Genre : horreur, thriller (film classé"X", donc interdit aux - 18 ans au moment de sa sortie, interdit aux - 16 ans aujourd'hui)
Année : 1977
Durée : 1h44
Synopsis :Un homme et une femme sillonnent les routes californiennes avec leur caravane, leur absence d'enfant et leurs neuf ans de couple bien tassés. Le lien se défait, le ciment affectif s'érode. Il se saoule pour oublier et n'ose plus se regarder dans le miroir ; elle a encore un corps désirable mais ne désire plus rien. Un jour, ils prennent en autostop Adam, un démon exterminateur.
La critique :
Nous ne commettrons pas l'offense ni l'imprudence de procéder à l'exégèse du rape and revenge, un sous-genre du cinéma d'exploitation qui actera véritablement sa naissance à l'orée des années 1970 via La Dernière Maison sur la Gauche (Wes Craven, 1972). Pourtant, les premières prémices de ce registre cinématographique datent probablement du début des années 1960 avec La Source (Ingmar Bergman, 1960), soit l'histoire d'une jeune adulescente, à la fois fébrile et pudibonde, atrocement suppliciée, violée puis laissée pour morte par trois gueux de passage.
Hélas, nos tortionnaires sont recueillis sans le savoir par les propres parents de la défunte. Très vite, ces derniers suspectent leurs nouveaux hôtes d'être les principaux auteurs de cette sinistre forfaiture. Via La Dernière Maison sur la Gauche, Wes Craven réitérera, peu ou prou, la même didactique.
Seule dissimilitude et pas des moindres, le film sort dans un contexte de mutations socioculturelles et surtout dans une Amérique courroucée par la Guerre du Vietnam, puis par le scandale du Watergate. La jeunesse est en pleine insubordination et se regimbe contre les rigorismes du gouvernement et de l'autorité patriarcale. Cette phallocratie est exhortée de quitter prestement ses pénates sous le joug et les jacqueries du mouvement féministe. A l'instar de l'ensemble du monde occidental, les Etats-Unis connaissent à leur tour de profonds chambardements.
Evidemment, de telles permutations ne pouvaient pas escarper au cinéma déviant en général et au rape and revenge en particulier. Quels que soient les films, le syllogisme obéit toujours à la même ritournelle. Le scénario est souvent succinct et se résume en une seule et unique ligne.
Une jeune femme chaste est victime des pulsions satyriasiques de la gente masculine. Après avoir subi les concupiscences de ses bourreaux, l'héroïne se venge et se mutine pour se transmuter en chasseur et en prédateur impénitent. La femme doit donc devenir un homme comme les autres et s'accaparer le désir au masculin. C'est la première phase du mouvement féministe. Le rape and revenge reprend donc cet axiome à fortiori incoercible. Crime à Froid (Bo Arne Vibenius, 1974), La Chasse est Ouverte (Peter Collinson, 1974), Sous l'empire de la haine (Ohran Aksoy, 1974), La Traque (Serge Leroy, 1975), Oeil pour Oeil (Meir Zarchi, 1978), ou encore Week-End Sauvage (William Fruet, 1977) sont autant de classiques sérénissimes et stipulés par les thuriféraires du genre.
Vient également s'agréger La Proie de l'Autostop, réalisée par les soins de Pasquale Festa Campanile en 1977.
Le cinéaste transalpin a tout d'abord démarré une carrière de journaliste avant d'embrasser, à postériori, le noble Septième Art. De prime abord, Pasquale Festa Campanile revêt les oripeaux de cacographe et griffonne les scénarii de Rocco et ses frères (Luchino Visconti, 1960), Le Guépard (Luchino Visconti, 1963), Le Mauvais Chemin (Mauro Bololigni, 1961), ou encore La Bataille de Naples (Nanni Loy, 1962). C'est vers le milieu des années 1960 que Pasquale Festa Campanile signe sa toute première réalisation, Amour sans lendemain (1963), un premier essai déjà couronné de succès sur ses terres ritales. Il enchaîne alors avec quelques films notables et éventuellement notoires, entre autres Une vierge pour le prince (1966), L'amour à cheval (1968), Quand les femmes avaient une queue (1970), Ma femme est un violon (1971), Quand les femmes perdirent leur queue (1972), ou encore La Grande Bagarre (1976).
Pour La Proie de l'Autostop, Pasquale Festa Campanile devra se colleter avec les furibonderies de la censure. Au moment de sa sortie, le long-métrage écope carrément d'une classification "X" et donc de l'ultime réprobation (donc, une interdiction aux moins de 18 ans), tout du moins jusqu'en 1981. Par la suite, l'interdiction sera minorée pour passer à une interdiction aux moins de 16 ans. Le scénario de La Proie de l'Autostop est aussi l'adaptation (très) libre d'un opuscule de Peter Kane. La distribution du film se compose de Corinne Cléry, Franco Nero, David Hess, Joshua Sinclair, Carlo Puri, Robert Sommer et Ann Ferguson. Attention, SPOILERS !
(1) Un couple d'italiens en crise, Walter et Eve Mancini, voyage au sud de la Californie en caravane. Journaliste ivrogne et écrivain raté, il ne cesse de rabaisser sa jeune femme et il ne parvient pas à se défaire de la dépendance financière du père de son épouse.
Sur leur route, ils prennent en stop un homme, un certain Adam Konitz, qui, lors du trajet, provoque la femme de Walter. Bafoué dans sa virilité et son machisme, Walter arrête la voiture et descend de force l'auto-stoppeur du véhicule pour le tabasser. Mais ce dernier est armé et les prend en otages. Il se révèle être un dangereux bandit en cavale qui vient d'assassiner son complice après un hold-up. Mais le trio est poursuivi par les deux autres acolytes d'Adam qui sont prêts à tout pour récupérer sa valise contenant le butin du casse.
Ruiné, Walter s'avère être lui aussi obsédé par cet argent facile au point de devenir fou... (1) Autant l'annoncer sans ambages. A juste titre, La Proie de l'Autostop est souvent considérée et répertoriée parmi les rape and revenge mineurs.
D'ailleurs, ce n'est pas aléatoire si on retrouve l'acteur David Hess dans un casting au mieux famélique. Pour mémoire, rappelons que le comédien avait déjà enfilé les frusques d'un renégat et d'un forcené dans La Dernière Maison sur la Gauche (une oeuvre précédemment susmentionnée dans ses lignes). Abonné aux rôles de sociopathes patentés, David Hess reprendra derechef un opinel dans le lénifiant La Maison au fond du Parc (Ruggero Deodato, 1980). Via La Proie de l'Autostop, Pasquale Festa Campanile tortore un peu...beaucoup...énormémentà tous les râteliers.
Sur la forme, ce rape and revenge s'apparente à un curieux maelström entre l'horreur, la vendetta sanglante, le road movie, le thriller, l'érotisme et une once de dramaturgie maritale. A contrario, sur le fond, La Proie de l'Autostop (Autostop Rosso Sangue de son titre original) est une oeuvre profondément abjecte et misogyne.
En vérité, le long-métrage se veut être la réponse véhémente à tous ces rape and revenge cornaquant le féminisme comme la nouvelle égérie du cinéma des années 1970. Ainsi, la belle Corinne Cléry, qui incarne Eve dans le film, est successivement tourmentée, rudoyée, tarabustée et giflée par son propre époux, priée de faire la vaisselle, d'écarter les cuisses pour accepter béatement les pulsions libidineuses de son mari, et bien sûr de fermer gentiment sa cavité buccale lorsque son conjoint entame une longue homélie. De surcroît, La Proie de l'Autostop n'élude pas non plus certains archétypes habituels. Par des subterfuges matois et malhabilement disséminés à travers certaines lignes de dialogue, on comprend qu'Eve n'est pas sexuellement satisfaite par son époux.
Hélas, la jeune femme érotomane connaîtra la félicité sexuelle auprès de son nouvel agresseur et en la personne d'Adam Konitz.
Vous l'avez donc compris. Pasquale Fanta Campanile ne nous épargne aucune excentricité et décide d'éterniser ce rape and revenge factice sur une durée académique d'une heure et 45 minutes de bobine. En l'occurrence, les animosités auraient pu s'estomper après une petite heure de diverses animosités. Le métrage souffre également de chutes de rythme et de tension pour mieux se polariser sur des conversations byzantines. Si La Proie de l'Autostop demeure largement perfectible, le long-métrage reste néanmoins intéressant dans cette analyse des rapports entre les hommes et les femmes qu'il véhicule malgré lui. Clairement, le film de Pasquale Fanta Campanile s'apparente à une critique au vitriol de la doxa féministe des années 1970. Seul bémol et pas des moindres, le cinéaste ne verse pas vraiment dans les finasseries ni dans les finauderies pour parsemer un message pour le moins radical et plus que contestable. Bref, un rape and revenge à réserver aux laudateurs les plus invétérés du genre...
Les autres clabauderont et maronneront, à raison, contre l'inanité et la vacuité de cette pellicule obsolescente.
Note :07/20
Alice In Oliver
(1) Synopsis du film sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Proie_de_l%27autostop