Genre : Guerre, drame
Année : 1969
Durée : 1h58
Synopsis :
En Libye, pendant la Seconde Guerre mondiale, les pertes humaines et les dégâts matériels sont considérables. Pour faire amende honorable, le général Blore ordonne au colonel Masters de faire sauter un dépôt de carburant allemand. Afin d'accomplir cette mission, il recrute une bande de criminels, considérés comme seules pertes acceptables. Mais un problème de communication va remettre en cause toute l'expédition.
La critique :
A moult reprises, votre blog que vous chérissez (rires de sitcom) s'est aventuré sur de nombreux genres, styles et thématiques, confirmant son éclectisme qui, j'espère, n'est plus à prouver. Dans tout ce fatras, le film de guerre fut bien plus d'une fois mis en valeur à travers des pellicules généralement retors et virulentes. Car on a parfois un peu tendance à oublier que la souffrance et la mort sont corollaires de la guerre. Or, certains tâcherons n'hésitent pas à romancer leur histoire, usant de manichéisme, de censure ou de pitoyable héroïsme tout sauf crédible. Les USA étant les spécialistes dans ce domaine mais qui s'en étonnera ? Volonté d'édulcorer la vérité qui relie la guerre à l'enfer, deux mots rimant à merveille, pour toucher un plus large audimat, nombreuses se sont vautrées dans un certain pathétisme. On citera de tête Pearl Harbor et Indigènes qui sont des sommités du genre. Pas spécialement mauvais dans leur mise en scène mais Dieu que c'est niais et larmoyant.
Bref, tout ce qu'il ne faut pas faire et certainement pas rajouter par-dessus une bonne dose de patriotisme vomitif. Etant de base chiant en ce qui concerne le Septième Art, je le suis encore plus quand il s'agit de conflits historiques où véracité des faits et politique de ne rien cacher du tout sont des composantes essentielles de la bonne réussite.
On se permettra d'éluder la totalité des grands classiques car cela n'a aucun sens. Ceci dit, je ne pourrais m'empêcher de citer Voyage au Bout de l'Enfer, Apocalypse Now, Platoon ou Les Sentiers de la Gloire parmi les chefs-d'oeuvre absolus. Il n'empêche, malgré tout, que certains longs-métrages soient sous-estimés, voire même peu mentionnés, alors qu'ils ont quand même une certaine réputation derrière eux. Alors, soit mon oeil avisé ne l'est finalement pas tant que ça, soit le titre virulent Enfants de Salauds est quelque peu retombé en désuétude. L'homme derrière s'appelle André De Toth, d'origine austro-hongroise, qui a débuté sa carrière en tournant quelques films dans son pays natal, la Hongrie, étant inédits de par chez nous. Il sera aussi contraint de filmer l'invasion de la Pologne par les Allemands pour les actualités hongroises. Après un premier film en Europe, il part pour les USA où il tournera l'essentiel de sa filmographie, en particulier des westerns, avant de revenir sur le Vieux Continent. Enfants de Salauds sera sa dernière création avant qu'il ne prenne une longue retraite.
On la cite fréquemment comme l'une de ses plus grandes réussites aux côtés de La Chevauchée des Bannis, La Rivière de nos Amours et L'Homme au masque de cire. Si De Toth n'a pas durablement marqué l'histoire du cinéma, tâchons tout de même de voir ce que ce bonhomme a dans le ventre.
ATTENTION SPOILERS : En Libye, pendant la Seconde Guerre mondiale, les pertes humaines et les dégâts matériels sont considérables. Pour faire amende honorable, le général Blore ordonne au colonel Masters de faire sauter un dépôt de carburant allemand. Afin d'accomplir cette mission, il recrute une bande de criminels, considérés comme seules pertes acceptables. Mais un problème de communication va remettre en cause toute l'expédition.
A la lecture du synopsis, il était évident que tôt ou tard Enfants de Salauds allait débarquer avec ses gros sabots sur Cinéma Choc. N'étant pas du genre à chroniquer des films de guerre, je n'aurais pu faire l'impasse dessus. L'histoire, qui semble conne comme bonjour dans son objectif, est pourtant loin d'une quelconque stupiditéà grand renforts d'explosions. C'est même tout le contraire car la guerre ne voit sa présence que du contexte dans lequel le récit évolue. Ne vous attendez pas à des combats de grande envergure, des soldats mitraillés par dizaines et des Stuka bombardant les zones. De Toth n'est pas du genre à se la jouer façon Le Jour le plus long (que j'ai bien apprécié au passage). Lui préfère l'aventure humaine mais pas celle qui se fait dans la joie, la bonne humeur, la solidarité et l'honneur. Bien au contraire, il va filmer toute la crasse humaine qui peut se contempler en temps de guerre.
Le déshonneur, l'individualisme, l'absence totale d'éthique et j'en passe et des meilleures seront ce qui s'observera de mieux, et ce jusqu'au haut commandement. Il est vrai que le décompte financier des combats peut sembler cruel. Cependant, l'argent est le nerf de la guerre et si un pays engagé en est réduit à une trésorerie de 200 dollars, il se fera tailler en pièces. C'est triste mais c'est ainsi.
En revanche, quel bien triste visage que De Toth fait de ces officiers représentés comme des êtres vulgaires et carriéristes qui ne se gêneront pas pour s'attribuer les mérites des autres et également leurs idées. On ne pourra s'empêcher de lâcher un rire nerveux quand le plus haut gradé reprendra mot pour mot à un autre ce que le moins gradé lui avait proposé avant. Et comme si ça ne suffisait pas, on se contrefout un peu du sort des hommes que l'on sacrifie pour réussir par tous les moyens les missions mises en place qui tiennent plus d'une volonté de prestige que de faire avancer la guerre en sa faveur. Une gueule peu flatteuse des supérieurs, il est vrai, mais n'allez pas croire que notre chair à canon ne soit épargné. En l'occurrence, pas de soldats intègres au programme mais une troupe de mercenaires condamnés pour des délits graves (trafic d'armes, de drogues, meurtres et tutti quanti) qui seront mobilisés pour une importante besogne. Des biens humains sacrifiables auxquels on va rajouter un expert en hydrocarbures inexpérimenté sur le terrain. Pour le reste, leur vie importe peu mais lui doit être ramenéà tout prix au vu de son intellectuel supérieur à la moyenne de ses coéquipiers avec qui il formera une troupe de choc, tout du moins en son genre car l'entente ne sera guère au beau fixe.
Le caractère du capitaine Douglas, le seul à avoir encore une once d'humanité en lui, va s'opposer à celui du capitaine Leech qui n'est intéressé que par le fric. Un désintéressement total de l'amour de la patrie est de mise et même Douglas ne montre pas beaucoup d'entrain à réaliser son objectif. On est en plein dans un nihilisme qui est normalement tout le contraire des soldats dévoués à leur pays et à leur lutte contre les troupes de l'Axe. Mais ce qui frappe véritablement dans Enfants de Salauds est son cynisme radical qui ne fait montre d'aucun respect envers la vie humaine et de distinction. Ce groupe de salauds n'hésite pas à mitrailler de manière la plus normale et absurde des personnes qui ne sont pas nazies. Les mutineries, pillages et même une tentative de viol collectif sont au programme.
Le véritable ennemi n'est pas l'Allemagne mais bien la nature triviale de ces êtres envoyés en mission suicide. Les allemands ne pointeront que très peu leur nez, le danger ne provenant que de leur présence au dépôt à attaquer.
De plus, on tient l'un des premiers films de guerre affichant de manière explicite l'homosexualité de deux combattants, d'origine maghrébine de surcroît. C'est d'autant plus cocasse que cette zone du monde voit la religion musulmane prioritaire et on sait qu'elle ne porte pas dans son coeur ces pratiques. Qu'on se le dise, Enfants de Salauds n'a pas comme cahier de charges de délivrer une liste exhaustive des mauvaises pratiques du soldat sans fond derrière. Il y a une véritable revendication antimilitariste derrière ceci que l'on imputera au passé de De Toth, marqué par toutes les saloperies qu'il a vues en tant que cinéaste mobilisé comme je l'ai mentionné dans l'intro.
Pour ne rien arranger, le finish s'achèvera dans la noirceur la plus totale. Il s'agit de montrer que la guerre n'a rien de bon dans son essence car elle sème la mort partout où elle passe mais, en prime, elle a des mauvais côtés bien plus interpelant à l'origine d'aberrations diverses et variées. Quand on sait que le film ne tient pas de la fiction vu qu'elle s'inspire d'opérations menées par des unités alliées, on a de bonnes raisons de condamner le triste spectacle se déroulant devant nos yeux marqués par un malaise omniprésent.
Cela serait pisser dans un violon que de vous dire qu'il ne faut pas s'attendre à une grande variété des décors se limitant au désert, au désert et toujours au désert. Intelligent, De Toth nous fait prendre conscience du réalisme du terrain avec ses difficultés à rouler dans de bonnes conditions, le climat pas toujours au top, la nécessité de faire des réserves d'eau, les mines dissimulées sous le sable. La présence d'une forte tempête de sable se chargera d'apporter une tension supplémentaire car, au même niveau que les personnages, nous n'avons aucune idée de ce qui peut se tramer à moins de dix mètres d'eux. De manière générale, la lisibilité de l'action est de mise et certains plans du désert libyen valent le coup. Bon, en réalité, le film a été tourné dans le désert d'Almeria en Espagne mais on fait comme si nous ne le savions pas. Pour la bande son, elle ne saute pas aux oreilles, est assez peu présente.
Les mélomanes tiqueront mais ce n'est pas fondamentalement une mauvaise chose en soi. Et pour finir, on peut compter sur un casting de belles gueules impliquées dans leur rôle (à défaut de leur pays dans le film) parmi lesquelles Michael Caine, Nigel Davenport, Nigel Green, Harry Andrews, Patrick Jordan, Daniel Pilon, Martin Burland, George McKeenan et Bridget Espeet.
En conclusion, Enfants de Salauds est indéniablement un très bon film du genre, traitant de manière froide, dérangeante et audacieuse un sujet qui aurait pu être bancal dans les mains d'un réalisateur bateau. Loin de toute bravoure, seule la saleté est maîtresse des lieux. Saleté qui finira par emporter très vite Douglas qui participera à l'une ou l'autre action de violence gratuite. Certes, certains reprocheront un manque de combats et on ne pourra pas leur donner tort. La contemplation des étendues désertiques pourra parfois lasser. On pense à cette trop longue séquence pour hisser les jeeps en haut de la montagne. Il est vrai qu'un manque de rythme pourra se faire sentir et in fine une tension inconstante. Le soft se rattrape malgré tout par sa barbarie psychologique bien supérieure à la moyenne, qui ne redorera pas le blason des forces alliées qui, oui, n'étaient pas toutes mignonnes et humbles.
Au moins, pas de manichéisme qui ne tienne et c'est une excellente chose ! Car il serait puéril de croire que la guerre se résume aux gentils qui ne font que des bonnes actions et aux méchants qui ne font que semer l'apocalypse partout où ils passent.
Note : 14,5/20