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Le Vieux Fusil (Toute la barbarie des hommes...)

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le vieux fusil

 

Genre : drame (interdit aux moins de 12 ans)
Année : 1975
Durée : 1h42

Synopsis :L'action se déroule en 1944, à Montauban. Le chirurgien Julien Dandieu y mène une vie paisible avec sa femme, Clara, et leur fille Florence. Cependant, l'invasion allemande ne peut le laisser indifférent : préférant les savoir éloignées des tourments de cette guerre, Julien demande à son ami François de conduire Clara et Florence à la campagne, où cette famille possède un château, véritable forteresse médiévale qui surplombe un village. Une semaine plus tard, ne supportant plus l'absence des siens, Julien rejoint sa famille pour découvrir, avec effroi, que les Allemands ont déjà semé la terreur dans le village...

La critique :

Pour ceux et celles qui suivent régulièrement l'actualité de ce blog (soit quatre personnes dans le monde...), ils savent pertinemment que le vigilante movie fait partie des principaux leitmotivs de Cinéma Choc. Ce registre cinématographique ratifiera son acte de naissance durant les années 1970 via plusieurs productions proverbiales. Les thuriféraires citeront aisément Un Justicier dans la Ville (Michael Winner, 1974), Exterminator : le droit de tuer (James Glickenhaus, 1982), Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), Death Sentence (James Wan, 2007), Mad Max (George Miller, 1979), J'ai rencontré le Diable (Kim Jee-Woon et Seok Min-Woo, 2010), Impitoyable (Clint Eastwood, 1992), ou encore Old Boy (Park Chan-Wook, 2003) parmi les références les plus notables et notoires.
Le cinéma français tentera lui aussi de s'immiscer dans ce style radical, virulent et comminatoire, mais avec beaucoup plus de frilosité.

Serge Leroy réalisera La Traque en 1975 qui, par certaines assonances, n'est pas sans rappeler Les Chiens de Paille (Sam Peckinpah, 1972), une autre référence proéminente. Hélas et à tort, le film de Serge Leroy reste confiné dans les affres des oubliettes. En contrepartie, notre cinéma hexagonal peut s'enorgueillir d'afficher un vrai classique du vigilante movie. Son nom ? Le Vieux Fusil, réalisé par les soins de Robert Enrico en 1975. Evidemment, la simple évocation de ce long-métrage peut prêter à esquisser un petit rictus imbécile tant la date de sortie de ce drame paraît joliment surannée.
Pourtant, sur la forme comme sur le fond, le film de Robert Enrico n'a rien à envier aux références les plus érubescentes. Autant l'annoncer de suite. Le Vieux Fusil est un film éminemment violent. A ce titre, difficile de comprendre l'interdiction aux moins de 12 ans.

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A minima, une interdiction aux moins de 16 ans nous paraît beaucoup plus idoine. Quant à Robert Enrico, le scénariste et réalisateur français a débuté sa carrière cinématographique durant les années 1950. Les laudateurs du metteur en scène notifieront des films tels que Les Grandes Gueules (1965), Les aventuriers (1967), Boulevard du Rhum (1971), Au nom de tous les miens (1983), ou encore La Révolution Française (1989) parmi ses réalisations les plus populaires. Le Vieux Fusil reste évidemment son long-métrage le plus véhément.
Pour l'anecdote, le film "est librement inspiré d'un fait historique réel. Lors du débarquement de Normandie en juin 1944, la Panzer division SS Das Reich est appelée en renfort en Normandie. Excédée par les harcèlements des résistants français qui font tout pour freiner sa progression, elle sème la terreur et la mort sur son passage.

Des membres du 1er bataillon du régiment Der Führer commettent le massacre d'Oradour-sur-Glane au cours duquel ils assassinent 642 civils, hommes, femmes et enfants et mettent le feu au village" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Vieux_Fusil). Alors que l'été 1944 approche, l'armée d'Hitler a connu plusieurs défaites cinglantes sur le front russe. C'est donc une armée agonisante et tétanisée qui revient vers la capitale allemande (Berlin), au grand dam d'un Hitler courroucé. Le chancelier a bien compris que ses rêves de gloire, d'ascension et d'éternitéétaient voués à péricliter, vaincus par l'Alliance et par les efforts conjugués des Anglais, des Russes et des Américains.
Mais peu importe. Avant de disparaître dans la pénombre, l'Allemagne nazie se doit d'exterminer, de massacrer et de mutiler quelques communautés de passage.

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Tel est le témoignage, voire le brûlot eschatologique laissé par Le Vieux Fusil. Inutile de préciser que le film a largement estourbi les persistances rétiniennes en son temps. Même encore aujourd'hui, le métrage de Robert Enrico reste un véritable parangon dans le cadre du cinéma en général et du vigilante movie en particulier. A l'origine, le rôle du chirurgien Julien Dandieu devait être confiéà Lino Ventura, un comédien avec lequel Robert Enrico avait déjà collaboréà moult reprises, notamment dans Les Grandes Gueules, Les Aventuriers et Boulevard du Rhum (trois films précédemment mentionnés). Mais l'acteur, ulcéré par la violence de la trame narrative, refuse d'endosser le rôle principal.
Que soit. C'est Philippe Noiret qui écope finalement des oripeaux de ce médicastre aux intentions bellicistes et vindicatives.

Viennent également s'agréger Romy Schneider, Jean Bouise, Joachim Hansen, Robert Hoffmann, Karl Michael Vogler et Madeleine Ozeray. Le Vieux Fusil a évidemment divisé les critiques, pour le moins dubitatives, au moment de sa sortie. Pour certains avis sarcastiques, le film de Robert Enrico constitue au mieux une variante d'Un Justicier dans la Ville, à la seule dissimilitude que les belligérances prennent fait et forme durant la Seconde Guerre mondiale. A contrario, Le Vieux Fusil culminera dans les salles françaises et se soldera par un succès commercial, engendrant plus de 3 500 000 entrées ; une vraie performance pour un vigilante movie à la française !
De surcroît, Le Vieux Fusil s'arrogera plusieurs récompenses éminentes, entre autres le César du film, le César du meilleur acteur pour Philippe Noiret et le César de la meilleure musique originale pour François de Roubaix. 

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Attention, SPOILERS ! L'action se déroule en 1944, à Montauban. Le chirurgien Julien Dandieu y mène une vie paisible avec sa femme, Clara, et leur fille Florence. Cependant, l'invasion allemande ne peut le laisser indifférent : préférant les savoir éloignées des tourments de cette guerre, Julien demande à son ami François de conduire Clara et Florence à la campagne, où cette famille possède un château, véritable forteresse médiévale qui surplombe un village.
Une semaine plus tard, ne supportant plus l'absence des siens, Julien rejoint sa famille pour découvrir, avec effroi, que les Allemands ont déjà semé la terreur dans le village... Certes, Le Vieux Fusil compte désormais presque 45 années au compteur. Pourtant, contrairement àUn Justicier dans la Ville et aux autres vigilante movies sorties durant les décennies 1970 et 1980, le film ne souffre d'aucune obsolescence et pour cause...

Toute l'intelligence de Robert Enrico est d'amorcer la violence à un contexte historique nimbé par les martialités, la vengeance expéditive et le nazisme. Sur ce dernier point, certains contempteurs et esprits chagrins ne pourront y déceler qu'un vigilante movie prosaïque qui conte l'entreprise meurtrière d'un chirurgien en dissidence contre l'ennemi nazi. En outre, Le Vieux Fusil n'est pas seulement une parabole, voire une hyperbole, sur la thématique - toujours spinescente de la vengeance expéditive. Le film n'est pas seulement - non plus - une allégorie sur nos pulsions reptiliennes et archaïques. Le Vieux Fusil, c'est avant tout le portrait d'un homme qui a tout perdu et qui devient le témoin (malgré lui...) de toute la barbarie des hommes en temps de guerre.
C'est sûrement pour cette raison que Robert Enrico procède essentiellement par flashback. 

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En résumé, le cinéaste opère une véritable dichotomie entre le Julien Dandieu avant le massacre de sa femme et de sa fille et celui qui va naître à postériori. Ce Julien Dandieu atrabilaire n'est plus qu'un animal totalement décharné et déshumanisé. Pour répondre aux Allemands, l'homme se munit d'un fusil et extermine ses bourreaux un par un ; jusqu'à prendre un lance-flammes ; une saynète qui répond au meurtre effroyable de son épouse. La vengeance appelle la vengeance et vice versa. Elle est incoercible, intangible et inextricable. Point de porte de sortie pour Julien Dandieu.
Même le prologue final s'achève sur un cet état d'alanguissement et de neurasthénie mentale. Une fois dépêché dans le village censé abriter et sécuriser sa famille, le chirurgien ébaubi assiste à toute une pléthore d'exécutions dans les églises. Hommes, femmes, vieillards et enfants... Les "nazillards" ne font pas de prisonnier. Tuer et punir. Mais même la vengeance n'éteint pas la douleur. Certes, Dandieu punira et exécutera sommairement ses tortionnaires. Et après ? Que restera-t-il de cette boucherie massive ? Quelle morale retiendront notre Histoire et notre travail de Mémoire de tous ces crimes abominables ? Autant de questions posées en filigrane par un Robert Enrico circonspect.
A toutes ces introspections, point de réponse si ce n'est une conclusion amère qui se parachève sur une réminiscence à caractère euphorique (Julien Dandieu, sa femme et sa fille qui se promènent en bicyclette...), une façon comme une autre de phagocyter toute la véhémence de notre Histoire atrophiée et en résipiscence... 

Note :17.5/20


sparklehorse2 Alice In Oliver


Pornocratie - Les Nouvelles Multinationales du Sexe (L'extinction du Phallus ou l'extinction du désir)

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Genre : documentaire (interdit aux moins de 16 ans)
Année : 2017
Durée : 1h18

Synopsis :Un documentaire sur les profondes et néfastes mutations qui ont cours depuis quelques années sur le marché de la vidéo pour adultes.

La critique :

En vérité, le terme même de pornographie date du siècle des Lumières et désigne tout ce qui a attrait à la prostitution. Par la suite et avec la naissance du noble Septième Art, la pornographie va s'étendre pour se parer d'une représentation explicite des actes sexuels. Pourtant, la pornographie va mettre du temps à inscrire son monogramme dans les mondes cinématographiques et télévisuels. Avant son ascension durant les années 1970, les spectateurs hébétés doivent se rendre dans des salles indépendantes, voire "illégitimes", pour assister à des petites vidéos illicites dans lesquelles il est question d'onanisme, au pire de fellation (le plus souvent des cunnilingus, voire des actes de buccogénitalité).
Pour l'univers pornographique, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à l'orée des années 1970 pour atteindre sa véritable quintessence.

Son essor est légitimé et acté par la révolution sociologique, culturelle et sexuelle qui émaille nos sociétés occidentales durant les années 1970. A l'époque, la distinction entre érotisme et pornographie est encore ténue, voire cachectique. Par ailleurs, la majorité des productions pornographiques se parent d'une dimension sensuelle, mélangeant allègrement triolisme, candaulisme, saphisme et échangisme, le tout corseté par la découverte des plaisirs érotiques, et en particulier du désir. Les mouvements féministes s'affinent, s'affirment et réclament l'appropriation du désir masculin.
L'orgasme devient alors le point culminant de la félicité sexuelle, pour le plus grand bonheur des gentes féminines et masculines.
Sur la forme, la plupart des productions pornographiques s'apparentent à d'immenses fantasmagories orgiaques qui mettent en exergue des couples sur le chemin de la béatitude sexuelle. Toujours la même antienne... 

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Avec l'arrivée du support vidéo, en particulier la vhs durant la décennie 1980, l'univers pornographique connaît encore de nouvelles mutations. Cette fois-ci, la pornographie devient un marché en pleine expansion, à la fois disponible et visible dans l'univers commercial. En outre, c'est surtout l'arrivée inopinée d'Internet et des réseaux sociaux qui vont marquer une rupture fatidique et rédhibitoire. Tel est le constat amer du documentaire intituléPornocratie - Les Nouvelles Multinationales du Sexe, et réalisé par Ovidie en 2017. Certes, la trentenaire officie à la fois en tant que réalisatrice, productrice et journaliste. Mais entre 1999 et 2003, Ovidie, de son vrai nom Héloïse Obecht (Merci Wikipédia !), débute dans le métier en tant qu'actrice pornographique.
Pendant longtemps, elle va militer pour le port du préservatif sur les tournages de films X.

Corrélativement, la comédienne a toujours refusé la pratique de la sodomie. En outre, Ovidie compte déjà plusieurs documentaires et reportages à son actif. Les thuriféraires de la réalisatrice citeront aisément Rondes et sexy (2011), Rhabillage (2011) et A quoi rêvent les jeunes filles (2015). A travers ces documentaires sulfureux, Ovidie vilipendait et tançait déjà un marché pornographique sous le joug du capitalisme et de ses corolaires. A l'aune d'un consumérisme forcené, comment les jeunes éphèbes et même les adultes peuvent-ils concevoir l'évolution de leur sexualité ?
Quelle est notre représentation du corps dans une société hédoniste qui vante sans cesse la performance, les prouesses et la jouissance sexuelle en un temps record ?
En l'espace d'une vingtaine d'années, Ovidie a découvert les écueils, les carences et surtout les travers du milieu du hard, ainsi que son évolution vers des stratosphères peu scrupuleuses. 

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Désormais, l'industrie du hard appartient aux multinationales lucratives. Conjointement, la pornographie évolue aussi vers une forme d'uberisation, une mutation rendue possible grâce à l'arrivée impromptue des smartphones et des nouvelles technologies. Telle est, par ailleurs, l'exégèse de Pornocratie - Les Nouvelles Multinationales du sexe. Attention, SPOILERS ! (1) Ovidie, ex vedette du cinéma pornographique, dresse un état des lieux de l'industrie du X alors que la crise économique frappe le secteur. Si certains chiffres donnent le vertige puisque plus d'un milliard de pages pornographiques sont visionnées chaque jour sur Internet, les sociétés de production sont au plus mal.
Leur nombre s'est multiplié de façon irraisonnée. Nombre d'entre elles mettent la clef sous la porte dans des délais de plus en plus courts.

De leur côté, les actrices subissent des conditions de travail toujours plus abjectes. Les difficultés économiques engendrent maintes souffrances humaines. Comment fonctionne aujourd'hui cette industrie aux sombres facettes trop souvent occultées ? C'est ce que tente d'expliquer cette enquête ponctuée de témoignages (1). Autant l'annoncer de suite. A travers Pornocratie, Ovidie n'épargne nullement l'industrie pornographique. Un oxymore pour une réalisatrice issue de cet univers aux multiples collatéraux. A contrario, l'ancienne actrice sait de quoi elle parle.
Ses saillies n'ont rien d'un simulacre. La réalisatrice milite avec loyauté pour le retour de cette pornographie de naguère, celle qui pouvait s'enhardir de quelques figures proverbiales. Désormais, sous l'aval d'internet et de sites totalement gratuits et accessibles au public (entre autres, Xhamster, Xvideos, Pornhub et YouPorn), il est aisé, pour n'importe quel quidam, de naviguer sur des plateformes proposant des saynètes sexuelles à caractère extrême. 

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La pornographie compte de moins en moins de stars ou de têtes de gondoles qui écument parfois certains festivals. Acteurs et actrices sont finalement interchangeables. Les génériques des films ou des vidéos mentionnent à peine leurs noms, quand ce ne sont pas des cryptonymes factices. Peu importe finalement puisque ces performeurs (performeuses...) disparaissent sans laisser de trace et besognent durement pour des sociétés évanescentes. Certains tournages s'échelonnent sur des durées de 18 heures par jour, ce qui requiert une certaine adaptation pour les actrices.
De surcroît, ces dernières doivent s'abreuver de produits (souvent illicites voire nocifs) pour supporter certaines positions fantaisistes. La performance engendre le trash et l'extrême. Mais un tel asservissement est aussi le nouvel apanage de spectateurs satyriasiques.

L'industrie pornographique est donc à la recherche de cette actrice capable de supporter trois, voire quatre pénis ithyphalliques s'acheminer dans ses cavités uro-génitales. Et peu importe, encore une fois, si de telles pratiques dérivent ponctuellement vers l'hémoglobine, les coups de semonce, voire les maladies sexuellement transmissibles (MST).
Depuis quelques années, l'industrie pornographique constate le grand retour de la syphilis. Mais une telle réminiscence se doit d'être habilement camouflée, tue et dissimulée. Certains acteurs et certaines actrices à la dérive falsifient leurs tests et leurs examens biologiques pour sévir et oeuvrer sur les tournages.
En résumé, la pornographie est désormais moribonde. Paradoxalement, l'industrie n'a jamais été aussi prospère et pérenne. Un nouvel oxymoron qui semble être le nouveau leitmotiv d'une oligarchie à l'identité curieusement énigmatique.
Telle est la rhétorique de la dernière section du documentaire, justement intitulée "La pieuvre tentaculaire". Certes, le documentaire d'Ovidie n'épargne personne et cogne (si j'ose dire...) là oùça fait mal. Hélas, à moins d'être peu féru en la matière, Pornocratie ne nous apprend pas grand-chose. A vrai dire, on le suspectait et même on le subodorait depuis belle lurette. Via l'avènement de YouPorn et de ses nombreux prosélytes, le marché pornographique a falsifié et même exhumé le désir au nom d'un consumérisme béat et illimité.
Difficile de lutter contre ce marché exponentiel, à moins justement de ranimer cette flamme, celle qui jadis était cette distinction entre le phallus et le fascinus, une dichotomie archaïque décrétée depuis des millénaires par les sociétés gréco-romaines et que l'eudémonisme a décidé arbitrairement d'éteindre.

Note :13/20

 

sparklehorse2 Alice In Oliver

(1) Synopsis du documentaire sur : http://www.filmdeculte.com/cinema/film/Pornocratie-les-nouvelles-multinationales-du-sexe-6516.html

Le Monde, la Chair et le Diable (Et si la vie cessait brusquement sur terre...)

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Genre : Science-fiction, drame

Année : 1959

Durée : 1h35

 

Synopsis :

Après un éboulement au fond d'une mine en Pennsylvanie, Ralph Burton attend des secours qui n'arrivent pas et finit par se libérer seul des décombres. De retour à la surface, il découvre que toute trace de vie humaine semble avoir disparu après le passage d'un nuage radioactif. En route pour New York, il traverse des avenues désertes, s'organise et récupère ce dont il a besoin dans les magasins, tirant derrière lui un chariot au pied des gratte-ciels abandonnés... Est-il vraiment le seul survivant de l'humanité ?

 

La critique :

Le film post-apocalyptique est le genre en vogue chez les passionnés de SF. Témoins d'une humanité en déshérence, fréquemment condamnée par sa folie l'ayant fait plonger, ce genre de sujet est propice à une réflexion de tout premier ordre. Bien avant les oeuvres contemporaines telles que La Route ou Snowpiercer, d'autres cinéastes se sont intéressés à ce style crépusculaire. Sydney Salkow et Ubaldo Ragona ont été pris d'admiration pour le roman Je suis une Légende qu'ils transposèrent en film en 1964, voyant un remake très controversé avec Will Smith sorti en 2007. Il serait inutile de citer tous les autres exemples de pellicules ayant pour trait la destruction d'un monde. Citons Mad Max ou L'Armée des 12 Singes en chefs d'oeuvre ou Doomsday et Postman en films un peu moins probants. Sans en aucune manière que ce soit être un spécialiste de pointe, je vais parler aujourd'hui d'un des premiers films du genre. Peu cité par les profanes, il jouit pourtant d'une flatteuse réputation dans le milieu cinéphile à un tel point qu'il est admis comme classique de la science-fiction.
Son nom ? Le Monde, La Chair et le Diable. Titre complexe pour un film tout aussi complexe dans son analyse mais nous y reviendrons par la suite.

Il est une adaptation d'un roman d'anticipation de 1901 de M.P Shiel, écrivain britannique de SF et d'horreur, intituléThe Purple Cloud. Il y est question de la destruction de la Terre par une couche de gaz empoisonné. Un seul rescapé dénommé Adam tentait de survivre. 58 ans plus tard naquit Le Monde, La Chair et Le Diable, réalisé par Ranald MacDougall. Le film remporte des critiques flatteuses à sa sortie et ira jusqu'à bénéficier d'un simili-remake néo-zélandais par Geoff Murphy nomméLe Dernier Survivant qui n'en serait pas une adaptation officielle. Quelque part, le film d'aujourd'hui peut être vu comme un précurseur du style ayant influencé de nombreux réalisateurs.
Il ne faudra pas plus de quelques mois pour que sorte par la suite Le Dernier Rivage par Stanley Kramer où il était question d'un hémisphère nord détruit par la guerre atomique à l'exception de l'Australie où tentaient de survivre quelques hommes épargnés. Ayant toujours eu, dès mon plus jeune âge, un entrain inouï pour le post-apocalyptique, cette oeuvre ne pouvait échapper à mon oeil avisé. Ayant mûri plusieurs années, comme des centaines et des centaines de films attendant toujours impatiemment leur tour, l'heure fut enfin venue pour lui de sortir de sa couche de poussière pour être visionné.

 

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ATTENTION SPOILERS : Après un éboulement au fond d'une mine en Pennsylvanie, Ralph Burton attend des secours qui n'arrivent pas et finit par se libérer seul des décombres. De retour à la surface, il découvre que toute trace de vie humaine semble avoir disparu après le passage d'un nuage radioactif. En route pour New York, il traverse des avenues désertes, s'organise et récupère ce dont il a besoin dans les magasins, tirant derrière lui un chariot au pied des gratte-ciels abandonnés... Est-il vraiment le seul survivant de l'humanité ?

Difficile que de ne pas susciter la curiosité du spectateur à la lecture du synopsis, sauf aux réfractaires extrêmes du noir et blanc. Histoire simpliste mais diablement efficace. Un mineur se retrouve pris dans un éboulement et en survit miraculeusement. Coincé dans un cloaque à l'atmosphère suffocante (on évitera de tiquer sur le manque d'oxygène bizarrement absent), il attend plusieurs jours en vain car personne ne semble se soucier de lui. Etait-ce une bonne idée pour lui que de remonter par ses propres moyens ? Car c'est pour retrouver une ville plongée dans le silence le plus oppressant. Rapidement mis au courant des informations, il apprend que des tensions internationales ont provoqué l'explosion dans l'atmosphère d'un missile contenant un isotope mortel de sodium.
Substance nouvelle et surtout mortelle, aucune protection ne peut contrer ses effets dévastateurs. Le nuage resta cinq jours dans l'atmosphère tuant toute personne ayant eu la bonne idée de se retrouver en surface. Mais sont-ils vraiment morts ? Un journal mentionnait des millions de personnes fuyant les grandes villes mais pour aller où ? Sont-elles réellement mortes ou sont-elles planquées dans des bunkers sous-terrain, des chambres de confinement ? En attendant, le dénommé Ralph Burton tente d'émettre un message radio à ondes courtes pour détecter d'autres survivants... en vain (ou presque). Son ascension dans la ville désertique apparaît comme un périple existentiel. Dépourvu de toute aide, de tout lien social, il est perdu dans l'immensité d'une ville oùMacDougall se plaira à jouer sur les perspectives afin de renforcer encore plus la solitude de Ralph. L'immensité des gratte-ciels écrase la petitesse du héros apparaissant comme une victime d'un monde nouveau hostile.

Inévitablement, la chute mentale commence à s'amorcer. Entrant dans une boutique de vêtement, il ressort deux mannequins à qui il attribuera un prénom et avec qui il tentera de parler comme pour restaurer un semblant de tissu social, en vain car il n'est ni plus qu'un ersatz de lien, un néant originel. Dévasté par la solitude et la tristesse, il tente de façonner à ses envies la rue où il loge pour se rassurer. Sa rencontre avec une survivante, Sarah Crandall, va alors tout changer. Il a enfin un lien social qu'il va pouvoir forger, tandis que celle-ci le croit fou dans un premier temps. Un rapprochement commencera à se faire et ils vivront une relation tendancieuse, ambiguë que nous ne pouvons juger comme platonique tant elle est difficile à définir. La raison principale tiendra que, à l'époque, une histoire d'amour entre personnages de couleurs différentes était controversée. Malgré les tentatives de convaincre la production, rien n'y fera. La chasteté involontaire déclenchera des incohérences que les critiques libérales dénoncèrent. Il est vrai que ce point ne sera pas en faveur de la qualité globale, indépendamment de la volonté de MacDougall. On se permettra donc de fermer les yeux là-dessus au vu de la pensée arriérée de jadis.
Le Monde, La Chair et Le Diable ne fait que confirmer ce leitmotiv du tissu social garant de la stabilité psychologique de tout un chacun. Une telle absence aurait fini tôt ou tard par déboucher sur un suicide envisageable. Ainsi, le "couple" flirte et batifole, il est requinqué d'un bonheur désespéré mais toujours avec ce spectre de jadis. Point fâcheux : le regret de la perte de la famille et des amis ne sera que très peu, si ce n'est traité. Pourtant, l'épanouissement ne sera pas non plus total. Dans une séquence où Sarah dira qu'elle est majeure, BLANCHE, et un autre nom que j'ai oublié, le propos va devenir un peu plus glacial. MacDougall ne put s'empêcher de dénoncer le racisme d'alors, dénaturant la société, alors étriquée dans son carcan étroit de pensées immorales.

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Reste que le racisme n'est pas seulement dénoncé mais également le bellicisme des gouvernements, qui ne font preuve d'aucun humanisme envers leurs semblables. Réquisitoire accablant contre la guerre et, bien sûr, l'armement nucléaire, il souligne à quel point l'humain peut en venir à s'autodétruire lui et tout ce qu'il a fini par construire. Si le scénario est posé dans sa première et deuxième parties, les choses vont se gâter lorsque apparaîtra un marin, rescapé du chaos. Désormais, il y a deux hommes pour une seule femme. Un seul pourra bénéficier du plaisir de la chair.
L'apparition des pulsions primitives va prendre le pas sur l'entraide et si Ralph Burton se montrera plus distant et timoré dans ses actes, ça ne sera pas le cas de Benson Thacker. Persuadé qu'il joue un jeu manipulateur, il exigera que Ralph quitte la ville où il devra en répondre de ses actes face à la bouche du canon. La menace pèse, Ralph représente un obstacle et seule sa mort permettra à Benson de filer le bonheur avec Sarah. Véritable film féministe vilipendant le manque de discernement et les pulsions de mort du sexe masculin, seule Sarah représente la réelle civilisation.

L'atmosphère hostile ne quittera jamais le récit et tendra à s'intensifier dans sa dernière partie. Ces trois personnages ayant les traits de fourmis dans un New York, quatrième personnage à part entière, possédant une réelle âme. Elle sera une vedette à part entière où ses lieux cultes tels Time Square, le George Washington Bridge ou la 5ème Avenue seront représentés. Le film se suit bien sans que l'on ne regarde trop sa montre mais on ne pourra s'empêcher de ne pas être totalement conquis par un scénario en dent-de-scie. Les impressions d'un récit sans développement dans sa seconde partie, des zones floues sont là. Si l'on apprécie à merveille le sort inconnu du reste du monde, on aurait aimé un peu plus d'explications sur les conséquences du drame.
L'intensité de la première partie va donner lieu à une seconde partie beaucoup plus conventionnelle avant de, à nouveau, retrouver cette grande intensité. Un oscilloscope scénaristique qui ne sera pas du goût de tout un chacun. Pourtant, comme je dis, l'ennui n'est pas présent car il subsiste toujours cette accroche d'une Terre désolée.

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Avec l'idée de représenter un New York vidé de sa substance, un point d'importance concernant l'esthétique devait irrémédiablement en découler. Fort heureusement, MacDougall s'en sort avec les honneurs avec tous ces plans réfléchis écrasant les personnages. La caméra offre de superbes paysages sur la ville. Les décors ont une vraie âme. Afin de coller au mieux au réalisme, l'équipe technique dut avoir recours à des moyens drastiques. Pour ne pas user de trucages, ils investissaient, dès l'aube, et durant plusieurs jours, le quartier de Wall Street, tournant entre 4h30 et 6 heures du matin avant que la ville ne se réveille. Parallèlement, ils ont pu obtenir l'autorisation des autorités policières d'interrompre la circulation automobile. La mairie de New York a accepté de ne pas utiliser ses éclairages, de même que les commerçants, qui ont consenti àéteindre leurs enseignes lumineuses durant les prises de vue. Un boulot faramineux, de qualité. Seul point me faisant tiquer : l'absence totale de changement de décors dans son évolution topographique. Après plusieurs mois, la nature commence logiquement à réinvestir les lieux. Or, tout semble lisse, comme si du RoundUp en masse avait été balancé dans tout New York.
Un peu dommage car le réalisme aurait vraiment été pousséà son maximum. Au niveau du son, Miklós Rózsa a fait de l'excellent boulot, amplifiant cette ambiance de fin du monde. Enfin, l'interprétation des acteurs est d'excellente qualité. L'acteur et chanteur Harry Belafonte peut exercer ses deux talents. Le film lui permet de chanter trois titres sur des airs de calypso, genre musical qu'il a lui-même inventé. Inger Stevens incarne aussi très bien son rôle, bien qu'elle puisse parfois naître ce côté"casse-couille". Enfin, Mel Ferrer, dans son regard noir, est au sommet.

On peut forcément reconnaître Le Monde, La Chair et Le Diable comme un film de SF de qualité certaine, ayant beaucoup de choses à offrir au spectateur, notamment dans son réquisitoire contre le racisme et les conflits mondiaux. En remettant le film dans son contexte d'époque, il n'est guère étonnant qu'il marquât le monde alors plongé en pleine Guerre Froide, en pleine course à l'armement et sa hantise de la bombe atomique. MacDougall traduit les peurs sur grand écran d'un tel désastre avec brio, tout en se permettant l'analyse sociologique d'un homme confrontéà la solitude, le faisant sombrer dans ses bas instincts. Dans un monde déserté, l'envie de la chair transformera les hommes en diables. Cependant, tout n'est pas non plus parfait. Le scénario n'a pas le développement le plus efficace qui soit et il y a un manque de réalisme dans l'évolution des décors au cours du temps.
Deux points qui plombent quelque peu la séance d'un film qui, à défaut d'être un chef d'oeuvre, peut se voir comme un film tout à fait recommandable pour passer une bonne soirée. Si son propos fut, à la fin de la Guerre Froide, quelque peu désuet, les événements actuels ont le mérite de nous faire réfléchir sur le devenir du monde. Alors que les USA et la Corée du Nord se livrent régulièrement à des jeux de tension pour montrer qui a le kiki le plus gros et le plus dur et que le cas de l'Iran fait polémique, l'ombre atomique ne fait que s'ancrer dans la conscience collective. Pris de plein fouet dans un monde où les rapports de force, guérillas et autres luttes sont toujours aussi tenaces, pourra-t-on envisager, un jour, de voir l'ombre se transmuer en réalité atomique et avec elle Le Monde, La Chair et Le Diable, un reflet immuable d'un monde futur désolé ?

 

Note :14,5/20

 

 

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Spawn - 1997 (Le grand guerrier de l'Armageddon)

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spawn 1997 film

Genre : fantastique, science-fiction (interdit aux - 12 ans)
Année : 1997
Durée : 1h36

Synopsis : Al Simmons, agent du service action, employé par une organisation gouvernementale secrète, est trahi par son supérieur, Jason Wynn, qui le fait périr dans l'explosion d'une usine d'armes biochimiques. Simmons se retrouve alors devant Malebolgia, seigneur des ténèbres. Il signe avec lui un pacte lui permettant de revoir sa femme. Il devra mener les armées du mal dans leur ultime combat. Simmons devient alors un guerrier infernal à la force et aux pouvoirs illimités : Spawn.            

La critique :

Il faut se rendre sur le site SensCritique, et en particulier sur le lien suivant : https://www.senscritique.com/liste/Les_plus_mauvais_films_de_super_heros/459987 pour découvrir le top 48 des pires films de super-héros, une liste foisonnante et exhaustive dans laquelle on trouve de nombreuses inepties cinématographiques, notamment Catwoman (Pitof, 2004), The Spirit (Frank Miller, 2008), Elektra (Rob Bowman, 2005), Superman 4 (Sidney J. Furie, 1987), Supergirl (Jeannot Szwac, 1984), Les 4 Fantastiques (Oley Sassone, 1994), L'Homme Araignée (E.W. Swackhammer, 1977), ou encore Captain America (Rob Holcomb, 1979).
Evidemment, l'auteur de cette liste (un certain "Meuk Meuk" en l'occurrence) n'a pas omis de mentionner Spawn, réalisé par les soins de Mark A.Z. Dippé en 1997.

A l'origine, le long-métrage est aussi l'adaptation d'une série de comics dessinés, écrits et scénarisés par Todd McFarlane et publiés par Image Comics. Durant les années 1990, les productions estampillées "super-héros" ont connu de sérieuses déconvenues commerciales. Batman Forever (Joel Schumacher, 1995) et Batman § Robin (Joel Schumacher, 1997) reflètent parfaitement cette période anomique et se sont chargées d'inhumer le justicier de Gotham pour longtemps.
Pour les thuriféraires, il faudra faire preuve de longanimité et patienter encore quelques années avant de revoir Batman renaître sous de meilleurs auspices via la trilogie amorcée par Christopher Nolan vers le milieu des années 2000. En outre, Spawn, le film, est un vrai cas d'école, une sorte d'aphorisme rédhibitoire adresséà l'industrie hollywoodienne.  

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Certes, Spawn est une pellicule ambitieuse nantie d'un budget plutôt confortable, mais incapable de transposer le matériel originel. Mais n'ayez crainte, nous allons largement nous appesantir sur ce "nanar" ubuesque qui, étrangement, n'a pas encore rencontré les ferveurs du site Nanarland... Un jour ou l'autre... Probablement ! Au moment de sa sortie, Spawn se solde évidemment par une rebuffade commerciale. Pis, les critiques et la presse spécialisées gourmandent et admonestent une production qu'elles jugent au mieux funambulesque. Reste à savoir si Spawn mérite de telles acrimonies.
Et au cas où vous n'auriez toujours pas compris, la réponse est évidemment positive. A contrario, l'adaptation de Mark A.Z. Dippé possède quelques rarissimes laudateurs. Certes, ces derniers admettent et reconnaissent le caractère ordurier de cette adaptation, mais décèlent dans cette oeuvre un certain potentiel, ainsi qu'un "capital sympathie".

Toutefois, l'auteur du comics, Todd McFarlane vitupérera à son tour le métrage de Mark A.Z. Dippé et s'excusera même auprès des fans de longue date. Afin de rattraper une telle débâcle artistique, le cacographe et dessinateur a promis une nouvelle adaptation beaucoup plus cérémonieuse et prévue (à fortiori) pour l'année 2019. Quant à Mark Dippé, on peut légitimement s'interroger sur le choix de ce cinéaste tâcheron sur les bords (pour être gentil). En outre, le metteur en scène est surtout spécialisé dans les longs-métrages d'animation.
Mais Mark Dippé reste avant tout un concepteur et un directeur des effets spéciaux. Sa profession de réalisateur reste vraiment subsidiaire, ce qui inaugure de bien mauvais présages pour une telle adaptation cinématographique. 

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La distribution de Spawn premier du nom se compose de Michael Jai White, Martin Sheen, John Leguizamo, Theresa Randle, Nicol Williamson, D.B. Sweeney, Melinda Clarke et Miko Hughes. A ce sujet, il est étonnant que cette série B dispendieuse ait pu coaliser un tel casting. Comment des acteurs tels que Martin Sheen et John Leguizamo ont-ils pu se laisser fourvoyer dans cette production pétomane ? Telle est la question en filigrane qui point lors du générique final. Mais ne nous égarons pas et revenons à l'exégèse du film. Attention, SPOILERS !
(1) Al Simmons, un agent des services secrets américain, est éliminé en mission dans une usine d'armes biochimiques sur l'ordre de son patron Jason Wynn. Arrivé en enfer, il conclut un pacte avec le démon Malebolgia dans le but de revoir sa femme Wanda.

En échange, il devra mener les armées du Mal dans leur ultime combat contre les forces du Bien. Simmons devient alors un guerrier aux pouvoirs surnaturels : Spawn. Mais entretemps, Wanda a refait sa vie avec Terry Fitzgerald, le meilleur ami de son défunt époux (1). Sur le fond, difficile de dire à quoi ressemble exactement Spawn, si ce n'est à une production protéiforme qui tergiverse entre le film fantastique, de science-fiction et d'action hétéroclite. En revanche, sur la forme, le métrage s'apparente à une publicitéà peine dissimulée de la console Playstation première version.
En effet, cette pellicule hideuse et ordurière contient toute une pléthore de cinémathèques réalisées en images de synthèse joliment surannées. Ainsi, chaque incursion du super-héros dans les limbes de l'enfer se solde systématiquement par l'apparition d'une créature dolichocéphale et par une sorte de salmigondis horrible et indescriptible.   

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Rarement, une adaptation de comics aura affiché une telle laideur sur un écran de cinéma.Même le générique de Spawn dénote par sa trivialité via une musique techno ou metal, des flammes et une voix-off des plus roturières. Mais ce qui agace le plus dans cette production licencieuse, c'est son indéniable potentiel. A l'aune du synopsis, difficile de nier le charisme de ce super-héros surgi des ténèbres. Spawn se démarque des super-héros habituels par ses pouvoirs pharaoniques. Mais le justicier taiseux et taciturne considère ses pouvoirs comme une tare et même comme une malédiction.
Tout d'abord conçu comme un simple film de vengeance, Spawn dérive prestement vers le drame familial. Présenté comme le grand guerrier de l'Armageddon, Spawn se transmute subrepticement en défenseur de la veuve et de l'orphelin, et même en soigneur de cabot... On croit fabuler...

Dans cette chienlit cinématographique, Michael Jai White est franchement à la peine. Bilieux, le comédien passe la plupart de son temps à gémir et à pousser des cris d'orfraie.
Au grand dam de l'interprète, le reste du casting ne fait pas beaucoup mieux. Il faudra notamment supporter les facéties pétomanes d'un John Leguizamo en mode cabotinage. Certes, on relève çà et là quelques effets visuels et maquillages plutôt réussis. Par exemple, un certain soin a été prodiguéà l'armure de Spawn et à certaines armes polymorphiques. Mais pour le reste, Spawn est au mieux une catastrophe ambulante qui ne parvient même pas à transcender un scénario prosaïque.
On comprend mieux pourquoi cette adaptation cinématographique a autant courroucé son principal démiurge.
Pourtant, par sa laideur, sa candeur et son aspect amphigourique, cette production écervelée dégage curieusement un charme indicible, celui d'un nanar décrépit devant lequel on préférera s'esclaffer.

 

Côte :Nanar

(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Spawn_(film)

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The Clones of Bruce Lee : bienvenue dans la Bruceploitation !

Heat (Le polar métronome de Michael Mann)

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Genre : policier, polar 
Année : 1995
Durée : 2h50

Synopsis :La bande de Neil McCauley à laquelle est venu se greffer Waingro, une nouvelle recrue, attaque un fourgon blindé pour s'emparer d'une somme importante en obligations. Cependant, ce dernier tue froidement l'un des convoyeurs et Chris Shiherlis se retrouve obligé de "terminer le travail". Neil tente d'éliminer Waingro, mais celui-ci parvient à s'échapper. Parallèlement, le lieutenant Vincent Hanna mène l'enquête...  

La critique :

Il faut se rendre sur le site SensCritique pour trouver le top 25 des meilleurs films de braquage de banque (Source : https://www.senscritique.com/top/resultats/Les_meilleurs_films_de_braquage_de_banque/212485). Dans ce classement foisonnant et exhaustif, les thuriféraires de ce registre cinématographique ne manqueront pas de notifier des films tels qu'Un Après-Midi de Chien (Sidney Lumet, 1975), Inside Man, l'homme de l'intérieur (Spike Lee, 2006), Une Journée en Enfer (John McTiernan, 1995), Bonnie et Clyde (Arthur Penn, 1967), Butch Cassidy et le Kid (George Roy Hill, 1969), ...Et pour quelques dollars de plus (Sergio Leone, 1965), ou encore Ocean's Eleven (Steven Soderbergh, 2001), pour ne citer que ces références incontournables.
Vient également s'agréger Heat, réalisé par les soins de Michael Mann en 1995.

En outre, le film de Michael Mann pointe à la troisième place de ce classement, c'est dire son impact, ainsi que sa prééminence sur le cinéma en général et le cinéma policier en particulier. Quant à Michael Mann, le scénariste, réalisateur et producteur américain a débuté sa carrière cinématographique vers la fin des années 1970, période pendant laquelle il signe plusieurs téléfilms et/ou épisodes de séries télévisées notables et notoires, entre autres, Comme un homme libre (1979), Les Incorruptibles de Chicago (1987) et L.A. Takedown (1989).
Michael Mann officie pour le noble Septième Art dès l'orée des années 1980. Le Solitaire (1981) constitue donc son tout premier long-métrage. Michael Mann enchaîne alors avec La Forteresse Noire (1983), un film maudit qu'il renie et ostracise en raison de plusieurs coupures de montages imposées par des studios hollywoodiens mercantiles et uniquement appâtés par le lucre et la profusion de prébendes.

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De surcroît, le tournage de La Forteresse Noire est émaillé par la mort de son responsable des effets spéciaux (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Michael_Mann). Corrélativement, durant cette période de "sinistrose" (si j'ose dire...), Michael Mann collabore et s'affaire à la production de plusieurs épisodes de la série télévisée Deux Flics à Miami. Le cinéaste jure, qu'un jour où l'autre, il signera une adaptation cinématographique vétilleuse. Sa requête sera finalement ouïe par les producteurs bien des années plus tard. En l'occurrence, Michael Mann peut s'enorgueillir d'une filmographie plutôt prestigieuse. Les laudateurs du metteur en scène citeront aisément Le Sixième Sens (1986), Le Dernier des Mohicans (1992), Ali (2001), Collateral (2004), Miami Vice : deux flics à Miami (2006), Public Ennemies (2009) et dernièrement Hacker (2015).

Dans le cas de Heat, le film recueillera les satisfécits et les flagorneries d'une presse et de critiques unanimement dithyrambiques. Pour l'anecdote, le métrage est aussi le remake de L.A. Takedown, déjà réalisé par Michael Mann six ans plus tôt. Pour le tournage de Heat, le cinéaste émérite s'entoure d'un casting homérique via les participations concomitantes de Robert de Niro, Al Pacino, Val Kilmer, Tom Sizemore, Diane Venora, Amy Brenneman, Dennis Haysbert, Ashley Judd, Ted Levine, Tom Noonan, Kevin Gage, John Voight et Danny Trejo.
En résumé, ce n'est pas n'importe quelle production qui peut s'enhardir de coaliser une distribution aussi soyeuse ! Certes, Keanu Reeves sera approché pour incarner le personnage de Chris Shiherlis, mais le comédien se désiste. 

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Allègre, Val Kilmer sera finalement l'heureux élu de cette loterie involontaire. L'acteur obtiendra, par ailleurs, l'un des meilleurs rôles de sa carrière.  Même remarque concernant le personnage de Michael Cheritto qui devait être interprété par Michael Madsen. Au dernier moment, le comédien sera pourtant suppléé par Tom Sizemore. Non seulement, Heat se soldera par un succès pharaonique au box-office américain, mais le film s'érigera également sur le haut des oriflammes en France, en Allemagne, en Italie et même au Royaume-Uni. Reste à savoir si ce film de braquage mérite de telles courtisaneries.
Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... Attention, SPOILERS ! (1) Une équipe de braqueurs prépare l'attaque d'un fourgon blindéà Los Angeles. Leur chef Neil McCauley (Robert de Niro) et ses complices Chris Shiherlis (Val Kilmer), Michael Cheritto (Tom Sizemore) et Trejo (Danny Trejo) peaufinent les derniers détails.

Pour réussir leur coup, ils engagent un nouvel associé, Waingro (Kevin Gage). Le braquage, pourtant planifié dans les moindres détails, tourne mal à cause d'une erreur de ce dernier et vire au bain de sang. Les braqueurs dérobent uniquement un lot de bons au porteur appartenant à un financier véreux, Roger Van Zant (William Fichtner). L'enquête sur le braquage est confiée à Vincent Hanna (Al Pacino), lieutenant aguerri de la police criminelle. Une lutte à distance va s'engager entre Hanna et McCauley... Avant la réalisation puis le succès de Heat, Michael Mann avait été touché par la disgrâce.
Ni Le Sixième Sens, ni La Forteresse Noire ne s'arrogeront l'indulgence du public. Certes, ces deux films obtiendront une certaine reconnaissance, mais bien des années plus tard. Pourtant, avec Le Dernier des Mohicans, Michael Mann déchaînera un peu plus les passions.

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Si le film remporte un succès d'estime, il n'ameute pas pour autant les foules dans les salles obscures. Avec Heat, Michael Mann se doit non seulement de confirmer, mais de glaner son premier coup commercial, surtout aux yeux des producteurs qui commencent sérieusement à fulminer... Le passé télévisuel de Michael Mann, désormais aguerri aux téléfilms et séries télévisées, se fait furieusement sentir. Le metteur en scène prend son temps pour planter ses personnages en déveine. Indubitablement, le cinéaste affectionne ses braqueurs empathiques.
Contre toute attente, Neil McCauley et son aréopage ne sont ni des terroristes, ni des sociopathes irréductibles. Seule la figure autocratique, voire psychopathique de Waingro fait figure d'exception. Ses coups de semonce (en l'occurrence de fusil...) sur des convoyeurs lui coûteront cher. 

Il perdra promptement la déférence d'un Neil McCauley vindicatif et décidéà jouer les redresseurs de tort. Mais le braqueur aspire désormais à une vie joviale et pérenne. Pour embrasser ce rêve lunaire, il doit réaliser une ultime forfaiture. Hélas, le renégat doit se colleter avec un champion de la police en la personne de Vincent Hannah. Derechef, Michael Mann n'épargne pas ce lieutenant taciturne et absent du domicile conjugal, au grand dam de son épouse (la troisième... déjà !). Dès lors, Michael Mann a la sagacité d'étayer un scénario généreusement alambiqué et marqué le sceau des divers protagonistes. Les amateurs du réalisateur notifieront à raison les saynètes cultissimes, notamment la scène de l'attaque d'une banque, puis la rencontre d'infortune entre Al Pacino et Robert de Niro, un choc de légende comme l'assène judicieusement l'affiche du film.
Mais il serait bien réducteur de condenser presque trois heures de film (2 heures et cinquante minutes pour être précis) à un face à face prestigieux. Heat, c'est avant tout cet espace étriqué qui s'amenuise au fil des pérégrinations de Neil McCauley et de sa bande. La toile fixée et déployée par Vincent Hannah se referme... Inexorablement. En grand métronome, Michael Mann prendra soin de se polariser sur les amertumes de ses divers protagonistes. Hannah et McCauley se ressemblent. Seule dissimilitude et pas des moindres, l'un des deux hommes a épousé la justice pendant que l'autre s'est accointé avec le banditisme. Heat atteint son firmament dans ses nombreux moments de grâce que Michael Mann magnifie lors d'un prologue en apothéose. Tout simplement un très grand polar !

Note :17/20

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El Topo (Le mouvement Panique ou l'art de la pataphysique)

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Genre : western, inclassable, expérimental (interdit aux - 16 ans)
Année : 1970
Durée : 2h05

Synopsis :Hors-la-loi, El Topo défit pour l'amour d'une femme les Quatre Maîtres du Désert. Les ayant vaincus, sa conscience s'élève jusqu'à ce que sa femme le trahisse. Sa nouvelle vie d'homme saint commence alors, et El Topo s'engage dans la libération d'une communauté de parias.   

La critique :

Pour ceux et celles qui suivent régulièrement l'actualité de Cinéma Choc (soit trois ou quatre personnes dans le monde, tout au plus), ils savent que le blog vénère, adule, divinise et déifie le cinéma d'Alejandro Jodorowsky, un artiste protéiforme, à la fois cinéaste, auteur de bandes dessinées, scénariste, mime, romancier, essayiste, poète et grand adepte du mouvement Panique initié par Roland Topor et Fernando Arabal en leur temps (vers la fin des années 1960).
En outre, Alejandro Jodorowsky n'a jamais caché son extatisme ni son effervescence pour le surréalisme, le mysticisme, la nécromancie, le tarot divinatoire et la psychomagie, autant de néologismes qui pourraient être regroupés, au risque d'être péjoratif et/ou lapidaire sous le terme de pataphysique ; une science ou plutôt un art qui correspond à un dérivé de tout ce qui touche - de près ou de loin - à la métaphysique.

Que ce soit à travers ses essais littéraires ou cinéphiliques, Alejandro Jodorowsky a toujours prisé et affectionné ces personnages insolites évoluant, bon gré mal gré, dans un univers hétéroclite, épars, dégingandé et modulé par la magie, le cirque, les "freaks", le lilliputiens et toute une pléthore de saynètes à la fois gore et truculentes. A contrario, cet aspect pittoresque est parfois galvaudé par une certaine résipiscence, de sentiments piaculaires liés à la religion et à ses dérives sectaires, des personnages incongrus, ainsi qu'à une cruauté inhérente à l'âme humaine...
Tous ces éléments à la fois agrégés, morcelés et tarabiscotés témoignent, in fine, d'une société humaine en déréliction fragmentée par la guerre, ses penchants archaïques et reptiliens, et dévoyée par le pouvoir, la soif de sexe et de satyriasis, entre autres... 

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En l'occurrence, la carrière cinématographique d'Alejandro Jodorowsky démarre vers la fin des années 1950 via La Cravate (1957), un court-métrage qui lance d'emblée les animosités disparates de l'artiste. Mais pour Alejandro Jodorowsky, il faudra faire preuve de longanimité et patienter jusqu'à la fin des années 1960 avec Fando et Lis (1967), un long-métrage qui est l'adaptation d'une nouvelle éponyme de Fernando Arrabal. Présenté en avant-première au Chili lors du festival d'Acapulco, le film déclenche l'ire et les acrimonies du public qui se révolte en pleine salle devant tant de virulence et de déchaînement de violence. Le public courroucé réclame carrément la tête, puis le lynchage de Jodorowsky !
Que soit. Cette première forfaiture ne minorera aucunement les ardeurs véhémentes et impudentes de l'artiste, loin de là.

Via ce tout premier film, le metteur en scène affine et affirme déjà ce goût prononcé pour l'outrecuidance. Impression corroborée par son second long-métrage, intituléEl Topo, et sorti en 1970. Indubitablement, depuis la sortie de Fando et Lis, Alejandro Jodorowsky a encore évolué vers d'autres stratosphères divergentes. L'influence "bédéesque" se fait furieusement sentir puisqu'El Topo est une adaptation (très) libre du Mont Analogue de René Daumal. De surcroît, El Topo fait aussi écho aux multiples bandes dessinées griffonnées, scénarisées, conçues et ratiocinées par "Jodo" lui-même. El Topo est donc pensé comme un western métaphysique qui emprunte évidemment au surréalisme et aux lois irréfragables de la pataphysique. Toujours la même antienne...
En sus, El Topo sort dans un contexte sexuel, sociologique et culturel en pleine insubordination et qui rabroue les dogmes de la société patriarcale. 

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Dès lors, le film d'Alejandro Jodorowsky va revêtir les oripeaux arrogants de la contre-culture. Ce n'est pas un hasard si El Topo est considéré comme le tout premier "Midnight Movie", soit les films diffusés à minuit dans certaines salles indépendantes aux Etats-Unis, un mouvement auquel se conjugueront plusieurs artistes prééminents, notamment David Lynch et John Waters. A l'époque, El Topo est même répertorié parmi les meilleures productions du monde. Le métrage éblouit John Lennon. Le chanteur du groupe The Beatles adoube et encense le film de ses satisfécits.
Enjoué, l'artiste émérite se proposera même de financer le troisième long-métrage de Jodorowsky, La Montagne Sacrée (1973). En dépit de sa violence, El Topo ne déclenchera pas les mêmes scandales que Fando et Lis, mais écopera tout de même d'une interdiction aux moins de 16 ans.

El Topo s'arrogera même plusieurs augustes récompenses, entre autres le prix Ariel de la meilleure photographie en 1972, ainsi que le prix spécial du jury au festival international du film fantastique d'Avoriaz en 1974. Pour l'anecdote, Jodorowsky signera même une suite àEl Topo, mais sous le format bande dessinée, Les Fils d'El Topo (2016). La distribution du film se compose d'Alejandro Jodorowsky (à la fois devant et derrière la caméra), Robert John, Mara Lorenzio, David Silva, Paula Romo, Jacqueline Luis et Brontis Jodorowsky. Attention, SPOILERS !
Un pistolero énigmatique, El Topo, sillonne des territoires hostiles avec son jeune garçon. Il affronte les bandits en travers de sa route et délaisse son fils après avoir sauvé la belle Mara, qui le met au défi de tuer les quatre grands maîtres du désert. Une grande quête métaphysique va commencer pour lui. 

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Au moment de sa sortie, El Topo fait office de long-métrage novateur et atypique puisqu'il bouscule allègrement les codes du western, registre dont il se réclame. Contre toute attente, ce sont ces mêmes atypicités qui rendent El Topo aussi unique et amphigourique. Difficile de décrire avec parcimonie une telle pellicule. Pour la première fois dans l'histoire du Septième Art, un artiste orfèvre se permet d'imbriquer la figure iconique du western (ici, un pistolero du nom d'El Topo) à diverses élucubrations fantasmagoriques. Indubitablement, Alejandro Jodorowsky et son propre personnage se ressemblent. El Topo correspond donc à une longue introspection qui se segmente en plusieurs sections bien distinctes. Ainsi, la première partie s'apparente à une sorte de cauchemar sanguinolent. 
Alors qu'il débarque dans une petite communauté avec son fiston et sur son fidèle destrier, El Topo découvre un carnage ensanglanté.

Toute la folie et la barbarie des hommes sont ici représentées : un cadavre d'enfant gît sur un pic acéré, plusieurs cadavres putrescents agonisent sur le sol, l'eau en raréfaction se nimbe à son tour de tonalités martiales et rougeoyantes... Le cowboy taiseux est exhorté par une jeune femme de passage à expier ses propres péchés. C'est la seconde partie d'El Topo. Cette fois-ci, le long-métrage s'auréole de fulgurances et de symboles mystiques. Ainsi, chaque image prend une consonance symbolique et ésotérique. Le discours suit toujours peu ou prou la même rhétorique.
A tort, le cavalier taciturne croit ingénument que c'est la religion qui va lui redorer son blason en déliquescence. Une chimère. Au risque de nous répéter, Jodorowsky affectionne tout particulièrement des personnages en déveine et dévoyés par les turpitudes de notre société humaine. 

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En ce sens, El Topo ne fait pas exception. Au cours de ses pérégrinations, le pistolero éberlué va découvrir toute la perniciosité et l'obséquiosité de l'âme, ainsi que les roueries d'une religion gangrenée par la guerre, ses prébendes, ses fidèles dévots et cette intempérance pour l'obscurantisme. Pour "Jodo", l'expiation de ses péchés, ainsi que la recherche d'une paix intérieure ne peuvent se résoudre, ni trouver une certaine pérennité grâce à la religion, ni à ses dérives sectaires. Cette intériorité, ou plutôt cette félicité narcissique se trouve dans ce travail d'autoscopie mentale, dans une analyse systémique spinescente et par diverses rencontres d'infortune, tous ces éléments font finalement office de catalyseurs à cette recherche de béatitude lunaire. Là aussi, une hérésie.
A travers El Topo, Alejandro Jodorowsky allie et conjugue à la fois théorie, théocratie, mysticisme et surréalisme pour aboutir à une expérience cinématographique unique. Les thuriféraires de "Jodo"érigeront à raison El Topo parmi les meilleures réalisations du cinéaste iconoclaste. En revanche, les néophytes risquent de maronner et de clabauder après un western sérieusement alambiqué.

Note : 17/20

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Double Suicide à Amijima ("Je t'aimerai à la vie, à la mort")

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Genre : Drame, expérimental 

Année : 1969

Durée : 1h45

 

Synopsis :

Jihei est un petit marchand de papier dont les affaires ne fonctionnent pas très bien. Il est mariéà Osan dont il a des enfants, mais entretient depuis des années une relation avec une courtisane qu'il promet de racheter régulièrement. Leur relation est malheureusement sans avenir et les deux amants décideront de mourir ensemble un soir à Amijima.

 

La critique :

Dans les années 60, de profonds remaniements dans le paysage cinématographique nippon se font observer. Un instrument devenu hantise des maisons de production a fait son apparition dans les foyers : la télévision. Alors que celles-ci subissaient un déclin d'audience inquiétant, il fallait pour elles transformer la conception même du cinéma telle qu'elle fut instaurée avec Ozu, Naruse et Mizoguchi dont le classicisme observé ne passionnait plus ni les foules, ni même les critiques. Il fallait du sang neuf, de nouveaux talents qui redéfiniraient les codes pour apporter un vent de fraîcheur. Comprenez bien que c'était une réconciliation entre le peuple et le cinéma qui se devait d'être faite pour éviter le spectre de la faillite. Si à côté, certains se lancèrent dans le projet du pinku eiga, d'autres restaient sur des trames plus ou moins sages. Officiellement, Yasuzo Masumura fut un précurseur à la Daiei voyant son tout premier film, Les Baisers, sorti en 1957 et succès critique et public, se démarquer de ses contemporains. Bien avant que le terme de Nouvelle Vague n'existe, lui et Nakahira effectuaient un travail de rupture.
Mais que soit, les belles années du renouveau arrivèrent et avec elles des talentueux cinéastes tels que Nagisa Oshima, Shohei Imamura, Yoshishige Yoshida,Toshio Matsumoto et Masahiro Shinoda qui suscitera à nouveau notre intérêt après la chronique du très bon Fleur Pâle. Soucieux d'affirmer son propre style, de poser un regard différent sur le Septième Art, il se forge progressivement un style très formaliste. Avec l'incident de Fleur Pâle et du scandale qu'il engendra vis-à-vis de la censure, il fondera sa propre compagnie indépendante afin de pouvoir être en roue libre et sans contrainte diverse pour ses futures réalisations.

S'il est considéré comme l'un des principaux emblèmes de la méconnue Nouvelle Vague Japonaise, sa renommée restera moindre, comparé aux Oshima, Imamura et Yoshida dont les oeuvres furent mieux mises en valeur au niveau international. Aujourd'hui, Cinéma Choc revoit pour une énième fois ce mouvement bien trop oublié au vu de sa grandeur qu'il n'est plus nécessaire de présenter. Chose effectuée avec Double Suicide à Amijima qui est basé sur la pièce écrite en 1721 par Monzaemon Chikamatsu, nommée Suicide d'Amour à Amijima. Autant dire que le cinéaste n'a pas eu froid aux yeux en adaptant un récit créé par celui qui est surnommé le Shakespeare japonais et qui est considéré comme le plus grand dramaturge japonais. Rien que ça ! Alors que le pari pouvait mener à un véritable fiasco et discréditer Shinoda, il n'en sera rien vu qu'il sera cité parmi les plus célèbres films de cette période.
Encore une fois : rien que ça ! Sachant ma fascination pour ce pan cinématographique très peu mis en valeur par les maisons d'édition où les statuts de chef d'oeuvre furent légions (je renvoie à mes nombreuses chroniques ratissant la plupart des éminences de cette époque), mon entrain était bel et bien là. Alors que mon habituelle session d'examens de rattrapage se déroulait étonnamment bien, je me permis un petit plaisir, une bouffée d'oxygène pour faire relâcher la pression avant celui de lundi. Shinoda parviendra-t-il à me convaincre aisément une seconde fois ? NB : Au vu de la superbe de l'esthétique, je me permettrais d'intégrer un peu plus d'images que d'habitude. Au moins, vous avez déjà un aperçu de ce que je pense du film. Désolé pour le suspens...

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ATTENTION SPOILERS : Jihei est un petit marchand de papier dont les affaires ne fonctionnent pas très bien. Il est mariéà Osan dont il a des enfants, mais entretient depuis des années une relation avec une courtisane qu il promet de racheter régulièrement. Leur relation est malheureusement sans avenir et les deux amants décideront de mourir ensemble un soir à Amijima.

Le fait d'avoir intégré la mention "expérimental" en-dessous de cette très belle et mélancolique pochette ne tient pas du hasard. En effet, l'histoire s'ouvre sur les préparatifs d'une pièce de bunraku (le théâtre de marionnettes japonais), une voix se fait entendre, probablement celle du directeur discutant avec un assistant pour trouver un emplacement pour l'avant-dernière scène du suicide des amants. Le débat entre eux met en valeur une réflexion sur le sens et l'importance du décor dans l'acte qui sera perpétré. Nous serons mis au courant du cimetière ayant un sens profond dans les traditions japonaises, sans que ça n'occulte le réalisme. Dès le début, au vu de la dimension artistique prépondérante, je savais que j'allais me retrouver devant du grand cinéma. Et les choses prendront alors une tournure encore plus inhabituelle lorsque ces marionnettes seront subitement remplacées par de vrais acteurs qui évolueront dans le scénario défini auparavant. Avec ce choix, Shinoda s'imprègne complètement du récit, le modelant à sa guise sans qu'il ne s'éloigne de l'objectif final.
L'imaginaire du théâtre et les rêves qu'il transmet deviennent réalité après que le directeur ait dit ne rien vouloir balayer du réalisme. Le théâtre, sous son apparat d'instruments dénués de vie, peut être réaliste, peut nous faire voyager. La première séquence verra nos deux personnages clés : Jihei, un marchand dont l'entreprise ne fonctionne guère, et de l'autre Koharu, une courtisane d'une maison de plaisir de luxe. Jihei, homme marié avec deux enfants, n'a d'amour que pour Koharu qu'il veut à tout prix acheter mais la somme demandée est faramineuse : 150 pièces d'or. Une fortune qu'il ne peut donner, alors qu'un vil et dédaigneux homme fortuné est prêt à l'acheter. 

Ces deux amants sont piégés par une fatalité qu'ils ne semblent guère être en mesure de s'en émanciper. Shinoda expose la réalité sociétale de jadis. Les conventions sociales ont une importance de tout premier plan. Un homme affriolé par une courtisane est quelque chose de mal vu, qui plus est quand il a une famille à nourrir. La vie de famille est quelque chose de sacré au pays du Soleil Levant et toute entorse ne mène qu'à la ruine, l'humiliation et finalement au reniement. Jihei, malgré son mariage, n'est pas heureux. Il ne fornique plus avec sa femme et seul son coup de foudre a de l'importance. Magoemon, le frère de Jihei, effaré par de tels événements sordides, se déguisera en samouraï en sachant le projet des deux amants : un double suicide pour se retrouver dans l'au-delà et en finir avec cette vie qui n'est que souffrance morale et contraintes les cloisonnant dans un mode de vie dans lequel ils ne se reconnaissent plus. Une mise en scène dans le but de sauver Jihei du suicide aboutira au plan voulu.
Jihei, persuadé de la trahison, répudiera Koharu. Du moins, dans un premier temps car l'amour qu'il a envers elle est trop fort. Sa femme abandonnée, connaissant pourtant ces batifolages et son infidélité, lui est soumise moralement, excusant presque ses dérapages, alors que les conflits familiaux prennent de l'ampleur après un acte de parjure. Ils veulent mettre fin à leur relation afin de sauver Osan du déshonneur et lui trouver un meilleur mari. Ayant eu connaissance de la mise en scène du début, Jihei s'enfuira avec Koharu et passeront à l'acte. Il transpercera Koharu avec son sabre et ira ensuite se pendre sur une colline. 

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Il y a de nombreuses choses à dire sur ce film. Tout d'abord, la thématique du double suicide n'est pas des plus originales chez les japonais. Ses origines remontent dès le XVIIème siècle et le sujet a donc été traité de nombreuses fois. Un tel constat, dans les mains d'un réalisateur bancal, n'aurait au mieux donné qu'un énième rouage du genre, certes, potable mais au final sans quelconque personnalité. Shinoda va réaliser un tour de force, si ce n'est un coup de maître en réinterprétant complètement la thématique du théâtre et du cinéma qu'il va conjuguer. Vous vous rappelez du premier paragraphe où je parlais de la notion de théâtre et de réalisme. Vous deviez penser que le propos allait s'arrêter juste à ce constat. Et bien non ! Visionner Double Suicide à Amijima est découvrir un film complètement en dehors des espaces que nous nous sommes forgés. Outre les obligations sociales et les sentiments personnels qui ne sont des seconds niveaux de lecture, au final, peu importants, c'est toute la mise en scène qui va conférer une puissance aussi originale qu'inattendue. Le réalisateur va repousser la dimension théâtrale en brisant les frontières à coup de masse et surtout sans que ça ne choque le moins du monde.
Les personnages ont un comportement en adéquation avec la dramaturgie, exagérant leurs émotions, submergés par la tristesse d'un destin qu'il leur est impossible d'atteindre, demandant juste àêtre heureux. Mieux encore, il va intégrer des kuroko qui auront une importance de tout premier plan dans le déroulement du récit. Késako ? Les kuroko sont des machinistes entièrement vêtus de noir du théâtre japonais ayant un grand nombre de fonctions comme déplacer les décors et accessoires sur scène, aider au changement de scène et de costumes. Le noir signifie qu'ils sont invisibles et ne font pas partie de l'action. 

Du moins en théorie car les kuroko manipulent les personnages comme ils manipuleraient des marionnettes. Le champ est constamment traversé par ces âmes fantomatiques, cassant le déroulement réaliste de l'histoire. C'est une réflexion sur le destin qu'ils nous proposent vu qu'ils aideront les amants à se retrouver dans la mort. La scène de la pendaison assistée par ces kuroko en sera l'exemple le plus frappant. A côté, les décors se montrent être des scènes de théâtre, chose confirmée lorsque Jihei renversera tous les murs de sa maison avec ses mains. Les changements de séquence se feront parfois par l'intermédiaire d'un mur tournant où les personnages se dirigeront pour la transition suivante.
L'action pourra parfois être stoppée, le narrateur nous expliquant des points importants ne pouvant être visualisé comme cette lettre adressée à Koharu que deux mains prendront pour la mettre face caméra. Le narrateur omniscient expliquera le détail des événements plus d'une fois. Le style assumé de A à Z pourra autant déstabiliser qu'il fascinera, promouvant Double Suicide à Amijima comme l'un des exemples les plus représentatifs du cinéma d'avant-garde et de cette volonté de s'extirper du classicisme de jadis. Les images parlent d'elles-mêmes. Si sa difficulté d'accès n'est aucunement surprenante, force est de constater que l'attraction est instantanée pour celui qui acceptera ce choix, ne s'ennuyant pas le moins du monde durant une trop courte durée de 1h40 au vu de l'expérience proposée.

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Et j'en viens maintenant au visuel du film, tout simplement hallucinant de beauté. Son goût prononcé pour l'esthétisme nous fait saliver de la bouche comme des yeux. Le noir et blanc offre un résultat de grande qualité où le choix des ombres et des lumières charmera les plus réfractaires. Pourtant, pas de stylisation à outrance et trop de clinquant. Le minimalisme formel des décors séduit irrémédiablement et du simple naquit le luxe sans quelconque fioriture. Les plans aideront beaucoup à cela en apportant une grande place aux décors qui sont aussi des acteurs à part entière dans un théâtre, tout en filmant les émotions en parallèle via les traditionnels gros plans.
La bande sonore s'inscrit dans la tonalité mélancolique propre au récit et enfin l'interprétation des acteurs sera de qualité certaine avec Kichiemon Nakamura, Shima Iwashita jouant à la fois le rôle de Koharu et de Osan, Shizue Kawarasaki, Yusuke Takita ou Tokie Hidari. On pourra comprendre que certains trouveront les scènes de larme un peu trop exagérées. Moi-même dois bien avouer avoir parfois partagé ce point de vue mais c'est le style qui veut ça. On aimera ou on détestera mais en aucun cas, Shinoda n'aura de but que de vouloir tirer des larmes au spectateur en poussant le drame à des stades grotesques. La tristesse fait partie de la dimension théâtrale, ce qui est un très bon point.

Vous comprendrez bien qu'il n'est pas facile d'aborder et de chroniquer un film comme Double Suicide à Amijima tant la mise en scène et la narration déboussoleront complètement le spectateur qui n'a pas été mis au courant de la chose. Mais quel résultat ! Quelle prise de risque osée qui s'est avérée plus que payante ! A travers une tragédie lorgnant dans le "shakespearien", Shinoda s'approprie les codes du théâtre qu'il triture pour les lier aux codes cinématographiques qu'il déstabilise bien plus fortement. Mêler ces deux domaines était culotté mais le traitement est tel que cette association en est devenue synergique sans que l'une des deux dimensions n'éclipse l'autre. Alors que nous aurions pu être en droit d'attendre le pire, c'est un authentique coup de maître que crée l'énergumène qui n'a pas du tout eu froid aux yeux. L'esthétique revendiquée renforce la tonalité et la force du récit, passant parfois plus au premier plan que l'histoire elle-même. Une observation facile renforçant le statut d'esthète qu'est Shinoda. S'il est malheureux de dire que le réalisateur n'ait pas eu une renommée aussi importante, c'est peut-être parce que celui-ci privilégiera plus le plaisir des sens et le sensoriel, ce qui explique sa difficulté d'accès.
A travers cette histoire d'amants redoutant la mort qu'ils ont pourtant choisi, le film d'amour vit, cette année-là, une singularité faire surface sans aucun autre équivalent dans le Septième Art. Beau, profond, souvent dur et cruel, Double Suicide à Amijima s'illustre comme une leçon de cinéma, une expérience unique en son genre qui rendrait quiconque amoureux momentanément du film d'amour, un régal pour cinéphile trop peu connu, en raison du cachet "Nouvelle Vague Japonaise", que je suis fier de mettre en valeur en martelant que ce courant est sans nul doute l'une des plus grandes splendeurs de l'histoire du cinéma.

 

Note :17,5/20

 

 

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Vous connaissez Dementia de John Parker ?

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Aujourd'hui, Cinéma Choc vous propose de découvrir le film Dementia (John Parker, 1955) à travers une vidéo publiée sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=Ffvy0XJdtBA&t=9s. A noter que vous pouvez trouver aussi la chronique du long-métrage sur le blog (Source : http://cinemachoc.canalblog.com/archives/2017/09/07/35649808.html).

Le Blob - Danger Planétaire (L'invasion de la masse gélatineuse venue de l'espace)

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Genre : horreur, épouvante, science-fiction 
Année : 1958
Durée : 1h26

Synopsis :Steve et Anne, un couple d'adolescents, sont témoins de la chute d'une météorite. La chose informe venue de l'espace s'accroche au bras d'un vieil homme et n'aura, dès lors, de cesse de se transmuer en masse visqueuse qui dévore tout sur son passage. Steve et ses amis vont tout faire pour avertir la ville que la vie de ses habitants est en danger

La critique :

Durant les années 1950, la science-fiction et l'horreur s'allient, se coalisent et se conjuguent pour mieux se polariser une menace exponentielle et à priori irréfragable. Son nom ? L'arrivée inopinée de l'ère atomique dans une société de plus en plus obnubilée par les technologies et ses diverses martialités. A la sortie de la Seconde Guerre mondiale et après la défaite de l'Allemagne d'Hitler, les belligérances ne sont pas terminées, loin de là. Russes et Américains se disputent la couronne de la nation la plus hégémonique dans un monde encore tuméfié par le nazisme et sa peste concentrationnaire.
C'est le début d'une lutte interminable entre le capitalisme et le communisme. Deux idéologies antagonistes s'opposent, inexorablement. Deux dictatures différentes s'empoignent pour le devenir d'une humanité en déréliction.

Evidemment, cette animosité acharnée inspire le noble Septième Art, ainsi qu'une quantité apoplectique d'oeuvres horrifiques et science-fictionnelles. Dès 1951, Robert Wise lance les inimitiés avec Le Jour où la Terre s'Arrêta. Désormais, ce n'est plus seulement notre planète qui est menacée par l'avènement du nucléaire, mais la cosmogénèse dans sa globalité. Corrélativement, d'autres productions se transmutent en des métaphores sur la menace communiste via l'arrivée impromptue d'extraterrestres aux intentions belliqueuses. C'est par exemple le cas de La Guerre des Mondes (Byron Haskin, 1953), La chose d'un autre monde (Christian Nyby, 1951), Les Envahisseurs de la Planète Rouge (William Cameron Menzies, 1953), ou encore de Les Soucoupes Volantes Attaquent (Fred F. Sears, 1956). En sus, l'humanité se nimbe de pulsions archaïque et primitives quitte à se métamorphoser en une société séditieuse et exsangue de la primauté de son âme. 

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Impression corroborée par L'Invasion de Profanateurs de Sépultures (Don Siegel, 1956). Il était donc logique que cette allégorie d'une humanité en désuétude se transmue, un jour ou l'autre, en une masse visqueuse, disgracieuse et difforme via Le Blob - Danger Planétaire, un film d'horreur et de science-fiction réalisé par les soins d'Irvin S. Yeaworth Jr. en 1958. A noter que le film est parfois sorti sous les noms de The Blob, Fluide Mortel, Blob - Terreur sans nom, ou de Danger Planétaire. A l'origine, cette bisserie diffusée dans les drive-in devait s'intituler The Molten Meteor.
Les scénaristes envisagent leur créature comme une création issue d'un météore, tout du moins d'un monstre à consonance cosmologique, voire militaire pour les besoins d'une Troisième Guerre Mondiale. Or, les cacographes optent, in fine, pour l'invasion extraterrestre.

Le supputations scientifiques et expérimentales deviendront les principaux leitmotivs du remake de 1988, Le Blob (Chuck Russell, 1988). A l'époque, Irvin Yeaworth fait presque office de réalisateur noviciat dans le petit monde étriqué du cinéma bis. Avant Le Blob - Danger Planétaire, le cinéaste a surtout officié derrière des séries B impécunieuses, entre autres Dinosaurus ! (1960) et 4D Man (1959). Après Le Blob, le metteur en scène d'origine germanique disparaîtra subrepticement des écrans radars. Certes, à l'instar de La Guerre des Mondes et de ses nombreux succédanés, Danger Planétaire fait souvent office de pellicule propagandiste qui s'inquiète d'une invasion communiste aux relents putatifs.
En outre, cette peur infrangible des bolcheviks et de leurs scansions pernicieuses se métamorphose en une masse immonde, comminatoire et glutineuse. 

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Au moment de sa sortie, Le Blob - Danger Planétaire défie tous les pronostics et devient la nouvelle égérie du cinéma bis. Mieux, le film s'inscrit carrément dans la culture populaire américaine. Trois décennies plus tard, le réalisateur Chuck Russell signera un remake, Le Blob (précédemment mentionné). Mais le film de Sean Yeaworth connaîtra une suite, Attention au Blob ! (Larry Hagman, 1972), ainsi qu'un remake grec, L'Attaque de la Moussaka Géante (Panos H. Koutros, 1999). Avec le temps, le monstre protéiforme et gélatineux et donc envisagé sous l'angle de la truculence et du pittoresque. A contrario, tous ces éléments témoignent de la prégnance de la version de 1958 sur la scène américaine, puis internationale. Le Blob permet également d'apprécier la toute première apparition de Steve McQueen au cinéma. A l'époque, le comédien n'est pas encore la star proverbiale qu'il deviendra par la suite.

Viennent également s'agréger, au niveau du casting, Aneta Corsaut, Earl Rowe, Olin Howland, Elbert Smith, Hugh Graham, Anthony Franke et George Karas. Attention, SPOILERS ! (1) Steve et Anne sont deux adolescents amoureux, en plein rendez-vous romantique. Alors qu’ils regardent le ciel à la recherche d’étoiles filantes, ils voient tout à coup une météorite s’écraser sur la ville de Downingtown. Curieux, ils décident d’aller voir de plus près de quoi il retourne. La météorite, qui porte en son sein le Blob, s’est écrasée non loin de la maison d’un vieil homme.
Celui-ci s’approche de la chose et, intrigué, la pousse à l’aide d’un bâton. Elle s’ouvre alors en deux, révélant une masse visqueuse, gélatineuse et informe qui s’accroche au bout du bâton. Le Blob est lâché. Il s’accroche à la main du vieillard qui, terrifié, se met à courir sur la route. Il rencontre alors Steve et Anne, qui arrivent à ce moment-là. 

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Les deux adolescents tentent d’aider le vieil homme à se débarrasser du Blob. Mais n’y arrivant pas, ils décident de le conduire chez le docteur Hallen. Lorsque ce dernier l’examine, le Blob a grandi, emprisonnant tout le bras de la victime. Steve et Anne retournent alors sur place, pour tenter de trouver des indices et essayer de comprendre ce qui s’est passé, laissant le vieil homme seul avec le médecin (1). A l'aune de cette exégèse, difficile de ne pas se gausser d'un scénario aussi prosaïque ! Paradoxalement, Le Blob - Danger Planétaire est une production joliment surannée qui flagornera, sans sourciller, les thuriféraires de cette horreur et de cette science-fiction de jadis.
Indubitablement, le manque de budget se fait furieusement sentir. Pas question de débuter le film en fanfare ni d'arborer des extraterrestres dolichocéphales, ou encore des effets spéciaux pharaoniques !

En outre, le Blob s'apparente presque à un monceau de chewing-gum qui écume les cités urbaines et les communautés champêtres pour mieux appâter ses victimes. Certes, l'affiche de Danger Planétaire montre un Steve McQueen aux oripeaux lacérés et déguenillés... L'acteur est appeléà devenir à posteriori cette tête de gondole, ainsi que cette figure hiératique et adoubée par la gente féminine... Une chimère... La star se nomme évidemment le Blob et vient chiper la vedette au reste du casting famélique. En l'occurrence, les gaucheries et le manque de direction d'acteur sont hélas ostentatoires dans cette petite production réalisée par un cinéaste manchot et tâcheron sur les bords.
De facto, merci de fermer les mirettes sur la caducité de la mise en scène. On préférera aussi phagocyter le jeu timoré des acteurs, Steve McQueen en tête, ainsi que l'inanité de certaines conversations sibyllines.

En revanche, Le Blob - Danger Planétaire se rattrape lorsqu'il se polarise sur sa masse visqueuse et nantie d'une taille proportionnelle à son nombre pléthorique de victimes. Voilà que le Blob s'en prend à une salle de cinéma et à son armada de spectateurs éberlués ! Pour une fois, le remake se montrera beaucoup plus cérémonieux que son auguste épigone. Pour le reste, on éludera de qualifier cette version pionnière de "nanar" nonobstant son aspect désargenté et la frugalité de sa trame narrative. Le spectateur avisé verra dans cette oeuvre eschatologique une parabole, voire une hyperbole, sur le maccarthysme, alors très prégnant dans les années 1950.
Non, contre toute attente, Le Blob - Danger Planétaire n'est pas aussi ingénu qu'il en a l'air. Toutefois, ma note finale fera preuve toute de même d'une certaine mansuétude...

 

Note :11/20

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(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Danger_planétaire

Alice - 1988 (Inquiétant imaginarium)

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Genre : Animation, aventure, fantastique

Année : 1988

Durée : 1h26

 

Synopsis :

Alice est dans sa chambre lors qu'un lapin empaillé revient à la vie et s'enfuit. La jeune fille décide de le suivre à travers le tiroir d'un bureau.

 

La critique :

Pas évident que d'aborder le cas du cinéma tchèque de part une confidentialité fort marquée, hors des milieux cinéphiles. Pourtant, si je vous cite Milos Forman, nul doute que vous saurez de qui il s'agit vu qu'il fut très certainement le cinéaste qui permit une reconnaissance internationale de ce petit pays sortant d'une douloureuse époque marquée par le parti communiste tchécoslovaque exerçant une surveillance de haut niveau sur cet Art. On le savait déjàà l'époque mais le cinéma pouvait être vu comme une arme idéologique, un instrument pouvant influencer les masses, renforcer leurs idéaux ou, à l'inverse, les inciter à la colère. Inutile de vous parler de Sergueï Eisenstein et Leni Riefenstahl, deux personnalités au service de leur régime totalitaire respectif.
Si Forman demeure le chef de file du Septième Art tchèque, on se permettra de citer Jiri Menzel et Jan Svankmajer qui nous fera les honneurs d'une chronique aujourd'hui. Ou plutôt devrais-je dire d'une seconde chronique car son oeuvre Les Fous (aussi connu sous le nom de Lunacy) a bénéficié de la ferveur du blog. Le choix se portera sur le dénomméAlice, inspiré du très célèbre conte "Alice au Pays des Merveilles", sorti en 1988 et étant le premier long-métrage du Monsieur. Une traduction lancée à l'international, alors que le titre original était plus précis : Neco z Alenky signifiant "Quelque chose d'Alice". Tout d'abord, il convient de dire que cette pellicule sortit dans un contexte politique particulier. 

A la fin des années 80, la République Tchèque était toujours sous le joug d'une dictature communiste qui, comme je vous l'avais dit juste au-dessus, contrôlait sévèrement la production cinématographique, n'autorisant que les films de propagande et les films... pour enfants. Svankmajerétant férocement anti-communiste, il se refusait de se plier à la propagande, contraint de se tourner vers les oeuvres enfantines s'il voulait voir son travail distribué. Obsédé par le travail de Lewis Caroll, il savait que son univers et celui de l'écrivain avaient assez de points communs pour donner naissance à un long-métrage. A sa sortie, les critique exaltent et il vit une première mondiale à Annecy dans le cadre du Festival International du Film d'Animation en 1989 où il remporta le Grand Prix.
Interrogé sur ce qui l'avait pousséà se lancer dans l'adaptation d'un livre déjà maintes fois portéà l'écran, le réalisateur explique qu'il voulait corriger ce qu'il considérait être une erreur d'interprétation de l’œuvre originale. Selon lui, toutes les adaptations précédentes présentaient les pérégrinations d'Alice comme une véritable aventure, alors qu'il apparaissait clairement dans l’œuvre de Lewis Carroll qu'il s'agissait d'un rêve. Effectivement, il ne faudra pas longtemps pour se rendre compte que le pays des merveilles selon Svankmajer officie sur d'autres rives que ce que nous étions en droit d'attendre.

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ATTENTION SPOILERS : Alice est dans sa chambre lors qu'un lapin empaillé revient à la vie et s'enfuit. La jeune fille décide de le suivre à travers le tiroir d'un bureau. Elle sera entraînée dans ses pérégrinations dans un univers fantasque et insolite.

Alice au Pays des Merveilles est donc un classique ayant perduré au fil des siècles qui vit son adaptation sur tout support. Bien sûr, la version de Disney est celle qui nous viendra directement en tête mais une chose à savoir est que le conte originel est bien loin de l'accessibilité aux bambins. En fait, la version édulcorée de Disney est même celle qui s'en rapproche le moins. L'histoire peut s'apparenter à un cauchemar où une fille est soumise à une descente aux enfers dans un monde privé de tout repère où la violence fantasque est rendue particulièrement dérangeante. Une reine cherchant à castrer tout ce qu'elle peut par la décapitation ou encore ce bébé presque battu qui s'avérera être un porc.
Rien de très folichon pour nos enfants n'est-ce pas ? Le jeu vidéo se permettra aussi d'aborder cet univers et c'est l'excellent Alice : Madness Returns qui parvenait à retranscrire l'esprit de Carroll. Nanti de l'interdiction suprême "PEGI 18", il présentait une Alice orpheline qui sombrait dans la folie dans un Pays des Merveilles glauque, sordide et torturé où enfants difformes, monstruosités grouillantes et poupées éventrées se faisaient une joie de poursuivre la frêle créature schizophrénique (même si vous n'aimez pas les jeux vidéo, le trailer vaut amplement le coup). Non sans verser dans ces travers jusqu'au-boutiste, Svankmajer a bien l'intention de balayer l'innocence pour un ton plus sombre, plus mature, apparemment destiné aux enfants mais mon scepticisme est encore bien présent. Il ne serait aucunement surprenant qu'Alice aurait pu véhiculer quelques douloureuses nuits blanches à ces innocents gamins.

De fait, le film débarque dans un décor féérique, pourtant bien réel. Alice, en compagnie de ce que l'on suppose être sa mère, s'amuse à lancer des cailloux dans l'eau. La scène d'après débouche sur la fillette recluse dans sa chambre. Difficile que de s'imaginer un quelconque épanouissement dans sa vie. Semblant susciter un désintérêt de parents que nous ne verrons jamais, elle ne semble pas non plus avoir d'amis, à en juger par sa personnalité renfermée. L'enfant a une imagination fertile et se plaît à s'évader de ce monde. Alice a bien du mal à avoir une accroche à ce monde et fantasme sur un univers en dehors du temps. En voyant son lapin empaillé prendre vie, c'est le début de moult pérégrinations. En brisant la continuité de l'espace, Svankmajer brouille nos repères. Une immense colline prend forme dans la chambre d'Alice et c'est un meuble à tiroir qui sera la porte vers cet univers désiré ou inattendu, on ne sait pas trop. Cherche-t-elle à s'évader ou rêve-t-elle éveillée ?
Par l'entremise d'Alice, le cinéaste extrapole son propos à chaque enfant désireux de fantasmagories en tout genre et de tribulations loufoques. La fillette traversera toute une série de dédales sans but logique vu que les repères de temps et d'espace sont brouillés. A la poursuite du lapin blanc, elle fera la connaissance de toute une galerie de personnages grotesques dont l'aspect est bien loin de l'enchantement made in Disney.

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Même avec un regard d'adulte, on ne peut s'empêcher de trouver l'univers inquiétant et ses personnages peut-être pas rassurants pour un enfant. Leurs yeux globuleux et leur aspect lorgnant beaucoup avec le morbide impressionne. Ce n'est pas un hasard si Alice a quelque fois eu l'étiquette "thriller et/ou horreur" collée sur son front. L'atmosphère déroutante a un réel charme, témoignage de l'univers barré et naturellement surréaliste de son auteur. En s'appropriant un conte traité et usé jusqu'à la moelle, il parvient sans le moindre souci à se créer son propre style, singulier, à la frontière de l'expérimental. Du fait, le parcours d'Alice n'a pas de réel but. Elle voyage dans des décors enfantins d'une beauté renversante mais il ne semble pas y avoir de réelle intrigue.
L'illogisme est caractéristique du rêve, certes, mais le choix, judicieux pour certains, ne le sera pas nécessairement pour d'autres. Aucun fil conducteur ne semble guider Alice et le film peut se voir comme une façon de s'abandonner à un autre monde aux côtés de son héroïne, tout autant désarçonnée que nous.
Mais, si le scénario est faiblard, comment ne pas se coucher devant l'esthétique tout simplement somptueuse, inouïe de professionnalisme. Véritable travail d'orfèvre, le folklore tchèque transparaît par le biais de ses célèbres marionnettes dont la renommée n'est plus à prouver.

Si on excepte Alice, incarnée par Kristyna Kohoutova, pas un seul acteur n'apparaît dans le film. Tous les autres personnages, qu'ils aillent de la Reine en passant par le Chapelier Fou et le Roi, sont représentés sous la forme de poupées et jouets animés image par image. Un travail de titan symbolisant l'essence même du film d'auteur. Véritable performance du film d'animation, le résultat laisse pantois tout en nous gratifiant de séquences cultes à l'image d'Alice transformée en lilliputienne nageant dans une toute petite pièce inondée, une autre petite pièce envahie de chaussettes vivantes ou de ce dîner avec le Chapelier Fou et son lapin de service. Un charme qui ne pourra nous faire quitter la projection en dépit d'un réel problème de mise en scène qui exaspérera un grand nombre.
Il se résume en un seul choix transmutant la petite Alice en chieuse de compétition, indépendamment de sa volonté. Je vous explique : Alice n'est pas seulement la seule actrice mais est aussi la seule dotée de la parole. Forcément, les voix des personnages se feront avec la voix de la fillette, sauf que dans 99,99999999%, un gros plan sur la bouche d'Alice se fera alors qu'elle récite sa phrase. Ce procédé ultra lourd graphiquement casse l'immersion et l'intensité du récit, brisant notre évasion de cette ambiance indéfinissable. Et de cette abondance vomitive naquit un énervement qui pourra évoluer en rejet. Ce dernier point étant l'erreur fatale qui pourra rendre le cinéphile hostile à l'expérience. Dommage !

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Mais il serait fort hypocrite que de descendre gratuitement Alice en raison de ce choix maladroit. Un choix qui souligne aussi le fait de savoir jauger ce que l'on veut construire pour éviter d'horripiler le spectateur. L'abus n'est jamais bon pour toute chose et quand on le fait, on en arrive à des erreurs de parcours dont le statut de chef d'oeuvre semble difficile àêtre accordé. C'est un peu désolant car sans ça, le visionnage aurait été exceptionnel en tout point. Une ambiance unique en son genre, un travail incommensurable pour donner vie à toute cette ribambelle d'objets n'ayant pas l'air si inanimés que ça, une Alice, dans l'absolu, attachante (ou "attachiante" pour certains) et un développement scénaristique qui, s'il est évanescent, n'est pas du tout déplaisant à suivre.
Certains pourront trouver la note finale sévère et j'en suis bien désolé mais je ne peux pas supporter les abus de quelconque genre qu'ils soient. Pourtant, outre ce point, je conseille à tout le monde de tenter la chose pour découvrir un cinéma d'animation bien différent de ce qui nous vient à l'esprit. Aux papas et aux mamans, s'il est tout à fait possible que vos enfants ne soient pas toujours à l'aise devant (mention évidente à la chenille chaussette et sa tête à causer des terreurs nocturnes aux plus petits), l'essai en vaudra la chandelle. Tout simplement incomparable et bien difficile à noter !

 

Note :13/20

 

 

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Terminator 2 : Spectres à Venise - Shocking Dark (Bienvenue dans le cinéma d'exploitation !)

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Retour au cinéma de Bruno Mattei avec l'inénarrable Terminator 2 : Spectres à Venise, à ne pas confondre avec "le"Terminator 2 de James Cameron ! Aujourd'hui, nous vous proposons de revenir sur ce pur produit de plagiat et d'exploitation à travers une vidéo, également disponible sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=6wWcH_XaSU4&index=31&list=PLaI-L_qgft9GekxTvTCA0hOSf0aDX3NTa

It Comes At Night (Claustration et horreur paranoïaque)

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Genre : horreur, épouvante (interdit aux moins de 12 ans)
Année : 1922
Durée : 2017

Synopsis :Alors que le monde est en proie à une menace terrifiante, un homme vit reclus dans sa propriété totalement isolée avec sa femme et son fils. Quand une famille aux abois cherche refuge dans sa propre maison, le fragile équilibre qu'il a mis en place est soudain bouleversé.   

La critique :

Certes, la guerre froide est terminée depuis la fin des années 1980. A fortiori, plus personne (ou presque...) ne devrait tressaillir à l'idée d'une Troisième Guerre mondiale putative. Une hérésie. La menace reste toujours prégnante, surtout à l'aune d'une actualité hélas bouillonnante. Depuis la sortie de La Nuit des Morts-Vivants (George A. Romero, 1968), le cinéma d'épouvante est le premier à s'être inquiété de cette fatalité mortifère. A travers ce film de zombies décrépits, George A. Romero psalmodie un discours idéologique et politique.
En outre, le cinéaste américain n'épargne pas le gouvernement américain qu'il récuse pour son discours martial, xénophobe et empreint de pusillanimité. Tout au long de sa carrière et de sa filmographie, George A. Romero n'aura de cesse de tancer et de vitupérer contre une société en pleine déréliction et gangrénée par ses propres carences, à savoir cette scopophilie ostentatoire et cet attrait pour le consumérisme. 

Impression corroborée par Zombie (1978), La Nuit des Fous Vivants (1973), Le Jour des Morts-Vivants (1985), Le Territoire des Morts (2005), Chronique des morts-vivants (2008), ou encore Le Vestige des Morts-Vivants (2009). Son style âpre et rédhibitoire va influencer de nombreux films de genre avec l'infection virale pour principal leitmotiv. Les thuriféraires de ce registre cinématographique citeront aisément des films tels que Rec (Jaume Balaguero et Paco Plaza, 2007), 28 Jours plus tard (Danny Boyle, 2002), L'Armée des Morts (Zack Snyder, 2004), Dernier Train pour Busan (Yeon Sang-Ho, 2016), L'Enfer des Zombies (Lucio Fulci, 1979), ou encore Le Massacre des Morts-Vivants (Jorge Grau, 1974) parmi les références notoires, voire incontournables.
De facto, on pouvait légitimement se demander ce qu'allait bien pouvoir nous raconter Trey Edward Shults avec It Comes At Night, sorti 2017.

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Autant l'annoncer d'emblée. Le long-métrage n'a pas connu les faveurs d'une exploitation dans les salles obscures, tout du moins dans nos contrées hexagonales. A contrario, It Comes At Night s'est enhardi d'une certaine réputation via différents festivals (notamment au The Overlook Film Festival dans l'Oregan et lors du Champs-Elysées Film Festival). De surcroît, cette production indépendante a rapidement rencontré les satisfécits sur la Toile et les réseaux sociaux, se créant un clan solide de laudateurs et de fervents admirateurs. Reste à savoir si It Comes At Night mérite de telles flagorneries. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique...
En l'occurrence, Trey Parker Shults est un tout jeune réalisateur qui dénote par son noviciat. Néanmoins, le metteur en scène affectionne tout particulièrement le cinéma contemplatif de Terrence Malick et a officié, en tant qu'assistant-caméraman, au tournage de The Tree of Life (Terrence Malick, 2011).

It Comes At Night constitue également la seconde réalisation de Trey Parker Shults et succède àKrisha (2016), un court-métrage initial transformé en long-métrage, et qui a remporté plusieurs prix dans divers festivals. Pour It Comes At Night, Trey Parker Shults se réclame de diverses influences proéminentes, entre autres Shining (Stanley Kubrick, 1980) et La Nuit des Morts-Vivants (précédemment mentionné), ainsi que le cinéma de John Cassavetes et de Paul Thomas Anderson.
Voilà de bien jolis monogrammes pour une oeuvre nantie d'un budget impécunieux et qui fait davantage office de série B ! La distribution du film se compose de Joel Edgerton, Christopher Abbott, Carmen Ejogo, Kelvin Harrison Jr., Riley Keough, Griffin Robert Faulkner et David Pendleton. Attention, SPOILERS ! (1) Une épidémie mortelle et contagieuse a ravagé le monde extérieur.

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Paul, sa femme Sarah et leur fils Travis se sont isolés chez eux, dans une maison de campagne, pour se protéger du virus et de tout contact humain avec autrui. Quand le père de Sarah, Bud, tombe gravement malade, ils le tuent et brûlent son corps dans une tombe peu profonde. La nuit suivante, ils capturent un inconnu qui s'est introduit chez eux. Paul l'attache à un arbre pour confirmer qu'il n'est pas contaminé. L''homme, Will, déclare à Paul qu'il ignorait que leur maison était occupée et qu'il recherchait seulement de l'eau fraîche pour sa femme et son petit garçon.
Will lui propose d'échanger de la nourriture contre un peu d'eau. Sarah suggère à son mari d'abriter Will et sa famille. Elle pense qu'ils pourront mieux se défendre avec eux contre quiconque qui découvrira un jour leur maison. Paul accepte et part avec Will chercher sa famille (1).

A l'instar de films d'horreur sortis récemment, notamment The Witch (Robert Eggers, 2015), The Ritual (David Bruckner, 2017), Sans Un Bruit (John Krasinski, 2018), ou encore Hérédité (Ari Aster, 2018), It Comes At Night signe le grand retour de l'épouvante psychologique et à tendance paranoïaque. En outre, ces peurs archaïques et reptiliennes ne datent pas d'hier dans le cinéma horrifique. Naguère, un réalisateur tel que John Carpenter se réclamait déjà de ce cinéma de jadis à travers des oeuvres telles que The Fog (1980), The Thing (1982), ou encore Prince des Ténèbres (1987).
La terreur, la peur, la claustration et l'eschatologie effectuent leurs réminiscences et se condensent ici sur une seule et même pellicule. Tel semble être le principal apanage de It Comes At Night. Bien qu'affublé du statut de série B, cette production se veut à la fois âpre, comminatoire et cérémonieuse.

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Indubitablement, par son climax et son ambiance à la fois éthérée et anxiogène, It Comes At Night se place au-dessus de la moyenne des DTV (direct-to-video) habituels. Le sceau et l'influence du cinéma de Terrence Malick sont palpables, presque indélébiles. L'horreur ânonnée par Trey Parker Shults est et sera contemplatif. Les personnages, tous reclus dans la pénombre, éviteront de scander de longs discours ou de se montrer trop prolixes. De ce fait, difficile de décrire avec parcimonie la situation. A ce sujet, Trey Parker Shults se montre volontairement élusif.
Le spectateur est forcé d'employer son imagination, ainsi que ses propres fantasmagories pour songer à une contamination féroce et exponentielle, ainsi qu'à des versants apocalyptiques qui ont plongé le monde dans le chaos et la dissolution la plus totale.

Trey Parker Shults opacifie son propos en se polarisant sur Paul, un patriarche qui a imposéà sa famille des principes rigoristes. Mais tel est le prix à payer pour survivre dans un monde incertain et en désuétude. Prière de ne jamais sortir la nuit et surtout de vous munir d'un masque pour éviter la moindre exposition à une inoculation énigmatique ! Dès lors, Trey Parker Shults prend son temps pour planter son décor (assez rudimentaire en l'occurrence) et ses divers protagonistes. Précautionneux, Trey Parker Shults parvient à illusionner son audimat pendant plus d'une heure de bobine.
Hélas, durant sa dernière demi-heure, l'entreprise montre aussi ses écueils et ses corolaires en adoptant une tonalité beaucoup plus classique et conventionnelle.
En résulte un film d'épouvante réalisé par un nouveau virtuose de la caméra, mais d'une apathie souvent affligeante qui finira par courroucer les cinéphiles les plus aguerris. A contrario, il serait tout de même bien vachard de ne pas reconnaître les qualités inhérentes de cette pellicule. C'est sans doute la raison pour laquelle It Comes At Night divise autant les critiques que les spectateurs dubitatifs.
Pour être appréciéà sa juste valeur, ce film d'épouvante à l'ancienne nécessite sans doute plusieurs visionnages. Toujours est-il que c'est la circonspection qui point lors du générique final... 

Note :12/20

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(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/It_Comes_at_Night

Le Loup-Garou de Londres ("Restez sur la route, ne pénétrez pas dans la Lande !")

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Genre : horreur, épouvante (interdit aux - 12 ans)
Année : 1981
Durée : 1h37

Synopsis :Deux jeunes Américains en vacances s'égarent dans une région déserte de l'Angleterre. Ils sont attaqués par une bête étrange. Peu après, l'un d'entre eux s'éveille dans un hôpital...  

La critique :

Il faut se rendre sur le site SensCritique et en particulier sur le lien suivant : https://www.senscritique.com/liste/Loup_Garou/139330 pour trouver la liste - foisonnante et exhaustive - établie par un passionné de lycanthropie (un certain el-thedeath). Dans ce classement répertoriant pas moins de 205 films, les thuriféraires ne seront pas surpris de dénicher quelques pépites proéminentes, notamment Le Loup-Garou (George Waggner, 1941), La Nuit du Loup-Garou (Terence Fisher, 1961), Hurlements (Joe Dante, 1981), Ginger Snaps (John Fawcett, 2000), Wolf (Mike Nichols, 1994), ou encore Dog Soldiers (Neil Marshall, 2002).
A contrario, on décèle également quelques "navetons" et/ou nanars avariés. C'est par exemple le cas de la saga Underworld, de la franchise Twilight ou encore du soporifique Van Helsing (Stephen Sommers, 2004).

En outre, Le Loup-Garou de Londres, réalisé par les soins de John Landis en 1981, appartient à la catégorie des classiques de la lycanthropie et pour cause... Puisque le film connaîtra une suite anomique, Le Loup-Garou de Paris (Anthony Waller, 1998). Quant à John Landis, le cinéaste américain débutera sa carrière cinématographique en tant que coursier à la solde de la 20th Century Fox. Mais le metteur en scène s'ingénie et affectionne à la fois la comédie, le genre musical, l'horreur, le fantastique et le registre policier. Cinéaste éclectique, John Landis signera plusieurs productions proverbiales. 
Ses admirateurs citeront aisément Hamburger Film Sandwich (1977), The Blues Brother (1980), Un fauteuil pour deux (1983), La Quatrième Dimension (coréalisé avec Joe Dante, Goerge Miller et Steven Spielberg en 1983), Série noire pour une nuit blanche (1985), Un Prince à New York (1988), Innocent Blood (1992), ou encore Le Flic de Beverly Hills 3 (1994).

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On tient donc là l'un des réalisateurs les plus éminents et les plus prolifiques des décennies 1980 et 1990. Avec Le Loup-Garou de Paris, John Landis affine encore un peu plus son hégémonie sur la planète Hollywood. Non seulement, le film se solde par un succès commercial aux Etats-Unis, mais il s'arroge aussi les dithyrambes et les satisfécits en Europe. En France, Le Loup-Garou de Paris totalise presque un million d'entrées, un score plutôt probant pour une petite production d'épouvante. Le métrage impressionne notamment pour ses maquillages et ses effets spéciaux diligentés par les soins de Rick Baker. Extatique, l'artiste Michael Jackson sommera ce dernier d'assurer les maquillages de ses morts-vivants dans le clip Thriller. Le chanteur émérite adoube et érige Le Loup-Garou de Paris parmi ses films favoris. Reste à savoir si le long-métrage mérite de telles flagorneries.

Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La genèse de Le Loup-Garou de Paris, soit An American Werewolf In London dans la langue de Shakespeare, ne date pas d'hier et remonte à l'année 1969. A l'époque, John Landis griffonne déjà les premières lignes d'un script qu'il écrit en hommage aux films de la Hammer. Pour mémoire, rappelons que la firme britannique a culminé sur le haut des oriflammes durant les décennies 1950 et 1960 via plusieurs figures maléfiques ; entre autres Dracula, Frankenstein, la Momie et évidemment... Le loup-garou !
De surcroît, Le Loup-Garou de Paris va s'arroger plusieurs récompenses, notamment l'Oscar des meilleurs maquillages pour Rick Baker en 1982, ainsi que le prix du meilleur film d'horreur par l'Académie des films de science-fiction, fantastique et d'horreur (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Loup-garou_de_Londres).

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La distribution du film se compose de David Naughton, Jenny Agutter, Griffin Dunne, John Woodvine, Don McKillop, Paul Kember et John Glover. Attention, SPOILERS ! (1) David Kessler (David Naughton) est le seul survivant de l'agression d'un animal féroce qui a tué son ami Jack Godmann (Griffin Dunne) dans le nord de l' Angleterre.Transféréà l'hôpital de Londres sous la direction du docteur Hirsch, l'américain essaye de reprendre des forces avec l'aide d'une jeune infirmière, Alex (Jenny Agutter), qui l'accueille bientôt chez elle. En proie à des hallucinations, il reçoit la visite de Jack, revenu d'entre les morts pour lui annoncer une terrible nouvelle : il serait atteint de lycanthropie.
Se croyant fou, le jeune homme ignore les conseils de son ami mort-vivant. Mais lors d'une nuit de pleine lune, il se transforme avec horreur et souffrance en loup-garou et se met en chasse dans la capitale britannique...

Le Loup-Garou de Londres débute par cette scansion incoercible et rédhibitoire : "Restez sur la route, ne pénétrez pas dans la Lande !". Evidemment, David Kessler et son fidèle comparse, Jack Goodman ne l'entendront pas de cette oreille et emprunteront des petites routes champêtres. Durant leur petite escapade, les deux adulescents sont assaillis par une créature lycanthrope. Dès lors, Le Loup-Garou de Londres oscille sans cesse entre l'épouvante, le gore, l'hommage, l'agression animale, la déférence et la parodie truculente. En outre, John Landis a toutes les peines du monde à se départir de ces différentes pistes spinescentes.
De prime abord, le cinéaste orfèvre dans le registre de la comédie opte pour un cas bien étrange d'hébéphrénie mentale, à la fois caractérisée par la dissociation mentale, la dépersonnalisation et la dysmorphophobie (la peur de voir son corps se transformer).

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Cette thèse schizophrénique sera même le principal leitmotiv du film durant sa première partie. Les apparitions subreptices de son ami défunt, affublé des oripeaux de mort-vivant décrépit, avaliseront cette impression putative. Une chimère. En dépit des apparences, Le Loup-Garou de Londres n'est pas une métaphore sur la folie. N'est pas David Cronenberg qui veut. On se demande alors pourquoi John Landis cherche autant à lutiner et à s'accointer avec le registre des zombies apathiques. Hélas, ce caractère digressif finit par perdre le spectateur. 
C'est d'autant plus dommageable que le film retrouve sa splendeur et sa tonitruance lorsqu'il se polarise sur cet étrange cas de métamorphose, voire de métempsychose. Les soirs de pleine lune, David Kessler se transmute en un loup-garou carnassier et dévore aléatoirement quelques vulgaires quidams de passage dans les rues exigües de Londres.

Encore une fois, en dépit des apparences, An American Werewolf in London est un film d'épouvante classique. Dans le même genre, on lui préférera largement Hurlements (précédemment mentionné) et beaucoup plus probant dans son schéma narratif. Toutefois, Le Loup-Garou de Londres justifie son visionnage ne serait-ce que pour son étonnante séquence de transformation. Même plus de 35 ans après sa sortie, cette saynète, tenaillée par les cris stridulents et la douleur, reste l'un des moments les plus prédominants du cinéma d'horreur.
Sans cette saynète outrageante et réellement impressionnante, Le Loup-Garou de Londres serait probablement passé inaperçu lors de sa sortie en salles. Cependant, il serait bien réducteur de résumer AnAmerican Werewolf in Londonà une seule et unique séquence. En l'occurrence, le film peut s'enhardir d'une interprétation à couteaux tirés et d'un suspense habilement prodigué. Clairement, John Landis n'est pas un manchot derrière la caméra, même si le cinéaste paraît beaucoup plus à son aise derrière le registre de la hâblerie et du pittoresque. 

 

Note :14/20

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L'Ange Bleu (L'amour peut parfois rendre con)

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Genre : Drame 

Année : 1930

Durée : 1h40

 

Synopsis :

Dans l'Allemagne provinciale des années 20, un vieux professeur de lycée, qui règne sur ses élèves en despote, se retrouve un jour dans un cabaret mal famé, L'ange bleu. Sa rencontre avec la chanteuse vedette, Lola Lola, bouleverse son existence routinière, et l'entraîne dans un tourbillon passionnel et destructeur.

 

La critique :

Josef Von Sternberg fait partie de ces parangons du cinéma d'autrefois. Réalisateur incontournable d'une époque chaotique où deux guerres mondiales s'enchaînèrent, il a su donner ses lettres de noblesse et divertir une population encore tourmentée. Né dans une famille juive de Vienne, il rejoint très tôt son père aux USA tout en effectuant des va-et-vient entre l'Europe et le Nouveau Monde. Après différents petits boulots dans le monde cinématographique en tant que monteur ou réparateur de films, il produit en 1925 le méconnu The Salvation Hunters qui surprit le public tout en séduisant Charlie Chaplin. Une courte période noire propulsera le réalisateur dans le désespoir moral jusqu'au classique Les Nuits de Chicago considéré comme l'ancêtre du polar noir.
Elevé au rang de grand classique avec Les Damnés de l'Océan, celui-ci clôture sa période du film muet en beauté pour démarrer directement sur un coup de génie. En 1930 sort son fameux L'Ange Bleu, souvent élevé comme son chef d'oeuvre absolu. Un métrage très important du Septième Art et encore plus du Septième Art allemand vu que s'il est effectivement le seul film allemand de la carrière de Von Sternberg, il est aussi le premier film parlant allemand. A cela s'ajoutera le fait qu'il marquera la rencontre de l'un des couples de cinéma les plus célèbres et prolifiques : Von Sternberg et Marlene Dietrich. Une entente et un perfectionnisme artistique tels qu'ils tourneront six autres films ensemble à Hollywood. 

Pourtant, on ne peut pas dire que ce couple fut, je dirais, "spontané" vu que le cinéaste, après avoir auditionné nombre de comédiennes, choisira de conserver contre l'avis du studio l'actrice en question, et ce malgré l'intervention de la grande vedette du film qui lui dit qu'il se repentirait de sa décision. Un coup de foudre naquit, transformant Von Sternberg en véritable thuriféraire de Dietrich. La Paramount, après la fin du tournage, lui proposera de signer un contrat voyant en elle une concurrente de taille face à la suédoise Greta Garbo, star des studios rivaux de la MGM.
Une sorte de "concours de bite", pour expliquer dans un jargon un peu ordurier. Il est probable également que l'attrait des studios et sa notoriété seront amplifiés de par son opposition farouche à Hitler vu que les premiers germes du nazisme commencèrent à naître dans une Allemagne écrasée. Par la suite, un remake américain sera tourné en 1959 par le prolifique Edward Dmytryk mais qui ne réitérera pas la grâce de son aîné. Vous aurez compris que L'Ange Bleu est donc un monument important du cinéma que je me ferai une joie de vous chroniquer. 

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ATTENTION SPOILERS : Dans l'Allemagne provinciale des années 20, un vieux professeur de lycée, qui règne sur ses élèves en despote, se retrouve un jour dans un cabaret mal famé, L'ange bleu. Sa rencontre avec la chanteuse vedette, Lola Lola, bouleverse son existence routinière, et l'entraîne dans un tourbillon passionnel et destructeur.

Il est vrai que le film d'amour n'est pas du tout l'apanage de Cinéma Choc, tout simplement car il ne répond, sans surprise, pas aux codes du blog. Pourtant, il est arrivéà plusieurs reprises que celui-ci s'est démarqué de ses standards pour afficher des dimensions tragiques parfois fortement nihilistes. Par exemple, Tueurs Nés conjuguait l'amour et la violence décomplexée. Dans un registre plus austère, le très âgéLa Rue Rouge n'a pas démérité pour bouleverser les spectateurs n'ayant pas anticipé un tel jusqu'au-boutisme. En l'occurrence, L'Ange Bleu se montre lui aussi loin des papillons, des arcs-en-ciel, des petits oursons et des séances de copulation "enchantées". Adaptation du roman éponyme de Heinrich Mann, Von Sternberg s'aventure vers la tragédie aux relents quelque peu malsains et pervers. En mettant en scène le professeur Emmanuel Rath, il décrit une psychologie dépressive.
Monsieur Rath, sous ses travers d'érudit, est un homme comme les autres évoluant de manière invisible dans une Allemagne triste. Célibataire endurci, sans enfant(s), sans quelconque ami, il ne partage sa maigre joie qu'avec un canari qui se retrouvera ad patres très rapidement. Ses contacts sociaux se limitent à sa vieille mégère aigrie de femme de chambre et ses élèves. Des élèves qui ne le respectent pas en le surnommant "Professeur Unrat" (unrat voulant dire "déchet" en allemand). Il est donc un homme esseulé où les rayons de soleil semblent ne pas se profiler ou presque. En découvrant un jour que des élèves fréquentent un cabaret mal famé nommé"L'Ange Bleu", il s'y rend dans l'intention de dissuader l'établissement de pervertir ses élèves. Mais rien ne se passera comme prévu vu qu'il tombera sous le charme de la chanteuse emblématique de l'établissement, courtement vêtue qui plus est. Son nom : Lola-Lola. 

Le sexe féminin va jouer un rôle prépondérant sur la psyché de Rath. Il a enfin trouvé ce qui lui manquait dans sa vie : une femme. Stabilisateur d'un bien-être social, les relations sentimentales sont indispensables pour faire mûrir l'individu, l'élever spirituellement, même si l'amour peut rendre très con. La preuve avec lui justement, aveuglé par le charme inhabituel, il est vrai, de Lola-Lola. Dans un premier temps, il subira les railleries de ses élèves ayant découvert la relation naissance entre leur idole et le "Professeur Déchet". Rath, obnubilé par le désir de la chair, va quitter son boulot pour l'épouser et dilapider son argent, alors qu'il voguera d'humiliation en humiliation. Son sourire charmeur et sa gentillesse ont été remplacés par un visage beaucoup plus froid et distant.
La nymphe s'est muée en subtile succube. Le soleil est devenu glaçon. Endossant progressivement le rôle de paria, Rath commence à douter de ses choix mais ne peut se résigner à abandonner un bonheur de plus en plus éphémère. Il se retrouvera quelque peu contraint d'être engagé par la troupe pour subvenir à leurs besoins. La déchéance sera totale quand il sera réduit à un humiliant rôle de clown dans une scène malsaine où le directeur magicien lui fait subir l'opprobre devant un public jubilant devant la soumission la plus totale de ce qui était un professeur autrefois respecté. A cela va s'ajouter une Lola-Lola transmuée en aguicheuse envers l'artiste Mazeppa. Le bouillon de culture qu'il fallait pour que Rath laisse éclater sa colère en essayant d'étrangler sa femme, alors que la troupe se jette sur lui. Mazeppa lui passera une camisole de force. Calmé, libéré mais aussi éhonté, humiliéà jamais, Rath retourne dans son lycée et y meurt de chagrin les mains crispées sur le bureau d'où il enseignait autrefois.

 

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Avec cette trame, L'Ange Bleu se montre bel et bien loin des poncifs du genre et aura tôt fait de calmer le cinéphile fana des films d'amour pour susciter une adhésion systématique du cinéphile appréciateur du drame et de la déchéance morale. Oui, ça existe ! La preuve avec nous ! Cette pellicule peut s'imbriquer dans un style d'époque où le cinéma allemand était assombri par une cuisante défaite de 1918. L'amour devient lui aussi assombri, indépendamment de la volonté de Von Sternberg qui semblait ne pas accorder d'importance à perpétuer la pensée allemande d'après-guerre à ma connaissance. Ce qui est assez fascinant, tout en faisant montre d'une étonnante sagacité, est que Lola-Lola n'est pas représentée comme celle qui fera sombrer l'homme. C'est l'homme et lui seul qui va lui-même se détruire par son aveuglement irréfléchi. La faute lui incombe entièrement car il n'aurait pas dû se lancer dans un monde qui n'était pas le sien. Là sera le véritable propos de Von Sternberg, aux antipodes de la vamp se jouant des hommes. L'homme n'est donc pas garant de la supériorité dans un couple.
A une époque où celui-ci était le chef absolu du foyer, Lola-Lola se rebelle et rivalise avec l'homme. Elle affronte le sexe fort, alors que celui-ci fera éclater toute sa faiblesse morale et son caractère influençable. L'homme n'est donc plus le sexe fort. 

En 2018, l'observation est toujours aussi tenace. Certains garçons hardis n'hésitent pas à se couvrir de honte, à perdre leur respect de soi, à courir vainement après le sexe féminin en omettant leur intégrité morale, leur retenue. L'homme, qui ne démérite pas pour penser parfois avec sa testostérone, s'est toujours pliéà la femme en amour, parfois par pur but narcissique, parfois pour combler un vide existentiel. Rath sera de cette deuxième catégorie. On ne pourra s'empêcher d'être bousculé devant L'Ange Bleu par son pessimisme si ardu. Il ne retrouvera aucune paix et seule les géhennes lui seront permises. Durant les 1h40 approximatives, c'est avec grand intérêt que nous suivons cette âme en perdition. Une âme si instruite qui en viendra à se coucher aussi lamentablement pour quémander quelque pitoyable attention. La mise en scène de Von Sternberg fait des miracles et il prouve une fois de plus son érudition. Autant le dire, on ne peut être en désaccord avec les critiques le qualifiant de pièce maîtresse de sa filmographie tant on est hypnotisé par une telle déshérence. 

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Le cinéaste va soigner également le visuel par le biais d'un très beau noir et blanc aux sombres nuances. L'image est admirable en tout point, tout en affichant avec fierté ces modestes décors. Ce pseudo cabaret a un apparat tout à fait plaisant. On aura aussi de nombreux plans sur ces ruelles très étroites oppressant et écrasant davantage la vie du professeur. La bande son a su élever L'Ange Bleu dans la célébrité lorsque Lola-Lola, en bas résille et jarretelles, chante dans une séquence inoubliable Ich bin von Kopf bis Fuss auf Liebe eingestellt ("Je suis, de la tête aux pieds, faite pour l'amour"). La chanson fera l'objet de nombreuses reprises en anglais sous le titre Falling In Love Again par Marlene Dietrich elle-même mais aussi par Nina Simone, Klaus Nomi ou en version dance par Starbeat. Madonna rendra hommage à cette chanson en reprenant l'air pour Like A Virgin.
Enfin, la chanteuse française Berthe Sylva s'y intéressera aussi. D'ailleurs, parlons de Marlene Dietrich dont la prestation atteint des sommets qui ferait charmer tout cinéphile masculin par ses yeux et sa douceur si angéliques, en plus d'incarner à merveille la femme "volte-face". Emil Jannings dont le rôle principal lui sera accordé, s'il se débrouille admirablement bien quoiqu'un peu agaçant parfois dans ses mimiques faciales, ne pourra soutenir la comparaison vu qu'il se fera, à peu de chose près, voler la vedette. Pour la petite info, Dietrich s'amusait souvent à raconter que lors du tournage de la scène où le professeur Rath tente d'étrangler Lola-Lola, Jannings, qui sentait que Dietrich lui volait la vedette, essaya réellement de l'étrangler.

Avec une joie non dissimulée, nous arrivons au générique de fin comblé par un visionnage de grande qualité d'un réalisateur qui n'a plus vraiment rien à prouver. Si je dois avouer que Crime et Châtimentétait insipide, Les Nuits de Chicago ont bien rattrapé le coup pour poursuivre avec le superbe The Shanghaï Gesture. L'Ange Bleu corrobore mon dernier ressenti en se hissant au même niveau que le dernier film cité. Avec Jannings et Dietrich, Von Sternberg magnifie le propos noir du roman dont l'auteur déclarera, non sans une pointe de jalousie, que le film devra son succès aux cuisses dénudées de Marlene Dietrich. Pourtant, on a bien du mal à le croire tant la pellicule nous expose une leçon de cinématographie en tout point (mise en scène admirable par le biais d'une réelle accroche, visuel intéressant, bande son légendaire, deux acteurs totalement investis).
Bien évidemment difficile d'accès en raison de son grand âge, on ne peut que chaudement recommander ce classique indispensable du film en noir et blanc dont ses thématiques ne sont pas du tout éloignées de la réalité. Les relations malsaines sont vieilles comme le monde mais celles-ci semblent avoir prises une nouvelle dimension à notre époque. En tuant le désir à petit feu, c'est tout le concept même de la civilisation qui tend à se fragiliser car la relation sentimentale est le premier cheval de guerre pour son maintien. Hyper sexualisation, libération sexuelle déraisonnée, mise en place de sites de rencontre douteux (n'est-ce pas Gleeden.com ?), autant d'observations inquiétantes pour le devenir de notre société occidentale. Une belle réflexion sur la nécessité de choisir une personne sérieuse avec qui faire un bout de chemin ensemble voire plus si grande affinité.

 

Note : 17/20

 

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Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin - Les OVNI du cinéma

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Aujourd'hui, Cinéma Choc vous propose de revenir sur les travaux cinématographiques de John Carpenter à travers le film Les Aventures de Jack Burton dans les griffes du Mandarin, une production qui sera ostracisée et vilipendée en son temps, pour mieux s'arroger le statut de film culte au fil des années. C'est ce que nous proposent de décrypter les OVNI du cinéma via la vidéo ci-dessous et disponible sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=7bBdU7CqOE0&list=PLaI-L_qgft9GekxTvTCA0hOSf0aDX3NTa&index=14

The Walking Dead - Saison 8 ("Tout le monde se transforme")

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Genre : horreur, gore (interdit aux moins de 16 ans)
Année : 2017
Durée : 16 épisodes de 50 minutes environ

Synopsis :Après une longue période de soumission et d’humiliation, Rick et sa bande déclarent la guerre à Negan et ne reculeront désormais devant rien pour l’emporter.      

La critique :

Depuis sa toute première saison, la série The Walking Dead, amorcée par les soins de Frank Darabont à l'orée des années 2010, a conquis son public panégyrique en se polarisant sur les relations qui pouvaient se tisser ou se déliter entre divers protagonistes en déveine, et obligés de s'escarper à cause de l'invasion imminente de zombies décrépits. Bon gré mal gré, ces derniers revêtaient les oripeaux déguenillés de catalyseurs d'une Humanité condamnée à guerroyer, ou éventuellement à pactiser pour connaître des jours un peu plus pérennes.
Il faut le reconnaître et même l'avouer. Au fil des saisons et des épisodes, on s'était pris d'affection pour Rick Grimes, son fils (Karl) et sa petite congrégation de mercenaires. Hélas, plusieurs protagonistes prédominants périront dans de savants complots fomentés par des barbares aux visages humains.

Parfois, ils seront happés, assaillis et dévorés par des morts-vivants carnassiers, exhalant leur dernier soupir dans l'effroi, la solitude et la terreur. Après toutes ces épreuves, Rick Grimes fait donc office de miraculé. Mais un tel prodige a un prix. Au cours de ces pérégrinations, l'ex-flic aventureux verra son épouse enfanter puis dépérir, inexorablement. Rick et sa bande connaîtront même un bref instant de paix et de sérénité en trouvant refuge dans une prison abandonnée. Hélas, pour survivre et triompher, ils devront déjouer les roueries d'un gouverneur obséquieux et fallacieux.
Ils reprendront pourtant espoir en songeant à ce nouvel espoir, nommé le "Terminus", une ultime étape synonyme (à fortiori) de béatitude. Mais après de nouvelles mésaventures et plusieurs guerres interminables, ils tomberont sur les Sauveurs, un groupe de mercenaires diligenté par Negan, un tortionnaire qui lamine avec sa batte plusieurs personnages éminents sous les yeux ébaubis de Rick et de ses fidèles subordonnés.

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En résumé, telle est l'exégèse particulièrement lapidaire (je le reconnais) des six premières saisons de The Walking Dead. A priori, dès la saison 7, la série télévisée devait s'agencer sur de nouvelle rhétoriques martiales. Or, depuis la fin de la saison 6, les thuriféraires de The Walking Dead avaient déjà notifié une sérieuse baisse de régime via toute une pléthore de longueurs fastidieuses. En outre, la série s'éternisait parfois... souvent... allègrement sur des menus détails et/ou sur de vulgaires quidams. On pensait alors ingénument que cette période de vaches maigres serait laconique et prestement oblitérée par des scénaristes avisés et bien conscients de certaines facondes narratives.
Hélas, la saison 7, particulièrement lénifiante, corroborera cet état de dysboulie généralisée. Pourtant, la série pouvait s'enhardir d'un nouveau grand méchant, donc Negan, nanti d'une personnalité captieuse et acrimonieuse.

Le chef autocratique a instauré la Terreur et la dictature auprès de différentes factions humaines. L'asservissement ou la mort. Tel est le régime imposé par le leader hiératique. Contre toute attente, la série oubliait - volontairement ou non - ses morts-vivants claudicants au profit de carences scénaristiques, hélas ostentatoires. Au grand dam des producteurs, cette léthargie assourdissante a provoqué la fuite massive de ses plus fervents laudateurs. Les chutes d'audience ont promptement alerté les chaînes de diffusion américaines. En l'espace d'une seule saison, The Walking Dead avait donc perdu sa splendeur de naguère. Certes, par d'habiles subterfuges, les cacographes de la série concluaient la saison 7 sur un effroyable suspense, une façon comme une autre de fidéliser un audimat en sévère déperdition. Que soit. Avec la saison 8, l'objectif était donc de renouer avec cet esprit d'antan.

 

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Retour aux martialités. Après de longs atermoiements, la guerre est enfin déclarée à Negan et ses sbires. Telle est, par ailleurs, l'exégèse de The Walking Dead - Saison 8. Attention, SPOILERS ! Après un phénomène d'origine virale qui a subitement transformé la majeure partie de la population mondiale en « rôdeurs » ou morts-vivants, un groupe d'Américains guidé par Rick Grimes, ancien adjoint de shérif d'un comté de Géorgie, tente de survivre. Après une longue période de soumission et d’humiliation, Rick et sa bande déclarent la guerre à Negan et ne reculeront désormais devant rien pour l’emporter. Vous l'avez donc compris. La trame narrative de la saison 8 est à la fois lapidaire et rudimentaire. En gros, la guerre est déclarée. Il était temps...
Niveau casting, peu ou prou de surprises puisque l'on retrouve les acteurs habitués de la série, notamment Andrew Lincoln, Norman Reedus, Lauren Cohan, Chandler Riggs, Danai Gurira, Melissa McBride, Seth Gilliam et Jeffrey Dean Morgan dans le rôle de Negan.

A l'instar de la précédente section, la saison 8 de The Walking Dead s'est soldée par des scores historiquement bas et décevants, au grand dam des scénaristes et des producteurs. A court d'idées, ces derniers se creusent visiblement les méninges pour réveiller cette fougue immémoriale. Certes, sur la forme, The Walking Dead - Saison 8 est un peu moins lénitif que la saison 7, ce qui n'était pas trop difficile non plus. Mais le soldat "The Walking Dead" est toujours en période de sévère convalescence. Certes, cette huitième saison démarre en apothéose et accumule de nombreux événements d'infortune. Seul bémol et pas des moindres, les scribouilleurs de la série semblent eux-mêmes désarçonnés par les nouvelles didactiques de la série horrifique.
Pour appâter et ameuter derechef leur ancien public, ces derniers se perdent dans des fariboles digressives. 

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En outre, pour flagorner son audimat, la série s'oriente vers la mort ou l'exécution de personnages prééminents. Une chimère. Dans la saison 8, c'est un protagoniste fondamental et présent depuis la première saison qui décède. Par déférence, nous ne dévoilerons pas l'identité de ce personnage... Mais cette mort coïncide, in fine, avec ce sentiment de série décharnée et tuméfiée de sa substance primordiale : les zombies. Jadis flamboyants, ces derniers n'émaillent même plus les relations entre les divers protagonistes. Désormais, la série se centre sur un personnage absolutiste en la personne de Negan. Hélas, le tyran n'est que la caricature de lui-même.
On ne finit plus de compter les aberrations, les carences et les bourdes lacunaires de la série télévisuelle. The Walking Dead continue lourdement de s'appesantir sur des détails prosaïques. Le coeur n'y est plus. Le public non plus. L'épisode final de la saison 8 finira de parachever une série atone et agonisante. Autant dire que l'on n'attend plus rien ou presque de la saison 9. Au mieux, on exhortera les scénaristes à conclure rapidement une série télévisée autrefois resplendissante et aujourd'hui exsangue. "Tout le monde se transforme" scande Karl, le fils de Rick Grimes, The Walking Dead aussi. Pas sûr, hélas, que ces nouvelles permutations soient de bon aloi pour une série désormais moribonde. 

Note :08/20

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Le Guépard ("Vanitas vanitatum, et omnia vanitas")

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Genre : Drame, historique 

Année : 1963

Durée : 3h06

 

Synopsis :

En 1860, tandis que la Sicile est submergée par les bouleversements de Garibaldi et de ses Chemises Rouges, le prince Salina se rend avec toute sa famille dans sa résidence de Donnafugata. Prévoyant le déclin de l'aristocratie, ce dernier accepte une mésalliance et marie son neveu Tancrède à la fille du maire de la ville, représentant la classe montante.

 

La critique :

Parmi les différents pays européens, nul doute que l'Italie tient une place prépondérante, ceci en grande partie dûà son fameux courant du néoréalisme italien, s'étendant de 1943 à environ 1955. Parmi celui-ci, de prestigieux réalisateurs dont la renommée fut internationale et se poursuivit à travers les décennies. On citera Roberto Rossellini, Vittorio De Sica, Giuseppe De Santis et bien évidemment Luchino Visconti. Visconti est avant tout une institution. Considéré comme l'un des plus grands cinéastes italiens de tous les temps, sa filmographie n'a pourtant pas mis tout le monde d'accord. Les dissensions entre le public et les critiques spécialisées étaient bel et bien là. Son métrage La Terre Tremble ne reçut guère de faveurs et Senso fut dénoncé comme une trahison du néoréalisme. Une trahison assez ironique dans la finalité sachant que Les Amants Diaboliques est considéré comme le premier film du courant néoréaliste. C'est en 1962 que Visconti mettra enfin d'accord les critiques et le public avec son plus grand succès : Le Guépard. Une fresque titanesque adaptée du roman éponyme de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, un romancier issu de la noblesse sicilienne décrivant la décadence de cette haute société dans le contexte houleux du rattachement à l'Italie en 1860. Décédé en 1957, son roman sera publié en 1958 pour devenir le tout premier best-seller italien. 

Avec cette adaptation dont la durée de tournage dura 15 mois, le réalisateur confirma définitivement son talent vu qu'il obtiendra la prestigieuse Palme d'Or à Cannes mais pas que. La version restaurée sera sélectionnée dans la catégorie Cannes Classics et il sera également choisi parmi les 100 films italiens à conserver. Il est aussi ce film dont l'investissement exigé fut colossal à un point tel qu'il se révèlera supérieur aux prévisions de la Titanus. Avec Sodome et Gomorrhe dont le succès cinématographique fut faible, ils causèrent la suspension cinématographique de la Titanus ne se focalisant désormais plus que sur la production télévisuelle. Il faut dire que le caractère maniaque de Visconti avait de quoi causer le tournis mais nous en reparlerons par la suite. Pourtant, sous cet apparat de réussite, le projet fut une belle gageure concernant sa durée.
A l'origine, il durait 3h25 mais les producteurs ont exigé de le raccourcir jusqu'à ce que Visconti menace de passer devant les tribunaux. Au milieu des années 80, le film sera remonté en Technicolor pour atteindre la durée que nous connaissons aujourd'hui. Bref, sous ses travers d'oeuvre grandiloquente, se cache un film d'une profonde complexité dont le challenge ne sera pas de tout repos pour proposer une chronique décente.

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ATTENTION SPOILERS : En 1860, Garibaldi débarque en Sicile pour renverser les Bourbons. Tancrède, neveu du prince Salina et jeune homme ambitieux, se bat aux côtés des républicains, décidés à frayer un chemin au régime constitutionnel de Victor-Emmanuel, le roi de Piémont-Sardaigne. Salina, comprenant que les événements révolutionnaires sonnent le glas de la monarchie, soutient Tancrède. Au début de l'été, le prince quitte Palerme avec sa famille et se retire dans sa propriété de Donnafugata. Tancrède fait la connaissance d'Angelica, la fille du maire, dont il s'éprend.
Bientôt, les échos du rattachement de la Sicile à l'Italie unifiée leur parviennent. La grande Histoire s'immisce dans le quotidien des petites gens et des notables.

La difficulté d'accès réside dans un contexte historique et socio-politique âpre. Un contexte prenant place dans les tourments révolutionnaires du Risorgimento lors de laquelle on vit une unification italienne par annexion de la Lombardie, de Venise du royaume des Deux-Siciles, du grand-duché de Toscane ou encore du royaume de Sardaigne. Il faut dire que la géopolitique italienne de jadis tenait plus d'une fragmentation du pays en différents royaumes autonomes. A côté de ça, le fédéralisme belge passerait presque pour une politique de simplet (pas le même univers non plus, ceci dit) ! Au sein de tout ceci, Giuseppe Garibaldi, l'un des pères de la patrie italienne, qui conduisit et combattu dans un grand nombre de campagnes militaires permettant la constitution de la fameuse Italie Unifiée que nous connaissons. Avec le débarquement de Garibaldi en Sicile à Marsala, la fin de l'aristocratie est envisagée avec détachement et mélancolie par le noble Don Fabrizio Salina.
La chute de leur hégémonie voit la nouvelle bourgeoisie constituée des administrateurs et des grands propriétaires terriens. Une nouvelle classe sociale monte. Son neveu Tancrède est partisan de la lutte des Chemises Rouges en y participant pleinement. Bien que le soutenant dans sa lutte et son ascension, Salina ne peut cacher son désarroi envers d'importantes mutations sociétales à venir. Partagé entre le désir de renouveau et de vouloir garder une forme d'emprise élitiste sur une Italie multi polaire, il observe en spectateur invétéré depuis le début des hostilités.

En parallèle, Tancrède, essayant de faire tourner la situation à son avantage, va délaisser Conchetta, en qui il avait montré un certain intérêt, pour tomber amoureux d'Angelica, la fille de Don Calogero Sedara, le maire du village de Donnafugata. Reflet de l'opportunisme d'une aristocratie en déshérence et bien consciente de son sort, il sera incité par Salina pour l'épouser et avoir accès à son patrimoine considérable. Chose inenvisageable auparavant, l'aristocratie a besoin d'une aide financière pour vivre dans un monde changeant. L'arrivée d'un fonctionnaire, le cavalière Chevalley Di Monterzuolo, va proposer à Salina d'être nouveau sénateur du, désormais, Royaume d'Italie.
Une telle offre sera refusée, Salina étant trop lié au vieux monde sicilien. Hostile au changement, peur de l'inconnu face à un avenir dans lequel il ne se reconnaîtra pas. "Ensuite, ce sera différent mais pire...", voilà les mots qui illustreront bien sa résignation sur un modèle que lui et les autres de son rang ne peuvent, pour une fois, pas exercer un rôle dessus. Ils n'ont pas la capacité d'influer sur le cours des événements politiques à venir. Rien de plus déprimant que de ne plus avoir les facultés pour dompter la civilisation. 

 

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Avec une ambition démesurée, Visconti nous convie à une longue plongée de 3h dans ce microcosme raffiné, résigné et acceptant la fatalité qui leur est imposé. Un état de fait inquiétant au vu des choix d'un grand nombre de gens préférant se contenter de leur sort au lieu de se battre. Il témoigne aussi d'ambitions inexistantes, d'une idéologie trouble, d'objectifs caduques et de rêves évanescents, alors que le camp adverse s'est construit une vision de la vie progressiste et cultive l'idéalisme. Dans chaque modèle périmé, un renouveau se crée irrémédiablement.
Qu'ils ne soient ou non issus de la noblesse, seuls ceux qui désirent vaincre en se donnant les moyens sont aptes à faire tourner les choses à leur avantage. Le Guépard a donc cette dimension sociologique gratifiante d'analyses diverses, tout en faisant montre du moindre souci du détail. Il est le film construit entre deux styles cinématographiques de son réalisateur qui n'y a pas été de main morte. Rigoureux, voire même maniaque, chaque chose doit être parfaite, quitte à prolonger le tournage. Ce qui expliquera la longue durée pour accoucher de son dernier bébé. Bien sûr, on songe directement à la dernière scène du bal où Salina prend conscience de l'union inévitable entre la nouvelle bourgeoisie et l'aristocratie déclinante. Une scène rendue parmi les plus célèbres de l'histoire du Septième Art italien.

Le palais Gangi de Palerme fut réouvert pour le tournage. La mobilisation est sans précédent : 20 électriciens, 120 couturiers, 150 artisans chargés du décor sans oublier les coiffeurs et les maquilleurs. La longue séquence s'étalant de 7h du soir à l'aube en raison de la canicule, et ce durant 48 jours où le cinéaste passait tout au peigne fin, de chaque décor à chaque figurant. Des fleurs furent envoyées chaque jour par avion, les parfums furent sélectionnés, de nouvelles chandelles aux lustres toutes les heures et le remplacement systématique des bougies fondant comme neige au soleil. Une coiffeuse aurait, apparemment, fait une dépression nerveuse après le tournage. Mais l'histoire ne s'arrêtera pas là vu que les figurants furent choisis avec minutie pour les scènes de bataille selon leur type morphologique. Un tel figurant devait se trouver là, un autre là et etc.
De quoi donner le tournis et de belles prises de tête à l'ensemble du personnel. Cependant, le résultat est là et nous sommes là, devant, pantois devant une reconstitution absolument dantesque tant la crédibilité pousse Le Guépardà avoir redonné vie à un monde lointain avec une maestria intergalactique. Ce n'est pas pour rien que Visconti est qualifié de fin esthète et de perfectionniste esthétique. Un point qui lui sera plus d'une fois reproché, les critique le taxant d'avoir trahi la cause marxiste de par son aspect spectaculaire et une stylistique distinguée, voire même aux relents byzantins tant cela va loin.

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Le régal visuel sera total pour tout ce qui concerne les lumières, les plans, les décors et les 1001 couleurs ressortant dans une symbiose d'une harmonie difficilement comparable. On pense à tous ces bouquets de fleurs sublimant un décor déjà sublimé auparavant. On pense à l'élégance renversante des robes et des costumes dont on ne peut imaginer le travail derrière. On pense aux paysages siciliens incroyables berçant nos rétines. Une berceuse davantage amplifiée par une piste audio grandiloquente en tout point, officiant forcément dans la musique classique.
Histoire de rajouter encore de l'érudition, de grands acteurs furent sélectionnés : Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale en tête dont leur jeu d'acteur est millimétré. Suivent ensuite Paolo Stoppa, Rina Romelli, Romolo Valli ou Mario Girotti. De quoi se sentir fier pour eux de se dire d'avoir joué dans Le Guépard

Le Guépard est en quelque sorte l'essence même de la classe italienne qu'il partage avec Federico Fellini, cependant bien plus poussé dans son exigence sans précédent, ce qui n'est pas rien quand on constate l'exigence de Fellini. C'est un monument qui nous est offert avec une acuité stylistique réinventant la forme de son réalisateur en bonifiant à son paroxysme l'esthétique. Oui, Visconti est le cinéaste italien de l'esthétique, toujours avec Fellini, repoussant l'image à des niveaux invraisemblables. Ce point est limite, au risque de me faire tancer, ce qui sautera le plus aux yeux quand nous repenserons au visionnage. Ce qui ne veut pas dire que tout le reste est au second plan.
La mise en scène d'une grâce exemplaire se contemple durant 3h qui ne pourront que difficilement décrocher le spectateur de l'expérience auquel il fait face. Le Guépard est le film synonyme d'ambition cinématographique dont chaque scène mériterait une analyse plus poussée. Vous me permettrez donc d'excuser la frugalité de cette chronique qui aurait été bien trop longue et bien trop complexe à mettre en place si j'avais dû me lancer dans ce projet pharaonique, en plus d'avoir dû solliciter plusieurs visionnages. Et plusieurs visionnages d'un film de 3h, c'est dur et long... très long. Après tout, je trouve qu'il serait inutile de trop en dire vu que le métrage est un Valpolicella qui doit pleinement se savourer sans gâcher la surprise en décrivant chaque scène. Mais je suppose que cette maigre chronique devrait solliciter un intérêt grandissant dont la seule difficulté d'accès résidera justement dans cette durée se mêlant à un rythme posé. Chose difficilement accessible de beaucoup à notre époque. Le Guépard, c'est une leçon de cinéma qui fera danser les hommes et femmes pour l'éternité. Un symbole artistique d'une époque révolue. Si j'admets toujours que Mort à Venise est mon préféré de Visconti, il serait absolument criminel que de ne pas dire que Le Guépard est un monument dont la scène de bal n'est pas prête de quitter votre esprit. 

 

Note :17/20

 

 

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Halloween 3 : Le Sang du Sorcier - Les OVNI du cinéma (Présentation du film)

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Aujourd'hui, Cinéma Choc vous propose une petite présentation du film Halloween 3 : le sang du sorcier via une vidéo publiée par les OVNI du cinéma et disponible sur le lien suivant : https://www.youtube.com/watch?v=6gDnR_hfENw&list=PLaI-L_qgft9GekxTvTCA0hOSf0aDX3NTa&index=29
Ce troisième chapitre fut, au moment de sa sortie, unanimement vilipendé par les thuriféraires de la série pour ses digressions avec la franchise originelle. Nonobstant son statut de cancre voire d'élève indiscipliné, le film mérite vraiment d'être réhabilité.

 

La Nuit A Dévoré le Monde (Des zombies dans Paris)

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Genre : horreur (interdit aux - 12 ans)
Année : 2018
Durée : 1h34

Synopsis :En se réveillant dans un appartement sens dessus dessous à cause d'une fête organisée la veille, Sam se trouve seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et tout faire pour survivre...   

La critique :

Il faut se rendre sur le site Cinetrafic et en particulier sur le lien suivant : https://www.cinetrafic.fr/liste-film/2780/1/le-film-d-epouvante-horreur-a-la-francaise pour déceler une liste foisonnante et exhaustive répertoriant plus de 85 films (87 pour être précis...) d'horreur à la française. Il faut bien l'admettre et le reconnaître. Nonobstant certaines apparences et un regain de notoriété depuis quelques années, l'épouvante n'a jamais été l'apanage de notre cinéma hexagonal, plutôt pingre en matière d'érubescence, de gore et d'hémoglobine. Certes, les thuriféraires de l'horreur à la française contesteront cette dialectique à priori rédhibitoire en notifiant plusieurs oeuvres notables et notoires, entre autres Haute Tension (Alexandre Aja, 2003), Les Yeux Sans Visage (Georges Franju, 1960), Calvaire (Fabrice du Welz, 2003), Martyrs (Pascal Laugier, 2008), Frontière(s) (Xavier Gens, 2007), Baby Blood (Alain Robak, 1990), Baxter (Jérôme Boivin, 1988), Vinyan (Fabrice du Welz, 2008), ou encore plus récemment Grave (Julia Ducournau, 2016).

En outre, notre cinéma hexagonal n'a jamais, ou alors peu ou prou, exploré les zombies et les cadavres décrépits. L'une des seules exceptions notables se nomme La Horde (Yannick Dahan et Benjamin Rocher, 2010), un film gore qui n'avait pas spécialement laissé une marque indélébile, loin de là. Il était donc temps de rectifier cette bourde lacunaire avec La Nuit A Dévoré le Monde, réalisé par les soins de Dominique Rocher en 2018. En l'occurrence, La Nuit A Dévoré le Monde constitue le tout premier long-métrage du jeune cinéaste impudent.
Auparavant, ce dernier a surtout officié derrière des courts-métrages, notamment Haiku (2009) et La vitesse du passé (2011). C'est ce second court-métrage qui va permettre à Dominique Rocher de susciter les convoitises et les plébiscites en s'arrogeant plusieurs récompenses prestigieuses.

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Le metteur en scène émérite est repéré par la productrice Carole Scotta. Philanthrope, cette dernière accepte de financer (en partie) le tout premier film de Dominique Rocher. Ce sera La Nuit A Dévoré le Monde (au cas où vous n'auriez toujours pas compris...). Le métrage est aussi l'adaptation d'un opuscule éponyme de Pit Agarmen, publié en 2012. Certes, en raison de son budget famélique, La Nuit A Dévoré le Monde ne bénéficiera pas d'une distribution dans les salles françaises. A contrario, le film va asseoir sa réputation via son exploitation dans divers festivals, notamment lors du festival des premiers plans d'Angers ou lors du festival international du film fantastique de Gérardmer (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_nuit_a_dévoré_le_monde).
Là oùLa Horde avait suscité les fadaises et les acrimonies au moment de sa sortie, La Nuit A Dévoré le Monde reçoit à l'inve
rse des torrents de flagorneries et de satisfécits.

La presse et les critiques adoubent et encensent une pellicule sagace et largement supérieure à la moyenne des productions d'épouvante habituelles, que ce soit dans le registre de l'horreur à la française en général, ou dans les zombies carnassiers en particulier. Reste à savoir si La Nuit A Dévoré le Monde mérite (ou non) de tels dithyrambes. Réponse à venir dans les lignes de cette chronique... La distribution du film se compose d'Anders Danielsen Lie, Golshifteh Farahani, Denis Lavant, Sigrid Bouaziz et David Kammenos. Attention, SPOILERS ! En se réveillant dans un appartement sens dessus dessous à cause d'une fête organisée la veille, Sam se trouve seul et des morts vivants ont envahi les rues de Paris. Terrorisé, il va devoir se protéger et tout faire pour survivre...
A l'aune de cette exégèse lapidaire, difficile de ne pas songer, au moins furtivement, au synopsis de 28 Jours Plus Tard (Danny Boyle, 2002).

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Pour mémoire, le film d'horreur de Danny Boyle marchait lui aussi sur le même continuum, à savoir un homme seul qui découvre, hébété, des rues désolées, contristées et vidées de leur substance dans une ville de Londres en déshérence. Dominique Rocher emprunte peu ou prou le même didactisme. Seule dissimilitude et pas des moindres, les inimitiés anthropophages se déroulent dans les rues esseulées de notre capitale française, donc Paris. En sus, Dominique Rocher opte pour le huis clos minimaliste là où Danny Boyle choisissait d'évaporer son héros d'infortune dans une nature hostile et austère. De facto, La Nuit A Dévoré le Monde se nimbe de nouvelles aspérités et rhétoriques et aborde les thématiques, toujours spinescentes, de la psychasthénie et de la solitude.
De facto, La Nuit A Dévoré le Monde se rapproche davantage de Je Suis Une Légende (Ubaldo Ragona et Sidney Salkow, 1964), une version qui connaîtra un remake éponyme trois décennies plus tard.

Indubitablement, le personnage de Sam symbolise, à lui seul, toute la quintessence d'une société en décrépitude et incapable de communiquer. Dans ce monde en évanescence, l'individu est donc condamnéà s'isoler et s'avilir dans une agoraphobie irrépressible. Sur le fond comme sur la forme, La Nuit A Dévoré le Monde s'apparente davantage à un film d'épouvante social ou plutôt asocial en l'occurrence, décryptant la longue neurasthénie mentale de son héros en déveine. On pense parfois au film Le Locataire (Roman Polanski, 1976), les zombies et l'anthropophagie en plus.
La Nuit A Dévoré le Monde signe donc les rémanences et les réminiscences du cinéma de George Romero en son temps.
Le film de Benjamin Rocher évoque et rappelle l'essence et la genèse de la trilogie des Morts (La Nuit des Morts-Vivants, Zombie et Le Jour des Morts-Vivants). 

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In fine, le zombie n'est qu'une figure alternative représentant le désordre moral et mental de son héros principal vacillant, ainsi que la déréliction d'une société consumériste sur le point de péricliter, inexorablement. Il serait donc particulièrement vachard de ne pas reconnaître les qualités intrinsèques de ce long-métrage anxiogène, ainsi que la précellence de son casting, Anders Danielsen Lie en tête. Cependant, La Nuit A Dévoré le Monde n'est pas exempt de tout reproche. A force de se polariser sur l'aboulie mentale de son héros principal, le film finit par devenir un brin fastidieux et rébarbatif, surtout lors de ses vingt dernières minutes.
Néanmoins, La Nuit A Dévoré le Monde constitue à lui seul un vrai cas unique dans notre cinéma hexagonal et fait donc figure de véritable OFNI (objet filmique non identifié) dans notre paysage cinématographique français largement tuméfié. Nul doute que l'on reparlera, incessamment sous peu, de Benjamin Rocher avec toutes les courtisaneries qu'il mérite. Si ce cinéaste orfèvre ne se laisse pas dévorer par certains producteurs mercantiles et s'il ne s'évade pas dans certains projets fumeux fomentés par les Etats-Unis (n'est-ce pas Alexandre Aja...), Benjamin Rocher est appeléà revêtir des oripeaux encore plus soyeux.

Note :14/20

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