué et difficile à suivre. Au final, on a bien du mal à se passionner de cet ersatz de complot qui ne nous tient jamais en laisse. Encore heureux que le métrage ne dure que 1h28 ! 

Néanmoins, tout n'est pas à jeter non plus ! Tsui Hark parvient à incorporer des scènes d'action d'une inventivité assez folle à l'image de cette poursuite sur les toits entre une jeune guerrière et un soldat masqué. Les chorégraphies sont d'un niveau de professionnalisme certain et valent pas mal le détour. L'esthétique du film ne se défend pas mal du tout. Certes, que cela soit l'édition physique ou la version illégale, certains défauts de pellicules se font ressentir et gâchent un petit peu le visuel mais on appréciera beaucoup les décors en plein jour et la luminosité.
Côté bande son, le constat est assez bon également mais là encore quelques petits défauts techniques. Pour ce qui est du casting, on retrouvera Lau Siu-Ming, Michelle Mee, Wong Su-Tong, Zhang Guozhu ou Chen Qiqi. Là encore, c'est plutôt pas mal. Les acteurs jouent bien leur personnage à l'expression volontairement déjantée. A noter que la VOSTFR vous sera d'office imposée car il n'existe tout simplement, à ma connaissance, aucune version française.

image-w448

Nous pouvons dire, en conclusion, que Butterfly Murders est un film bien étrange qui a ce mérite de réveiller l'inanité du cinéma hongkongais à l'époque. Nanti d'un budget que l'on estime peu élevé, Tsui Hark parvient à adopter un style, dans l'absolu, plaisant. Malheureusement, on ne peut pas dire que le film soit réussi. Sans aller jusqu'à partir dans des débats philosophiques, aucun second niveau de lecture n'était présent alors que l'emblème du papillon aurait mérité des choix un peu plus recherchés que de simples outils anthropophages sous contrôle. Mais bon, passons !
Il n'empêche que ces papillons ne parviennent pas à nous impressionner, à créer ce sentiment d'oppression tel qu'Hitchcock a pu le faire dans Les Oiseaux. Il n'y a pas cette tension palpable, ce danger en raison d'une enquête se déroulant un peu trop à l'abri des papillons. Il n'y a guère de suspens pour maintenir notre attention. Reste que la dimension des arts martiaux est pas mal du tout et que toute la plastique du film a son petit charme. Cependant, tout cela est bien maigre face à la faiblesse d'un cinéaste en devenir, au potentiel présent mais maladroit, dont il faut pardonner le fait que ce fut son premier long-métrage. Une note qui risquera, peut-être, d'en titiller plus d'un mais quand ça ne passe pas...

 

Note : 08/20

 

orange-mecanique   Taratata

Le Voyage Fantastique ("L'homme est le vrai centre de l'univers")

$
0
0

voyage-fantastique-affiche

Genre : fantastique, aventure, science-fiction 
Année : 1966
Durée : 1h40

Synopsis : Pendant la Guerre froide, les Etats-Unis et l'Union soviétique s'affrontent sur le plan scientifique. Le chercheur Jan Benes découvre une méthode permettant de miniaturiser les objets pour un temps indéfini mais ce dernier est victime d'un attentat en voulant passer à l'ouest du rideau de fer. Afin de le sauver du coma dans lequel il est plongé, un groupe de scientifiques américains miniaturise un sous-marin et pénètre dans le corps de Benes pour le soigner de l'intérieur.    

La critique :

Alors qu'il se destine à une carrière de comédien, Richard Fleischer débute finalement en tant que "monteur de films d'actualités pour la société RKO Pictures" (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Fleischer). C'est dans ce contexte qu'il signe plusieurs séries B subsidiaires (pléonasme...) entre le milieu des années 1940 et l'orée des années 1950, parmi lesquelles on trouve quelques succès notables, entre autres Bodyguard (1948), L'Assassin sans visage (1949), Le Traquenard (1949), ou encore L'énigme du Chicago Express (1952).
Richard Fleischer s'aguerrit peu à peu derrière la caméra et peaufine un style qu'il souhaite iconoclaste. Il est alors repéré puis engagé par Walt Disney Pictures pour réaliser Vingt Mille Lieues sous les Mers en 1954. C'est ce long-métrage qui propulse le cinéaste au firmament de la gloire et signe son tout premier grand succès commercial.

Richard Fleisher se distingue alors par son éclectisme et sa capacitéà toucher à différents registres, que ce soit l'aventure (Les Vikings en 1958), le film noir (L'Assassin sans Visage, précédemment mentionné), la comédie familiale et goguenarde (L'extravagant Docteur Dolittle en 1967), le western (Duel dans la boue en 1959), le film de guerre (Tora ! Tora ! Tora ! en 1970), le thriller violent et putride (L'étrangleur de Boston en 1968), le péplum (Barrabas en 1962), le registre policier (Les flics ne dorment pas la nuit en 1972), l'épouvante (Amityville 3D - Le Démon en 1983), l'heroic fantasy (Conan le destructeur en 1984), ou encore la science-fiction pessimiste et eschatologique (Soleil Vert en 1972). Il n'est donc pas surprenant de retrouver Richard Fleischer derrière Le Voyage Fantastique, sorti en 1966. Le film sort également dans un contexte de guerre froide.

19501489

A tort, Le Voyage Fantastique est souvent considéré, par certains contempteurs, comme une oeuvre de propagande, en particulier antisoviétique. Mais Richard Fleischer a toujours démenti de telles velléités xénophobes et bellicistes. Evidemment, par sa thématique, donc la miniaturisation et cette exploration d'un univers infinitésimal, Le Voyage Fantastique n'est pas sans rappeler un autre classique du fantastique et de la science-fiction : L'Homme Qui Rétrécit (Jack Arnold, 1957).
Mais sur le fond comme sur la forme, The Incredible Shrinking Man se parait d'une réflexion et d'une allégorie sur la condition humaine, ainsi que d'une dénonciation sur les effets délétères du nucléaire. En vérité, Le Voyage Fantastique a d'autres aspérités, celles de sonder et de décrypter un monde quantique régi par des lois complexes, nébuleuses, amphigouriques et encore méconnues de la science moderne.

Non seulement, le long-métrage de Richard Fleischer va inspirer la littérature de science-fiction (entre autres Isaac Asimov avec son roman Destination Cerveau - Merci Wikipédia !), mais aussi le noble Septième Art avec L'Aventure Intérieure (Joe Dante, 1987), un remake assez libre de Le Voyage Fantastique. Au moment de sa sortie, le film de Richard Fleischer reçoit à la fois un accueil triomphal dans les salles et de la part de critiques unanimement panégyriques. Mieux, le film s'octroie deux Oscars (meilleurs effets spéciaux visuels et meilleurs décors).
Avec le temps, Le Voyage Fantastique s'est même arrogé le statut de film culte. Reste à savoir si cette oeuvre de science-fiction mérite de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du métrage se compose de Stephen Boyd, Raquel Welch, Donald Pleasence, Edmond O'Brien, Arthur O'Connell, William Redfield, Arthur Kennedy et James Brolin.

test-le-voyage-fantastique

Attention, SPOILERS ! (1) Les Etats-Unis et l'Union Soviétique ont chacun développé une technologie qui permet à la matière d'être miniaturisée grâce à un procédé qui rétrécit chaque atome séparément, mais d'un intérêt limité car les objets reviennent à leur taille initiale après 60 minutes au plus. Jan Benes, un scientifique travaillant derrière le rideau de fer, a découvert comment rendre le rétrécissement permanent. Avec l'aide de la CIA, le scientifique passe à l'ouest, mais un attentat le laisse plongé dans un coma profond avec un caillot de sang dans le cerveau.
Le gouvernement des États-Unis est impatient de lui sauver la vie afin qu'il puisse partager le secret de la miniaturisation illimitée. Pour résorber le caillot, un groupe de scientifiques comprenant Grant, le capitaine Bill Owens, le Docteur Michaels, le  Docteur Peter Duval et son assistante, Cora Peterson, prennent place à bord du « Proteus », un sous-marin miniaturisé puis injecté dans Benes.

En raison de la durée du procédé de miniaturisation, l'équipe dispose de seulement une heure pour trouver et détruire le caillot avant une mort certaine : une fois que le sous-marin miniaturisé commencera à reprendre sa taille normale, il deviendra la cible du système immunitaire de Benes et sera détruit. Beaucoup d'obstacles gênent l'équipage pendant leur voyage. Un accident de parcours les force à passer par le coeur - celui-ci est provisoirement arrêté pour éviter des turbulences funestes - mais aussi les poumons pour se réapprovisionner en oxygène. Les membres de l'équipage sont bientôt contraints à« cannibaliser » leur appareil de radio afin de réparer le laser destinéà détruire le caillot de sang : il devient évident qu'il y a un saboteur dans le groupe (1).
A l'aune de cette exégèse, difficile de ne pas s'extasier devant le synopsis de Le Voyage Fantastique puisque le film repose, en grande partie, sur un périple à l'intérieur du corps humain, et plus précisément vers les artères carotidiennes, en contournant le coeur, pour ensuite gagner le cerveau d'un scientifique alangui.

image4

Mais une telle épopée ne sera pas si aisée. Lors sa première partie, le long-métrage adopte un ton résolument pragmatique, clinique et scientifique. Pour Richard Fleischer, pas question de badiner ni de folâtrer avec un récit science-fictionnel qu'il traite avec beaucoup de parcimonie. Impression corroborée par une première section un brin volubile et de nombreuses explications méthodiques et à caractère chirurgical. Que soit. En l'état, difficile de ne pas se laisser emporter par Le Voyage Fantastique même si on peut déplorer quelques consonances martiales.
Au-delà du thème de la miniaturisation, le film narre bel et bien une course à l'armement entre la Russie et les Etats-Unis, une affaire qui n'est pas sans évoquer la lutte acharnée entre les deux pays pour atteindre notre satellite sélénite trois ans plus tard.

Lors de la seconde partie, Richard Fleischer accélère sérieusement les inimitiés mais continue de ratiociner sur ce monde atomique, à la fois composé de globules rouges et de globules blancs, d'une myriade de micros organes électriques ; et s'interrogeant, de facto, sur cet univers insondable régi simultanément par les lois microscopiques et celles qui dictent une vastité elle aussi imperceptible. Entre deux, l'homme apparaît comme le vrai centre de l'univers, soit cette entité charnelle qui se situe entre l'infiniment grand et l'infiniment petit ; une théorie qui ne manquera pas de tarauder le spectateur avisé sur l'essence de la cosmogénèse. Tel est l'aphorisme dogmatique déclamé par un scientifique un peu trop téméraire. Pour pénétrer dans les cavités rugueuses du corps humain, notre aéropage se doit de contourner, voire d'affronter, de terribles dangers.

19501491

Sur ce dernier point, Richard Fleischer nous gratifie de nombreux décors somptueux et chatoyants et propose une épopée extraordinaire à l'intérieur des anfractuosités humaines. Le submersible utilisé n'est qu'une variation du Nautilus. Sur la forme, Le Voyage Fantastique s'apparente presque à un remake officieux, tout du moins à une nouvelle version, de Vingt Mille Lieues sous les Mers. Toutefois, le film n'est pas exempt de tout reproche malgré ses effets visuels majestueux et pharaoniques. A raison, les détracteurs pourront maronner et clabauder contre une thématique (la Guerre Froide en filigrane...) joliment obsolète. Désormais, les tenants et les aboutissants du Rideau de Fer, de ses écueils et de ses corolaires ne sont plus d'actualité. De surcroît, les décors paraissent parfois un brin désuets, kitchs et ringards. In fine, le ton se veut résolument affecté et solennel.
Le Voyage Fantastique impressionnera avant tout un public majeur et donc plus sensible à certaines réflexions ésotériques. Les jeunes bambins en culottes courtes sont donc évincés de ce programme un peu trop rationnel et scientifique. On comprend mieux pourquoi Steven Spielberg a songé, pendant plusieurs années, à signer un remake ; un projet hélas abandonné... Mais ne soyons pas si vachard. En dépit de ses menus détails, Le Voyage Fantastique reste une petite curiosité science-fictionnelle qui fascine par ses excentrismes et ses singularités.

 

 

Note : 16/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Voyage_fantastique_(film,_1966)

Razorback (La chose surgit du désert)

$
0
0

Razorback

Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 1984
Durée : 1h35

Synopsis : Un soir, dans une maison isolée au milieu du désert australien, un vieil homme, Jake Cullen, et son petit-fils Scotty sont attaqués par un sanglier monstrueux. L'enfant disparaît et le grand-père, amputé d'une jambe, est un moment accusé du meurtre. Deux ans plus tard, Beth Winters, journaliste américaine, débarque dans la région pour enquêter sur un massacre de kangourous...   

La critique :

Tout d'abord clippeur, Russell Mulcahy s'est rapidement tourné vers le noble Septième Art et en particulier vers l'univers épars de la série B. Sa carrière cinématographique débute vers la fin des années 1970 avec Derek and Clive Get The Horn (1979), par ailleurs inconnu au bataillon et inédit dans nos contrées hexagonales. Puis, il enchaîne avec une autre bisserie impécunieuse, Razorback (1984), soit le film qui nous intéresse aujourd'hui. Russell Mulcahy connaîtra enfin les affres de la notoriété avec son métrage suivant, Highlander, une pellicule à la fois épique et fantastique qui propulse le cinéaste au firmament de la gloire et du box-office américain.
Hélas, le metteur en scène ne réitérera pas une telle fulgurance promotionnelle. Pis, il se fourvoiera dans une suite prosaïque et présomptueuse, Highlander, le retour (1991), qui essuie les foudres et les quolibets de critiques unanimement sarcastiques.

Dépité, Russell Mulcahy refusera de poursuivre l'aventure Highlander sans néanmoins retrouver sa fougue de jadis. Impression corroborée par ses longs-métrages suivants, que ce soit Ricochet (1991), Blue Ice (1992), L'affaire Karen McCoy (1993), The Shadow (1994), La Malédiction de la Momie (1998), Résurrection (1999), Resident Evil : Extinction (2007), ou encore Le Roi Scorpion 2 (2008). Toutes ces productions seront au mieux des échecs artistiques, au pis des fours commerciaux. Bien conscient de son maigre potentiel, le metteur en scène se consacre désormais au domaine de la série télévisé avec Teen Wolf depuis 2010.
A l'époque du tournage de Razorback, Russell Mulcahy croit farouchement en son talent et en son potentiel. Le cinéaste aspire à renouveler le genre "agression animale". 

19518994_fa1_vo

Une gageure qu'il maîtrise avec parcimonie puisque cette série B parviendra même à s'expatrier en dehors de ses frontières australiennes. Mieux, Razorback va inscrire carrément son monogramme parmi les figures emblématiques du genre "agression animale", un registre cinématographique qui contient tout un florilège de références, que ce soit Les Oiseaux (Alfred Hitchcock, 1960) en passant évidemment par Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975). Toujours la même ritournelle...
En vérité, Razorback a peu de chance de contrarier l'omnipotence de ces deux classiques de l'épouvante. A contrario, le métrage se solde par un succès commercial dans les vidéoclubs et s'arroge plusieurs récompenses, notamment le prix de la meilleure photographie lors de l'Australian Cinematographers Society et le prix du meilleur montage de l'Australian Film Institute (source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Razorback_(film).

Reste à savoir si Razorback mérite de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution de cette série B horrifique se compose de Gregory Harrison, Arkie Whiteley, Bill Kerr, Chris Haywood, David Argue et Judy Morris. Attention, SPOILERS ! (1) Un grondement lointain s'amplifie dangereusement, le sol tremble et soudain, une puissante forme noire défonce les murs de la maison de Jack Cullen. Lorsque le vieux Jack peut enfin pénétrer dans ce qui reste de sa maison, son petit-fils a disparu.
Personne ne croit l'histoire du vieil homme qui dit avoir reconnu un énorme razorback sanguinaire et particulièrement friand de chair humaine. 
Il est inculpé pour la disparition de son petit-fils mais relaxé faute de preuve. 

OqvKPqvlLyPAMj1ln6A0esVvKnI

Il n'a de cesse alors de traquer cet affreux animal pour prouver sa bonne foi. Deux ans plus tard, une journaliste new-yorkaise, militante d'une association pour la protection des animaux, Beth Winters arrive à Gamulla pour un reportage sur les dérives de la chasse au kangourou, disparaît dans des conditions étranges, la plupart des habitants raconte qu'elle est tombée dans un puits. Son mari, Carl Winters, décide de partir à la recherche de sa femme et rencontre le vieux Jack qui met en cause le razorback. Mais Carl préfère suivre la piste de deux chasseurs de kangourou dérangés de la conserverie Petpak, Benny et Dicko Baker. Carl prend un autre nom, Bill.
Carl fait la connaissance de Sarah Camerron une paysanne en chasse du razorback (1). En vérité, Razorback avait pour vocation d'ériger et même d'adouber l'érudition de Russell Mulcahy derrière la mise en scène.

Une autre époque en somme, celle où Russell Mulcahy n'avait pas encore réalisé le tout premier HighlanderOpiniâtre, le cinéaste n'a pas vraiment pour velléité de toiser les hauts des oriflammes et préfère besogner sur des séries B probes et efficaces, encore imprégnées par le spectre de Les Oiseaux et de Les Dents de la Mer. Bis repetita... Mais Russell Mulcahy sait qu'il n'est pas Alfred Hitchcock, ni Steven Spielberg. En l'occurrence, le metteur en scène australien provient du monde irisé et débridé du clip musical. C'est sûrement la raison pour laquelle Razorback se nimbe de véritables aspérités stylistiques et de mise en scène. Impression accréditée dès le préambule du film avec cet assaut mené tambour battant par un mammifère irascible qui emporte tout sur son passage.
Malicieux, Russell Mulcahy possède de solides arguties dans sa besace. Le réalisateur ne se contente pas seulement de citer le cinéma horrifique d'Alfred Hitchcock et de Steven Spielberg.

razor_11

Par certaines accointances, Razorback n'est pas sans évoquer ce vieux cinéma de science-fiction et d'épouvante de naguère, celui qui voyait poindre une menace indicible provenant du vide, d'un désert ineffable ou d'un néant béant et inextricable. On pense parfois àTarantula ! (Jack Arnold, 1955). Cérémonieux, Russell Mulcahy nous gratifie de plusieurs saynètes de frousse et d'action se déroulant dans un endroit désertique et claustré au beau milieu de nulle part. 
La peur ne provient pas seulement de cette créature presque mutante et dolichocéphale, mais de cette impression de solitude et de vide intersidéral. C'est probablement pour cette raison que Razorback s'est octroyé le statut de film culte au fil des années. Surtout, le long-métrage repose sur cette curieuse dichotomie entre le chasseur et le chassé, en sachant que cette didactique peut aisément s'intervertir, ramenant l'homme - ce chasseur et ce prédateur - tout en bas de l'échelle alimentaire.

Certes, à raison, les contempteurs pourront maronner et clabauder après la complexion (un tantinet) ubuesque de la créature, visiblement réalisée en animatronique. Certes, les protagonistes (en particulier le héros du film et sa nouvelle dulcinée) manquent singulièrement d'éloquence et de charisme pour emporter totalement l'adhésion. Mais, en dépit de ses menus détails, Razorback reste une série B horrifique correcte et tout à fait recommandable, à condition de phagocyter certaines séquences funambulesques, et notamment l'épilogue final, un peu trop guilleret pour convaincre réellement sur la durée. De facto, le statut de film culte nous paraît un brin usurpé.
Toutefois, Razorback demeure une pellicule plutôt fréquentable à l'aune de la filmographie erratique et monotone de son célèbre démiurge. Une bisserie à réserver aux fans irréductibles du genre, donc.

 

Note : 12/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Razorback_(film)

Une Page Folle ("Japanese nervous breakdown")

$
0
0

Une_page_folle

Genre : expérimental, inclassable 
Année : 1926
Durée : 1h07

Synopsis : Ancien marin devenu concierge d'un hôpital psychiatrique, un vieil homme cherche à approcher sa femme devenue folle après qu'elle eut noyé son nouveau né de ses propres mains, pour la faire s'évader de ce lieu infernal. Mais la visite de leur fille aînée venue annoncer ses prochaines fiançailles, va plonger sa mère un peu plus encore dans la folie. Pendant ce temps, tous les aliénés se révoltent et deviennent incontrôlables. 

La critique :

Il existe des films, peu nombreux, qui ont eu derrière eux des parcours qui sortent de l'ordinaire. Qu'ils aient été victimes d'interdictions pures et simples, de censures ou de mises à l'index généralisées, ces films hors du commun ont marqué l'histoire du cinéma. Citons par exemple des oeuvres aussi différentes que Freaks La Monstrueuse Parade (Tod Browning, 1932), interdit de projection pendant trente-sept ans, A Serbian Film (Srdjan Spasojevic, 2010) objet filmique scandaleux qui a fait l'objet d'anathèmes et de polémiques à sa sortie, ou encore le célibrissime Saló ou Les 120 Jours de Sodome (Pier Paulo Pasolini, 1975) qui ne fut certainement pas étranger à l'assassinat de son auteur. Le film dont nous allons parler a connu une toute autre destinée mais elle aussi, est assez incroyable. 
Une journée de 1971, le réalisateur, Teinosuke Kinugasa, retrouve par hasard dans une cabane de son jardin, les bobines d'Une Page Folle, un film qu'il avait tourné quarante-cinq ans plus tôt et qu'il avait perdu. Sorti en 1926, le film n'était resté que quelques semaines à l'affiche, puis fut interdit à cause d'un sujet jugé trop délicat.

En effet, à cette époque au Japon, les malades mentaux à l'instar des criminels, étaient cachés dans des établissements secrets, à l'abri des regards indiscrets puis littéralement rayés du système social. Que ce soit pour les prisonniers ou les patients atteints de troubles psychologiques, les conditions d'internement étaient lamentables et dégradantes. Le film de Kinugasa, bien qu'ultra expérimental et quasi incompréhensible, avait le tort de faire dérouler son histoire dans ces lieus mystérieux et interdits. Son exploitation sur les écrans fut donc raccourcie au minimum ; le film vit sa carrière annihilée et fut oublié de tous. Le réalisateur prit ses bobines sous le bras et les cacha dans son jardin.
La suite, vous la connaissez. D'après les catalogues de l'époque, il manquerait une vingtaine de minutes du film original. Kinugasa avait trente ans et déjà trente-cinq films à son actif lorsqu'il commença le tournage d'Une Page Folle. Dans sa tâche, il fut assisté au scénario par l'immense écrivain Yasunari Kawabata. La preuve que ce dernier était une sacrée pointure est qu'il obtint le Prix Nobel de littérature en 1968. 
Une Page Folle est un film démentiel. Au sens premier du terme puisque son histoire se déroule dans une asile d'aliénés.

90-second-expert-japanese-cinema-01-420-75-517x371

Fou, ce film l'est aussi dans sa réalisation. Au premier abord, difficile d'y comprendre quoi que ce soit. S'il n'y avait pas eu en introduction du film, l'explication de l'histoirien du cinéma Serge Bromberg, j'aurais été bien incapable de chroniquer ce gigantesque OFNI japonais. Il faut savoir qu'à l'époque du muet, les films nippons ne bénéficiaient pas de cartons explicatifs comme il était de coutume dans les films occidentaux, ceux de Charlie Chaplin par exemple. Ils étaient projetés devant des spectateurs auxquels un narrateur, que l'on appelait un Benji, placé sur scène, expliquait l'action qui se déroulait à l'écran. Une technique de bonimenteurs que Georges Méliès utilisait déjà au début du siècle dernier. Parmi les cinéphiles passionnés d'oeuvres nippones expérimentales, beaucoup citent volontiers le trio Tetsuo (Shinya Tsukamoto, 1988), Emperor Tomato Ketchup (Shuji Terrayama, 1971) et Hausu (Nobuhiko Obayashi, 1977) comme le tiercé gagnant des films les plus perchés jamais réalisés au Pays du Soleil Levant. Pourtant, pour avoir visionné et revisonnéUne Page Folle, je pense pouvoir affirmer que ce film, complètement siphoné du trognon, est en capacité de mettre tout le monde d'accord.
Serge Bromberg, lui, estime que ce film unique n'est ni plus ni moins qu'un des grands chefs d'oeuvres du cinéma mondial. 

Attention spoilers : L'action débute par une pluie diluvienne qui s'abat sur des ruelles sombres. Puis, une danseuse apparaît et effectue une chorégraphie devant une sphère zébrée qui pivote sur elle-même. La scène d'après, nous pénétrons dans l'asile où une femme s'agite frénétiquement derrière ses barreaux alors que des logogrammes aléatoires surgissent puis disparaissent de l'écran. Un vieil homme, ancien officier de marine, rôde dans les couloirs de l'établissement. Il s'est fait embaucher en tant que concierge dans le seul but de délivrer sa femme devenue folle après qu'elle eut noyé son nouveau né. Peu après, la fille aînée du couple vient annoncer ses futures fiançailles. Cette nouvelle ne fait qu'empirer l'état d'instabilité psychologique de la mère qui plonge dans une mélancolie dépressive et perd définitivement tout contact avec la réalité. Profitant de l'insurrection des malades, le mari tente bien de soustraire sa femme à ce lieu infernal mais ils sont surpris par le médecin chef.
S'ensuit une lutte entre les deux hommes dans laquelle le médecin est tué. La femme refuse de suivre son mari, préférant rester avec ses congénères demeurés. Alors que l'hôpital n'est plus sous aucun contrôle, le vieil homme choisit de rester auprès de sa femme et il commence à son tour, à perdre la raison.

815091

Quelle drôle d'idée j'ai eu de me lancer à l'assaut d'un tel engin ! Visionner Une Page Folle est une expérience vraiment incroyable. On ressort de là,à bout de souffle, bombardé de céphalées, incrédule. Imaginez que votre cerveau soit passé dans le tambour d'une machine à laver ; la sensation serait à peu près identique. Sérieusement ravagé de la pulpe, ce film sans chronologie, sans paroles, sans explications, est à la fois un véritable calvaire à déchiffrer et un régal pour tout amateur de cinéma expérimental. C'est bien simple, tout y est : surimpressions et juxtapositions d'images, ruptures de rythme, déformations du champ visuel, séquences métaphoriques, accélération de l'action, flashbacks incompréhensibles, dédoublement des personnages.
Bref, un condensé de surréalisme et de dadaïsme en à peine plus d'une heure. Une Page Folle est l'unique représentant du néo-sensationnalisme japonais, un mouvement cinématographique mort-né fortement inspiré de l'expressionisme allemand. De cette période où Friedrich Murnau et Fritz Lang alignaient des chefs d'oeuvres de ce genre en quantité industrielle. Kinugasa impose au spectateur un effort phénoménal de concentration s'il veut suivre l'histoire de manière cohérente. Mais est-ce possible ? La réponse est non.

Délibérément, le réalisateur filme de façon chaotique, désordonnée ou alors plus douce selon les situations. La frénésie, l'hystérie même, lors des scènes de danses ubuesques ou des bagarres rangées entre aliénés et personnel hospitalier. La douceur, lors des flashbacks mémoriels du vieil homme qui se rappelle les jours heureux où sa femme avait encore toute sa raison. Le personnage de ce vieux marin devenu concierge est seul point d'appui solide, le seul contact avec le concret sur lequel peut le spectateur peut s'appuyer. Car pour le reste, impossible de se raccrocher à une quelconque réalité. On est emporté par un tourbillon sensoriel, un déferlement créatif oscillant sans cesse entre le cauchemar et l'hypnotique. 
Au niveau de l'atmosphère, le film est très sombre; on ressent quasi physiquement un impression d'étouffement. Oppressés que l'on est par ces couloirs obscurs, ces cellules suintantes d'oùémergent des visages déformés par la démence. Le film date de 1926 et pourtant, on le croirait sorti tout droit d'un passé encore bien plus lointain tant le grain de la pellicule est médiocre.
Une Page Folle n'a bénéficié d'aucune restauration ou numérisation pour sa sortie vidéo. 
Mais ne nous plaignons pas, c'est déjà un petit miracle que d'avoir pu remettre la main sur ce film oublié par le temps et les hommes.

 

Page-of-Madness-Thumb

 

 

De plus, il semblerait que cette pellicule crépitante, usée par neuf longues décennies, soit plus un atout supplémentaire qu'un défaut rédhibitoire pour ce film. Elle le rend plus torturé, plus mystérieux et pour tout dire, plus inquiétant. Le film débute d'ailleurs carrément dans une ambiance de film d'épouvante lorsque des trombes d'eau se déversent sur des ruelles sombres traversées par des ombres furtives à peine reflétées par la lueur des réverbères. Puis, le métrage fonce la tête la première dans l'expérimentation la plus totale pour ne plus la quitter jusqu'à son dénouement. Sur le fond, il est évident que le réalisateur a voulu se livrer à une critique en règle des conditions d'internement dans le Japon des années 20. Ces endroits impénétrables, jalousement tenus secrets par les autorités, où les malades cloîtrés dans des conditions déplorables et inhumaines, étaient voués au rejet de la société, à l'abandon de leur famille et à la négation même de leur existence. Des conditions difficiles à imaginer de nos jours.
Cette condamnation artistique a signé l'arrêt de mort du film puisque son exploitation fut arrêtée toutes affaires cessantes. Quant à Teinosuke Kinugasa, il continua à tourner jusqu'au milieu des années soixante. En 1954, il obtiendra la récompense ultime avec La Porte de l'Enfer qui décrochera la Palme d'Or au Festival de Cannes, puis l'Oscar du meilleur film étranger en 1955. 
Si l'on ajoute le Nobel de littérature du scénariste Yasunari Kawabata, on ne peut pas vraiment dire que le film qui nous intéresse aujourd'hui ait été dirigé par des peintres ! Malgré toutes ses qualités, on ne peut décemment évaluer un tel film. Une Page Folle est bien trop expérimental pour être supputéà sa juste valeur.
Reste une oeuvre unique, un bijou de non sens, une pépite d'absurdie. Avec à la clé sans doute, le titre honorifique de film japonais le plus azimuté de tous les temps. Alors, amateurs de bizarreries en tous genres ou de petits classiques inconnus, vous savez ce qui vous reste à faire...

Note :?

TumblingDollOfFlesh Inthemoodforgore

Le Monde Perdu : Jurassic Park (Indiana Jones et le continent oublié)

$
0
0

le monde perdu jurassic park

Genre : fantastique, aventure 
Année : 1997
Durée : 2h09

Synopsis : Quatre ans après le terrible fiasco de son Jurassic Park, le milliardaire John Hammond rappelle le Dr Ian Malcolm pour l'informer de son nouveau projet. Sur une île déserte, voisine du parc, vivent en liberté des centaines de dinosaures de toutes tailles et de toutes espèces. Ce sont des descendants des animaux clonés en laboratoire. D'abord réticent, Ian se décide à rejoindre le docteur quand il apprend que sa fiancée fait partie de l'expédition scientifique. Il ignore qu'une autre expédition qui n'a pas les mêmes buts est également en route.   

La critique :

Steven Spielberg est un cinéaste à la fois prolifique et éclectique qui n'a jamais caché son engouement pour le cinéma de divertissement. Après le succès colossal de Les Dents de la Mer en 1975, le réalisateur s'ingénie dans des productions beaucoup plus avenantes et familiales. Impression corroborée par ce goût immodéré pour la comédie potache (le film 1941 sorti en 1980 et qui se soldera par un bide commercial), l'aventure semée d'embûches (la tétralogie consacrée aux tribulations d'Indiana Jones) et la science-fiction bienveillante via une rencontre inopinée entre des êtres humains et des extraterrestres amènes et aux intentions pacifistes (Rencontres du Troisième Type en 1977 et E.T. L'Extra-Terrestre en 1982). Corrélativement, Steven Spielberg parachève aussi des oeuvres beaucoup plus personnelles sur fond d'Holocauste et de peste concentrationnaire.

Tel était, par ailleurs, l'apanage de La Liste de Schindler en 1993, un chef d'oeuvre bouleversant qui n'est pas sans rappeler Nuit et Brouillard (Alain Resnais, 1955). Mais avant de se consacrer totalement à cette tragédie historique et peu ordinaire, Steven Spielberg vient à peine de finaliser le tournage de Jurassic Park premier du nom. Le metteur en scène est un thuriféraire du roman Le Monde Perdu de Sir Arthur Conan Doyle, le célèbre démiurge de Sherlock Holmes.
De surcroît, "Spielby" affectionne tout particulièrement King Kong (Ernest B. Shoedsack et Merian C. Cooper, 1933) et ses nombreux avatars. En ce sens, Jurassic Park apparaît comme un vibrant hommage à ces vieux films fantastiques de jadis, ceux qui ont fait tressaillir le public dans les salles en exhumant les dinosaures de l'ère paléontologique via la technique de la stop motion (image par image). 

fa_image_00026245

Roublard, Steven Spielberg oblique dans une toute autre direction. Le réalisateur décide de ressusciter ces créatures antédiluviennes via la science moderne et surtout par le biais d'un milliardaire, John Hammond, atteint par le Complexe d'Icare. Mais gare à ne pas enfreindre les lois de la nature et de ne pas intervertir cette didactique darwinienne, soit celle qui a éradiqué les dinosaures de la surface de la planète ! Tel est l'aphorisme dogmatique, sur fond de saynètes spectaculaires, de Jurassic Park premier du nom. Grisé par ce succès planétaire, "Spielberg" accorde immédiatement son assentiment pour un second chapitre, Le Monde Perdu : Jurassic Park, sorti en 1997.
Conjointement, le cinéaste ressort éreinté du tournage de La Liste de Schindler. Surtout, Steven Spielberg désapprouve cette décision un peu trop hâtive de naguère.

Le réalisateur dépité ne souhaite pas vraiment rempiler pour un divertissement tout public surtout après une oeuvre aussi personnelle et mortifère. Que soit. Peu enthousiaste, Steven Spielberg s'attelle tout de même à la tâche et donc au tournage de Le Monde Perdu : Jurassic ParkL'intitulé de ce second volet est évidemment une référence au fameux roman d'Arthur Conan Doyle. A l'instar de son auguste devancier, Le Monde Perdu : Jurassic Park est aussi l'adaptation d'un opuscule de Michael Crichton. C'est donc un Steven Spielberg désenchanté qui officie derrière la caméra de ce deuxième opus. Visiblement, le public a lui aussi pressenti ce désaveu ostensible puisque le long-métrage rencontrera un accueil mitigé, que ce soit au box-office américain ou de la part des critiques beaucoup plus pondérées. 
Pis, certains adulateurs du matériau originel (donc le livre de Michael Crichton, au cas où vous n'auriez pas suivi...) vilipendent et admonestent une oeuvre qui contient de nombreuses dissimilitudes avec l'exemplaire du célèbre grimaud.

Jurassic_park_2_3

En sus, d'autres contempteurs répondent eux aussi doctement à l'appel et vitupèrent à leur tour une suite qu'ils jugent inepte et fastidieuse. Au mieux, Le Monde Perdu : Jurassic Park serait une sorte de série B dispendieuse qui tente malhabilement de marcher dans le continuum et le sillage de son illustre homologue. Reste à savoir si cette suite mérite une telle rebuffade. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose de Jeff Goldblum, Julianne Moore, Pete Postlethwaite, Arliss Howard, Vince Vaughn, Richard Attenborough, Vanessa Lee Chester et Peter Stormare.
A noter également l'apparition furtive d'Eli Roth dans le rôle d'un homme lisant dans le métro. Attention, SPOILERS ! Quatre ans après le terrible fiasco de son Jurassic Park, le milliardaire John Hammond rappelle le Dr Ian Malcolm pour l'informer de son nouveau projet.

Sur une île déserte, voisine du parc, vivent en liberté des centaines de dinosaures de toutes tailles et de toutes espèces. Ce sont des descendants des animaux clonés en laboratoire. D'abord réticent, Ian se décide à rejoindre le docteur quand il apprend que sa fiancée fait partie de l'expédition scientifique. Il ignore qu'une autre expédition qui n'a pas les mêmes buts est également en route. Ingénument, on se demandait ce qu'allait bien pouvoir nous raconter Steven Spielberg avec cette suite aventureuse. Le metteur en scène peut néanmoins s'enhardir de l'érudition de David Koepp en tant que scénariste du film. En l'occurrence, ce dernier respecte les grandes lignes de l'opuscule original même si on relèvera, çà et là, de nombreuses divergences avec l'oeuvre littéraire de Michael Crichton.
En l'état, Le Monde Perdu : Jurassic Park fait presque office de production de commande pour Steven Spielberg qui s'est peu à peu évaporé en cours de tournage, se contentant de réaliser un honnête divertissement d'aventure.

le-monde-perdu-jurassic-park

Ce que Le Monde Perdu : Jurassic Park gagne en action, il le perd en sagacité et en réflexion. Visiblement peu enthousiaste, "Spielby" ne cherche même plus à ratiociner ou à proposer la moindre once d'analyse sur cette dialectique darwinienne et sur cet eugénisme qui consiste à jouer avec les lois irréfragables de Dame Nature. En réalité, Le Monde Perdu : Jurassic Park s'apparente presque à un nouveau volet d'Indiana Jones, le lasso et les situations pittoresques en moins.
Seul bémol, Harrison Ford est ici supplanté par le visage lunetté de Jeff Goldblum, le comédien se contentant du minimum syndical. A sa décharge, les autres comédiens, Julianne Moore en tête, ne font pas beaucoup mieux. Leurs personnages respectifs auraient mérité un bien meilleur étayage. Cérémonieux, Steven Spielberg possède néanmoins de solides arguties dans sa besace et parvient encore à nous offrir plusieurs saynètes éloquentes, à l'image de ce véhicule qui manque de tomber dans un précipice pendant que ses occupants doivent se débattre avec deux tyrannosaures gargantuesques.

A contrario, d'autres séquences sombrent parfois dans l'excès de ridicule, à l'image de cette jeune jouvencelle qui donne des leçons de gymnastique à un vélociraptor un peu trop intrépide. Certes, par sa fougue et sa tonitruance, Le Monde Perdu : Jurassic Park pourra éventuellement convaincre un public peu exigeant en matière de qualité cinématographique. Cependant, à l'aune de cette production dantesque, on comprend mieux pourquoi Le Monde Perdu : Jurassic Park apparaît comme une oeuvre mineure dans la filmographie de "Spielby".
Par le passé, le metteur en scène ne nous avait pas forcément habitués à une pellicule aussi pompière, certes plutôt bien troussée. Mais il manque à cette suite cette petite dose de perspicacité et de nonchalance qui seyait si bien au premier chapitre. Bref, un blockbuster plutôt probe et recommandable, d'autant plus que la saga ne se poursuivra pas forcément sous les meilleurs auspices avec Jurassic Park 3, cette fois-ci réalisé par les soins de Joe Johnston en 2001.

Note : 12/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Rec 3 Génesis ("Les morts ont abandonné leur propre demeure")

$
0
0

REC-3-Genesis-Poster

Genre : horreur épouvante (interdit aux - 12 ans)
Année : 2012
Durée : 1h20

Synopsis : C'est le plus beau jour de leur vie : Koldo et Clara se marient ! Entourés de leur famille et de tous leurs amis, ils célèbrent l'événement dans une somptueuse propriétéà la campagne. Mais tandis que la soirée bat son plein, certains invités commencent à montrer les signes d'une étrange maladie. En quelques instants, une terrifiante vague de violence s'abat sur la fête et le rêve vire au cauchemar... Séparés au milieu de ce chaos, les mariés se lancent alors, au péril de leur vie, dans une quête désespérée pour se retrouver...   

La critique :

Paco Plaza et Jaume Balaguero, deux noms du cinéma espagnol qui riment inexorablement avec le cinéma horrifique, et en particulier avec Rec premier du nom. Le succès pharaonique de cette production d'épouvante va même dépasser ses frontières ibériques en s'appropriant et en réinventant un genre anomique : les zombies carnassiers et décrépits. La formule ânonnée par les deux cinéastes est pourtant laconique puisque les protagonistes du film sont tout simplement claquemurés dans un gigantesque immeuble infesté de zombies et encerclé par la police, le but étant d'empêcher l'infection de se propager. Evidemment, les thuriféraires du cinéma d'horreur citeront aisément Le Projet Blair Witch (Eduardo Sanchez et Daniel Myrick, 1999) comme référence principale, ne serait-ce que pour cette action filmée en filigrane par une caméra subjective.

Tel est par ailleurs l'apanage du found footage. A l'instar du film d'Eduardo Sanchez et de Daniel Myrick, Rec flatte et flagorne nos tendances scopophiles pour un résultat certes jubilatoire, mais rien de transcendant non plus au final. En vérité, Rec reste avant tout un hommage, à peine déguisé, au vieux cinéma d'horreur italien de naguère, en particulier Démons (Lamberto Bava, 1985), un long-métrage auquel Rec fait directement référence en psalmodiant la même formule éculée.
Seule dissimilitude, les animosités ne se déroulent plus dans un cinéma, mais dans un immeuble assiégé par des morts-vivants anthropophages. Que soit. Corrélativement, Jaume Balaguero et Paco Plaza ont pour vocation de signer une franchise en quatre épisodes (une tétralogie) et corroborent cette fascination pour le cinéma d'épouvante de jadis avec Rec 2, sorti en 2008.

cap1

Peu ou prou de surprises au programme. Ce second chapitre réitère les aspérités de son auguste homologue tout en renâclant du côté de L'Exorciste (William Friedkin, 1973), quitte parfois à verser dans le grand-guignolesque. Si Rec 2 se solde derechef par un succès commercial, il ne réédite pas les performances de son illustre devancier. Conjointement, Paco Plaza et Jaume Balaguero se séparent en tout amicalité. La saga Rec est destinée à se poursuivre, mais seulement sous l'égide d'un seul et unique metteur en scène. En l'occurrence, Rec 3 Génesis, sorti en 2012, est réalisé par les soins de Paco Plaza. Le nom de Jaume Balaguero apparaît seulement au générique en tant que producteur créatif. La franchise proverbiale n'a pas omis son démiurge originel...
Avant le succès de Rec premier du nom, Paco Plaza tournait déjà en solo.

Sa carrière cinématographique débute à l'orée des années 2000 avec Les Enfants d'Abraham (2002), L'enfer des loups (2004) et Scary Stories (2006). En vérité, les thuriféraires de la saga horrifique craignent que l'absence de Jaume Balaguero derrière la caméra ne soit préjudiciable à la qualité de Rec 3 Génesis. En outre, ce troisième volet se veut plus présomptueux qu'à l'accoutumée puisque le film a pour velléité de relancer une franchise déjà moribonde.
Rec 3 Génesis saura-t-il apte à remplir son office et à surprendre un public en partie divisé ? Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... Contrairement aux deux premiers chapitres, Rec 3 Génesis se soldera par un bide commercial, ne renouvelant aucunement les scores astronomiques de ses prédécesseurs. A fortiori, ce troisième opus est sujet à de nombreuses controverses.

arton5626-980x0

D'un côté, certains adulateurs de la saga vantent les prouesses et l'originalité de ce nouvel épisode. A contrario, les contempteurs tancent et vitupèrent une série horrifique en état de sévère décrépitude. La distribution du film se compose de Leticia Dolera, Diego Martin, Ismael Martinez, Claire Bashet, Alex Monner et Xavier Ruano. Attention, SPOILERS ! C'est le plus beau jour de leur vie : Koldo et Clara se marient ! Entourés de leur famille et de tous leurs amis, ils célèbrent l'événement dans une somptueuse propriétéà la campagne. Mais tandis que la soirée bat son plein, certains invités commencent à montrer les signes d'une étrange maladie. 
En quelques instants, une terrifiante vague de violence s'abat sur la fête et le rêve vire au cauchemar... 
Séparés au milieu de ce chaos, les mariés se lancent alors, au péril de leur vie, dans une quête désespérée pour se retrouver...

Paco Plaza est un réalisateur du passé. Le cinéaste ibérique n'a jamais tari d'éloges ni caché son extatisme pour ces vieilles pellicules horrifiques de naguère. Après avoir largement cité et référencéDémons (précédemment mentionné) dans le premier volet, puis L'Exorciste (lui aussi précité) dans le second méfait ; cette fois-ci, c'est au tour de la saga Evil Dead d'être scandée dans Rec troisième du nom. Par certaines analogies, le métrage n'est pas non plus sans évoquer Zombie (George A. Romero, 1978) via la scansion suivante : "Les morts ont abandonné leur propre demeure" qui supplante ce célèbre aphorisme comminatoire : "Quand il n'y a plus de morts en enfer, les morts reviennent sur terre". Rec 3 Génesis surprend donc par cette volonté de fonctionner en trompe-l'oeil.
Alors que le film démarre par ce bon vieux procédé de caméra subjective, Paco Plaza délaisse ce postulat de départ, qu'il considère visiblement obsolète, pour réaliser un long-métrage classique et de facture conventionnelle. 

Rec3_1

Finie la bonne vieille époque de la found footage, comme si ce principe avait déjà montré toutes ses limites, ses écueils et ses corolaires... L'objectif est, à priori, de briser cette didactique des deux premiers opus pour mieux se centrer sur les belligérances. Cette fois-ci, pas question de rechercher l'effroi ni à faire tressaillir les spectateurs de leur siège. Rec 3 Génesis s'acoquine et lutine davantage avec la comédie zombiesque tout en proposant une dilection amoureuse en filigrane. Après un préambule verbeux, Paco Plaza se décide enfin à lancer les animosités.
Sur ce dernier point, le cinéaste espagnol se montre plutôt magnanime en exécutant à la chaîne ses divers protagonistes. Certes, les néophytes se laisseront sans doute dévoyer et emporter par cette frénésie de surenchère.

Toutefois, rien de neuf sous le soleil. A contrario, les amateurs de barbaque et de tripailles clabauderont et tonneront à raison contre une pellicule joliment désuète. Certains d'entre eux se hasarderont à clamer : "Tout ça... pour ça...". En voulant à tout prix apporter une once de fraîcheur et de truculence à une saga en déliquescence, Paco Plaza réussit surtout à meurtrir définitivement une franchise déjà moribonde. Non pas que Rec 3 Génesis soit foncièrement médiocre, loin de là. En vérité, c'est probablement l'épisode le plus novateur de la série.
Au fil des minutes, le film finit par payer cher son concept débridé en restant cloîtré dans sa pléthore de références qu'il ne parvient jamais à dépasser. Mais que Paco Plaza se rassérène. Son acolyte, Jaume Balaguero, ne fera pas beaucoup mieux et inhumera encore davantage la saga vers des précipices de cancrerie et de médiocrité, avec Rec 4 : Apocalypse en 2014.

Note : 10/20

sparklehorse2 Alice In Oliver


Leviathan - Razortooth (Gare aux anguiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiillllllllllllllllllllllllleeeeeeeeeeeesssssssssssss !!!!!!!!!!!!!!!)

$
0
0

leviathan razortooth

Genre : horreur 
Année : 2006
Durée : 1h32

Synopsis : Dans le cadre d'un voyage d'étude, quatre diplômés en biologie partent pour la Floride. Mais le séjour studieux et ensoleillé tourne dramatiquement au cauchemar. Des corps mutilés sont retrouvés sur la baie de Floride. Un animal féroce et mutant en est la cause : certains parlent d'une anguille gigantesque...    

La critique :

Les monstres aquatiques au cinéma, un genre qui compte une véritable ribambelle de bisseries et de nanars impécunieux, mais pas seulement. Evidemment, les thuriféraires de ce registre cinématographique citeront à raison Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975) et Piranhas (Joe Dante, 1978) parmi les oeuvres les plus notables et notoires. Il faut remonter aux années 1950 pour trouver les premiers reliquats de ces vilaines "bêbêtes" aquatiques dans le cinéma horrifique avec L'Etrange Créature du Lac Noir (Jack Arnold, 1954), une série B qui marque plusieurs générations de cinéastes pour son monstre sous-marin arborant une complexion anthropomorphe.
En raison de son succès inopiné, ce premier chapitre va promptement se transmuter en trilogie mercantile avec La revanche de la créature (Jack Arnold, 1955) et La créature est parmi nous (John Sherwood, 1956).

La sortie de Les Dents de la Mer (précédemment mentionné) dans les années 1970 marque un tournant fatidique et rédhibitoire et influence de nombreux épigones, notamment Le Grand Alligator (Sergio Martino, 1979), L'invasion des piranhas (Antonio Margheriti, 1984), La Mort au large (Enzo G. Castellari, 1980), ou encore Apocalypse dans l'Océan Rouge (Lamberto Bava, 1984). Puis, vers le milieu des années 1980, l'agression aquatique connaît un léger essoufflement avant de retrouver une étonnante effervescence vers la fin des années 1990 avec Peur Bleue (Renny Harlin, 1999).
L'air de rien, cette bisserie truculente et impétueuse exhume les grands requins blancs et autres créatures aquatiques de leur sommeil léthargique. Seul bémol et pas des moindres, plus question d'imiter ou de marcher dans le sillage de Les Dents de la Mer.

images

A contrario, le genre est même raillé et parodié via des séries B et des séries Z déployant des créatures gargantuesques et surtout réalisées en CGI funambulesques. Tel sera par ailleurs l'apanage de firmes telles qu'Asylum et Nu Image, des sociétés de production qui vont littéralement assommer le spectateur hébété des productions incongrues et aux titres évocateurs, parmi lesquelles on relève les fameux (sic...) Shark Attack 3 (David Worth, 2002), Mega Shark Vs. Giant Octopus (Jack Perez, 2009), Malibu Shark Attack (David Lister, 2009), ou encore Mega Piranha (Eric Forsberg, 2010).
Vient également s'agréger Leviathan ou Razortooth, réalisé par Patricia Harrington en 2006, à ne pas confondre avec le même Leviathan, cette fois-ci réalisé par les soins de George Cosmatos en 1989, et qui mettait lui aussi en exergue une créature aquatique, cette fois-ci directement inspirée de l'extraterrestre xénomorphe d'Alien : le huitième passager (Ridley Scott, 1979).

Impossible de trouver la moindre information, même élusive, sur Patricia Harrington, inconnue au bataillon. A priori, Leviathan - Razortooth constituerait sa seule et unique réalisation... Pourvu ce soit la dernière ! Même la date de sortie de cette série Z reste assez confuse puisque les dates de 2006, de 2007, de 2008 et même de 2009 sont mentionnées selon les sites sur lesquels le film est répertorié. Evidemment, un tel long-métrage ne pouvait pas échapper à l'érudition et à l'oeil égayé du site Nanarland (source : http://www.nanarland.com/Chroniques/chronique-leviathan-leviathan.html) qui a chroniqué cette fumisterie dans ses colonnes ; et pour cause...
Puisque Leviathan - Razortooth collectionne et coalise à lui tout seul tous les défauts et tous les impondérables inhérents à ce genre de faribole et d'ineptie cinématographique.

r01

La distribution du film ne risque pas de vous évoquer grand-chose, à moins que vous connaissiez les noms de Kathleen LaGue, Doug Swander, Matt Holly, Brandon Breault, Mark Butler, Simon Page et Kate Gersten. Attention, SPOILERS ! (1) De nos jours, en Floride, un savant a réussi à créer une redoutable créature aquatique. Mais celle-ci s'est échappée, et le scientifique se lance, avec l'aide de quelques étudiants, dans une terrifiante course contre la montre : il faut retrouver le terrible prédateur avant qu'il ne fasse de nombreuses victimes.
Au même moment, deux détenus poursuivis par d'importantes forces de police se dirigent vers l'une des zones les plus hostiles de l'état, un véritable enfer sur terre. Tous vont devoir affronter le monstre, dont la force, la taille et l'intelligence n'ont à ce jour aucun équivalent (1).

Parmi les menaces aquatiques, les producteurs peu scrupuleux nous avait déjà délectés de grands requins blancs, de crocodiles affamés, de piranhas aux incroyables rotondités et même d'anacondas sérieusement azimutés, mais pas encore d'anguilles à la taille démesurée. Rassurez-vous, c'est désormais chose faite avec Leviathan - Razortooth. Une fois ce point de départ grotesque présenté, le long-métrage peut enfin débuter. Dès l'introduction, Patricia Harrington (mais enfin, qui es-tu ???) a le mérite de lancer les animosités. Plusieurs baigneurs ou vacanciers sont agressés, mutilés puis dévorés par une anguille réalisée en images de synthèse.
Pour Patricia Harrington, pas question de voiler le mystère sur l'étrange complexion de la créature. Toute l'hideur du monstre est dévoilée dès les premières minutes de bobine.

razortooth08qu3

Rarement, on aura vu un monstre aquatique aussi piteux et surtout aussi pitoyable au cinéma et en particulier dans l'univers du nanar. A la rigueur, pour trouver une créature aussi frugale et aussi minable, il faudrait probablement remonter aux élucubrations de Cetin Inanç avec son requin en bois et en mousse dans Turkish Jaws en 1983. Mais le plus fascinant dans Leviathan - Razortooth, c'est cette incapacitéàétayer le moindre scénario ou tension narrative.
Ne parlons même pas des divers protagonistes humains qui n'échappent pas aux bons vieux poncifs habituels. En gros, le speech est le suivant. Une anguille géante et créée en laboratoire sème la terreur dans un coin éculé de l'Amérique, assassinant aléatoirement de nombreux vacanciers. Le shérif du coin et sa nouvelle donzelle partent en chasse ou presque...

Puisque les deux tourtereaux, peu soucieux du sort de la communauté, préfère butiner, s'énamourer et s'acoquiner pendant que l'affreuse anguille décime la population locale ! On croit fabuler ! D'un crétinisme constant, Leviathan - Razortooth perd parfois de sa fougue et de sa tonitruance pompière lorsque le film se polarise sur les palabres stériles de ses divers protagonistes. Vous l'avez donc compris. Le charme "nanar" et ineffable de cette bisserie désargentée repose uniquement sur sa créature oblongue et dolichocéphale. Néanmoins, on pourra légitimement grommeler et clabauder après la récursivité de certaines situations. Que soit. En l'état, Leviathan - Razortooth se montre suffisamment magnanime pour satisfaire l'appétit pantagruélique des "nanardeurs" en manque de sensations fortes.
Pour les néophytes, on leur recommandera de préserver leurs pauvres petits neurones...

Côte :Nanar

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Leviathan_(film,_2008)

La Charrette Fantôme - 1921 (Bonne année et bonne santé !)

$
0
0

812athv4nbl-_sl1500_

Genre : Drame, fantastique

Année : 1921

Durée : 1h47

 

Synopsis :

L'année brûle de ses derniers feux et l'akvavit, eau de vie scandivane, coule à flot. Trois clochards se sont installés dans l'enclos d'un cimetière et attendent à grand renfort d'éclats de rire et de rasades d'alcool que l'année se termine. L'un d'eux, David Holm, entreprend de conter à ses compagnons la légende du cocher de la mort. On dit en effet que le dernier mort de l'année conduira la charrette fantôme et devra ramasser les âmes perdues du monde entier pour toute l'année suivante. Mais plus la nuit avance, plus les trois compères noient leurs esprits dans l'ivresse. Bientôt complètement saouls, ils commencent à se disputer. David reçoit de violents coups de bouteille tandis que les douze coups résonnent à l'horloge... 

 

La critique :

On a parfois tendance à l'oublier mais le cinéma muet ne fut pas exclusivement l'apanage des grandes nations cinématographiques de l'époque. Dans l'entre-deux guerres, on a pu voir une forme d'hégémonie sur la quasi-totalité des continents, ayant aux commandes des pays désireux de briller. Les USA restaient, sans trop de surprises, incontestablement les maîtres cinématographiques de l'Amérique. Côté Asie, la Russie se vit utiliser son cinéma à des fins de propagande, tandis que le Japon imposait une domination sans partage avec des cinéastes tels que Yasujiro Ozu ou Teinosuke Kinugasa. Indubitablement, la France et l'Allemagne étaient les piliers européens mais c'était sans compter sur une petit pays qui réussit à s'imposer et qui n'est autre que la Suède.
Avant le géant Ingmar Bergman que tout cinéphile digne de ce nom connaît, on a pu observer d'augustes réalisateurs qui accomplirent l'objectif de donner une place importante de leur pays, non pas seulement au sein du cinéma scandinave mais du cinéma européen. Mauritz Stiller et Victor Sjöström furent ces deux compères qui entretenaient la domination de la Suède sur le cinéma scandinave. 

Aujourd'hui, c'est le cinéma de Sjöström qui retiendra notre attention avec La Charrette Fantôme, sorti en 1921. A l'origine, le film fut basé sur un roman commandé par la Société suédoise de la lutte contre la tuberculose à Selma Lagerlöf, qui devait éclairer les lecteurs sur la maladie. Cette auteure, première femme prix Nobel de littérature, y décrivait les problèmes sociaux de l'époque. Sjöström, son réalisateur préféré, eut alors l'idée de transposer cette dure histoire dans un film ambitieux. Pari réussi ? Autant dire qu'à sa sortie, le film était devenu un succès mondial qui fit connaître le cinéaste, apporta ses lettres de noblesse et ira jusqu'à influencer un grand nombre de cinéastes et producteurs du monde entier. Charlie Chaplin considérait ce film comme le plus grand jamais réalisé.
Ingmar Bergman dit, lui-même à quelques semaines de sa mort, avoir été profondément bouleversé au point qu'il avait dû le voir plus de cent fois. On notera aussi deux autres versions du roman réalisées en 1940 par Julien Duvivier et en 1958 par Arne Mattsson. A l'heure actuelle, La Charrette Fantôme peut bien se targuer, malgré sa relative confidentialité pour les profanes, d'avoir rejoint le panthéon des classiques du cinéma muet. Partant pour une chronique axée sur le cinéma muet suédois ? Alors, allons-y !

ob_611838_lcf-03

ATTENTION SPOILERS : Gravement malade, une salutiste agonisante souhaite revoir l'un de ses protégés, David Holm, qu'elle aurait voulu ramener dans le droit chemin. Mais, celui-ci, justement, en compagnie de deux clochards, fête la Saint-Sylvestre dans un cimetière. Les trois ivrognes se remémorent un camarade décédé l'année d'avant et évoquent la légende selon laquelle le dernier mort de l'année, s'il s'agit d'un grand pécheur, conduira, jusqu'au Nouvel An suivant, la « charrette fantôme » qui ramasse les âmes des défunts. David meurt juste avant minuit et doit devenir ainsi le conducteur de cette charrette.

Ce qui est amusant avec ce genre de synopsis est qu'il réveille pleinement ce ressenti de récit qui ne pourrait atteindre sa superbe que par le biais du cinéma muet. Sjöström va se permettre de mettre en place un contexte pour le moins folklorique fondé sur une vieille légende. En effet, le dernier mort de l'année se voit contraint d'assurer le rôle de cocher des enfers afin de ramasser pendant toute une année les nouvelles âmes retirées du monde réel. Parcourant les plaines égarées comme les ruelles serpentant les cités, le "dernier mort" est au service de l'Enfer aux commandes de son cheval fantomatique jusqu'au prochain cocher. Ainsi, le cercle infernal de la fatalité de la charrette se poursuit.
Avant tout, La Charrette Fantôme est une splendide allégorie, sans quelconque manichéisme, sur la notion de bien et de mal. Chaque personne sur Terre a pêché et un jugement inéluctable attendra chacune de ces personnes dans l'au-delà. Evidemment, il y a de plus grands et de plus petits pêcheurs et tous ne recevront pas le même jugement. C'est en tout cas ce que nous sommes en droit de penser. Le cinéaste va traiter le cas d'un ivrogne du nom de David Holm, à l'opposé même de l'homme bienveillant, généreux, soucieux du bien-être des autres. Dans un premier temps, il est vu comme un petit paumé sans grande ambition nourrissant la simplicité extravagante de fêter la Saint-Sylvestre dans un cimetière. Après une rixe sous sérieuse influence de l'alcool, l'irréparable se produit et David Holm s'effondre alors que les douze coups de minuit retentissent. 

De manière surprenante, et loin de la tournure scénaristique de ce que l'on était en droit d'attendre, le récit ne va pas dévier dans une linéarité bancale où nous serions invités à suivre l'épopée de l'esprit de David en cocher lugubre. Au contraire, alors que l'ectoplasme de Holm quitte son enveloppe corporelle, une discussion va s'engager entre lui et le conducteur actuel qui n'est autre qu'un ancien copain. Cette discussion va revenir sur l'obscur passé de David marqué par l'alcool, la violence et l'égoïsme. Un bond dans le temps va s'opérer à travers moult séquences se suivant de manière non linéaire mais s'interconnectant ensemble. Les bribes du passé nous font apparaître un misérable personnage ne suscitant aucune once de respect. Vouéà un avenir radieux en compagnie d'une femme et de charmants enfants, David Holm va sombrer dans une spirale autodestructrice pour s'isoler des autres et devenir un semblant de paria.
Sa rencontre par hasard avec une salutiste dévouée à l'aider à se sortir de sa condition misérable, va apporter une certaine tonalité romantique. Cette femme, à la manière d'une mère protectrice face à un rejeton, va commencer à voir germer en elle des sentiments amoureux. Forcément, Holm n'en aura cure, autant d'elle que de sa femme qu'il s'amuse à maltraiter en état d'ivresse. Séjours en prison, mauvais traitements envers sa femme et ses enfants. Sjöström fait de son héros, un type imbuvable et condamné. Comment une telle frustration et rage peuvent se créer dans le coeur d'un homme ?

950602_fuhrmann_03

Face à ces actes irréparables qui lui reviendront en pleine figure, Holm commence à réaliser l'échec de sa vie. Il voit en sa vie passée un gâchis impardonnable qu'il ne peut rattraper. Malgré une forte tonalité pessimiste, La Charrette Fantôme illustre un puissant propos sur la notion de rédemption et du pardon. Tout être humain peut être en mesure de reconnaître ses torts et se remettre en question. Toute personne peut changer, s'excuser et enfin peut être pardonnée. A l'époque d'un catholicisme bien ancré dans la société, il ne fait aucun doute que le film imbrique ses thématiques dans la pensée chrétienne : le pardon, la charité, la seconde chance. Dans les yeux de Holm est reflétée la mélancolie la plus oppressante possible. Difficile que de ne pas s'interroger sur sa propre vie, à rentrer en introspection avec soi-même et à analyser toutes les fautes que nous avions faites autrefois (et encore maintenant).
Inutile de voir en La Charrette Fantôme, un banal film fantastique. La pellicule reflète avant tout ces questionnements métaphysiques qui hantent l'homme depuis la nuit des temps. 

Le fait de recourir à une narration non-linéaire aurait pu faire peur mais, bien au contraire, Sjöström jongle de manière très habile et ne nous égare jamais dans la perdition de cet homme en qui l'on en vient à ressentir presque de la sympathie malgré son affreux comportement. Tout s'imbrique convenablement et le film est un réel plaisir à suivre. Certes, le format muet ne pourra qu'être austère en 2018 mais je défis n'importe quel cinéphile que de ne pas être absorbé pleinement par cette ambiance unique, ce scénario sensoriel dont on a envie de cerner tous les tenants et aboutissants. Une atmosphère de tristesse insondable est là de la première à la dernière seconde. Les 1h47 de séance se suivent sans encombre. La Charrette Fantôme peut s'inscrire dans cette liste des films muets que l'on savoure pleinement sans s'emmerder même si on pourra rechigner sur des transitions parfois un peu trop brusques et une fin de premier segment tombant comme un cheveu dans la soupe.  

aUHwT-l-Y1lbOmBuBz1_AdFwfOw

Et que dire de l'esthétique si renversante de ce long-métrage. La version restaurée nous offre une image léchée, au noir et blanc admirable de nuances. Les surimpressions sont un élément capital du récit et permettent d'apporter un certain réalisme aux ectoplasmes déchus du monde terrestre. Plusieurs séquences méritent le détour à l'image de l'arrivée du cocher dans le cimetière. Ces effets spéciaux sont bluffants et se montrent si envoûtants, rendant l'image d'une beauté irréelle. C'est quand l'on voit un tel traitement que le terme "ART" mérite entièrement sa place pour qualifier le cinéma. La caméra est d'une mobilité assez surprenante en vitesse pour l'époque.
Enfin, il faut noter que les intertitres sont assez fréquents. A côté, ce parfum de mélancolie ambiante se répercutera aussi sur la bande son propre à foutre le cafard à un croque-mort. Enfin, comme de fait avec le muet, le jeu d'acteur sera logiquement théâtral avec, aux commandes, Victor Sjöström dans le rôle de David Holm, Hilda Borgström, Tore Svennberg, Astrid Holm ou encore Concordia Selander

Au vu de ce que vous avez lu, force est de constater que La Charrette Fantôme est l'un de ces films qui permit de magnifier d'emblée le Septième Art en le raccordant à l'art visuel, poétique, sonore et sensoriel. Au travers de la destinée d'un rebus de la société, nous sommes invités à suivre son malheur, ses doutes, sa rancoeur et sa rage prenant le pas sur tout le reste. Hostile dans un premier temps, on en vient àéprouver cet envie de le protéger et de le pardonner, comme si la charité chrétienne avait pris le contrôle de notre sens critique. Une dimension religieuse pour le moins flagrante mettant en exergue le concept de Foi et de Pardon. Touchant et profondément bouleversant, La Charrette Fantôme est ce type de métrage qui interpelle le cinéphile.
Comment ne pas s'interroger sur une vie après la mort ? Sur un au-delà accueillant notre âme ? Sur un jugement dernier qui nous purifierait de nos maux causés sur cette Terre et même sur notre entourage ? La Charrette Fantôme est ce genre de drame métaphysique qui éveille les sens et fait en sorte que nous puissions nous interroger sur nos actes passés. Le fantastique n'est au final présent que pour être au service d'un concept original d'être face à ses actes. Sjöström, avec cette oeuvre majeure, rend le Septième Art véritablement artistique tant dans le scénario que dans la plastique. Une plastique à l'image d'une toile de peinture glorifiant la chasteté et le respect. Amer, déchirant mais beau. Vraiment beau !

 

Note :17/20

 

 

orange-mecanique   Taratata

 

S.O.S. Fantômes 2 (Esprits psycho-magnétiques)

$
0
0

SOS fantômes 2

Genre : fantastique, comédie 
Année : 1989
Durée : 1h44

Synopsis : Après l'extermination totale de tous les revenants dans la ville de New York, la joyeuse équipe de S.O.S Fantômes reprend du service (après un chômage technique long de cinq ans) quand leur amie Dana découvre que son bébé Oscar est l'objet de phénomènes paranormaux.    

La critique :

A l'instar de Steven Spielberg, Joe Dante, George Lucas ou encore Robert Zemeckis, Ivan Reitman, un réalisateur issu de cette même génération flamboyante, est devenu une figure incontournable et populaire du cinéma hollywoodien. Sa carrière cinématographique débute vers le milieu des années 1960 via plusieurs courts-métrages (Guitar Hing, Orientation et Freak Film entre autres), par ailleurs inconnus au bataillon et inédits dans nos contrées hexagonales.
Ivan Reitman devra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à l'orée des années 1970 pour signer son tout premier long-métrage, Foxy Lady (1971). Puis, Robert Zemeckis s'oriente vers la comédie potache et truculente. Impression corroborée par une filmographie à la fois dense et erratique dans laquelle on trouve des titres tels que Arrête de ramer, t'es sur le sable (1979), Jumeaux (1988), Un Flic à la Maternelle (1990), Junior (1994), Evolution (2001), ou encore Ma Super Ex (2005).

Mais son plus grand succès commercial se nomme bien évidemment S.O.S. Fantômes, soit Ghostbusters dans la langue de Shakespeare, une comédie fantastique et iconoclaste sortie en 1984, et qui inscrit prestement son monogramme dans la culture populaire américaine. Cupide, la firme Columbia Pictures exhorte alors le cinéaste pour réaliser une suite, donc S.O.S. Fantômes 2, dans la foulée. Mais Ivan Reitman a d'autres projets et velléités.
Ce second épisode sera plusieurs fois prorogé. En 1989, il cède finalement aux injonctions de la société de production omnipotente. De surcroît, les thuriféraires du premier chapitre attendent avec impatience cette suite déjà annoncée depuis plusieurs années. Que soit. A l'instar de son auguste devancier, S.O.S. Fantômes 2 se soldera par un succès pharaonique lors de ses premières semaines d'exploitation dans les salles.

19681941

Il doit néanmoins se colleter avec un autre concurrent hégémonique en la personne de Tim Burton et de son adaptation de Batman la même année au cinéma. A contrario, les critiques et la presse spécialisée sont beaucoup moins dithyrambiques et admonestent une seconde aventure qu'elles jugent au mieux inepte et prosaïque. Par ailleurs, Ivan Reitman refusera toujours farouchement l'idée de réaliser un hypothétique troisième chapitre. Pourtant, les studios commettront l'irréparable avec le bien nomméS.O.S. Fantômes en 2016, un remake, une relance ou une préquelle - on ne sait pas très bien - de la franchise sous l'égide de Paul Feig. Ce troisième volet corroborera la dernière absoute d'une saga en désuétude. Par ailleurs, le casting de S.O.S. Fantômes 2, déjà présent dans le premier opus, se montrera plutôt frileux à l'idée de tourner dans une suite à priori vaine et stérile. 

Vous l'avez donc compris. S.O.S. Fantômes 2 ne part donc pas sous les meilleurs auspices. Reste à savoir si cette suite mérite que l'on s'y attarde au moins quelques instants. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution de ce second chapitre se compose de Bill Murray, Dan Aykroyd, Harold Ramis, Sigourney Weaver, Rick Moranis, Ernie Hudson, Annie Potts, Peter MacNicol, Kurt Fuller et David Margulies. Attention, SPOILERS ! (1) Vigo, aussi connu sous les noms de Vigo la Tristesse de Moldavie, Vigo des Carpathes, Vigo le Cruel ou encore Vigo le Profane était un tyran et un sorcier détesté par son peuple. Juste avant d'être massacré en 1610, il lança une prophétie annonçant son retour. Son esprit hante depuis un tableau maléfique qui est restauré au Museum of Modern Art de New York. 
Cinq ans après avoir sauvé la ville, Peter, Ray, Egon et Winston en sont réduits à animer des goûters d'anniversaire et présenter des shows télévisés.

gb2-1

Pendant ce temps, une substance visqueuse et maléfique se déverse dans les égouts de la ville, menant tout droit au musée qui accueille le fameux tableau. Janosz Poha, le conservateur, est soumis aux ordres de Vigo qui lui ordonne de lui trouver un enfant pour s'incarner. Le choix de Janosz se porte alors sur Oscar, le fils de Dana Barrett... (1). Cinq ans se sont donc écoulés depuis les événements du premier volet. On pouvait donc légitimement craindre une suite pompière et opportuniste qui se contente d'ânonner la recette éculée de son illustre épigone. Pourtant, durant ses vingt premières minutes, S.O.S. Fantômes 2 fait vaguement illusion en tournant ses héros de naguère en dérision.
Désormais, les scientifiques de la société S.O.S. Fantômes paradent pour des anniversaires et deviennent même la risée de toute la ville.

Euphorique, Ivan Reitman tance et vilipende à son tour un phénomène commercial qui semble s'être rapidement amenuisé au fil des années. Le film démarre donc en apothéose en optant pour la gaudriole, les épigrammes et la caricature. Puis, une fois le cadre apposé, S.O.S. Fantômes 2 suit une trajectoire beaucoup plus classique et rudimentaire. La tonalité devient beaucoup plus conventionnelle lorsqu'un vieux tableau, représentant un guerrier mercenaire, est exposé dans un musée d'art moderne. Il n'en faut pas davantage pour réactiver des rivières nauséabondes dans les égouts de la ville et surtout pour engendrer de nouveaux phénomènes paranormaux. 
Pas de panique ! L'équipe de S.O.S. Fantômes débarque et arrive à votre rescousse ! Certes, on a plaisir à retrouver notre fine équipe. 

19681945

Bill Murray et ses acolytes, en mode cabotinage, font le job, guère plus. Tout du moins, leur seule présence participe à la bonhommie générale. Certes, cette suite a gagné en discernement et en maturité. Mais ce que ce second chapitre gagne en pragmatisme, il le perd aussi en spontanéité. Fini l'effet de surprise du passé même si on relève çà et là plusieurs séquences jubilatoires. Indiscutablement, S.O.S. Fantômes 2 possède de solides arguties dans sa besace. Cette suite décriée en son temps n'est pas l'échec artistique décrété par certaines critiques un peu trop sarcastiques.
Mieux, S.O.S. Fantômes 2 appartient même à ces suites probes, honorables et tout à fait fréquentables, à condition de prendre ce second volet pour ce qu'il est, à savoir une comédie fantastique excentrique et désinvolte qui a au moins le mérite de ne pas péter plus haut que son derrière. On se surprendra encore à s'esclaffer devant certaines trouvailles pittoresques, à l'instar de cette statue de la liberté qui marche béatement dans les rues de New York.
Néanmoins, lors du générique final, le spectateur médusé se montrera un peu plus cynique et partial, en accréditant cette impression d'inanité, et que la saga aurait tout intérêt à s'arrêter sur ce deuxième volet. Une requête qui ne sera pas hélas ouïe par les grands pontes d'Hollywood...

 

Note : 12/20

sparklehorse2 Alice In Oliver

Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/SOS_Fant%C3%B4mes_2

Deadly Interrogation 2 (Feu d'artifice vaginal)

$
0
0

20180506_182412-1

Genre : gore, trash, pornographique, extrême (interdit aux - 18 ans)
Année : 2007
Durée : 32 minutes 

Synopsis : L'agent secret St Claire, est chargée d'infiltrer un groupuscule soupçonné de tourner de véritables snuff movies sous couvert de films pornographiques classiques. Elle postule pour un rôle mais elle est rapidement démasquée et capturée. Ses ravisseurs la séquestrent alors dans un endroit isolé afin de lui soutirer les informations qu'elle a pu recueillir en piratant leur ordinateur. Durant trois jours entiers, la femme va devoir subir des actes de tortures qui dépassent l'entendement. Êtes-vous prêts en entrer dans l'univers scandaleux des Deadly Interrogation ?

La critique :

Dans la famille "films de tarés", je demande les Deadly Interrogation. Là, on tient du sérieux. Difficile, en effet, de faire aussi outrageant et plus sadique que cette franchise de cinq opus très réputée dans les milieux du cinéma extrême. Pour beaucoup d'amateurs éclairés, elle représente l'un des sommets de violence les plus paroxystiques que l'on puisse imaginer à l'écran. À tel point que d'aucuns prétendent avoir à faire à des véritables snuff movies. Cela est évidemment faux, mais ces films atteignent un tel niveau de barbarie et de réalisme que le doute pourrait être permis pour des spectateurs novices. Certains sévices, en tout cas, sont effectivement réalisés sans aucun trucage.
Donc, acte. Tout comme pour les fameux GSKD, mettre la main sur ces infâmes objets filmiques est infiniment compliqué ; pour ne pas dire impossible. Cependant, grâce à mon ami de Thaïlande, Ronald Klein, collectionneur émérite et vendeur renommé sur Ebay, j'ai pu me procurer, moyennant lourdes finances, les deux premiers épisodes de cette anthologie maudite. Cependant, je vous le dis de suite : le premier opus est une vaste blague.

Portéà bout de nichons par l'actrice de films pornographiques Paris Kennedy, cet épisode initial est bien en deçà de sa réputation de bombe atomique. Molle, interprétée sans conviction, cet oeuvre trash (mouais) ne peut même pas compter sur les fameux actes de torture et de barbarie qui sont supposés être la marque de fabrique de ces films puisque ceux-ci sont plus suggérés que réellement exposés. Heureusement, le réalisateur John Marschall rectifie le tir dès le deuxième film de la série. Aucun doute là-dessus, Deadly Interrogation 2 fait beaucoup plus "honneur"à la dépravation légendaire de la saga que son devancier. On peut même dire que ça pousse très fort.
Mais avant de parler du film en lui-même, un petit mot introductif pour bien situer de quoi il retourne. Les Deadly Interrogation constituent une franchise américaine qui reproduit, toujours ou à peu près, la même mise en scène : une espionne (généralement interprétée par une actrice venant du porno) démasque des trafics, complots ou activités illégales. Elle se fait capturer, est obligée (ou pas) de pratiquer une fellation, puis se fait atrocement torturer jusqu'à ce que mort s'en suive.

20180506_181649

Deadly Interrogation 2 ne déroge pas à cette règle immuable. L'actrice qui interprète l'agent St Claire est Samantha Jo, une superbe blonde habituée des films pour adultes. Les deux autres acteurs sont d'illustres inconnus se contentant d'assurer, dans la mesure de leur très modeste talent, leurs rôles de Leo et Thorpe, deux faux réalisateurs mais vrais tortionnaires sadiques. Voilà pour vous planter le décor. Vous voilà donc prévenus : ce court-métrage qui ne fait ni dans la dentelle ni dans le détail, n'est absolument pas destiné aux âmes sensibles. Sans toutefois atteindre les plus hauts sommets d'ignominie de certaines oeuvres déjà présentées sur Cinéma Choc, je préfère quand même vous mettre en garde : Deadly Interrogation 2, c'est du très, très lourd...
Attention spoilers : Alors qu'elle se détend dans sa chambre d'hôtel, l'agent secret St Claire, une blonde sculpturale, reçoit par vidéo les instructions de son supérieur hiérarchique. Celui-ci lui confie la mission périlleuse d'infiltrer un groupe de dangereux réalisateurs-producteurs qui, sous couvert de tourner des films pornographiques classiques, sont soupçonnés de filmer de véritables snuff movies pour le bon plaisir de riches commanditaires.

Depuis longtemps, elle a ce réseau dans son viseur et n'attend plus que l'occasion d'obtenir une preuve pour le coincer. Elle postule donc pour un rôle dans un prétendu film X. D'entrée, le réalisateur lui demande de montrer son savoir-faire ; elle s'exécute en lui faisant une fellation. Puis, elle saisit un couteau et menace de lui sectionner le sexe s'il ne lui fournit pas le code confidentiel de son ordinateur. Elle se connecte et enregistre mentalement les données qui y sont enregistrées. Hélas pour elle, le complice du réalisateur débarque et l'assomme. La femme est alors emmenée dans un lieu secret et sordide où elle subira trois jours durant, d'abominables tortures de la part ses geôliers qui désirent la faire parler. En vain. Voyant qu'ils ne peuvent plus rien en tirer, les deux hommes se déchaîneront sur leur victime par des actes d'une violence inouïe jusqu'à ce que l'un d'eux ne l'achève par éventration.
John Marschall ne s'embarrasse de fioritures. Il va vite, tape très fort et démolit le spectateur en même temps que la victime de son film, en trente-deux minutes chrono. Il n'est pas pour rigoler et l'on a vite fait de s'en apercevoir. Les sagas Saw et Hostel sont appelées des "Torture Porn". Entre parenthèses, il faudra m'expliquer ce qu'il y a de "porn" dans ces films...

20180506_181343

Mais comment qualifier alors ce Deadly Interrogation 2 qui les ferait passer toutes deux sans problème, pour de mignonnes comédies romantiques ? L'ultra underground occidental à son paroxysme. Évidemment, on ne doit pas s'attendre à de quelconques velléités artistiques de la part de cette oeuvre monstrueuse qui n'est simplement destinée qu'à satisfaire et à flatter les bas instincts d'un spectateur devenu complice par procuration des exactions explicitées à l'écran. Le film est tourné en vidéo, les décors sont on ne peut plus sommaires et les comédiens sont loin d'être sortis de l'Actor Studio. Du sexe, de la dépravation, de l'hyper violence et du gore : voilà le menu sans concession des hostilités qui attend les courageux qui tenteront l'expérience. Si par un très grand hasard, vous arriviez à y mettre la main dessus, attendez-vous àêtre sérieusement secoués par l'outrecuidance de l'ignoble spectacle proposé. À défaut d'être une bonne actrice, Samantha Jo est une sacrée performeuse.
En effet, la jeune femme subit des châtiments corporels non simulés qui font frémir. Prisonnière suspendue par les bras, la belle espionne va devoir supporter des sévices pour le moins très gratinés, qui vont augmenter progressivement en intensité pour atteindre les limites du soutenable. Cela commence avec l'enfoncement vaginal d'un énorme godemichet, puis son calvaire se poursuivra par de puissants coups de poing au visage, de masse et de clefs à molette sur le ventre, des scarifications au rasoir, des écrasements de cigarettes sur la poitrine puis par de violentes flagellations qui lui lacèrent littéralement le dos. Impressionnant.

Mais ceci n'est que le triste prologue à ses futures souffrances. Les tortionnaires lui sectionnent un mamelon et la forcent à l'ingurgiter. Inutile de dire que la malheureuse est déjà très mal en point lorsqu'arrive le "clou du spectacle" : la torture par l'électricité. Les malfaiteurs ne trouvent rien d'autre à faire qu'à lui introduire un stimulateur électrique dans le vagin, puis d'agrafer les chairs autour de son sexe afin que l'objet ne puisse pas tomber. Écumant de haine et de vice, ils la soumettront alors à un courant de 550 volts ! Bientôt, de grosses étincelles jailliront en feu d'artifice des parties intimes de la victime et cela pendant près d'un quart d'heure sans discontinuer.
Ce qui n'était que vaguement subodoré dans le premier opus est ici affiché et détaillé sous toutes les coutures. Vu que la scène n'est nullement coupée à un moment ou un autre et que l'action se déroule en un seul plan-séquence, il y n'y a aucun doute sur le fait que cette performance ait été réalisée sans aucun trucage.

20180506_182129

Seul le voltage est bien évidemment, de beaucoup inférieur à la valeur annoncée dans le synopsis du film. Le final se conclura par l'éviscération de la jeune femme, agonisante dans un bain de sang, les entrailles étalées sur le sol. À noter que les effets spéciaux de cette dernière atrocité sont plus que douteux ; les tripes étant sûrement de vulgaires abats animaliers, sans doute achetés pour quelques dollars au charcutier du coin. Mais peu importe car l'ensemble est absolument intenable, et l'effet recherché est bien là puisque l'effroi et la répulsion sont les sentiments dominants qui submergent le spectateur à la fin de cette pellicule d'une brutalité hors du commun.
Ne cherchez aucun sens, aucun objectif cinématographique à ce film puisqu'il n'y en a aucun, sinon d'abreuver d'hémoglobine, les fanatiques invétérés de gore et d'extrême. Ici, nous nous trouvons en plein dans le produit vidéo ultra confidentiel destinéà un public très ciblé et quasiment interdit dans le monde entier. Certains passages sont toutefois disponibles sur des sites hyper spécialisés, mais très suspects dans leur fiabilité. Alors pour ceux qui seraient tentés d'y jeter un coup d'oeil, attention aux virus pour vos ordinateurs... John Marschall a mis le paquet pour retourner l'estomac des spectateurs et il a réussi haut la main son entreprise. La cruauté insoutenable de Deadly Interrogation 2 (et de ses suites) a de fortes chances de hanter les cauchemars même du plus endurci d'entre eux. Heureusement et c'est salutaire, cette franchise épouvantable est rarissime.
Ceci la maintient donc hors de portée du grand public, et surtout de la jeunesse qui n'a pas besoin de ce style de production pour être encore plus perturbée qu'elle ne l'est de nos jours. Que dire de plus ? Quand l'horreur en arrive à ce niveau de barbarie, pas grand-chose. Sinon, de constater, une fois plus, que le cinéma extrême actuel ne connaît plus aucune limite dans ses turpitudes dégradantes. Au grand désespoir des apôtres des bonnes moeurs et de la bienséance. Mais pour le plus grand bonheur de Cinéma Choc !


Note :

TumblingDollOfFlesh Inthemoodforgore

Le Cheval de Turin (La philosophie du chaos ou le chaos de la philosophie)

$
0
0

le cheval de Turin

Genre : drame, inclassable
Année : 2011
Durée : 2h26

Synopsis : A Turin, en 1889, Nietzsche enlaça un cheval d'attelage épuisé puis perdit la raison. Quelque part, dans la campagne : un fermier, sa fille, une charrette et le vieux cheval. Dehors le vent se lève.     

La critique :

Producteur, scénariste et réalisateur hongrois, Béla Tarr se passionne pour le noble Septième Art dès le plus jeune âge. Il débute sa carrière cinématographique à 16 ans en bricolant quelques petits films amateurs. C'est dans ce contexte qu'il signe plusieurs courts-métrages entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990. Pour Béla Tarr, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à la fin des années 1970 pour réaliser son tout premier long-métrage, Le Nid Familial (1979). Ses films suivants corroborent son extatisme et sa fascination pour les thèmes philosophiques, ésotériques, cosmologiques et métaphysiques, ce qui lui vaut d'être rapidement comparéà Andreï Tarkovski, un éminent cinéaste soviétique que Béla Tarr affectionne en catimini.
Des métrages tels que L'Outsider (1981), MacBeth (1982) et Rapports Préfabriqués (1982) lui permettent d'asseoir sa notoriété auprès d'un public plutôt intellectuel qui prise davantage les pellicules nébuleuses, voire amphigouriques.

Béla Tarr abhorre et admoneste un monde qu'il juge comme inepte, austère et décrépit. Pour le metteur en scène, tout concourt - en particulier les hommes - à avilir une société occidentale dans un état de sévère décrépitude. Impression corroborée par ses films suivants, notamment Almanach d'Automne (1985), Damnation (1988), Le Tango de Satan (1994) et Les Harmonies Werckmeister (2000). Désarçonné, Béla Tarr trouve de moins en moins de force et d'énergie pour se consacrer au Septième Art et pour réaliser de nouveaux films.
En 2007, lors du tournage de L'Homme de Londres, une adaptation d'un roman de Georges Simenon, son producteur, Humbert Balsan, met fin à ses jours. Dépité, Béla Tarr ne s'en remettra jamais. Ce suicide accrédite cette mélancolie inhérente et sous-jacente qui semble poursuivre inexorablement le cinéaste depuis le début de sa carrière.

arton5100-980x0

Que soit. En 2011, il signe son tout dernier film, son ultime chef d'oeuvre, Le Cheval de Turin, une sorte de fable sur la fin du monde et surtout la dernière révérence du réalisateur hongrois au noble Septième Art. Pourtant, le long-métrage va s'arroger l'Ours d'Argent lors du festival de Berlin la même année et ainsi ériger le génie de Béla Tarr à la face du monde et en particulier du petit monde du cinéma, un univers qu'il exècre et arbhorre en raison de son aspect dévoyé, entre autres par les roueries du lucre et du capital. Vous l'avez donc compris.
Le décès impromptu de son producteur n'est pas la seule raison de cette désaffection inopinée. Béla Tarr sermonne et vilipende un art (le cinéma...) qu'il gourmande et ne comprend plus. De surcroît, le metteur en scène connaît de plus en plus de difficultés financières pour tourner des films répudiés et incompris par un public frivole qui préfère se ruer sur des productions beaucoup plus spectaculaires et grandiloquentes. 

A travers une filmographie éclectique et emprunte d'une certaine apathie, le but de Béla Tarr est aussi d'ouvrir la conscience humaine vers de nouvelles tortuosités. C'est sûrement pour cette raison que son style contemplatif et raffiné est intimement reliéà celui de Tarkovski. A l'instar du cinéaste soviétique, Béla Tarr s'interroge sur les signes, souvent ostensibles, d'une société occidentale en pleine déréliction. Toujours la même antienne... En outre, la distribution de Le Cheval de Turin ne se compose que de trois comédiens, à savoir Erika Bok, Janos Derzsi et Mihaly Kormos.
Attention, SPOILERS ! (1) Janvier 1889. Turin. Le philosophe allemand Friedrich Nietzsche s'oppose au comportement brutal d'un cocher flagellant son cheval qui refuse d'avancer. Nietzsche sanglote et enlace l'animal. Puis son logeur le reconduit à son domicile.
 

3edd408986524f27d68eafbc34afeb1d

Le philosophe y demeure prostré durant deux jours, avant de sombrer, au cours des onze dernières années de son existence, dans une crise de démence (1). Ensuite, le film se polarise sur la vie peu exaltante d'un cocher et de sa fille. Un vent capricieux et tourmenté s'abat inexorablement depuis plusieurs jours dans une contrée désertique et isolée du monde. Bientôt, l'eau et la nourriture commencent sérieusement à s'amenuiser. Le Cheval de Turin, c'est donc le portrait d'un patriarche et de sa fille qui s'étiolent, se désagrègent et s'alanguissent au fil du temps qui passe, inexorablement. Cet état de déliquescence frappe également leur propre bétail, en particulier leur cheval qui refuse, à son tour, de se sustenter et même d'avancer malgré les injonctions de son cocher.
Autant l'annoncer de suite. Le Cheval de Turin est une oeuvre profondément lente et ésotérique qui désarçonnera sûrement le public peu aguerri à ce genre de pellicule sinueuse et alambiquée. 

Pour ceux et celles qui attendent impatiemment un gros film d'action avec des séquences spectaculaires et débridées, prière de quitter gentiment leur siège et d'aller faire un petit tour. En l'état, Le Cheval de Turin est un film âpre et difficile à décortiquer puisqu'il nécessite plusieurs niveaux (ou lectures, vous choisirez...) d'analyse. De prime abord, on peut voir ce film comme une allégorie sur les derniers jours d'un père, de sa fille et de leur cheval. La caméra de Béla Tarr se polarise lourdement sur le quotidien anomique de ces trois êtres lymphatiques.
Leurs journées longues et fastidieuses sont donc rythmées (si j'ose dire...) par des regards furtifs scrutant, à travers une fenêtre, un vent balayant des plaines vidées de leur substance. Corrélativement, Béla Tarr se focalise également sur l'indolence et l'apathie d'un cheval. 

téléchargement

Au rythme des pas de l'animal, le spectateur oppressé, lui aussi, halète, suffoque et se nimbe de cette impression d'adynamie généralisée. Impression corroborée par l'apport d'une musique lancinante et de violons nostalgiques, comme si tout ce décor, pour le moins frugal, ainsi que ses personnages, se devaient de disparaître de la surface de la planète. Puis, un autre homme, lui aussi anonyme, débarque et prévient le cocher. Le monde que nous connaissons est en profonde désuétude. Quelque chose ou quelqu'un (on ne sait pas...) a provoqué la dernière absoute d'une société déjà chaotique et agonisante. Même la terre se meurt. La faune et la flore qui la composent se délitent sans qu'il y ait nécessairement d'explication rationnelle. Ce temps irraisonnable est une sorte de punition divine et/ou cosmologique. Nous nous sommes servis, nous avons souillé et nous nous sommes accaparés les offrandes d'une terre abondante et fertile.  

Il est donc temps de payer... Jusqu'à la fin des temps, jusqu'à l'arrivée des ténèbres... Nous n'aurons pas plus d'explications ni d'arguties sur les raisons intrinsèques de cette brumaille impudente et irrépressible. Mais à l'instar de ce temps exécrable, de ce vent tempétueux et intarissable, l'argument se trouve ailleurs, probablement dans ces regards évasifs qui s'échangent et s'enchevêtrent entre un père et sa fille. Alors que cette dernière scrute un horizon lointain et impalpable à la recherche chimérique d'un nouveau lendemain, le patriarche s'endort sans barguigner dans la pénombre. 
Béla Tarr ne filme pas ses deux principaux protagonistes comme des êtres humains, mais comme des ombres sénescentes et condamnées à s'évanouir dans le crépuscule. On peut donc voir Le Cheval de Turin de deux manières bien distinctes, soit comme un film sur la fin du monde (ou la fin d'un monde...), soit comme une métaphore sur la perte d'humanité.

21012174_20130612183702428

En dépit des apparences, Le Cheval de Turin n'est pas une oeuvre misanthrope, mais plutôt une fable sur ce qui régit la lumière et sa parfaite antithèse. En outre, les deux personnages principaux du film ont opté pour cette solitude indicible justement amorcée par des temps eschatologiques. Même la rencontre avec autrui - en particulier des gitans - se soldera par une xénophobie ostensible. Superbe d'un point de vue esthétique et arborant une imagerie à la fois somptueuse et vespérale, Le Cheval de Turin se veut être une expérience hétéroclite.
Pourquoi cette allusion à Nietzsche en guise de préambule ? Sans doute pour préfigurer cette philosophie du chaos... A moins que ce ne soit l'inverse... En l'état, difficile d'en dire davantage. Chaque spectateur, pour le moins médusé, aura sa propre interprétation du film. Indiscutablement, une telle oeuvre mériterait sans doute une analyse beaucoup plus précautionneuse. J'espère donc que vous me pardonnerez pour la frugalité de cette chronique et pour la note finale, elle aussi en mode interrogatif.

Note :?

sparklehorse2 Alice In Oliver

Viewing all 2562 articles
Browse latest View live