Genre : horreur, épouvante, drame
Année : 2003
Durée : 1h40
Synopsis : Solitaire, timoré, timide, mal dans sa peau, Willard mène une vie misérable entre la maison familiale et un travail inintéressant. Il se découvre un jour un étrange don de séduction auprès des rongeurs qui habitent les fondations de sa demeure. Willard a enfin des amis. Des centaines d'amis. Des compagnons qui lui obéissent au doigt et à l'oeil, et qu'il va utiliser pour se venger des reproches que lui adresse Frank Martin, son nouveau patron...
La critique :
Vous l'avez sans doute constaté, renâclé et même subodoré. De temps à autre, Cinéma Choc aime se polariser sur le genre "agression animale". Que les adulateurs du blog (mais enfin, qui sont-ils ?) se rassérènent. Via cette chronique, nous ne commettrons pas l'offense d'itérer la genèse et l'historique de ce sous-registre du cinéma bis et d'exploitation. En l'occurrence, c'est le succès pharaonique de Les Dents de la Mer (Steven Spielberg, 1975) qui va attribuer ses lettres de noblesse à un genre à la fois carnassier et rutilant. Ainsi, requins, crocodiliens, piranhas, poissons voraces et autres crotales affamés vont devenir les principaux leitmotivs du cinéma horrifique.
Impression corroborée par les sorties de Piranhas (Joe Dante, 1978), La Mort au large (Enzo G. Castellari, 1981), la saga Lake Placid (initiée par Steve Miner en 1999), Orca (Michael Anderson, 1977), Frankenfish (Mark A.Z. Dippé, 2004), ou encore Peur Bleue (Renny Harlin, 1999).
Du statut de blockbuster, l'agression animale va subrepticement se transmuter en série B impécunieuse. Bientôt, l'océan doit s'évincer et se phagocyter pour laisser sa place à une menace diligentée sur notre bon sol terrestre. Nos amis les insectes seront évidemment les précieux convives de ce genre iconoclaste et tout d'abord sous le joug des radiations atomiques et nucléaires. Ainsi, Them ! Des Monstres Attaquent la Ville (Gordon Douglas, 1954), La Chose surgit des Ténèbres (Nathan Juran, 1957) et Beginning of the End (Bert I. Gordon, 1957) annoncent des temps peu cléments et assujettis à la menace radioactive. Parfois même, nos chers insectes sont les victimes infortunées des expériences humaines. Preuve en est avec les sorties concomitantes de La Mouche Noire (Kurt Neumann, 1958), Le Retour de la Mouche (Edward Bernds, 1959) et La Malédiction de la Mouche (Don Sharp, 1965).
Que ce soit les cafards hideux et miteux (Voyage au bout de l'horreur, Terence H. Winckless, 1988), les abeilles tueuses et venimeuses (L'inévitable catastrophe, Irwin Allen, 1978), les guêpes hargneuses (Deadly Swarm, Paul Andresen, 2003), ou encore les moustiques gloutons et plantureux (l'inénarrable Mosquito, Gary Jones, 1995), toutes ces productions adventices expriment cette peur indicible de la fin du monde. Un jour ou l'autre, l'espèce humaine sera éradiquée et supplantée par une nouvelle espèce dominante. Bon gré mal gré, l'agression animale est corrélée avec la dialectique darwinienne. Et nos amis les rongeurs dans tout ça ?
En l'occurrence, ces derniers ne sont pas en reste. Régulièrement, le cinéma d'horreur (ou de science-fiction parfois...) ravive l'appétit pantagruélique de nos chers rodentiens.
Là aussi, on décèle toute une panoplie de productions adventices, notamment Mulberry Street (Jim Mickle, 2008), Ratman (Giuliano Carnimeo, 1988), D'origine Inconnue (George Pan Cosmatos, 1983), Soudain... Les Monstres (Bert I. Gordon, 1976), Ratboy (Sondra Locke, 1986), Altered Species (Serge Rodnunsky, 2001), La Malédiction des Rats (Damian Lee, 1989), Rat Scratch Fever (Jeff Leroy, 2011) ou encore Les Rats de Manhattan (Bruno Mattei, 1984). Vient également s'additionner Willard, réalisé par la diligence de Glen Morgan en 2003. A la fois producteur, metteur en scène et scénariste américain, Glen Morgan a essentiellement sévi en tant que cacographe, principalement dans certains épisodes de séries télévisées notoires (X-Files, Millenium, Booker et Space 2063, principalement).
Willard constitue sa toute première réalisation.
Paradoxalement, Glen Morgan n'est pas vraiment un noviciat (loin de là...) dans l'industrie cinématographique. Quelques années plus tard, il s'affairera à la réalisation de Black Christmas (2006), le célèbre remake d'un slasher éponyme. Par ailleurs, Willard est lui aussi un remake d'un long-métrage homonyme des années 1970 (1971 pour être précis) et cornaqué par les soins de Daniel Mann. Une suite, Ben (Phil Karlson, 1972), verra également le jour dans la foulée. En l'occurrence, Willard connaîtra une exploitation élusive dans les salles de cinéma, tout du moins aux Etats-Unis. Contre toute attente, le film de Glen Morgan se solde par un fiasco commercial, à tel point que Willard sort directement en vidéo lors de sa distribution dans nos contrées hexagonales.
Reste à savoir si ce remake mérite - ou non - de telles acrimonies.
Réponse à venir dans les lignes éparses de cette chronique... Toujours est-il que Willardécumera les festivals et se soldera par plusieurs récompenses, notamment "le CSC award de la meilleure photographie lors des Canadian Society of Cinematographers Awards de 2004" (Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Willard_(film,_2003). La distribution du film se compose de Crispin Glover, R. Lee Ermey, Laura Harring, Jackie Burroughs, William S. Taylor, Kim McKamy et Bruce Davison. Parmi ce casting, on retrouve quelques faciès bien connus du cinéma bis, entre autres le visage récurrent de Crispin Glover, un comédien abonné aux rôles subsidiaires.
Grâce à Willard, l'acteur tient enfin le rôle principal, lui que l'on a pu entrevoir dans Retour vers le futur, Salor et Lula, Larry Flynt, ou encore Alice au pays des Merveilles (la version surannée de Tim Burton...).
Mais trêve de verbigérations et de verbiages et passons à l'exégèse du film ! Attention, SPOILERS ! (1) Willard Stiles, 27 ans, a tout pour être mal dans sa peau. Vivant dans une vaste demeure poussiéreuse en compagnie de sa mère, une vieille femme méchante et malade, sa vie professionnelle se résume à un job où il s'avère médiocre et où il est constamment martyrisé par son patron, contraint de le garder comme employé depuis le suicide du fondateur de l'entreprise, le père du jeune homme. Willard finit pourtant par se trouver un ami : un rat vivant dans sa cave, qu'il baptise affectueusement Socrate. A travers lui, il s'attire la sympathie des très nombreux rats habitants la cave de sa maison, qu'il décide d'utiliser pour se venger des humiliations dont il souffre quotidiennement (1).
Premier constat : Willard n'a pas vraiment (du tout...) pour aspérité de verser dans le film trash et sanguinolent.
Malicieux, Glenn Morgan prend son temps pour brosser le portrait d'un homme quasi trentenaire et timoré, tancé et rabroué par son patron acariâtre et flanqué d'une matriarche qui le sermonne et le fustige à la moindre occasion. Tous les éléments concordent pour avaliser la vengeance de ce jeune homme pudibond. Le spectateur est même sommé de jouer les intercesseurs et presque d'interpeller en la faveur de Willard. Indubitablement, le film de Glenn Morgan dégage un climat malaisant et anxiogène, tout en essaimant une once de comédie dramatique, parfois sarcastique. Glenn Morgan n'épargne pas son personnage principal. Amorphe, ce dernier s'accointe et s'acoquine avec nos amis les rongeurs. "Déchiquetez... Déchiquetez... Déchiquetez !", enjoint le trentenaire débonnaire.
Hélas, Willard n'est pas exempt de tout grief. Si la première section du film - en forme de portrait intime - est plutôt éloquente, le long-métrage se montre beaucoup trop doucereux en termes d'effroi et de saynètes réellement jubilatoires. Willardélude toute profusion d'hémoglobine, avec toujours cette sensation que Glenn Morgan exploite son scénario (ainsi que son principal protagoniste) avec beaucoup trop de pusillanimité et de parcimonie. Dommage, car avec davantage de virulence et d'irrévérence, Willard aurait pu aisément s'immiscer dans le haut du panier.
Note : 12/20
(1) Synopsis du film sur : https://devildead.com/indexfilm.php3?FilmID=926&NamePage=willard
Alice In Oliver